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Archive pour la catégorie 'HAWKS Howard'

Seuls les anges ont des ailes (Only angels have wings) – de Howard Hawks – 1939

Posté : 16 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Seuls les anges ont des ailes

Voilà du Hawks pur jus, et du meilleur cru. Disons-le franchement : Seuls les anges ont des ailes est à classer au rang des immenses réussites du gars, à côté de classiques comme Le Port de l’angoisse, et plus encore Rio Bravo. C’est dire. Vingt ans avant son superbe western, Hawks signe avec cette ode à l’aéropostale (trois ans après Brumes) l’un de ces films d’homme comme il les aime tant. Pas un film misogyne, non, mais un film sur un univers purement masculins, où il est bien difficile pour une femme de trouver sa place.

Cary Grant en sait quelque chose, lui qui trimballe derrière un cynisme radical une blessure de cœur causée, on l’apprendra tardivement, par Rita Hayworth. Toute jeune, et déjà d’une beauté foudroyante. Cette douleur, Grant la noie sous un autoritarisme brutal, avec lequel il dirige ce petit aérodrome dans les montagnes, loin semble-t-il de la civilisation. Sa première apparition déconcerte d’ailleurs, l’élégant et rigolard héros de comédies se transformant en aventurier au regard sombre et au blouson de cuir. Même la tigresse Jean Arthur, jeune femme indépendante échouée par hasard dans ce coin paumé aura bien du mal à percer l’armure.

Un univers d’hommes, avec son équilibre si imparfait, bouleversé par l’arrivée d’une femme, puis de deux… C’est peut-être, avec Rio Bravo donc, le plus hawksien de tous les films de Hawks. L’un des plus parfaits, avec son rythme trépidant, et sa construction tellement parfaite qu’elle frise l’abstraction. Les 120 minutes du film coulent avec une évidence absolue, à tel point qu’on en oublie les énormes ficelles scénaristiques…

Un nouveau pilote débarque dans ce microcosme si fermé ? Le hasard veut que ce soit l’homme qui a provoqué par lâcheté la mort du frère de l’un des personnages principaux, le toujours attachant Thomas Mitchell. Et ce nouveau pilote (Richard Barthelmess, qui avait déjà joué les hommes de l’air pour Hawks dans La Patrouille de l’aube) arrive avec sa femme… qui ne peut être que Rita, celle qui a brisé le cœur de Cary.

Improbable, oui, mais qu’importe : seul compte la fluidité, le rythme, et l’émotion toujours contenue, en tout cas jusqu’à un gros plan sur des yeux enfin humides. Seuls les anges ont des ailes est un chef d’œuvre à tous les niveaux : dans la manière de mettre en scène cet univers d’hommes, et d’y confronter deux femmes très différentes, pour la qualité et la simplicité de ses scènes aériennes, mais aussi et surtout pour les moments en creux.

Cette atmosphère si typique des films d’Hawks, cette capacité qu’il a de créer un cocon de bien-être au cœur d’un drame, par la grâce de quelques plans resserrés autour d’un petit groupe, d’une lumière tamisée, et de quelques notes de musique. Un chef d’œuvre, du genre de ce qu’Hollywood peut faire de mieux…

Chérie, je me sens rajeunir (Monkey Business) – de Howard Hawks – 1952

Posté : 3 octobre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Chérie je me sens rajeunir

Au sommet, Hawks, dans cette comédie folle et irrésistible. Quatorze ans après L’Impossible Monsieur Bébé, Cary Grant retrouve l’un de ces personnages lunaires qui lui vont si bien : un scientifique, cette fois encore, ici sur le point de trouver une formule de rajeunissement.

Une idée qui est la promesse de scènes de comédie délirantes et régressives. Hawks en tire effectivement une série de moments hilarants et inventif, au rythme comme toujours parfait.

Mais cette fois, Hawks ralentit la cadence, moins hystérique que son classique de 1938. Le générique, d’ailleurs, semble être une manière de tempérer ses envies de vitesse, avec les plans répétés de Cary Grant sortant de chez lui, et cette voix off qui répète : « Pas maintenant, Cary ! »

Hawks ménage ainsi des moments de pause, qui loin de faire retomber le rythme, mettent en valeur les moments de pure comédie, ceux où Grant et sa femme se comportent alternativement comme des gamins. Lui est hilarant, son fameux flegme mis à mal par les charmes aguicheurs de Marylin Monroe. Elle, jouée par une Ginger Rogers géniale (comme toujours), merveilleux contrepoint de Cary Grant, irrésistible quand elle enchaîne les bêtises d’une gamine de 10 ans.

Sur le papier, Monkey Business s’inscrit dans la lignée de Bringing up Baby. Dans le ton, la maîtrise, et peut-être la maturité, le film confirme et renforce surtout l’impression laissée par I was a male war bride. A vrai dire, l’une des très grandes comédies du cinéma américain. Point.

L’Impossible monsieur bébé (Bringing up Baby) – de Howard Hawks – 1938

Posté : 23 mai, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, BOND Ward, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

L'Impossible Monsieur Bébé

Oui, Howard Hawks a un talent assez extraordinaire pour filmer les dialogues dans ses comédies, avec ces dialogues qui se chevauchent sans le moindre temps mort, et cette manière d’accélérer le mouvement. Cela donne un rythme hallucinant à ce film, comme à toutes ses grandes incursions dans le genre. Oui.

Pourtant, aussi vive et enlevée soit cette comédie, j’ai eu bien du mal à me passionner pour ce vaudeville entre ville et campagne, avec léopards et récits de chasse. Il y a des tas de scènes franchement géniales : celle de la robe arrachée dans le restaurant, la longue séquence de la prison, ou celle du léopard sur le toit, qui m’a franchement fait fondre. Des scènes où on affiche un grand sourire, à défaut de grands rires francs, et où une certaine poésie affleure sous la folie de l’histoire.

Mais cette folie semble aussi par moments trop libre, pas assez maîtrisée, et un peu vaine. Cary Grant est réjouissant en paléontologue distrait et naïf. Katharine Hepburn est un rien exaspérante en héritière fonceuse et totalement in love. Les seconds rôles sont parfaits, pas la moindre baisse de régime, des moments d’anthologie…

Mais alors quoi ? D’où vient ce désintérêt qui va et vient constamment. Pas de l’ennui, non, mais un désintérêt poli, qui donne envie de souffler pour que ce squelette de dinosaure se casse la gueule au plus vite. Peut-être n’étais-je tout simplement pas dans de bonnes dispositions… A revoir pour vérifier.

Rio Lobo (id.) – de Howard Hawks – 1970

Posté : 13 novembre, 2017 @ 8:00 dans 1970-1979, HAWKS Howard, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Rio Lobo

Quatre ans après El Dorado, Hawks fait un ultime baroud d’honneur avec ce western qui sera son tout dernier film. Comme son précédent, celui-ci reprend une partie de la trame de Rio Bravo, avec une nouvelle version du siège d’une prison, dans laquelle se réfugient une poignée de personnages autour du grand héros John Wayne.

Mais les temps ont changé. Le grand héros est devenu un vieux cow-boy bedonnant et « confortable », comme le disent tour à tour les femmes qu’il rencontre. Et il n’y a plus guère que les hommes pour croire que tout est encore comme avant. On est en 1970, l’âge d’or du western est révolu, et tout particulièrement les héros infaillibles comme John Wayne. D’où une étrange sensation d’anachronisme qui se dégage de ce film au budget modeste et à la réussite qui l’est tout autant.

C’est un peu comme si le moule avait été cassé, et que Hawks faisait ce qu’il pouvait pour recoller les morceaux. Oui, les temps ont changé. La remarquable fluidité de Rio Bravo n’est plus qu’un souvenir. Rio Lobo avance son histoire ambitieuse avec une certaine difficulté, comme si plus rien n’était facile. Ce n’est pas pour autant l’oeuvre d’un vieillard sénile et nostalgique : Hawks semble se moquer de lui-même comme il se moque de Wayne, en soulignant ses faiblesses dans des situations qu’il a déjà traversées auparavant.

Surtout, Hawks confronte ces hommes trop fiers pour accepter le changement, à des femmes d’une stupéfiante modernité : trois beaux personnages de femmes fortes et volontaires, aux caractères bien affirmés, qui s’amusent des regards énamourés des hommes et de leur romantisme démodé. Parmi elles : Shery Lansing, qui deviendra plus tard la première femme patronne d’un studio hollywoodien.

Dans ce récit ample aux rebondissements multiples, très loin finalement de la construction épurée d’un Rio Bravo, Hawks réussit en tout cas quelques séquences étonnantes, à commencer par cette épique attaque de train, où les armes utilisées sont de la graisse, un nid de frelons et des cordes tendues… Ou cet étonnant jeu du chat et de la souris entre Nordistes et Sudistes au début du film… Ou encore la savoureuse apparition d’un Jack Elam gentil pour une fois, qui reprend à son compte le rôle de vieux râleur que tenait jadis Walter Brennan.

Allez coucher ailleurs (I was a male war bride) – de Howard Hawks – 1949

Posté : 13 novembre, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Allez coucher ailleurs

On ne dira sans doute jamais assez ce que la comédie américaine doit à Cary Grant. Comme John Wayne avec le western, ou Humphrey Bogart avec le film noir, Grant a en quelque sorte donné ses lettres de noblesse au genre. Il a en tout cas imposé un style qui lui est propre, et qui fait qu’une comédie avec Cary Grant est un genre en soi, avec son propre univers, son propre rythme.

Et dans ce genre, les films que Grant a tourné avec Howard Hawks constituent un ensemble d’une cohérence rare. Cette comédie-ci n’est pas la plus connue du duo. Elle l’est beaucoup moins que les trois classiques qu’ils ont tournés ensemble entre 1938 et 1940 (L’Impossible monsieur bébé, Seuls les anges ont des ailes et La Dame du Vendredi), ou que celui qu’ils tourneront en 1952 (Chérie, je me sens rajeunir). Elle n’en est pas moins formidable.

On peut parler d’une « comédie du remariage », thème très en vogue à l’époque. Ou même de slapstick. Mais c’est surtout une comédie irrésistible et souvent noire estampillée Hawks/Grant. Un petit bonheur qui oscille entre burlesque et critique grinçante de l’administration et de l’armée américaines.

L’étrange titre original vient du clou du film : à la fin de la seconde guerre mondiale, les particularités administratives obligent un officier français (c’est Grant, oui, qu’on a évidemment du mal à imaginer en frenchy, mais qu’importe) à se déguiser en femme pour quitter l’Allemagne et accompagner sa jeune épouse américaine (Ann Sheridan, pétillante) aux Etats-Unis.

Cette séquence n’arrive toutefois qu’après une longue déambulation dans l’Allemagne administrée par les alliés, pleine de rebondissements souvent très drôles, mais entièrement centrée sur les rapports passionnels entre Ann Sheridan et Cary Grant. Le schéma est connu : ils ne se supportent pas, ils sont obligés de cohabiter, ils tombent amoureux… Mais le ton que Hawks donne à cette histoire d’amour est unique.

Les rapports habituels hommes-femmes sont ainsi constamment inversés, avec un Cary Grant qui accepte de bon gré une passivité inattendue. C’est drôle, c’est élégant, c’est fin et c’est parfois fou. De cette folie qui permet de passer d’un pur gag à un sommet de romantisme en quelques secondes, à l’image de cette course folle en side-car qui se termine au cœur d’une meule de foin. Irrésistible.

* DVD dans la collection Hollywood Legends (Fox, ESC éditions), avec une analyse par le critique Jacky Goldberg.

Le Port de l’Angoisse (To have and have not) – de Howard Hawks – 1944

Posté : 27 mai, 2015 @ 5:59 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BOGART Humphrey, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Le Port de l'Angoisse

Il suffit d’une scène pour que ce film, et une jeune actrice débutante baptisée Lauren Bacall par Hawks qui l’a découverte, entrent dans la légende : sa toute première apparition, dans l’embrasure d’une porte, demandant une cigarette à un Bogart qui, tout d’un coup, se retrouve face à son équivalent féminin en matière d’insolence… Et puis une phrase, « You’ll just have to whistle », dont Bacall se souviendra des années plus tard sur la tombe de Bogie.

On est dans le mythe absolu. Du genre qui file des frissons et un sourire béat. Hawks s’est attaqué au roman d’Hemingway jugé inadaptable comme un défi. Pour cela, il a fait appel à un géant de la littérature américaine : William Faulkner, sous contrat à Hollywood et accroc au whisky. Le genre de personnages improbables qui inspireront les frères Coen pour leur Barton Fink.

Son véritable apport au film reste mystérieux (Jules Furthman est également crédité en tant que co-scénariste). Mais on aime penser que c’est à lui qu’on doit le fameux « Was you ever bit by a dead bee ? » lancé par Walter Brennan à tous ceux qu’il rencontre. Etrange interrogation, comme l’appel désespéré d’un alcoolique à l’âme d’enfant, incapable de se plier au cynisme de la société. Magnifique et terriblement émouvant, Brennan semble être le vieux gamin qui scellera l’amour du couple naissant…

L’histoire rappelle celle de Casablanca ? Hawks s’en moque. Contrairement à Curtiz avec son chef d’oeuvre, lui ne s’intéresse qu’à ses personnages, et aux moments de grâce qui naissent autour d’eux, de leur alchimie quasi-magique. On n’est pas dans le romanesque ici, mais dans l’action brute. Bacall et Bogart se font la cour comme ils boxeraient. Et les scènes d’action sont d’une violence sèche implacable : un coup de feu à travers un bureau, une fusillade dans la brume au large, un « civil » tué par une balle perdue…

Comme dans ses plus grands films, Hawks ne s’intéressent qu’à ses moments de magie qui s’enchaînent sans baisse de tension. Sans pour autant négliger une intrigue parfaitement ciselée, et nettement moins opaque que celle du Grand Sommeil, qui réunira une nouvelle fois Bogart et Bacall deux ans plus tard, toujours sur un scénario de Faulkner et Furthman.

Le Sport favori de l’homme (Man’s favorite sport ?) – de Howard Hawks – 1964

Posté : 26 février, 2015 @ 5:53 dans 1960-1969, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Le Sport favori de l'homme

Un peu plus de dix ans après Gentlemen prefer blonds, Hawks renoue avec la comédie, genre qui lui a toujours bien réussi. Et c’est bien la veine de ses grands classiques qu’il retrouve avec ce film enlevé et plein de folie.

Le rôle principal, celui d’un « spécialiste de la pêche » qui n’a en fait jamais taquiner le poisson, et qui se retrouve contraint à participer à un grand concours de pêche, semble tailler sur mesure pour Cary Grant, l’acteur fétiche des premiers temps, celui de La Dame du Vendredi ou L’Impossible M. Bébé. 25 ans après ces classiques, c’est Rock Hudson qui s’y colle, dans un registre sensiblement similaire, l’air tantôt blasé, tantôt étonné, toujours un peu excessif.

Et la star, qu’on a plus l’habitude de voir dans des rôles physiques (pour Walsh) ou graves (pour Sirk), se révèle excellent. Il est surtout un contrepoint parfait à la folie empreinte de fragilité de Paula Prentiss, la véritable âme du film. C’est elle qui donne son rythme au film. Les quelques scènes dont elle n’est pas en pâtissent d’ailleurs : on se surprend à guetter sa réapparition derrière chaque élément du décor.

Hawks n’évite pas les effets burlesques, faisant faire de la moto à un ours des montagnes ou mettant Hudson aux prises avec une armée de seaux dont on se demande bien ce qu’ils font là. Certains gags, d’ailleurs, semblent bien d’un autre temps dans cette comédie du milieu des sixties. Mais le film est la plupart du temps absolument irrésistible, parfois délirant et souvent hilarant.

C’est l’œuvre d’un jeune homme qui n’a rien oublié de ce qu’il a lui-même apporté à la comédie américaine : un sens du rythme et des dialogues qui fusent, plus rapide que la naturel l’exige, et prononcés avec un ton pince-sans-rire qui renforce constamment l’effet comique. Hélas, Hawks signe là, à 68 ans, ses adieux au genre : jamais plus il ne tournera de comédie, consacrant ses derniers efforts à des univers nettement plus machos, le sport automobile (Ligne Rouge 7000) et le western (El Dorado et Rio Lobo).

Rio Bravo (id.) – de Howard Hawks – 1959

Posté : 18 septembre, 2014 @ 2:35 dans 1950-1959, BOND Ward, HAWKS Howard, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Rio Bravo

Bon, ben voilà : Rio Bravo est un chef d’œuvre, immense, parfait, insurpassable, mythique, passionnant et génial. Et j’aurais presque envie d’arrêter là, parce que franchement, il n’y a pas la moindre nuance à apporter à ce monument du western, peut-être le sommet du cinéma hawksien.

Dès la longue séquence d’introduction, muette et magistrale, le ton est donné : dans le décor unique d’une petite ville de western tout ce qu’il y a de classique, Hawks nous invite à une déambulation extraordinaire à travers les codes du genre, qui replace le langage cinématographique et la force de l’image au cœur du film, comme à l’apogée du cinéma muet. L’utilisation du son en plus…

L’histoire est on ne peut plus classique : un shérif a arrêté un membre d’une puissante famille prête à tout pour le sortir de prison, et ne peut compter sur l’aide que d’un alcoolique et d’un vieil éclopé. Une trame au cœur de nombreux westerns, ce qui n’est pas un hasard : Rio Bravo est la réponse de Hawks à High Noon, que le cinéaste avait détesté, critiquant ouvertement le comportement du shérif interprété par Gary Cooper, qui passait son temps à quémander de l’aide auprès des habitants qu’il est censé protéger.

Hawks, lui, a une vision nettement plus virile et héroïque du western. Son héros, John T. Chance, ne pouvait donc pas être interprété par un autre que John Wayne. Dans un rôle qui pourrait être la caricature de tous ceux qu’il a tenu auparavant, Duke est absolument impérial, dans un rôle qui est pourtant, sur le papier, loin d’être le plus intéressant du film.

Dean Martin est sublime en ancien homme de loi ravagé par sa dépendance à l’alcool. Ricky Martin, malgré ses airs de jeune star en vogue, est lui aussi parfait dans la peau d’un jeune cow-boy posé. Angie Dickinson est belle à damner en femme libre et amoureuse. Et Walter Brennan, bien sûr, est fabuleux, irrésistible en vieux grincheux aux mimiques irrésistibles.

Chacun d’entre eux trouve le rôle de sa vie dans ce film, où tout sonne juste, tout est d’une fluidité extraordinaire, tout arrive comme une évidence. Pourtant, il ne se passe pas grand-chose dans Rio Bravo : malgré quelques rares éclats de violence, le film se résume dans sa plus grande partie à une interminable attente, se concentrant sur les allers et venues et sur les petits riens que vivent une poignée de personnages acculés.

Et le film est passionnant. Car ces temps morts qui font l’essentiel de Rio Bravo regorgent de vie. A travers ces quelques personnages, Hawks semble condenser les drames humains de toute une vie, et donne corps aux grandes figures de l’Ouest. Tout ça avec une grande simplicité, et dans un quasi huis-clos, ne sortant jamais de l’enceinte de cette petite ville, dont les décors sont formidablement utilisés.

On a tout dit sur cette image extraordinaire de la goutte de sang dans le verre de bière. Des séquences mythiques comme celle-là, il y en a tout au long de ce film d’une intensité incroyable. Durant ces quelques jours d’attente, une romance impossible qui se noue, un alcoolique qui lutte contre ces démons, des amitiés qui se nouent, qui se révèlent dans la durée. C’est une sorte de comédie humaine, y compris dans les moments les plus anodins. Jusqu’à l’apogée, une parenthèse dans ce western tendu. Hawks, profitant de la présence de deux acteurs stars de la chanson, fait une pause inattendue dans son récit, et permet à Dean Martin et Ricky Nelson de pousser la chansonnette. Une bulle de bien-être, qui est l’un des plus beaux passages de ce film merveilleux, un film magique grâce à un metteur en scène en état de grâce, qui réussit à trouver l’alchimie en toute chose.

L’Insoumise (Fazil) – de Howard Hawks – 1928

Posté : 30 août, 2014 @ 5:27 dans 1920-1929, FARRELL Charles, FILMS MUETS, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

L'Insoumise

La fascination pour l’Orient et les peuples arabes a donné naissance à de nombreux films, à la fin des années 20 et dans toute la décennie suivante. En France surtout, le thème est devenu quasiment un genre en soi, emprunté par les plus grands cinéastes comme Duvivier ou L’Herbier. Fazil est une production hollywoodienne, tourné pour la Fox par un Hawks à la fin de sa période muette, mais l’inspiration est bien européenne : le film est l’adaptation d’une pièce de théâtre française à succès.

Hawks en tire pourtant une œuvre assez personnelle. On y retrouve déjà son génie pour donner un dynamisme fou à ses intrigues (c’est ce qui frappe en premier lieu ici : la vie qui semble exploser à chaque plan), et son goût immodéré pour les femmes libres et fortes, qui seront de tous ses grands succès, de His Girl Friday à Rio Bravo.

Il y a bien quelques clichés bien éculés et parfaitement assumés : un coup de foudre à Venise alors qu’un gondolier chante une chanson d’amour ; Paris capitale de l’amour et de la légèreté ; et une vision un rien caricaturale du peuple arabe. Mais la caricature n’a rien de foncièrement outrancier, et le regard occidental de Hawks sur ce peuple aux coutumes si différentes n’a rien de condescendant.

C’est même tout le thème de ce film qui ose un parti pris plutôt rare dans le cinéma de l’époque comme dans celui des décennies suivantes : cette histoire d’amour entre une occidentale éprise de liberté et un prince arabe attaché aux traditions de son pays est une romance absolue, mais qui se heurte à la réalité, et à l’incompatibilité de ces deux cultures. Une sorte de Roméo et Juliette mâtinée de géopolitique…

Greta Nissen a une beauté insolente qui colle parfaitement à son personnage de femme libre. Charles Farrell est lui aussi parfait, même si on se demande bien ce qui a poussé Hawks à lui confier le rôle d’un Arabe.

Difficile, dans la partie européenne du film, de ne pas penser aux grands chefs d’œuvre que Farrell a tourné pour Borzage, tant l’acteur est à jamais marqué par ces rôles. Mais la partie arabe est plus surprenante. Le film y révèle toute sa particularité et sa richesse, à la fois follement romantique et cruellement conscient du monde.

El Dorado (id.) – de Howard Hawks – 1966

Posté : 7 octobre, 2013 @ 2:45 dans 1960-1969, HAWKS Howard, MITCHUM Robert, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

El Dorado (id.) – de Howard Hawks – 1966 dans 1960-1969 el-dorado

Curieuse fin de carrière pour Hawks, dont les deux derniers films sont des westerns qui déclinent les thèmes de Rio Bravo. Avant Rio Lobo, dont l’histoire en sera tout de même plus éloignée, El Dorado peut même être considéré comme le remake officiel de son chef d’œuvre de 1959. John Wayne qui fait équipe avec un alcoolique, un vieillard, un gamin et une belle jeune femme dans une prison assiégée… on a déjà vu ça quelque part.

Mais Hawks réussit un petit miracle. Sans être totalement aussi abouti que Rio Bravo, El Dorado, malgré tous les points communs avec son modèle (jusqu’à la fameuse goutte de sang dans la bière, remplacée par un piano aux fausses notes), évite toute sensation de redite. D’où cela vient-il ? Du fait que les rôles sont inversés peut-être : cette fois, c’est le shérif qui est alcoolique. Du fait, aussi, que seul Wayne reprend du service : Dean Martin est remplacé par Robert Mitchum, qui donne une autre dimension à son personnage.

Mais la vraie originalité vient peut-être du fait que, cette fois, la ville est clairement filmée dans son environnement. Dans Rio Bravo, Hawks n’en sortait jamais. Ici, il n’arrive à ce qui correspond au début de son précédent western qu’après un long prologue dans les vastes plaines environnantes, qui nous fait voyager d’une ville à l’autre. Dès le générique, d’ailleurs, suite de dessins représentant des cow-boys au travail, des attaques d’Indiens ou des caravanes sur les chemins, Hawks place son western sous le signe des grands espaces.

Cela peut sembler anecdotique, mais ce choix donne un ton différent au film, et une autre vérité aux personnages, dont on ressent la fatigue et la lassitude. John Wayne, dans un rôle apparemment semblable à celui de John T. Chance, n’est plus tout à fait le même. En sept ans, il a pris du poids, et un vrai coup de vieux. Il paraît plus fragile, moins « magnifique ». Et puis Hawks qui adjoint un vrai partenaire, un jeunôt lui : c’est James Caan, que le cinéaste avait déjà dirigé dans son précédent film, Ligne rouge 7000, et qui apporte une fraîcheur et un dynamisme qui tranchent avec la lassitude des personnages de Wayne et Mitchum.

Rio Bravo était un pur bonheur de cinéma, l’un de ces films mythiques totalement hors du temps. El Dorado est plus imparfait, mais aussi plus complexe, abordant plus cruellement les signes du temps qui passe.

• Le film vient de sortir en blue ray chez Universal. La qualité est irréprochable, mais par le moindre bonus à l’horizon.

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