Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'KUROSAWA Akira'

Le Garde du corps (Yojimbo) – d’Akira Kurosawa – 1961

Posté : 28 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

Le Garde du Corps Yojimbo

On le sait, le cinéma de Kurosawa a énormément inspiré le western, et au-delà une partie du cinéma populaire hollywoodien (des Sept Mercenaires à Star Wars). Mais lui-même s’est nettement nourri du cinéma américain. Ce Yojimbo, que Sergio Leone adaptera très fidèlement sans le dire avec Pour une poignée de dollars, doit ainsi beaucoup à La Clé de verre, classique du film noir dont le héros, joué par Alan Ladd, joue un double-jeu très similaire à celui de Toshiro Mifune ici.

Les héros des deux films, en apparence très différents, sont également taiseux, et cachent derrière un cynisme revendiqué une sorte de grandeur d’âme, en tout cas une fidélité à des valeurs qui font défaut à la plupart des autres personnages, trop occupés à se livrer à une guerre de pouvoir. Sanjuro (Mifune) est taiseux parce qu’il analyse, parce qu’il calcule, parce qu’il sait que ses talents de combattant valent cher dans un conflit comme celui qui oppose ces deux familles.

Ce cynisme est de façade : c’est parce qu’il agit en fonction de la morale que le « garde du corps » frôle le trépas (grande différence avec le remake de Leone, où on verra longuement Clint Eastwood se faire tabasser : Mifune apparaît le visage tuméfié après avoir été battu hors champs). Mais il y en a bien un fond (de cynisme) : dans la manière dont Mifune fait le ménage dans la ville, s’amusant du décompte des cadavres qu’il laisse derrière lui.

La violence est extrême (bras et mains coupés, morts qui s’enchaînent). Elle est pourtant relativement peu présente à l’écran, souvent amorcée et reportée, constamment fulgurante. Kurosawa ne s’y attarde pas (au contraire de Leone), privilégiant la tension et l’ironie, qui s’installent dès la longue scène d’introduction, lorsque le personnage de Mifune débarque dans cette ville à pied et observe en silence l’étrange ballet de haine qui s’y livre.

Sept ans après Les Sept Samouraïs, Kurosawa revient à un genre qui lui réussit bien, mais avec une vision dépouillée et radicalisée. Le cinéaste s’est montré et se montrera autrement plus ambitieux, thématiquement. Mais il se concentre ici sur le pur plaisir d’un cinéma d’action tendu et réjouissant. C’est ce qu’on appelle un exercice de style, et c’est rudement bon.

Je ne regrette rien de ma jeunesse (Waga seishun ni kuinashi) – d’Akira Kurosawa – 1946

Posté : 11 octobre, 2016 @ 8:00 dans 1940-1949, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

Je ne regrette rien de ma jeunesse

Ce n’est pas encore tout à fait le Kurosawa des grands classiques, mais ce film de jeunesse est déjà l’œuvre d’un grand cinéaste. Un cinéaste d’une sensibilité extrême, aussi attentif aux destins de ses personnages qu’aux soubresauts de l’histoire : son film est l’un des premiers tournés après la défaite de 1945 de son pays, et l’histoire se déroule durant la période la plus tourmentée de l’époque récente, de 1933 à cette défaite qui signifie la liberté retrouvée.

Je ne regrette rien de ma jeunesse… Le titre est martelé comme un mantras, alors que le destin de cette jeune femme bousculée par les affres de l’histoire raconte, au contraire, toute la difficulté de se défaire de cette jeunesse si belle, et si encombrante.

La scène inaugurale, bucolique et lyrique, se termine de la manière la plus brutale qui soit, par l’irruption d’un cadavre sanglant dans un paysage idyllique où ne régnait que la joie. C’est la réalité de l’époque qui, subitement, arrache la jeune Yukie à l’insouciance de sa jeunesse.

Il lui faudra du temps pour faire son choix entre un avenir « calme et un peu ennuyeux » avec l’un de ses prétendants, ou une vie plus incertaine et aventureuse, plus intense et engagée aussi, avec celui qu’elle aime vraiment, mais vers qui elle ne se résout pas à se tourner…

Ce destin est rude, et c’est le cœur serré que l’on vit avec elle les malheurs de Yukie (magnifique Setsuko Hara). Mais ce n’est pas un mélo que filme Kurosawa, qui jamais ne s’apitoie sur ce sort et sur ce qui aurait pu advenir sans l’instauration de ce régime militaire, et sans la survenue de la guerre. Au contraire, c’est une naissance à la vie qu’il raconte, celle d’une jeune femme qui prend en main son propre destin, et celui de son pays. Un film plein d’espoir, paradoxalement…

Chien enragé (Nora inu) – d’Akira Kurosawa – 1949

Posté : 25 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1940-1949, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

Chien enragé

Entre Chien enragé et L’Ange ivre, il y a une parenté évidente pour le jeune Kurosawa, qui reprend à la fois le même formidable duo d’acteurs (Toshiro Mifune et Takashi Shimura) et une thématique similaire, dans un Tokyo écrasé par la chaleur et marqué par le traumatisme de la guerre, et par la difficulté de se relever et de tirer un trait sur le passé.

Et comme pour L’Ange ivre, l’influence du théâtre se ressent. Moins pour le décor cette fois que pour la construction en trois actes très marqués, qui suivent un même mouvement mais avec des tons très différents…

La première est une plongée dans les bas-fonds de la ville par un jeune flic obsédé par l’idée de retrouver son arme, qu’on lui a volée durant un moment d’inattention. Mifune est un jeune homme qui semble d’un autre temps (« Il n’y a plus beaucoup de jeunes comme lui », lance d’ailleurs un personnage), obsédé par son honneur et par des codes qui contrastent avec l’américanisation de ce Japon d’après-guerre.

Dans le film, il est même le seul vestige d’un Japon qui a disparu sans qu’on s’en rende vraiment compte : les héritières des geishas sont devenues de simples entraîneuses, et la bière a remplacé le saké… L’influence de la culture américaine est omniprésente, balayant la tradition.

La deuxième partie est une sorte de buddy movie : le jeune flic tempétueux et torturé qui semble trouver refuge auprès de son aîné (Takashi Shimura). Le contraste entre le Japon traditionnel et l’occidentalisation prend alors une dimension supérieure encore, avec cette longue séquence, inattendue, dans un stade durant une partie de base-ball. L’arme est devenue le symbole de la culpabilisation du jeune flic.

La troisième partie est plus complexe. La culpabilité laisse la place à une troublante prise de conscience : le jeune flic réalise que celui qui a utilisé son arme pour commettre ses méfaits est une sorte de double inversé de lui-même. Même parcours humain, même allure (« un homme de 28 ans avec un costume blanc », d’après la description d’un témoin : exactement la sienne), mais un simple choix radicalement différent, qui fait toute la différence…

Ces trois parties également passionnantes rythment l’apprentissage de Mifune, marquée par l’atmosphère anxiogène et moite créée par Kurosawa, avec cette chaleur pesante et omniprésente. Au-delà du (formidable) polar, Chien enragé est une belle réflexion sur ce Japon d’après-guerre qui peine à se trouver, à travers la prise de conscience douloureuse de ce personnage fascinant.

* Superbe édition DVD chez Wild Side, avec quelques bonus filmés, et surtout un passionnant livret de 50 pages écrit par Charles Tesson, et magnifiquement illustré.

L’Ange ivre (Yoidore tenshi) – d’Akira Kurosawa – 1948

Posté : 3 avril, 2016 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1940-1949, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

L'Ange ivre

Une nuit brûlante dans un quartier misérable de Tokyo. Un jeune homme arrive chez un médecin pour se faire soigner sa main blessée. C’est le caïd du quartier, l’arrogance de la jeunesse, la fierté mal placée, qui apprendra qu’il est malade de la tuberculose. Face à lui, un toubib vieillissant et crasseux, qui semble en avoir trop vu pour accepter ces codes d’honneur d’un autre temps qui ont conduit le pays à sa déchéance.

La scène se déroule dans une pièce à l’éclairage vif. Les personnages sont en sueurs, la porte et les fenêtres sont ouvertes et laissent entrer des accords de guitare, et on sent constamment l’omniprésence de cette misère qui est le quotidien dans ce quartier. A porté de mains presque, au centre de ce microcosme, une marre, puante et menaçante, où tous les déchets sont jetés…

En une simple séquence, dans un décor quasi-théâtral, Akira Kurosawa crée une extraordinaire atmosphère. Pas besoin de grands discours, ou de longues scènes démonstratives : ce simple décor, et la colère à fleur de peau du médecin et du jeune caïd suffisent pour évoquer ce Japon d’après-guerre, coincé dans ce cloaque par des réflexes ancestraux.

Film noir, drame humain… L’Ange ivre est souvent considéré comme le premier chef d’œuvre de Kurosawa. C’est en tout cas une merveille absolue, fascinant mélange d’expressionnisme et de réalisme: les jeux d’ombres contrastés contribuent à créer cette atmosphère fascinante, tandis que des séquences diurnes à la lumière aveuglante renvoient à une réalité sociale bien plus cruelle, avec ces gamins qui tuent le temps en jouant autour de cette marre dont la pollution rappelle le traumatisme nucléaire.

L’utilisation de la musique aussi est fascinante, avec ces airs de guitare qui annoncent l’arrivée d’un élément perturbateur, un ancien caïd tout droit sorti de prison qui vient rompre le fragile équilibre de ce quartier sans avenir. Les personnages naviguent entre la nostalgies de rêves déçus, et de vains espoirs de départ, ou se réfugient derrière des frusques de caïds qui ont tout de l’accessoire de films hollywoodiens. Mais tous paraissent prisonniers de leur environnement.

C’est aussi le premier film dans lequel Kurosawa dirige Toshiro Mifune, qui sera son acteur fétiche presque systématique jusqu’en 1965. Quasi débutant (c’est son troisième film), Mifune impose une présence magnétique à son personnage de caïd dont l’arrogance dissimule mal les blessures enfantines encore présentes. Ses rencontres avec le médecin interprété par un extraordinaire Takashi Shimura sont superbes.

Kurosawa filme leurs face-à-face comme des joutes, presque des combats de chiens. Tous deux se tournent autour, se reniflent et finissent par aboyer et se jeter sur l’autre, dans un éternel recommencement. Attirés l’un par l’autre comme si chacun était l’unique espoir de l’autre, tellement différents, et finalement tellement semblables, qu’ils se renvoient un reflet de leurs propres échecs.

Cet affrontement devient carrément génial lors d’une scène de bar, lorsque leur attirance et leur colère passe par de petits verres d’alcools qui ne cessent d’être balancés d’un revers de main, avant de revenir aussi sec. Un ballet aussi étrange que magnifique, qui en dit beaucoup sur leur incapacité à simplement se laisser aller.

L’immobilisme, le destin, la colère… Tous ces sentiments se dégagent de L’Ange ivre, film superbe à tous points de vue, et convergent lors d’une hallucinante séquence de duel, à la fois brutale et grotesque. Jusqu’à cette petite note d’espoir qui, in extremis, nous tire un petit sourire. Magnifique…

* DVD dans une très belle édition avec livre (passionnant et superbement illustré), documentaire sur Kurosawa et analyse du film par Jean Douchet, chez Wild Side Vidéo. L’éditeur consacre toute une collection aux « Années Toho » de Kurosawa.

Rashomon (id.) – de Akira Kurosawa – 1950

Posté : 29 janvier, 2014 @ 8:48 dans 1950-1959, KUROSAWA Akira | Pas de commentaires »

Rashomon

L’Occident a découvert Kurosawa, et le cinéma japonais en même temps, avec ce chef d’œuvre d’une beauté et d’une force encore surprenantes.

Du film, on retient surtout la construction, maintes fois copiée : une succession de points de vue différents qui racontent chacun sa version d’un faits divers morbides. Et c’est vrai que la construction est brillante, flash-backs qui s’entremêlent, se répondent et se contredisent dans un même mouvement fascinant vers une vérité sur laquelle planera toujours un mystère, et un doute.

Le film s’ouvre sur une pluie battante. Trois hommes se réfugient dans les ruines d’un temple. Deux d’entre eux, un bûcheron et un moine, ont assisté au procès d’un célèbre bandit (joué par Toshiro Mifune, d’emblée une star internationale) accusé d’avoir violé une femme et d’avoir assassiné son mari. Les deux hommes, visiblement troublés par le procès, évoquent les témoignages successifs des différents protagonistes : le bandit, la femme, et même le défunt mari, sans oublier un quatrième témoignage, inattendu.

Le faits divers est tristement banal : les personnages eux-mêmes le reconnaissent. Mais il sert de révélateur, et pousse chacun des personnages à se confronter à ses propres démons. De fait, chaque point de vue en dit plus sur celui qui le raconte que sur l’événement lui-même. Les contradictions de chacun mettent aussi à mal les postures fières et le vieil honneur traditionnel japonais.

Kurosawa invoque les traditions, bien sûr, mais c’est un cinéaste profondément moderne, et critique à l’égard d’une société ancestrale et opaque. Ce n’est pas un hasard si c’est ce film qui a fait découvrir le cinéma japonais à toute une génération de cinéphiles (bien d’autres ont suivi).

Visuellement, c’est absolument splendide. Dès les premières images sous la pluie, Kurosawa, en filmant les visages au plus près, instaure un sentiment d’anxiété, et même de peur. Le moindre plan du film est un trésor de construction. Rashomon est un chef d’œuvre, qui a gardé toute sa force.

 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr