Un jour sans fin (Groundhog Day) – de Harold Ramis – 1993
Avec Un jour sans fin, devenu une sorte de référence incontournable depuis sa sortie assez discrète en salles, Harold Ramis avait réussi un petit miracle, qu’il ne réitérera jamais vraiment. Ancien acteur (il était l’un des chasseurs de fantômes de Ghostbusters) devenu réalisateur de comédies sympathiques, Ramis n’est pas ce qu’on appelle un auteur, même si la réussite incontestable de ce film a fondé quelques espoirs, entretenus un temps par son film suivant, Multiplicity. On peine d’ailleurs à parler d’un authentique style dans ce film vif mais visuellement plutôt anonyme.
Mais l’intelligence du scénario, combinée à une mise en scène très fluide, à la personnalité unique de Bill Murray (son ancien complice chasseur d’ectoplasmes, dont le cynisme lunaire et la façon qu’il a de sembler être constamment ailleurs font merveille.), et à ce petit éclat magique qu’on explique pas vraiment, font de Groundhog Day un pur plaisir de cinéma.
L’histoire, originale et pleine de promesses, était aussi particulièrement casse-gueule : cette petite vedette de télévision, absolument détestable, chargé d’aller « couvrir » le jour de la marmotte, une tradition hivernale et ancestrale, dans une petite ville « de ploucs », et qui revit indéfiniment le même jour sans jamais pouvoir passer au lendemain… Le risque était grand de tomber dans la redite en racontant toujours la même journée, tout comme il était osé de faire du personnage principal un être méprisant et absolument pas aimable.
Ce deuxième écueil est balayé par le génie de Bill Murray. Détestable, mais hilarant, il interprète la face sombre de monsieur tout le monde. Un vrai sale type, imbus de lui-même et méprisant le monde entier, un homme seul qui mettra longtemps à comprendre que c’est une nouvelle chance qui lui est offerte par cette curieuse faille temporaire. Et puis, il faut reconnaître que, lorsqu’il méprise ceux qu’il croise, un ancien camarade de classe qu’il a chassé de sa mémoire ou la vieille patronne d’une maison d’hôte, Murray est à pleurer de rire. Passant du dédain au désespoir, de l’enthousiasme au sardonique, il est assez exceptionnel.
Il y a bien un petit ventre creux, une petite demi-heure durant laquelle le film ronronne un peu. Mais Groundhog Day s’impose tout de même comme le digne rejeton du cinéma de Capra. On pense surtout à La Vie est belle, dont le film est une sorte de version modernisée. L’élément fantastique y est utilisé de la même manière, pour décrire le long parcours intérieur d’un personnage qui se sent coincé dans un bled qu’il rêve de pouvoir quitter, avant de réaliser que ces ploucs qui l’entourent sont des gens simples et chaleureux.
Extrêmement malin, le scénario utilise toutes les possibilités de son parti-pris de base, en évitant constamment toute impression pesante de répétition. Ajoutez à cela un humour politiquement incorrect (bien rattrapé par la morale du film) et une interprétation parfaite (Andie MacDowell est charmante, et Michael Shannon tenait là l’un de ses premiers tout petits rôles), et vous obtenez une réussite miraculeuse.