Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour septembre, 2021

L’Ours en peluche – de Jacques Deray – 1994

Posté : 30 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, d'après Simenon, DERAY Jacques | Pas de commentaires »

L'Ours en peluche

C’est la fin d’une époque, ultime film dans lequel Alain Delon se voyait encore en acteur de cinéma, avec l’envie d’ajouter une pierre de plus à un édifice encore en construction. Après ça, il se contentera de copinages ou de clins d’œil, et de quelques rôles pour la télévision. Delon en bout de course, qui ne trouve plus son public, et surtout qui a besoin d’être rassuré, qui ne prend plus de risques qu’en toute confiance. Ce qui, oui, est contradictoire.

L’Ours en peluche, adaptation d’un roman de Simenon, est sur le papier un projet assez enthousiasmant. Une sorte de polar à l’intrigue épurée, dont le personnage principal est un médecin vieillissant rongé par ses désirs sexuels, qui partage son temps entre une épouse dont il ne voit plus la beauté, une maîtresse d’une sensualité ravageuse (Francesca Dellera, beauté italienne sidérante hélas doublée en français), et des aventures d’un soir qui n’ont pas d’importance à ses yeux.

C’est là la clé de l’énigme, et on rêve de ce qu’un Paul Verhoeven aurait fait d’un tel sujet, un an après le triomphe de Basic Instinct. Mais ce n’est pas Verhoeven : c’est Jacques Deray, parce que Delon a besoin d’être en confiance, et que ses autres cinéastes fétiches Clément ou Visconti, sont morts. Avec Deray, lui aussi en fin de course (c’est son dernier film pour le cinéma), il vient déjà de tourner Un crime, le film des retrouvailles quinze ans après les heures de gloire de leur collaboration. L’Ours en peluche est nettement plus ambitieux, très différent du cinéma habituel de Deray, pas franchement capable de créer l’atmosphère dérangeante que requiert l’histoire.

L’Ours en peluche n’est, hélas, ni troublant, ni dérangeant. Delon fait ce qu’il peut, les seconds rôles ne sont pas terrible, Madeleine Robinson apparaît le temps d’une séance ratée pour son ultime apparition au cinéma (elle aussi), le doublage des nombreux acteurs italiens (c’est une coproduction franco-italienne) est approximatif. Mais c’est moins l’ennui qui domine que la sensation de passer à côté, si ce n’est d’un grand film, au moins d’un beau rôle pour Delon, le genre de rôle qui, dans un film réussi, aurait pu aboutir sur d’autres projets, sur une fin de carrière bien différente. Hélas.

Police montée (The Renegade Ranger) – de David Howard – 1938

Posté : 29 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, HOWARD David, WESTERNS | Pas de commentaires »

Police montée

Rita Hayworth en cheffe de gang dans un western… Voilà une curiosité qui m’avait échappée jusqu’à présent. Cela étant dit, The Renegade Ranger est bien ça : une curiosité. Et Rita Hayworth en cheffe de gang dans un western, ça a quand même nettement moins de classe que Barbara Stanwyck (40 tueurs), Marlene Dietrich (L’Ange des maudits), ou bien sûr Joan Crawford (Johnny Guitare), en cheffes de gangs, dans des westerns nettement plus marquants.

Elle est très bien, Rita Hayworth : la beauté d’un ange, la douceur révoltée, les tenues impeccables en toutes circonstances, pistolera qui n’hésite pas à mouiller la chemise (c’est vraiment une image), mais qui s’empresse de passer la plus belle de ses robes dès qu’elle rentre au bercail. Bref, pour la poussière et la sueur, on repassera. Elle est très bien, donc, mais elle n’a, strictement, rien à jouer.

Et comme le seul rôle un peu intéressant, celui du Ranger chargé d’arrêter la belle en fuite, est joué par un George O’Brien tout sourire en roue libre (il a beau avoir une carrière prestigieuse, comprenant Le Cheval de fer et L’Aurore, excusez du peu, il reste un acteur très limité), disons que The Renegade Ranger n’est pas exactement le meilleur exemple d’un film de personnages.

Bon, ce n’est pas non plus un grand western d’action : David Howard n’est pas le cinéaste le plus excitant du monde, et ses bagarres, comme ses chevauchées et ses fusillades, sont bien mollassonnes, typiques des séries C, D ou E tournées à la chaîne dans les années 30. Il y a sans doute un peu plus de moyen dans cette petite production RKO que dans un film bis de la Republic, mais The Renegade Ranger est clairement conçu comme une œuvre de complément pour double-programme, comme sa durée (à peine une heure) le laisse deviner.

Du coup, on s’ennuie moins longtemps, et on se dit que Rita Hayworth a fait du chemin entre ces premières années où elle enchaînait les films de série pour la plupart tombés dans l’oubli, et son âge d’or, qui n’allait pas tarder à s’annoncer : l’année suivante, elle serait choisie par Howard Hawks pour Seuls les anges ont des ailes. Là, on est encore loin, très loin de Gilda.

L’Homme de la Tour Eiffel (The Man on the Eiffel Tower) – de Burgess Meredith – 1949

Posté : 28 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, d'après Simenon, Maigret, MEREDITH Burgess | Pas de commentaires »

L'Homme de la Tour Eiffel

Burgess Meredith a une trajectoire quand même étonnante, partant de Lubitsch (Illusions perdues) pour se terminer chez Stallone (le Mickey de Rocky, c’est lui), en passant par une adaptation inattendue d’un excellent Maigret, La Tête d’un homme, qu’il réalise lui-même seize ans après la version de Julien Duvivier (il ne signera qu’un autre long métrage, l’obscur Le 3ème œil, vingt ans plus tard) sous le titre L’Homme de la Tour Eiffel.

Un titre qui semble annoncer une « carte-postalisation » de l’œuvre de Simenon, vue par un Américain. Un bête a priori qui se justifie, tout en étant injuste. Le film ne fait pas partie des meilleures adaptations de Simenon, en tout cas pas des plus fidèles à l’esprit. Charles Laughton est assez convaincant dans l’imperméable de Maigret, mais il incarne bien davantage le Laughton tel qu’on l’attend (et qu’on l’aime) que le plus célèbre des commissaires de romans.

Cela étant dit, une fois accepté que Maigret n’est, comme la Tour Eiffel, qu’un attribut incontournable de Paris, vue comme le personnage principal du film, L’Homme de la Tour Eiffel révèle un charme très original. Paris, dont Burgess Meredith nous offre une vision à la fois d’Epinal et criante de vérité, pour une enquête qui ressemble bien plus à une virée trépidante des beaux quartiers aux bas-fonds.

Meredith filme les monuments parisiens, sans en oublier aucun : du Sacré Cœur aux Tuileries en passant par l’Obélisque… Mais le regard qu’il porte n’est pas celui d’un Américain énamouré. D’un étranger, peut-être, mais d’un étranger qui connaît et aime Paris, qui n’en cache pas les quartiers plus glauques, ni le danger, qui appréhende la ville comme un tout à la fois horizontal et vertical. La poursuite sur les toits est particulièrement frappante (et réussie), captant comme peu d’autres films ce Paris-du-dessus si typique, magnifique assemblage de bric-à-brac qui semble totalement anarchique.

Burgess Meredith nous offre également une belle poursuite en voitures sur les grandes avenues et dans les tunnels, figure devenue classique mais très en avance pour son époque. Et une poursuite sur la Tour Eiffel, clou du film que n’aurait pas renié le René Clair de Paris qui dort. Franchot Tone est très bien en tueur névrotique (un rôle qui évoque forcément Les Mains qui tuent), Burgess Meredith lui-même est attachant dans le rôle du faux coupable, et Laughton bien sûr. Mais malgré ce trio d’acteurs, c’est bien Paris qui happe le regard et l’attention. C’est pour Paris que le film est vraiment réussi.

Le Lac aux oies sauvages (Nán Fāng Chē Zhàn De Jù Huì) – de Diao Yinan – 2019

Posté : 27 septembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 2010-2019, DIAO Yi'nan | Pas de commentaires »

Le Lac aux oies sauvages

Sur le papier, un film noir que n’aurait pas renié Robert Mitchum : l’histoire d’un petit truand sans grande envergure transformé en une nuit en fugitif recherché par toutes les polices après une réunion qui tourne mal. A l’écran, un grand polar chinois à l’esthétisme hyper léché, dont chaque plan est extrêmement cadré.

Un esthétisme presque trop appuyé dans la première bobine (oui, je parle encore en bobines, même à l’ère du numérique), où les cadrages sont tellement construits, tellement parfaits, que le film frôle l’abstraction, un peu comme si on assistait au passage en revue d’un story-board animé. Tellement concentré sur ses cadres, Diao Yinan en oublierait presque de laisser de l’espace à ses acteurs pour exister.

C’est en tout cas l’impression qui se dégage dans les premières minutes, visuellement splendides mais qui laissent dubitatif. Le temps qu’on se laisse happer par cette plongée aux enfers fascinante et angoissante à la fois. Il faut aller le chercher, le naturel, se donner la peine, pas bien pénible d’ailleurs, de traverser les images si belles pour pénétrer dans ce polar moite, violent et glauque. Mais quand on y est entré, c’est une virée tout sauf paisible et confortable qui nous attend.

Quelle est cette ville que filme Diao Yinan ? Une sorte d’abstraction, là aussi, un condensé de bas-fonds baignés par la pluie et la chaleur, succession d’allées obscures, de boyaux recouverts de tuyauteries, d’immeubles déglingués et de restaurants sans charme. Du film noir, on serait passé à Blade Runner, qui lui-même s’inspirait du film noir. Tout ça se tient, Diao Yinan a des références, et une manière bien affirmée de les digérer et de les recracher à l’écran.

Mouvement perpétuel, atmosphères appuyées, utilisation maligne des flash-backs, tragédie en marche… et titre trompeur. Le Lac aux oies sauvages est un grand film désenchanté, un thriller où le lac en question n’est qu’un lieu de débauche et de danger, et où les oies sauvages évoquées ne sont aperçues qu’à l’occasion d’un plan furtif, images lointaines et pixelisés d’une vision capturée au zoom. Comme un espoir si vague qu’il ne peut même pas se fixer à l’écran. Noir, noir. Superbe, mais noir.

A bord du Darjeeling Limited (The Darjeeling Limited) – de Wes Anderson – 2007

Posté : 26 septembre, 2021 @ 8:00 dans 2000-2009, ANDERSON Wes | Pas de commentaires »

A bord du Darjeeling Limited

Trois frères qui se sont perdus de vue se retrouvent dans un train qui traverse l’Inde, un an après le décès de leur père, à la recherche de leur mère. L’aîné rêve ce voyage comme l’occasion pour eux de redevenir les frères qu’ils étaient enfants, proches et soudés. C’est Owen Wilson, lunaire et formidablement exaspérant, qui réclame un « voyage spirituel ». Ce sera plutôt un voyage symbolique, décalé, à la manière inimitable de Wes Anderson.

Le premier veut façonner ses frères tels qu’il les garde en mémoire. Le deuxième s’est accaparé les lunettes, le rasoir du père, autant de reliques qui le rattachent à cette enfance disparue. Le troisième reste enfermé dans une certaine insouciance de l’enfance, comme hermétique aux évolutions et aux réalités de la vie qui avance.

Ils traversent le pays avec des tonnes de bagages, ceux du père bien sûr, qui les suivent à la trace où qu’ils aillent. On le voit bien venir : la finalité du voyage sera de se débarrasser de ces bagages trop encombrants, et de tourner le dos à une mère dont ils doivent encore s’émanciper.

Le film a le regard décalé de Wes Anderson, souvent très drôle, avec cette mélancolie à fleur de peau, et cette souffrance qui affleure, mais ne surgit qu’à de brefs moments, laissant le plus souvent la place à une ironie douce-amère, à l’image de l’autoritarisme léger d’Owen Wilson dont on réalise tardivement qu’il s’agit d’un atavisme moins touchant que troublant.

Ils pensaient se rapprocher en se retournant vers l’enfance… C’est quand ils lui tourneront le dos après un drame terrible qu’ils pourront se découvrir un avenir commun, en affirmant ce qu’ils sont devenus plutôt que ce qu’ils étaient.

L’Empereur du Nord (Emperor of the North Pole) – de Robert Aldrich – 1973

Posté : 25 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, ALDRICH Robert | Pas de commentaires »

L'Empereur du Nord

Mine de rien, derrière ses allures de cinéaste bourrin, Robert Aldrich ressemble quand même pas mal à un génie. Voir et revoir ses films est la meilleure manière de s’en rendre compte. Quelques jours après avoir été scotché une énième fois par Kiss me deadly, voilà que ce Emperor of the North Pole me harponne de la même manière qu’il l’avait fait il y a une trentaine d’années, à la première vision.

Qu’y a-t-il de plus admirable dans ce film ? Son rythme, extraordinaire, qui épouse parfaitement la linéarité inaltérable et la puissance inhumaine du train lancé à toute vitesse ? Ou la force du propos ? Cette manière si naturelle qu’a Aldrich de dresser le constat implacable d’une époque déshumanisée à travers l’affrontement de deux hommes aussi déterminés l’un que l’autre…

C’est la beauté, et l’extraordinaire force du cinéma d’Aldrich en général, et de ce film en particulier. Peu de cinéastes ont décrit avec une telle acuité la cruauté des années qui ont suivi la Grande Dépression, le sort des laissés pour compte, ces « hoboes » contraints de traverser le pays, victimes économiques rejetés par la société encore en place.

Wellman avait transcendé ce thème en en faisant le sujet de tragédies humaines (Wild Boys of the road, une référence évidente d’Aldrich). Ford en avait tiré une sorte de fable magnifique (Grapes of Wrath). Aldrich s’empare du sujet, le malaxe, le compacte, et le ressort sous la forme d’un film d’action, confrontation de deux hommes dépassant le simple statut d’hommes.

D’un côté, « Numéro 1 », un clochard aux belles manières, espèce de Charlot à la mode de Lee Marvin, réputé dans le monde des « hoboes » pour pouvoir voyager à bord de n’importe quel train sans payer le voyage. De l’autre, un chef de train cruel et sadique, extraordinaire Ernest Bognine, qui prend un plaisir visible à balancer sa massette dans la gueule des passagers clandestins de « son » train. Ces deux-là vont se défier, s’affronter, pour asseoir leurs réputations respectives.

C’est parfois très violent, toujours extrêmement tendu. Aldrich filme les trains comme personne, soulignant la puissance inhumaine des locomotives grâce à de superbes contre-plongées. Son film, derrière ses allures de pur film de genre, derrière le face à face de deux monstres de cinéma (Marvin et Borgnine, au sommet tous les deux), est une superbe, et terrible, ode à la liberté.

Le Sel de Svaténie (Džim Švante) – de Mikhaïl Kalatozov – 1930

Posté : 23 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, DOCUMENTAIRE, FILMS MUETS, KALATOZOV Mikhaïl | Pas de commentaires »

Le Sel de Svanétie

Quelques décennies avant Quand passent les cigognes et Soy Cuba, ses deux grands classiques, Mikhaïl Kalatozov signait une espèce de docu-fiction qui était déjà une date dans le genre. Pas d’intrigue, pas de personnage clairement identifié, mais une province de Georgie, perdue au milieu des hautes montagnes du Caucase. Une province qui, jusque dans les années 1920, gardait un mode de vie à peu près inchangé depuis des siècles, voire des millénaires, coupés du monde jusqu’à la construction d’une route par le pouvoir bolchévique.

Le Sel de Svaténie est un film qui glorifie le bolchévisme, qui permet l’arrivée de la modernité, et donc de l’humanité, dans les contrées les plus reculées. C’est un film dirigé contre la religion, encore très ancrée avant l’arrivée de la « civilisation », et au nom de laquelle on laisse mourir un nouveau né pour mieux accompagner un mort jusqu’à l’autre vie, mort pour qui on sacrifie un cheval en le faisant galoper en aveugle jusqu’à ce que son cœur éclate, tandis que le grand prêtre encourage les proches à être généreux, pour mieux empocher les dons.

Bref, c’est un film de propagande. Un film dont la construction est, par ailleurs, assez classique, succession de séquences qui illustrent chacune l’un des pans de la vie de cette communauté comme figée dans le passé. Vie de labeur et de souffrance : on travaille la laine, on casse la pierre pour se faire des toits, on traverse de hautes montagnes pour se fournir en sel…

Pourtant, Le Sel de Svanétie est un film envoûtant et magnétique. Cruel aussi, tant le quotidien de ces hommes et de ces femmes si marqués est dur et sans joie. On hésite quand même à parler de cinéma ethnographique, même si on a le sentiment d’être plongé dans cette vie d’un autre temps. Kalatozov, mine de rien, construit une vraie dramaturgie, qui culmine dans le montage en parallèle de l’accouchement et de l’enterrement.

Le film est sans doute plus proche de la fiction que du documentaire, même si les décors sont réels (et impressionnants). C’est en tout cas du cinéma absolument magnifique, avec des images d’une beauté rude et saisissante, l’un des sommets de cette avant-garde russe apparue à la fin du muet. Montage rapide, gros plans dramatiques, lumières très contrastées… Du grand, du très cinéma, impressionnant et d’une beauté à couper le souffle.

Hotel by the river (Gangbyun hotel) – de Hong Sang-soo – 2018

Posté : 22 septembre, 2021 @ 8:00 dans 2010-2019, HONG Sang-soo | Pas de commentaires »

Hotel by the river

Un hôtel au bord d’une rivière, comme enveloppé dans un paysage de neige. Là vit depuis quelques jours un poète sexagénaire qui convoque ses deux fils, persuadé que sa mort est proche. Dans une autre chambre, une jeune femme qui se remet difficilement d’une déception amoureuse, et qu’une amie retrouve, elle aussi en souffrance…

Hong Sang-soo filme ses personnages comme dans un cocon, entre deux états, une espèce de quiétude cotonneuse et parfois douloureuse, où il n’y a plus de place que pour les personnages eux-mêmes. A l’exception de l’employée de l’hôtel, pas le moindre second rôle, pas la moindre silhouette ne vient troubler cette sensation d’être dans une sorte de rêverie éveillée.

Hong Sang-soo n’est pas un cinéaste spectaculaire. Il n’est pas non plus un auteur, semble-t-il dire en dressant le portrait de l’un de ses personnages, lui-même réalisateur « qui fait ce qu’il peut ». Il a en tout cas des obsessions, une manière de faire se répondre et s’enrichir les situations, les personnages, entre qui il crée plus de parallèles que de liens véritables.

Le père et ses fils d’un côté, les deux jeunes de l’autre. Entre eux, des chemins qui se croisent, des occasions ratées ou à peine effleurées… Comme si, à l’heure du bilan, il n’était plus question d’espérer ou de construire quoi que ce soit de neuf. Hotel by the river est fait de petits riens : beaucoup d’attente, beaucoup d’assoupissements même, de longues discussions autour du choix d’un prénom, ou du rapport d’un jeune homme avec les femmes…

Hong Sang-soo crée le sentiment non pas de la légèreté, mais d’une certaine indolence, voire de la dérision. Il y a pourtant, toujours, une vraie gravité. Tous les personnages, chacun à leur manière, sont à la fin de quelque chose. De leurs retrouvailles se dégage une émotion d’abord feutrée, puis puissante, intense, et même violente. On sort de cet hôtel le ventre noué, et sincèrement bousculé, comme tiré d’un rêve qu’on aurait voulu ne pas quitter.

Comment l’esprit vient aux femmes (Born yesterday) – de George Cukor – 1950

Posté : 21 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, CUKOR George | Pas de commentaires »

Comment l'esprit vient aux femmes

Hasard de la programmation (oui, enfin, de mes choix personnels et parfois mystérieux) : après La Leçon de piano, voici un autre chef d’œuvre farouchement féministe, autre portrait d’une femme bafouée qui apprend à affirmer sa liberté et son indépendance. Derrière la caméra, George Cukor, au sommet. Forcément, l’ambiance n’est pas la même que chez Jane Campion. Tourné quatre décennies plus tôt, cette adaptation d’une pièce à succès garde pourtant la même force, la même acuité de regard sur la domination et ses effets.

Et un Oscar amplement mérité pour Judy Holliday, irrésistible dans le rôle d’une ravissante idiote qui se complaît dans l’opulence d’une vie facile au côté de son truand milliardaire de fiancé (le grand Broderick Crawford), jusqu’à ce qu’un « coach de vie » (William Holden, rigolard et parfait) lui ouvre les yeux et l’esprit grâce à des livres et aux grands sites historiques de Washington. Grand plaidoyer pour la liberté telle que les pères fondateurs de l’Amérique l’ont rêvée.

Le film ne verse toutefois jamais dans l’Américanisme claironnant. Maître de la comédie de mœurs, Cukor signe une ode au libre-arbitre et à l’ouverture d’esprit par la culture, pas un plaidoyer idéologique ou politique. Il le fait en filmant l’évolution de Billie, le personnage joué par Judy Holliday, voix haut perchée, blondeur aveuglante et regard pas si vide. Il le fait aussi en faisant de William Holden une sorte de personnification du public…

Son personnage s’amuse comme nous, se révolte comme nous, tombe sous le charme de Billie comme noue… Plus qu’un acteur de l’intrigue, il est un observateur, souvent en retrait comme lorsqu’ils visitent le Capitole, lui se contentant d’assister un sourire aux lèvres aux révélations de la jeune femme. A sa lente et profonde transformation. Pas un changement radical d’ailleurs, mais une sorte d’éclosion à la manière d’un papillon qui apprendrait à voler de ses propres ailes.

C’est souvent très drôle (l’extraordinaire partie de carte, filmée en longs plans fixes et en temps réel), parfois franchement cruel, voire pathétique, à l’image du personnage de Broderick Crawford, un homme d’un autre temps, archaïque et volontiers violent, brute plus « anti-sociale » (pour reprendre l’un des termes appris par Billie) que franchement machiavélique. Sur un thème de la métamorphose qui annonce celui de My fair Lady, Cukor signe une merveille de la comédie féministe. Pas sa première, et pas la moindre.

La Leçon de piano (The Piano) – de Jane Campion – 1993

Posté : 20 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1990-1999, CAMPION Jane, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

La Leçon de piano

Superbe et terrible Palme d’Or, portrait d’une femme ivre de liberté, avide de vivre pleinement, et engoncée dans des tonnes de contraintes. Une femme enfermée dans une société où les femmes n’ont aucun droit, et qui s’est murée depuis l’enfance dans un mutisme protecteur, avec pour refuge les mélodies qu’elle sort de son piano. Mariée par son père à un homme qu’elle ne connaît pas, et qui vit loin de tout, en Nouvelle Zélande, dans une plantation coupée de tout.

Le film de Jane Campion est à la fois poétique et implacable. Visuellement splendide, avec ces images comme en suspense dans une nature grandiose. Mais la beauté apparente renforce la cruauté des situations, et du ton. Cette nature si séduisante est en fait bien inamicale. Les grandes plages au sable chaud sont vite recouvertes par une marée agressive. La végétation luxuriante cache mal un décor de boue et de pluie… Il y a constamment, comme ça, l’opposition brusque et violente du cadre et de ce qu’il cache.

Holly Hunter est magnifique dans le rôle de cette femme à qui toute velléité de liberté est refusée, et dont le piano est l’unique bulle de vie. On peut affirmer sans trop de risque qu’elle trouve là le rôle de sa vie, un rôle totalement muet donc, mais d’une intensité folle : faussement résignée, déterminée malgré tout, et prête à envoyer promener tout l’ordre établi. Pas si simple quand même, dans un tel univers castrateur, superbe personnage de femme bafouée mais forte auquel Jane Campion apporte toute sa force, et ce regard si intime.

Elle filme merveilleusement les rapports plus complexes qu’attendus entre Ada et sa fille (Anna Paquin, une révélation), aussi bien que ceux avec les deux hommes du film : le mari (Sam Neill), a priori civilisé ; et l’homme apparemment sauvage (Harvey Keitel). Ada est un personnage exceptionnel, d’une détermination folle. Personne ne l’écoute ? Elle se mure dans le silence. Mariée de force ? Elle fait bonne figure. Son piano « en otage » chez le sauvage du coin ? Elle accepte tout ce qu’on lui demande pour le récupérer…

Et face à cet Harvey Keitel moins bestial que désespérément tendre, c’est toute la sensualité de la jeune femme qui se libère. A travers les couches opaques de vêtements, au hasard d’un coin de peau qui apparaît à travers un trou pas plus large que le petit doigt, Jane Campion filme la naissance du désir physique, le plaisir, la vie qui se libère. Et c’est d’une beauté renversante, à l’intérieur d’un décor étouffant.

La Leçon de piano est un film dont le féminisme farouche garde toute sa force, et sa singularité malgré les prises de conscience récentes. Presque trente ans plus tard, il restait aussi (jusqu’à cet été) l’unique film réalisé par une femme ayant décroché une Palme d’Or à Cannes.

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