Jusqu’au bout du rêve (Field of dreams) – de Phil Alden Robinson – 1989
Le base-ball comme symbole de l’innocence perdue, la nostalgie d’une certaine Amérique profonde… Il y a dans ce film des tas de choses qui pourraient agacer, ennuyer, ou faire fuir. Et pourtant, avec Field of dreams, Phil Alden Robinson réussit une sorte de miracle : tout fonctionne, tout est d’une justesse totale, l’émotion est constante, et forte. Avec ce film, le réalisateur signe un superbe conte à la Capra, dans une sorte d’alchimie que la suite de sa filmographie ne confirmera jamais.
Kevin Costner, fermier paisible qui s’ennuie un peu dans ses terres reculées, qui entend des voix dans son champ de maïs… La scène qui ouvre le film aurait pu plomber l’ensemble du récit. Mais pour une raison que je n’arrive toujours pas à m’expliquer après quelques visions, cette image est belle, très belle. Et elle dégage d’emblée un parfum doucement nostalgique qui renvoie à l’enfance et vous prend aux tripes.
Et il est formidable, Costner, juste. Alors en pleine ascension (il n’allait pas tarder à tourner Danse Avec les Loups, son grand-œuvre), il est une incarnation parfaite d’une certaine Amérique : celle des rêves perdus, d’une certaine innocence. Le film valorise cet esprit d’auto-entreprise qui a accompagné la naissance de la nation. Et ce qui aurait pu être de la naïveté se transforme en une fable universelle autour de la figure du père, qui vous prend aux tripes pour ne plus vous lâcher.
Impossible de ne pas verser une larme devant ce face-à-face tant attendu entre Kevin et son père, figé pour l’éternité dans une jeunesse qu’il n’a jamais connue, sur ce terrain de base-ball créé au milieu des champs de maïs pour apaiser les fantômes de joueurs morts depuis longtemps (un beau rôle pour Ray Liotta). Impossible aussi de ne pas vibrer devant la dernière scène d’un Burt Lancaster en fin de carrière, qui disparaît avec une douceur ouatée dans un ailleurs qu’on ne peut qu’imaginer. Un beau film, en état de grâce…