Le Retour de Mary Poppins (Mary Poppins returns) – de Rob Marshall – 2018
Il fallait oser, quand même, signer cinquante ans après la suite d’un classique indémodable de la culture populaire. Pas un remake, ni un reboot, mais une vraie suite, qui reprend les personnages, les décors et le ton du film original, tout en tenant compte du temps passé : en racontant l’histoire des gamins Banks de Mary Poppins, devenus adultes, et des enfants de Michael.
Rob Marshall relève le défi avec un plaisir gourmand et contagieux. On le sait déjà, l’homme aime la comédie musicale américaine, genre tombé en désuétude depuis des décennies, qu’il ne cesse de revisiter. Avec cette suite éminemment casse-gueule, il renoue avec la grandeur du genre, avec cette vision de pur cinéma qui était déjà au cœur du premier Mary Poppins.
Bien sûr, il y a beaucoup de passages obligés, et Marshall n’en oublie aucun. Le balai des ramoneurs laisse la place à celui, très beau, des falotiers (ceux qui allument et éteignent les réverbères) ; on a évidemment droit à une séquence dans un décor animé ; on retrouve l’opposition entre l’univers des enfants et toutes ses possibilités, et celui des adultes dominé par l’argent… Quand, au détour d’une chanson, il trouve un improbable successeur au fameux Supercalifragilistisexpialidocius, on se dit quand même que l’hommage est un peu appliqué. Soit.
N’empêche que la magie est bien au rendez-vous. Et que si cette suite n’a pas la fraîcheur de l’original, elle en retrouve l’inventivité et cette indéfectible foi en la bienveillance, avec ses sentiments nobles et ses méchants à la Capra (Colin Firth est parfait en banquier avide qui semble tout droit sorti de La Vie est belle), et ses seconds rôles hauts en couleur (Meryl Streep impeccable en cousine gentiment timbrée de Mary Poppins).
Quant à la plus célèbre des nounous, on la retrouve tel qu’elle a toujours été, ou presque. Emily Blunt sait comment jouer le personnage : elle a sans doute vu et revu le film original pour s’inscrire dans l’exacte continuité de Julie Andrews. Mais elle le fait avec un naturel idéal, et un charme désarmant. Absolument parfaite, donc.
Finalement, la seule déception concerne l’absence de Julie Andrews. Dick Van Dyke apparaît bien, jouant le (vieux) fils du (vieux) banquier qu’il interprétait déjà dans le premier film (où il tenait donc deux rôle), le temps d’une scène réjouissante. Mais Julie Andrews a refusé de tenir le rôle qu’on lui réservait. Pas difficile d’ailleurs d’imaginer de quel rôle il s’agit : celui de la vendeuse de ballons que l’on voit dans la toute dernière partie, et que tient finalement Angela Lansbury (qui a failli interpréter Mary Poppins en 1964). Qu’importe, c’est bien l’ombre de Julie Andrews qui apparaît alors, celle d’un classique qui a droit, très tardivement, à une suite belle et digne.