Law and order (id.) – d’Edward L. Cahn – 1932
C’est avec une certaine excitation que je me suis plongé dans ce western des premiers temps du parlant, film auréolé d’une réputation assez exceptionnelle auprès des amoureux du genre, notamment aux Etats-Unis. Law and order est-il vraiment ce chef d’œuvre précurseur, qui surnage dans une décennie (les années 30, donc) aussi riche quantitativement que pauvre qualitativement pour le western (jusqu’en 1939, année de la renaissance du genre) ? Eh bien oui et non.
Non, parce que cette variation sur le thème de Wyatt Earp et du règlement de compte à OK Corral (le nom du héros est changé, pas celui du lieu) manque singulièrement de rythme, et reste typique de cette époque sur bien des points, qui tiennent en partie aux difficultés techniques encore rencontrées pour les tournages en extérieur, et à une utilisation très plate du son. Oui, parce qu’il y a là dedans des tas d’idées fortes et originales, qui gardent toute leur singularité près de neuf décennies plus tard.
La démarche hésitante de voyageurs qui viennent de passer des heures à cheval, les quatre amis qui font leur toilette ensemble dans le même récipient, et qui partagent le même lit, un homme qui vérifie sous un matelas qu’il n’y a pas de cafard… Des détails inhabituels qui donnent au film des accents de vérité, et une profondeur exceptionnelle. Difficile de dire à qui on doit ces idées… mais c’est le genre de détails qu’on attribuerait volontiers à John Huston, qui signe l’adaptation du roman original.
C’est l’un des premiers jobs du fiston Huston, qui doit sans doute beaucoup à cette époque à son père Walter, star de ce Law and Order. Il est d’ailleurs excellent, Walter Huston, sombre et taiseux. Avec ses trois comparses (parmi lesquels Harry Carey, qui impose une présence formidable), l’acteur crée une imagerie westernienne qui fera date, jusqu’à aujourd’hui : la manière dont Cahn les filme se mettant en marche vers le règlement de compte final sera repris un nombre incalculable de fois, jusqu’à La Horde sauvage ou Wyatt Earp.
Cette séquence du règlement de comptes est une réussite, qui synthétise à elle seule toute la rudesse, la brutalité et la vérité du film, dans une explosion de violence sèche et impressionnante. La mise en scène d’Edward L. Cahn, réalisateur prolifique qui n’a pas laissé une empreinte très marquante dans l’histoire, est pour beaucoup dans ces qualités, avec ses beaux mouvements de caméra, au plus près de visages marqués et passionnants.
Le film prend de grandes libertés avec l’histoire, et avec le mythe de Wyatt Earp. Le personnage de Doc Holliday a notamment disparu, remplacé par celui de Harry Carey qui n’a pas grand-chose à voir. Le plus célèbre tuberculeux du western est quand même rapidement évoqué sous la forme d’un clin d’œil au début du film, avec ce personnage de Mexicain à la toux inquiétante.
Outre la présence remarquée d’un tout jeune Andy Devine, rigolo dans le rôle d’un pauvre type « fier d’être le premier à être pendu légalement », le film est aussi marqué par le petit rôle (non crédité) de Walter Brennan, dont l’histoire avec Wyatt Earp est loin d’être terminée, puisqu’on le retrouvera quinze ans plus tard dans My darling Clementine, authentique chef d’œuvre cette fois.