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Archive pour la catégorie 'LIVRES'

LIVRE : Bernard Blier, un homme façon puzzle – de Jean-Philippe Guérand – 2009

Posté : 25 septembre, 2023 @ 8:00 dans LIVRES | Pas de commentaires »

Bernard Blier, un homme façon puzzle

Bernard Blier est le plus grand acteur du cinéma français. Oui, cette affirmation est sujette à débat, et je pourrais moi-même me rétorquer que Gabin et Jouvet, c’est pas de la merde non plus. Qu’il y a aussi Raimu, Jean Rochefort, Harry Baur et Kev Adams… Ah non, pas Kev Adams (tiens : je n’avais jamais écrit « Kev Adams » sur ce blog, voilà qui est fait trois fois !).

Mais je l’affirme tout de même avec force et avec cœur : Bernard Blier est le plus grand acteur du cinéma français. Parce qu’il est génial dans la grandiloquence comme dans le pathétique, dans le comique comme dans le tragique, dans des premiers rôles comme dans des panouilles…

Qu’importe finalement l’importance et la nature du rôle, il est immense. Petit rôle dans Hôtel du Nord ou rôle central dans Quai des Orfèvres. Grotesque dans Les Tontons flingueurs ou dramatique dans Le Septième Juré… la même présence, la même intensité, toujours le même et toujours différent dans sa manière de dire les dialogues.

Sur ce point au moins, il est le digne héritier de Louis Jouvet, son maître et ami, dont il restera jusqu’au bout le disciple, mais un disciple qui a su très tôt prendre son propre chemin, passant des petits rôles aux personnages de premiers plans avant de privilégier volontairement des rôles plus secondaires dans la dernière partie de sa carrière. Inégale, mais passionnante de bout en bout.

Le biographie que lui consacre Jean-Philippe Guérand est à la hauteur de ce parcours unique à travers une grande partie du cinéma français du XXe siècle. Un beau portrait d’homme aussi, documenté et humain, dont on découvre l’enfance, les amitiés, les rencontres fondatrices, la passion pour la montagne ou les livres. Un homme beau, dont ce livre donne une furieuse envie de revoir les films…

LIVRE : Henri ou Henry – de Didier Decoin – 2006

Posté : 1 avril, 2023 @ 8:00 dans DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Henri ou Henry

Une petite frustration : le peu de place que Didier Decoin accorde au cinéma de son père. Il est question de Danielle Darrieux bien sûr, avec qui Decoin père a formé l’un des plus beaux couples du cinéma français. Mais Si Didier parle de Danielle, c’est avant tout pour évoquer son père en tant qu’éternel amoureux.

Homme à femmes, Henri ? L’homme a enchaîné les conquêtes, mais son fils souligne surtout le fait que pour lui, chaque femme a été le grand amour d’une vie. Un amoureux total, qui envisageait chaque relation comme celle qui l’accompagnerait jusqu’à son dernier souffle.

Un homme entier, passionné, multiple… Decoin fils évoque le parcours de Decoin père (avant qu’il devienne père, et avant qu’il devienne cinéaste). Tanneur de fourrures quand il était minot, grand nageur sélectionné aux Jeux Olympiques de 1912, militaire durant la Grande Guerre, journaliste sportif… le livre de Didier Decoin évoque l’incroyable parcours d’un homme qui semble avoir eu mille vies avant de devenir celui que la postérité a retenu.

Parcours fascinant, livre passionnant, dans lequel l’actuel président de l’Académie Goncourt signe une déclaration d’amour enthousiasmant à ce père disparu depuis si longtemps, livrant l’image d’un homme bien, d’un passionné, d’un père aimant. Parmi les surprises, notons le film mort-né que Henri et Didier ont failli faire ensemble. Un épisode de leur vie commune que l’on découvre avec beaucoup d’émotions…

LIVRE : Louis Jouvet – d’Olivier Rony – 2021

Posté : 26 novembre, 2022 @ 8:00 dans LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Louis Jouvet

Il y a des biographes qui délayent commentent longuement pour combler des vides, des lacunes… Et il y a Olivier Rony, déjà auteur d’un livre de référence sur Jules Romains, qui signe la biographie définitive sur le plus fidèle interprète de l’auteur de Knock. Ce Louis Jouvet est à l’image de ce titre si dénué d’artifice : il est précis, complet, total, et dénué de toute lacune. Si, si.

C’est en tout cas le sentiment que l’on a à la lecture de ces 375 pages incroyablement denses. C’est bien simple : il n’y a pas une phrase sans une information. Le livre s’ouvre sur la naissance du petit Louis Jouvet, se referme sur sa mort soixante-quatre ans plus tard. Entre les deux : le quotidien d’un homme qui a placé le théâtre au cœur de sa vie, travaillant sans s’accorder de repos jusqu’au tout dernier instant.

Fascinant parcours de cet homme dont la vie semble réellement commencer avec sa découverte du théâtre, dont Olivier Rony détaille les rencontres, les influences, les amitiés, les amours. Et les projets théâtraux surtout, dont on découvre les coulisses avec un sens du détail fascinant : les échanges avec les auteurs, les doutes, les problèmes de décors, les choix de mise en scène…

Le livre est si bien documenté qu’il nous donne le sentiment d’être dans la salle, ou sur le plateau, ou dans les loges. Bref, aux côtés du maître, dont on partage la flamme et les colères. L’homme n’est pas oublié : son premier mariage, son histoire d’amour avec Madeleine Ozeray, mais aussi son attitude ambiguë durant les années d’Occupation, qu’il a passées en tournée sur le continent américain.

Le cinéma occupe dans le livre la place qu’il occupait vraisemblablement dans la vie de Jouvet : relativement annexe. Non pas qu’il méprisait les films : on sent chez lui un vrai plaisir à s’autoriser ces distractions. Mais un plaisir qu’il s’autorise avant tout pour financer ses productions théâtrales. Rony accorde toutefois quelques beaux passages à une poignée de chefs d’œuvre (Hôtel du Nord ou Quai des Orfèvres notamment), écartant en quelques lignes d’autres jugés moins importants (l’éternellement sous-estimé Les Amoureux sont seuls au monde).

La dernière partie du livre est peut-être la plus belle. La santé déclinante de Jouvet, la disparition successive de plusieurs proches très importants dans son parcours (Jean Giraudoux d’abord, puis Jacques Copeau et Charles Dullin coup sur coup)… La mort hante le comédien dans les derniers mois de sa vie. La manière dont Olivier Rony raconte ses derniers instants, avec cette précision qu’il a adoptée dès la première page, est bouleversante.

LIVRE : 5e Avenue, 5 heures du matin : Audrey Hepburn, Diamants sur canapé et la genèse d’un film culte (Fifth Avenue, 5 A.M. : Audrey Hepburn, Breakfast at Tiffany’s, and the Dawn of the Modern Woman) – de Sam Wasson – 2010

Posté : 9 décembre, 2021 @ 8:00 dans LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE 5e Avenue 5 heures du matin

L’objet, pour commencer, est magnifique : couverture épaisse et élégante, papier glacé qui évoque les grands magazines américains, et ce générique qui nous dévoile dans les premières pages les lieux de l’intrigue et les personnages principaux. On y croise Truman Capote, Audrey Hepburn, Billy Wilder, Hubert de Givenchy et même Colette… De quoi donner envie de plonger dans ces pages.

Le livre de Sam Wasson ne ressemble pas aux habituels récits de tournage. C’est normal : c’est bien plus que ça. C’est un peu le destin croisé d’Audrey Hepburn et de Holly Golightly, le personnage qu’elle incarne dans Diamants sur canapé, adaptation mythique et en demi-teinte du superbe Breakfast at Tiffany’s de Capote.

Simple et épuré, et pourtant formidablement ambitieux, le livre tire mine de rien les innombrables ficelles qui toutes convergent vers la sortie du film en 1961. Cela implique donc l’écriture du roman, les rapports (difficiles) de Capote avec Halloween, les trahisons des producteurs et des scénaristes, le choix de Blake Edwards et son penchant pour le burlesque (peut-on vraiment lui pardonner le personnage de Michey Rooney?), et bien sûr Audrey Hepburn.

La personnalité de Miss Golightly est centrale. Celle d’Audrey Hepburn l’est tout autant : ce rôle qui lui est indissociable plus qu’aucun autre, et pour lequel on n’imaginerait pas une autre actrice aujourd’hui, était pourtant loin d’être une évidence pour elle, incarnation même de la jeune fille douce qui se retrouve dans la peau d’une jeune femme qui vit de ses charmes (pour rester aussi prude que l’est le film). Un rôle en tout cas qui marquera sa carrière et sa vie.

Sam Wasson a un style, une manière d’aller à l’essentiel dans des chapitres courts et percutants. Son livre est d’autant plus attachant que l’auteur n’amoindrit pas les défauts flagrants du film, et des personnages que lui met en scène. Mel Ferrer, encore marié à Audrey Heburn, en fait les frais. Michey Rooney aussi. Wasson égratigne aussi gentiment Blake Edwards, et Truman Capote lui-même. Mais c’est surtout George Peppard qui en prend pour son grade. Transparent à l’écran, et imbu de sa personne sur le plateau, pour faire simple.

LIVRE : Frank Borzage, un romantique à Hollywood – d’Hervé Dumont – 1993/2013

Posté : 15 juin, 2019 @ 8:00 dans BORZAGE Frank, FARRELL Charles, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Frank Borzage un romantique à Hollywood

Voilà sans doute la meilleure façon de découvrir l’univers d’un cinéaste, de vraiment le découvrir : enchaîner en trois ou quatre mois 35 de ses films, tout en lisant un pavé de 1000 pages qui lui est consacré. Le voyage a en tout cas été passionnant, et je l’écris ici pour la postérité : Frank Borzage est un cinéaste immense, peut-être le plus grand de tous les grands cinéastes mésestimés.

Il y a bien longtemps que j’aime passionnément ses grands chefs d’œuvre muet avec le couple Janet Gaynor-Charles Farrel. Mais quelle découverte, quel voyage fascinant : ses débuts en tant qu’acteur puis réalisateur de petits westerns déjà très intéressants (The Pilgrim), ses premières œuvres personnelles (The Circle), son premier âge d’or (Seventh Hour), mais aussi le passage au parlant (They had to see Paris).

Et ces extraordinaires années 30, émaillée d’immenses chefs d’œuvre (Man’s Castle, Three Comrades), et d’une richesse inépuisable. Rien à jeter, ou presque, dans cette décennie, où même ses films considérés comme mineurs (Shipmates forever) recèlent des moments de pure magie, sans même compter tous les bijoux méconnus, trop vite oubliés (Living on velvet, Stranded, Big City…).

A vrai dire, sa carrière reste passionnante de bout en bout. Ses années 40 sont souvent méprisées ? A tort : même si les grands chefs d’œuvres sont plus rares, le plus romantique des cinéastes hollywoodiens a toujours ce don pour faire naître une émotion immense, et pour filmer l’intimité naissante entre ses personnages. Et quel directeur d’acteur, qui tire le meilleur de ses comédiens, de Deanna Durbin (His butler’s sister) à Van Heflin (Seven Sweetheart).

Bref, une mine inépuisable pour Hervé Dumont, qui signe l’ouvrage de référence sur Borzage. Moins une biographie à proprement parler qu’une étude détaillée de sa filmographie. Sans doute est-ce dû à la discrétion du cinéaste, Dumont ne s’attarde qu’à de rares occasions sur des épisodes personnelles de sa vie, ne livrant que très peu d’anecdotes. Trop peu à mon goût d’ailleurs : c’est uniquement à travers ses films qu’on découvre l’homme.

A une exception près quand même : Dumont s’intéresse longuement, très longuement, à l’appartenance de Borzage à la franc-maçonnerie, dont il fait le socle de toute la filmographie du cinéaste, en tout cas dans sa première moitié. Quitte à surinterpréter certains de ses films, sans doute.

Cela dit, le livre de Dumont est d’une grande précision sur le travail de Borzage, détaillant longuement les films majeurs du cinéaste (à tel point qu’il vaut mieux avoir vu les films, pour ne pas s’en gâcher le plaisir), balayant un peu trop vite certaines œuvres plus mineurs, en réhabilitant d’autres… Pas la plus intime des biographies, mais un livre important pour plonger dans l’œuvre si méconnue d’un si grand cinéaste.

LIVRE : Mireille Balin, la star foudroyée – de Frank Bertrand – 2014

Posté : 18 janvier, 2019 @ 8:00 dans LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Mireille Balin La star foudroyée

Est-ce le regard de Mireille Balin, ses lèvres qui esquissent un sourire, ou ce corps qu’elle met en valeur avec une liberté évidente ? Les photos que l’on trouve dans ce livre sont fascinantes, comme si l’actrice, les yeux tournés vers l’objectif, lançait un défi à quiconque oserait la juger…

Mireille Balin, c’est l’une des grandes actrices oubliées du cinéma français. Deux fois partenaire de Jean Gabin (Pépé le Moko et Gueule d’amour), dont elle fut la maîtresse avant d’être celle de Tino Rossi, la jeune femme a eu la mauvaise idée de tomber amoureuse d’un officier allemand pendant l’occupation, et de ne pas même chercher à faire profil bas. Elle fut donc l’une des grandes victimes de l’épuration : enfermée et violée à la libération, l’homme de sa vie sans doute assassiné (son corps n’a jamais été identifié), elle terminera sa vie seule et miséreuse…

Une destinée tragique que Frank Bertrand (auteur qui vient de mourir) évoque avec une passion communicatives. Plutôt qu’une biographie traditionnelle, La star foudroyée est bien une évocation de cette vie fulgurante, sous la forme d’une enquête, autour de seize cahiers écrits par un personnage-prétexte et retrouvés par hasard par le narrateur, qui découvre en même temps que le lecteur le pouvoir de fascination de la Balin.

Quel personnage ! Femme libre, femme détachée aussi, sans doute, pour le meilleur et pour le pire. Mireille Balin traverse sa carrière de star naissante comme elle traversera sa déchéance à venir : avec un détachement dont on ne sait s’il relève de la fierté ou d’une certaine indifférence à son propre sort. Un beau livre en tout cas, dont on ressort avec un vrai sentiment de révolte, et une envie de revoir ses grands films…

LIVRE : Martin Scorsese, mes plaisirs de cinéphile – collectif – 1998

Posté : 7 janvier, 2019 @ 8:00 dans LIVRES, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

LIVRE Martin Scorsese mes plaisirs de cinéphile

Un petit livre passionnant qui se picore ou se dévore, au choix, mais avec gourmandise : la même gourmandise avec laquelle Scorsese évoque son travail, ses collaborations ou ses plaisirs de cinéphile, pour reprendre le titre du livre. Un livre qui est en fait une sorte de compilation de textes et entretiens parus dans Les Cahiers du cinéma entre 1995 et 1998, essentiellement à l’époque de Casino et de son documentaire fleuve Voyage à travers le cinéma américain.

Scorsese sait parler de son cinéma mieux que la plupart des autres cinéastes. Il sait aussi parler du cinéma en général mieux que quiconque, avec une manière toute personnelle en tout cas, en mettant constamment ses expériences de spectateur en parallèle avec sa vie et son environnement. Ce pourrait être égocentré, mais c’est passionnant, parce que ça dit beaucoup de ses propres films, de ses propres recherches formelles et thématiques.

Scorsese évoque sa collaboration privilégiée avec DeNiro, film après film. Il rend hommage à d’autres grands noms du cinéma, à l’occasion de leur disparition ou de programmations qui leur sont dédiées : d’Ophüls à Hitchcock en passant par Orson Welles ou Abel Ferrara, ce qu’il dit de ces cinéastes éclaire toujours sa propre vision de cinéaste. La manière dont il met en parallèle James Stewart et Robert Mitchum, disparus à quelques jours d’intervalle, est également brillante.

Que les textes (écrits par Scorsese lui-même ou par d’autres, comme ce passionnant entretien sa monteuse Thelma Schoonmaker) parlent des films de Scorsese ou du cinéma qui l’a marqué, il y a toujours cette même capacité à évoquer des images nettes et des plaisirs de cinéphiles, qui reviennent page après page. L’art du réalisateur est abordée avec force et passion.

La place du cinéphile aussi, et c’est assez fascinant de voir tout ce qui a changé depuis une vingtaine d’années. En cette fin des années 90, Scorsese évoque longuement la difficulté de découvrir certains réalisateurs un peu oubliés comme Anthony Mann, Phil Karlson ou d’autres. En creux, ces constats disent beaucoup sur l’évolution récente de la cinéphilie, due notamment à l’explosion du DVD dans un premier temps. Les propos de Scorsese ne perdent pourtant rien de leur pouvoir évocateur. Et ce livre donne une furieuse envie de revoir tous ses films, et tant d’autres…

LIVRE : Mon tour du monde (A Comedian sees the world) – de Charles Chaplin – 1933-1934

Posté : 23 mars, 2018 @ 8:00 dans CHAPLIN Charles, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Mon tour du monde

En 1931, après avoir mis la dernière main aux Lumières de la Ville, Chaplin décide de s’accorder des vacances. A Londres d’abord, où il se livre à une sorte de pèlerinage sur les traces de sa jeunesse, comme il l’avait fait une première fois dix ans plus tôt. Puis à travers une Europe en crise, en Afrique du Nord, et en Asie. Son voyage durera près d’un an et demi, dont il raconte les moments les plus marquants dans ce livre, publié dès 1933-1934 en cinq épisodes, dans le magasine Woman’s Home Companion.

Plusieurs décennies avant sa belle autobiographie (qu’il me tarde de relire, du coup), Chaplin y révèle déjà un vrai talent d’écrivain. Il s’y livre aussi avec beaucoup de sensibilité, et une conscience fascinante de ce qu’il représente. Sans fausse modestie non plus : il y décrit les incroyables comités d’accueil qui l’attendent à peu près à chaque étape avec un joli mélange de gêne et de satisfaction, ne cachant même pas une certain surprise lorsque le comité est juste important, et pas démesuré !

Chaplin s’offre aussi quelques belles digressions sur son passé, ou sur sa découverte de la notoriété. Il émeut dans les premières pages avec le récit de cet amour de jeunesse dont il pensait retrouver la trace et dont il apprend qu’elle est morte. En quelques pages, ce mythe absolu révèle ses blessures, avec une pudeur extrême. L’émotion est alors immense, comme lorsqu’il raconte son retour dans cet orphelinat où il a passé deux années difficiles, mais qu’il retrouve avec un regard tendre et ému.

On sent que ce livre, comme ce voyage, est l’œuvre d’un homme qui a enchaîné les projets et les déconvenues amoureuses depuis dix ans, une star qui a besoin de se poser, de retrouver quelque chose de son identité profonde, de son humanité dans ce qu’elle a de plus simple, de l’enfant et du jeune homme qu’il fut en d’autres temps. Le lien qu’il a avec son enfance pourtant si difficile est centrale, dans la première partie du livre.

Au cours de son voyage, Chaplin rencontre aussi à peu près tout ce que le monde de 1931 compte de personnalités qui comptent. On apprend ainsi qu’il était avec Einstein lors de l’avant-première des Lumières de la Ville. On surprend aussi une discussion avec Gandhi autour des machines et de l’industrialisation, dont on se dit qu’elle a compté dans la volonté de Chaplin de tourner Les Temps modernes.

Après dix ans « enfermé » à Hollywood, Chaplin semble ouvrir les yeux sur les réalités du monde de 1931, découvrant des pays et des peuples en plein doutes, en pleine transition. Ce voyage change le regard du cinéaste, dont les films ne seront plus jamais les mêmes. Jusqu’à présent, Chaplin était intemporel. Désormais, des Temps modernes au Roi à New York en passant par Le Dictateur, il sera totalement ancré dans son époque.

C’est sans doute en cela que le livre est le plus fascinant : en ce qu’il dit de la maturation de Chaplin, qui lui-même n’en a sans doute pas encore conscience lorsqu’il écrit. Le lire en connaissant son histoire à venir ne manque pas de piquant. Comme lorsqu’il écrit : « Je n’ai jamais été attiré par la Suisse, ayant une aversion pour les paysages montagneux. » S’il savait…

LIVRE : Continental Films, cinéma français sous contrôle allemand – de Christine Leteux – 2017

Posté : 17 février, 2018 @ 8:00 dans 1940-1949, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Continental Films

Non contente d’animer un blog amoureux dédié au cinéma muet, Christine Leteux s’est aussi faite remarquer en signant une passionnante biographie de Maurice Tourneur. Et voilà que, dans le prolongement de son précédent livre, elle livre le premier recueil racontant l’histoire de la Continental, cette firme allemand qui produisait des films français, et dont Tourneur fut l’un des grands réalisateurs (notamment avec La Main du diable, classique du fantastique français).

Son livre suit grosso modo la chronologie de la firme, créée en 1940 et qui ne survit pas à la Libération de la France, mais en adoptant une construction par chapitres qui s’autorise quelques allers-retours dans le temps, toujours pour mieux appréhender l’atmosphère si particulière qui régnait au sein et autour de cette compagnie qui dominait alors le cinéma français. Surtout, c’est la figure d’Alfred Greven qui sert de fil conducteur au récit. Ce producteur allemand fut sans doute un proche du régime nazi, mais la personnalité complexe que révèle Christine Leteux est avant tout celle d’un fervent amoureux du cinéma, tellement coupé des réalités politiques et humaines de l’époque qu’il crut pouvoir rester en place après 1944…

Christine Leteux raconte comment la compagnie s’est créée dès octobre 1940 avec l’ambition de faire travailler les plus grands noms du cinéma français. Son incroyable travail de recherche l’a amenée à découvrir les dossiers d’épuration de nombreuses personnalités du cinéma, établis lors des enquêtes menées à partir de 1944, et qui sont des mines d’informations jusqu’alors inédites. Les témoignages qu’elle a ainsi pu retrouver, livrés quelques années à peine après les faits, permettent de redécouvrir cette période que l’on pensait connaître, et qu’elle débarrasse de pas mal d’idées reçues.

Prenons le fameux voyage à Berlin, dont on a pas mal reparlé à l’occasion de la mort de Danielle Darrieux. Beaucoup ont alors rappelé la position pour le moins ambiguë de la star féminine numéro un de l’époque. Mais Christine Leteux rappelle que la plupart de ceux qui ont participé à ce voyage en 1942 n’avait guère le choix, et que Danielle Darrieux n’a accepté de « jouer le jeu » que pour avoir l’occasion de voir son fiancé, le diplomate dominicain Porfirio Rubirosa, alors interné en Allemagne.

Christine Leteux livre un formidable travail de journaliste, dans le sens où elle ne tombe jamais dans la facilité de la condamnation ou de la glorification a priori. Seuls les faits l’intéressent, et c’est une peinture très nuancée et parfois surprenante du milieu du cinéma qui s’en dégage. Albert Préjean, qui fut du même voyage de 1942, apparaît ainsi comme un homme un peu coupé des réalités.

Quant à Pierre Fresnay, autre figure incontournable de la Continental est un homme bien plus complexe qu’on l’a dit : tout en travaillant sans rechigner pour les Allemands, et en louant l’action du Maréchal Pétain, il n’hésite pas à prendre la défense d’un jeune Juif dont il sauve probablement la vie. Son réalisateur de L’Assassin habite au 21, Clouzot, occupe lui aussi une place importante dans le livre. Quoi de plus normal : Clouzot fit ses débuts derrière la caméra pour la Continental, et signa le plus grand chef d’œuvre de cette période, Le Corbeau, film que certains Résistants lui reprochèrent longtemps.

Mais lui comme d’autres échappent à toute caricature : Christine Leteux rappelle que les cinéastes et comédiens qui ont tourné pour la Continental ont veillé à ce que leurs films ne soient jamais utilisés à des fins de propagande. C’est d’ailleurs l’une des idées reçues qui éclatent littéralement à la lecture du livre, et que la correspondance de Goebbels vient même confirmer.

Il y a bien quelques salauds, à commencer par le réalisateur Léo Joannon, sale type qui n’hésite pas à profiter de la situation pour voler un scénario. Christine Leteux évoque aussi l’hypocrisie d’un Fernandel qui refusera d’assumer ses choix à la Libération, et qu’un beau-frère assez abject rend plutôt antipathique. Il y a aussi les hommes et les femmes qui font tout pour ne pas tourner pour la Continental, comme Marcel Carné qui fut l’une des premières « prises » mais n’a tourné aucun film pour la firme, ou Henri Decoin qui cherchait à se défaire de son contrat.

Et puis il y a le cas Harry Baur, édifiant, terrifiant. Enrôlé malgré lui, victime d’a priori d’à peu près tous les côtés, le géant Harry Baur a été le héros du premier film Continental (L’Assassinat du Père Noël). Il en a été aussi la plus grande victime, lui qui mourra suite aux sévices reçus en détention. Sa mort a toujours été entourée d’un grand mystère. Sur la base des documents qu’elle a été parmi les premières à pouvoir étudier, Christine Leteux révèle la triste vérité, et la fin déchirante d’un monstre du cinéma.

C’est un livre absolument passionnant que signe Christine Leteux, formidablement documenté et toujours à hauteur d’hommes. La somme définitive sur l’une des périodes les plus étonnantes du cinéma français.

* « Continental Films, cinéma français sous contrôle allemand », de Christine Leteux, est publié dans la collection La Muse Celluloïd de La Tour Verte.

LIVRE : Le Fils du chiffonnier – de Kirk Douglas – 1987

Posté : 23 octobre, 2017 @ 8:00 dans DOUGLAS Kirk, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Le fils du chiffonnier

A 70 ans, après une vie et une carrière bien remplies, Kirk Douglas se décide à écrire ses mémoires. Le succès d’édition est colossal, et rappelle à beaucoup à quel point l’acteur a une filmographie impressionnante, et le rôle qu’il a joué dans l’histoire du cinéma hollywoodien. Le livre dévoile aussi l’intimité de ce fils d’immigré, son enfance misérable, son ascension incroyable… Une sorte de personnification du rêve américain.

A l’époque, il est plutôt sur la pente descendante, voire même en fin de carrière : il vient de retrouver son pote Burt Lancaster pour un ultime baroud d’honneur (Coup double), et ne tournera plus qu’une poignée de films. Mais l’ombre de Spartacus est toujours bien présente, et Kirk Douglas jouit d’une réputation unique : celle d’un acteur devenu très tôt producteur, qui a pris sa carrière en main pour imposer ses choix, quitte à avoir l’image d’un tyran.

Douglas ne cache rien de ses excès et de ses exigences. Sans la moindre fausse modestie, il revendique avec une pleine conscience ses talents d’acteur, son quasi statut de chef d’entreprise, et ses qualités physiques qui l’ont poussé à souvent réaliser ses propres cascades. Il avoue aussi sans complaisance ses échecs, en particulier liés à son désir vain de devenir une star de Broadway, et à son incapacité à porter à l’écran cette pièce, Vol au-dessus d’un nid de coucou, qu’il a jouée sur scène et qu’il rêvait d’interpréter au cinéma. Les pages dans lesquelles il raconte le moment où le film se fait, produit par son fils Michael, mais sans lui, sont d’ailleurs parmi les plus belles du livre.

La jeunesse de Kirk, qui s’appelait encore Issur Demsky, donne également des pages magnifiques. Avec un vrai talent d’écrivain, Douglas s’arrête sur quelques épisodes marquants de son enfance, et livre sa grande blessure : pas celle d’avoir eu une enfance misérable (il plaindra presque ses propres enfants de ne pas avoir eu cette chance de pouvoir s’élever eux-mêmes), mais celle de ne jamais avoir reçu de son père alcoolique et absent l’affection qu’il attendait, plaie béante qui semble ne pas s’être refermée six décennies plus tard.

L’ombre du petit Issur réapparaît régulièrement dans les grandes étapes de la vie et de la carrière de Kirk, avec des dialogues qui se nouent entre l’un et l’autre, comme deux aspects d’une même personne qui peine à se fondre l’un dans l’autre. Et c’est assez beau.

L’extraordinaire carrière d’acteur de Kirk tient évidemment une grande place : ses débuts timides grâce à Lauren Bacall, dans L’Emprise du crime de Lewis Milestone, quelques panouilles, puis les grands films, les grands rôles, Le Champion, Histoire de détective, Le Gouffre aux chimères… Le nouveau rôle de producteur, les grands rôles physiques comme Les Vikings ou Spartacus. Autant d’étapes importantes sur lesquelles Kirk Douglas livre de passionnantes anecdotes.

L’acteur raconte aussi sa judéité, la manière dont, un peu comme le personnage qu’il interprète dans L’Ombre d’un géant, être juif s’est révélé important sur le tard. Ne cachant visiblement pas grand-chose de ce qu’il est, il se décrit aussi comme un homme n’ayant jamais eu de véritable ami (à l’exception notable de Burt Lancaster), et ayant trouvé la plénitude grâce à la famille qu’il a construite. Et raconte en livrant beaucoup de noms (et des connus !) comment il a vécu sa sexualité avec une frénésie qu’il ne parvenait pas refréner.

L’acteur était déjà grand. L’homme, avec ses qualités, ses défauts, ses excès et ses maladresses, est pas mal non plus…

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