Fritz Lang, le démon en nous (Fritz Lang) – de Gordian Maugg – 2016
Après La femme sur la lune, Fritz Lang est à la croisée des chemins. La plupart de ses confrères sont passés au parlant, et lui peine à trouver un nouveau sujet. C’est alors qu’il se passionne pour les crimes d’un tueur en série surnommé Le Vampire de Dusseldorf, dont il s’inspirera pour son premier film parlant, M le maudit.
Et si l’enquête avait suivi l’enquête de près ? Et si sa quête, puis les confessions qu’il aurait lui-même reçues lors d’un entretien avec le tueur arrêté, étaient le ciment de son chef d’œuvre à venir ? C’est de ce postulat que part ce film, qui brouille constamment la frontière entre fiction et réalité, et ce à plusieurs niveaux.
Le film est une fiction, mais il met en scène des personnages bien réels, dans toute leur complexité (comme le flic qui a inspiré Lohman, personnage que l’on verra dans M et Le Testament du Docteur Mabuse). A travers cette fausse enquête, c’est la face trouble de Lang que le film montre : cette fascination pour le mal et cette étrange culpabilité que l’on retrouve dans une grande partie de ses films.
Gordian Maugg met habilement en scène le grand mystère de la vie de Lang : la mort violente de sa première femme, et les soupçons qui ont pesé (et continuent à peser) sur Lang lui-même et sa maîtresse Thea Von Harbou.
Entre l’enquête et la psyché de Lang, le film propose un voyage assez fascinant, dans un beau noir et blanc qui se marie joliment avec des extraits de films d’époque (dont M, évidemment). Le passage de l’un à l’autre, de l’image assez lisse de Maugg à celle granuleuse de 1931, rend ça à la fois plus réaliste, plus ancré dans l’imagination de Lang, plus trouble aussi, comme les fantasmes du cinéaste prenaient le pas sur la réalité.