Godzilla (Gojira) – de Inoshiro Honda – 1954
Dans le Japon de l’après-guerre, plusieurs bateaux disparaissent mystérieusement en pleine mer. La population a peur, les scientifiques s’interrogent, et les anciens assurent qu’il s’agit de Godzilla, une légende d’un autre temps. Légende qui ne tarde pas à sortir de l’eau et à détruire tout sur son passage…
On retient de ce premier Godzilla qu’il a donné naissance à une quantité phénoménale de suites qui relèvent pour la plupart du nanar, voire du grand n’importe quoi. Et on n’est certes pas dans un grand chef d’oeuvre comparable à l’indépassable King Kong, matrice de tous les films de grands monstres : le scénario est un peu trop explicite et simpliste, et le film laisse peu de place aux personnages.
Mais quand même, il y a là de vrais beaux moments, tous liés à ce traumatisme de la bombe H dont on sait qu’il est à l’origine du film. Les personnages eux-mêmes attribuent d’ailleurs l’arrivée du monstre aux effets des essais nucléaires.
Une soudaine explosion qui vient balayer sans prévenir des moments de quiétude sur un bateau (et ce dès les premières minutes du film), une foule paniquée dans les ruines d’une ville, un hôpital improvisé, des enfants qui pleurent dans la rue… Tout au long du film, des images fortes et réalistes, inhabituelles dans ce genre de films, vient rappeler l’évident parallèle avec Hiroshima et Nagasaki (d’où une jeune femme explique d’ailleurs venir), et cette horreur qui ne s’estompe pas dans l’inconscient collectif.
Les réminiscences de l’horreur, la tentation d’évoquer les légendes d’un ancien temps… Il y a tout cela à l’origine de ce Godzilla, dont les suites ne conserveront trop souvent que l’aspect spectaculaire et destructeur du lézard géant.
Lézard qui fait d’ailleurs plutôt bon effet, même si les trucages prennent le contre-pied de ceux du King Kong de 33 : à l’animation image par image d’un pantin miniature, Inoshiro Honda préfère l’utilisation d’un costume dans lequel se glisse visiblement un comédien un peu emprunté. La réussite des trucages doit finalement sans doute moins à la bêbête elle-même qu’à la qualité des maquettes, vouées à une destruction massive.
Entre les longues (et efficaces) scènes de destruction, et les évocations puissantes et inspirées du traumatisme japonais, ce premier Godzilla est une vraie réussite, qui garde toute sa force malgré les années, les suites et les remakes.
• Alors que le dernier remake en date débarque en DVD, l’éditeur Metropolitan / Seven7 surfe sur son succès en éditant ce Godzilla originel, dans sa vraie version (et pas la version remontée pour le marché américain avec l’insertion d’un personnage joué par Raymond Burr, absent du film de Inoshiro Honda. Une qualité d’image et de son absolument irréprochable, et un bonus de poids : le long métrage Le Retour de Godzilla, première suite tournée dès 1955.