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Archive pour la catégorie 'DUVIVIER Julien'

La Vie miraculeuse de Thérèse Martin – de Julien Duvivier – 1929

Posté : 4 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

La Vie miraculeuse de Thérèse Martin

Il n’y avait a priori aucune chance pour que je me laisse emporter par un biopic consacré à Sainte-Thérèse de Lisieux. Non, vraiment, aucune chance. Et c’est bien pour compléter doucement l’intégrale des Duvivier que je me décide à me plonger dans ce film, l’un de ses derniers muets, et l’une de ses dernières incursions dans le penchant mystique de son œuvre, auquel on doit tout de même quelques grands films (dont Don Camillo ne fait définitivement pas partie), L’Agonie de Jérusalem ou La Divine Croisière.

Contrairement à ces deux films, La Vie Miraculeuse de Thérèse Martin n’est pas à proprement parler une œuvre « religieuse ». Il y est question de religion bien sûr, en tout cas de la foi et de ce que cela entraîne dans le destin de Thérèse et de sa famille. Mais le point de vue reste constamment cartésien : pas de miracle, ni d’apparition au programme, si ce n’est une sorte de personnification des doutes et des pulsions de la jeune femme qui a décidé de se consacrer à Dieu, renonçant ainsi aux plaisirs et aux joies de la vie.

En cela, le film marque même une rupture assez forte avec les précédents films que Duvivier a consacré à ce thème de la foi. Parce que le doute est omniprésent, parce que la caméra du cinéaste met avant tout en lumière les souffrances de la jeune femme et surtout du père, beau personnage sacrificiel joué par Lionel Salem (Jésus dans L’Agonie de Jérusalem), bouleversant lorsqu’il assiste au départ de sa « petite reine », dont il sait qu’il ne la serrera plus jamais dans ses bras, et qu’il ne la reverra qu’à travers les barreaux très évocateurs du carmel.

Au temps pour la beauté rédemptrice de la foi, si souvent représentée à l’écran à cette époque. Duvivier filme un quotidien rude et hostile, et c’est avec une scène particulièrement aride que Thérèse (intense Simone Bourday, la révélation du film) revêt l’habit, après qu’on lui a coupé les cheveux sans ménagement (bien avant la Sigourney Weaver d’Alien 3 ou la Demi Moore de G.I. Jane).

Et me voilà emporté par ce destin sacrifié, qui prend aux tripes, et par la puissance évocatrice des images de Duvivier, déjà au sommet de son art. C’est la force et l’intelligence de sa mise en scène qui font le poids de ce beau film, sa manière d’utiliser les surimpressions, les plongées profondes ou les très gros plans, ou encore le split-screen, grâce auquel il ouvre le film avec deux scènes quasi-semblables mais séparées par quinze ans, pour évoquer la rencontre des parents de Thérèse. Brillant et passionnant.

Boulevard – de Julien Duvivier – 1960

Posté : 15 janvier, 2023 @ 8:00 dans 1960-1969, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Boulevard

Duvivier est un cinéaste curieux et ouvert, on ne peut pas lui retirer ça. Avec Boulevard, film méconnu qui inaugure sa dernière période (pas la plus glorieuse, certes), le vétéran qui a commencé durant le muet semble vouloir se coller à cette Nouvelle Vague qui dynamite tout depuis quelques mois, en étant le premier à diriger le nouveau Jean-Pierre Léaud après Les 400 coups, dans un rôle qui présente bien des points communs avec Antoine Doinel.

Léaud, cette fois encore, est un ado mal dans sa vie, qui a fui le domicile familial pour ne pas vivre sous le même toit qu’une belle-mère sans amour, et qui tente, avec la maladresse d’un désespoir qui ne dit pas son nom, de trouver sa place dans le petit monde qui l’entoure. Pigalle en l’occurrence, dont Boulevard dresse une sorte de peinture pleine de vie mais un peu carton pâte, où le sexe, la violence et la sueur restent toujours bon enfant.

Le côté cosmopolite du quartier est aussi, pour le moins, atténué, se limitant grosso-modo à une famille italienne très intégrée. Duvivier, qui co-signe l’adaptation du roman avec Barjavel, flirte même souvent avec la caricature, mettant en scène l’homosexualité d’une manière un peu gênante, et les femmes qui vivent de leurs charmes avec une gourmandise et une naïveté confondantes. Et pour rester sur le sujet, il y aurait à redire de la vision que le film donne des hommes qui enfin s’assument : en donnant une paire de gifles à leurs femmes.

Bref. Duvivier a fait plus convainquant, et plus fin. Reste une belle atmosphère, pour le coup assez loin des aspirations de la Nouvelle Vague, et quelques jolis moments. Lorsqu’il capte la détresse encore enfantine derrière les bravades de Léaud, ou lorsqu’il filme la naissance des sentiments amoureux sur un toit parisien. Là, dans toute la simplicité de ces moments, le cœur du film bat vraiment.

L’Homme à l’imperméable – de Julien Duvivier – 1957

Posté : 10 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

L'Homme à l'imperméable

Entre un grand film noir qui lui permet de retrouver Gabin (Voici le temps des assassins) et l’adaptation d’un roman de Zola (Pot-Bouille), Duvivier confirme son éclectisme en renouant avec la comédie, et par la même occasion avec sa star de Don Camillo. Fernandel donc, dans le rôle d’un homme sans histoire, clarinettiste au Théâtre du Chatelet, qu’une faiblesse d’un soir va précipiter au cœur d’une histoire de meurtres, de trafic et de chantage…

Le roman dont le film est tiré est signé James Hadley Chase, romancier britannique très porté sur la violence et le côté sombre des personnages. C’est dire si le film de Duvivier aurait pu prendre un autre chemin. Mais c’est bien celui de la comédie qu’il emprunte. Ou plutôt : c’est comme une comédie qu’il filme cette histoire sombre et violente, où les morts s’enchaînent, jamais naturelles.

Le parti-pris est intéressant, surtout lorsque, esthétiquement, Duvivier adopte les codes du film noir américain. La scène par laquelle tout commence, d’abord : celle où Fernandel, profitant de l’absence de sa femme, s’est rendu chez une prostituée qu’il retrouve, deux minutes après lui avoir parlé, un poignard planté dans le dos. Ou, beaucoup plus tard, cette fusillade sous un tunnel, sur les quais de la Seine… Deux séquences nocturnes et visuellement très fortes, dans lesquelles la présence comique de Fernandel sonne comme un étonnant contrepoint.

L’équilibre que cherche Duvivier entre la comédie et le noir est audacieux. Il n’est pas toujours tenu, loin s’en faut. Parfois réjouissant, surtout quand il met en scène un Bernard Blier barbu, parfaitement détestable en voisin libidineux et manipulateur, parfois vain et too much (toute la partie avec le gang américain), L’Homme à l’imperméable est loin des grandes réussites de Duvivier dans le domaine de la comédie, L’Homme du jour ou La Fête à Henriette.

Le Tourbillon de Paris – de Julien Duvivier – 1928

Posté : 28 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Tourbillon de Paris

La période muette de Duvivier est décidément passionnante, révélant un cinéaste déjà au sommet de son art. De ce pan méconnu de sa filmographie, malgré son éclectisme, il se dégage quelques constantes, notamment l’utilisation courante des surimpressions. Cette signature visuelle atteint sans doute son apogée dans Le Tourbillon de Paris, où cette tendance à faire cohabiter deux plans différents sur la même image est poussée à l’extrême.

Faire resurgir des images du passé, souligner l’ivresse de la vie parisienne, confronter un personnage à ses fantômes, donner corps aux paroles d’une chanson révélant l’état d’âme d’une artiste… Duvivier utilise la surimpression en virtuose, s’en servant pour effacer avec naturel, et même évidence, les limites techniques du cinéma muet. Muet, vraiment ? Cette virtuosité du cinéaste donne le sentiment au contraire que Le Tourbillon de Paris est un film pleins de sons.

Le son de la neige qui crisse d’abord. C’est dans un décor enneigé que le film commence, dans un village de haute montagne isolé par la neige (Tignes, bien avant l’essor des stations de ski, encore un village coupé du monde), où s’est réfugiée une chanteuse parisienne dépassée par son propre succès. C’est là que son mari, un aristocrate écossais très à cheval sur les vieux principes, la retrouve après une longue période de séparation.

C’est qu’il entend bien faire respecter les traditions, en l’occurrence que sa femme renonce à sa vie professionnelle pour mener une douce vie d’épouse dévouée. La belle, elle, aimerait bien renouer avec la fièvre du théâtre, et avec le tourbillon de sa vie mondaine. Alors elle le fait, retrouvant les sommets malgré les efforts d’une presse magouilleuse, et notamment d’un critique très à l’aise avec son propre petit pouvoir. Et en passant, Duvivier dézingue la presse en général et la critique en particulier.

Comme beaucoup de films de cette époque (mais aussi d’époques plus tardives), le beau portrait d’une femme libre et en avance sur son temps est un peu ruiné par la conclusion du film, où la jeune artiste indépendante se range et devient l’épouse soumise qu’on attend qu’elle soit. Le féminisme a encore son chemin à trouver, dans cette France d’il y a presque un siècle.

Le film est par ailleurs une merveille, tant dans sa partie parisienne pleine de vie et de folie, que dans sa partie montagnarde, où Duvivier filme la neige et les grandes étendues désertes avec une inventivité et une intensité rares.

Et puis il y a les acteurs, tous formidables. Gaston Jacquet, acteur fétiche de Duvivier à l’époque du muet (et qu’il retrouvera jusque dans les années 1950), avec qui il a tourné une douzaine de films. Dans le rôle du mari un peu âgé attendant avec résignation que son épouse revienne à la raison (oui), il est admirable, tout en retenue. Et Lil Dagover, grande actrice allemande vue chez Lang (Les Araignées, Les Trois Lumières…) et Murnau (Tartuffe), parfaite dans le rôle de la jeune femme qui, au fond, cherche sa vraie place.

La Charrette Fantôme – de Julien Duvivier – 1940

Posté : 22 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, DUVIVIER Julien, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

La Charrette Fantôme

Ce n’est pas parce que c’est un film de commande que ça ne peut pas être une œuvre personnelle. La Charrette Fantôme en est un parfait exemple : Duvivier n’est pas à l’origine du projet, qui lui a été confié par la Transcontinental. Ce n’est d’ailleurs pas un matériau tout neuf, puisque le roman de Selma Lagerlöf a déjà été porté à l’écran par Victor Sjöström pour un chef d’œuvre muet. Mais Duviver en tire un film qui porte en lui plusieurs thèmes qui lui sont chers.

Celui de la rédemption pour commencer, omniprésent dans son cinéma, et encore auréolé d’une grande auréole religieuse qui frise, au moins dans une scène, au prêchi-prêcha d’un autre temps. Qui frise seulement, parce que même si la grande séquence du prêche se veut ouvertement grandiloquente, elle est d’une force indéniable, qui vous tire des frissons et donne une vérité indéniable à une situation hautement improbable : des laissés pour compte sont en proie à une violente crise de conscience suscitée par des chants religieux.

Duvivier renoue aussi avec une forme de fantastique très ancré dans la religion, après le beau Le Golem. Ici, il s’agit d’une charrette grinçante annonciatrice de la mort qui va frapper. Et Duvivier se démarque de Sjöström en ne filmant que très rarement la charrette, limitant ses effets visuels pour se contenter de bruits de grincement. Une sobriété qui rend les scènes de mort plus frappantes encore, particulièrement celle de Georges, dont l’agonie se conclut par un gros plan assez traumatisant sur le visage de Louis Jouvet.

Jouvet, impérial en lettré des bas-fonds, fascinant contrepoint à la déchéance du personnage principal joué par Pierre Fresnay. Le premier est cultivé, le second a un solide savoir-faire d’artisan (souffleur de verre en l’occurrence)… Pas exactement l’incarnation typique du sans domicile fixe habituel. Pourtant, il y a dans La Charrette Fantôme une vérité qui, pour le coup, porte indéniablement la patte de Duvivier, dont le plus grand talent a toujours été de nous plonger dans des microcosmes très différents.

Ici, dans cette ville dont on ne sait rien (si ce n’est qu’elle « ici, là-bas, ou ailleurs », ainsi que le précise un carton au début du film), Duvivier fait sentir la crasse, la misère et l’ennui. Fresnay et Jouvet, deux aristocrates de la rue confrontés à leur propre mort, sont magnifiques. Face à eux, Micheline Francey incarne une irrésistible jeune sainte, d’une bienveillance absolue. C’est aussi ça le regard de Duvivier : sans rien gommer de la noirceur de ses personnages, il signe un film extrêmement bienveillant, qui réchauffe le cœur.

La Divine Croisière / Le Miracle de la mer – de Julien Duvivier – 1929

Posté : 17 juin, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

La Divine Croisière

Voilà pourquoi Duvivier est le plus grand des réalisateurs français. La Divine Croisière est encore nimbé de religion, le scénario est hautement improbable (la fille d’un armateur tyrannique décide de prendre la mer pour retrouver le bateau disparu de celui qu’elle aime). Mais pourtant, le film est un chef d’œuvre, visuellement splendide, et d’une puissance extraordinaire.

Le film est beau à tous points de vue. Et il n’en manque pas (de points de vue). Film d’aventure, film ésotérique, film social engagé, film quasi-documentaire sur une petite cité de pêcheurs… Cela pourrait partir dans tous les sens, c’est juste extrêmement dense, mais parfaitement tenu.

Impossible de faire le tour de toutes les beautés du film. Commençons par l’utilisation de la lumière, motif omniprésent qui semble conduire vers l’apogée du film : le « miracle » en haute mer. Une lanterne qui éclaire la nuit, un début d’incendie… Duvivier s’autorise toutes les audaces visuelles avec une maîtrise parfaite.

Plus qu’une maîtrise, à vrai dire : le film est d’une grande virtuosité, constamment au service du récit et des émotions. Duvivier souligne les grands mouvements romantiques comme les soudains aspects de rage, et nous offre des ruptures de tons parfois radicaux. Parfois dans le même temps d’ailleurs : un beau montage parallèle met en regard l’euphorie de retrouvailles et l’horreur d’une mort violente.

La violence est rare, mais elle marque la rétine, comme cet homme inconscient passé par-dessus bord, vision glaçante qui rompt avec la bonhomie de certaines séquences, notamment celles mettant en scène le bon prêtre, jovial et généreux. Tout l’opposé du puissant armateur, qui casse une grève naissante avec froideur.

Duvivier prend évidemment le parti des petits, les marins exploités dont il filme les visages en très gros plans d’une expressivité sublime. Il y a dans ces portraits une vérité incroyable. On peut ajouter des séquences impressionnantes de tempête, avec une belle utilisation de maquettes. Ou encore une belle direction d’acteurs, qui évite le piège de la béatitude que le thème pouvait laisser craindre.

Duvivier met en scène ce qui ressemble fort à un miracle, avec apparition divine. Mais son cinéma est entièrement tourné vers les personnages, vers ce milieu des marins dans lequel il nous plonge intimement. Et c’est absolument magnifique.

Pendant plus de quatre-vingt-dix ans, le film était considéré comme perdu en grande partie. Sa version complète a finalement été retrouvée et reconstituée grâce à Lobster, la précieuse société de Serge Bromberg. Le film, superbement restauré, figure dans le coffret consacré aux premiers chefs d’œuvre de Duvivier. Indispensable.

Le Diable et les dix commandements – de Julien Duvivier – 1962

Posté : 17 mai, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, DARRIEUX Danielle, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Le Diable et les dix commandements

Entre Duvivier et la religion, c’est une longue histoire d’amour et de défiance. D’amour d’abord, avec quelques films marqués par la foi. Puis de défiance, de plus en plus marquée, jusqu’à ce que son cinéma devienne l’un des symboles d’un athéisme joyeusement irrespectueux. Il y a eu Don Camillo bien sûr, mais aussi ce film à sketch, inégal par essence, mais traversé par une constante ironie.

Le procédé narratif très vague et la voix off du diable en personne (Claude Rich, tout en suavité) ne sont que prétextes à une suite de saynètes dévoilant ce que l’homme (et la femme) a de moins glorieux. Encore que, là aussi, les péchés ne sont pas tous traités de la même manière. Et celui qui commet un homicide est finalement filmé avec nettement plus de compréhension que celle qui se donne pour un bijou. Entre les tables de la loi et la morale qu’assume Duvivier, il y a parfois un monde…

Une dizaine d’histoires de suivent, donc, inégales mais marquées par des dialogues souvent réjouissants (signés tantôt Jeansson, tantôt Barjavel, tantôt Audiard) et une distribution exceptionnelle. Ce qui est inhérent au genre du film à sketchs. On ne va pas se lancer ici dans un name dropping qui n’en finirait pas. Mais un film où un tout jeune Delon rencontre sa mère naturelle interprétée par Danielle Darrieux ne peut pas être inintéressant.

Et ce face à face est l’un des plus grands moments du film : Delon, jeune étudiant fatigué des engueulades constantes de ses parents (Madeleine Robinson et Georges Wilson), qui apprend que sa vraie mère est une actrice (Darrieux, donc), qu’il s’empresse d’aller rencontrer, et qui se révèle un sommet d’égoïsme et d’inconséquence. Elle est formidable, Darrieux, tout en désinvolture glaçante. Et la scène où Delon retrouve ceux qui l’ont élevé est un très joli moment de tendresse filiale.

Dans les autres segments, Duvivier va un peu dans tous les sens. Il offre surtout des rôles taillés sur mesure pour ses acteurs. On retiendra notamment Michel Simon, truculent en homme à tout faire d’un couvent, jurant comme un charretier, qui réalise que l’évêque qui vient en visite est un copain d’enfance perdu de vue depuis si longtemps. Ou Louis De Funès en braqueur volé par sa victime (Brialy). Ou Aznavour en jeune prêtre défroqué jurant de venger sa sœur, prostituée par un sale type joué par Lino Ventura.

Entre le très léger et le très sombre, c’est un peu les montagnes russes que propose Duvivier. Avec quelques moments moins convaincants, comme ce « bon dieu » joué par Fernandel qui débarque dans une maison de montagne, comme un clin d’œil au moine de L’Auberge rouge. Mais cette suite d’histoires incarnées par une bonne partie de ce que le cinéma français compte de grands acteurs est assez réjouissant.

Golgotha – de Julien Duvivier – 1935

Posté : 16 mai, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, DUVIVIER Julien, GABIN Jean | 1 commentaire »

Golgotha

Gabin en toge dans le rôle de Ponce Pilate… Voilà une curiosité qui, sur le papier, fait craindre le pire. La première apparition de l’acteur en toge ne rassure d’ailleurs pas tout à fait : c’est Gabin avec son phrasé de Français populo, un peu plus en retenue simplement. Et puis finalement, le charme opère, et c’est tout le parti-pris de Julien Duvivier qui se résume dans cette incarnation sobre et dénuée d’effet.

Duvivier n’en est pas à son premier film « religieux ». De L’Agonie de Jérusalem à La Vie miraculeuse de Thérèse Martin, sa période muette compte quelques œuvres mystiques importantes. Il reviendra à la figure christique avec son Don Camillo, mais c’est une autre histoire, qui n’est toutefois pas sans rapport : sa comédie à venir rappelle que la crise de foi du cinéaste a vite tourné court. Son Golgotha, mise en images de la Passion du Christ, est un peu à la croisée des chemins.

Duvivier s’y montre très respectueux de l’histoire telle que racontée dans le Nouveau Testament, mais se défait autant que possible de l’imagerie religieuse traditionnelle, pour filmer les événements avec le sens du vrai et du vivant qui caractérise son cinéma. C’est là que son film est le plus passionnant : dans la capacité qu’a le cinéaste de rendre palpable l’atmosphère de cette Jérusalem là, grouillante de vie et remplie d’intrigants.

C’est à la fois spectaculaire dans la forme, et édifiant sur le fond. Dans la forme, Duvivier filme Jérusalem plus encore qu’il ne filme Jésus lui-même (Robert Le Vigan, habité). Il alterne habilement les plans larges de foules, impressionnants, et les gros plans sur des visages pleins de passions. Et devant sa caméra, Jérusalem a le même accent de vérité que la Casbah de Pépé le Moko ou les forêts glacées de Maria Chapdelaine.

Sur le fond, Duvivier fait de Jésus un objet de désir ou de dégoût, c’est selon. Mais son sort est clairement entre les mains de politicards, de personnages lâches ou mesquins. On sent bien que c’est moins Jésus lui-même qui intéresse le cinéaste que tous ceux qui ont son sort entre leurs mains, que ce soit le puissant et grotesque Hérode (Harry Baur, grandiose le temps d’une unique séquence) ou un simple anonyme dont les convictions oscillent au rythme de la foule.

Et Pilate, donc, dont Gabin fait un homme simple et même médiocre, un type qui a plutôt bon cœur, et qui ne veut fâcher ni la foule dont la colère pourrait lui coûter sa place, ni sa femme (Edwige Feuillère), qui ne veut pas qu’on touche au Messie, et dont la colère pourrait lui coûter la paix de l’esprit. Il s’en lave les mains, donc. Ce geste historique est filmé comme toutes les étapes de la Passion : avec une certaine distance, qui révèle curieusement l’humanité profonde des personnages.

Le Mariage de Mademoiselle Beulemans – de Julien Duvivier – 1927

Posté : 29 avril, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Mariage de Mlle Beulemans

Le cinéma de Duvivier ne cesse de surprendre par ses qualités ethnologiques qui évitent systématiquement toutes les images cartes-postales. Le Mariage de Mademoiselle Beulemans surprend donc dès les premières minutes, par son introduction qui sonne comme un aveu rigolard : oui, il va cette fois jouer avec les clichés du pays dans lequel il pose ses caméras, en l’occurrence la Belgique.

Çcommence donc par cinq minutes touristiques : en guise de générique, Duvivier tourne les pages d’un livre consacré à la Belgique et à ce qu’il faut en connaître. Défilent alors des images de Bruxelles, de Bruges, d’Anvers ou de Gand, des gravures évoquant le goût du peuple belge pour la bonne chaire et la bonne bière. Et c’est dans le milieu des brasseurs de bière qu’il pose ses caméras, flirtant décidément avec les clichés liés à la Belgique.

La pièce dont le film est l’adaptation (et dans laquelle Julien Duvivier avait joué quelques années plus tôt) était en grande partie basée sur la langue et l’accent belges ? Duvivier contourne les contraintes du muet en basant son film sur l’atmosphère des brasseries et sur la truculence très visible de ses personnages. L’accent lui-même est remarquablement bien rendu par l’utilisation très habite des intertitres, pourtant parcimonieux.

Une comédie : il n’y en a pas tant que ça dans la carrière de Duvivier, surtout des comédies si légères et simples. Il s’y révèle très à l’aise, signant un film vif et plein d’esprit, qui oppose les postures élégantes d’un jeune Parisien de passage à Bruxelles, et l’aspect brut de coffrage de ce microcosme des brasseurs belges.

De son triangle amoureux assez classique, Duvivier fait un portrait vivant et irrésistible de ce petit monde. C’est donc l’histoire d’une jeune femme, fille d’un des grands brasseurs de la ville, qui hésite entre le fils d’un autre brasseur à qui elle est promise, et un Parisien de passage qui peine à trouver sa place dans ce monde qui n’est pas le sien.

Le film est plein de scènes de foules, notamment de tavernes, tellement vivantes qu’on a le sentiment d’entendre le brouhaha. Une séquence, surtout, impressionne : le concours de pipe, dans une pièce de plus en plus enfumée. A l’image de la toute dernière scène, qui mêle l’intime de la situation au gigantisme de la mise en scène, Duvivier joue constamment sur ces deux tableaux : une histoire basée sur une poignée de personnages, et un contexte grouillant de vie et d’excès. C’est totalement irrésistible.

Anna Karénine (Anna Karenina) – de Julien Duvivier – 1948

Posté : 17 avril, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Anna Karénine

Ils ne sont pas tellement nombreux à avoir été tendres avec cette adaptation du roman de Tolstoï, la troisième après celle avec Greta Garbo… et celle avec Greta Garbo. Julien Duvivier lui-même semble n’avoir pas gardé un très grand souvenir de cette nouvelle expérience internationale : une production britannique cette fois, après quelques films hollywoodiens pendant la guerre, et un bref retour en France avec l’un de ses chefs d’œuvre, Panique.

C’est une production britannique (d’Alexander Korda), mais ce Anna Karénine ressemble à s’y méprendre à l’un de ces grands mélodrames qui ont fait la gloire d’Hollywood. L’ambition de cette adaptation, l’ampleur de la mise en scène et de la reconstitution, la musique grandiose même… Tout contribue à faire du film l’une de ces grosses machines parfaitement huilées qui sont finalement plutôt l’œuvre d’un producteur que celle d’un réalisateur.

C’est en partie vrai, mais seulement en partie. Certes, il y a quelques passages dont on sent qu’ils pourraient être réalisés par à peu près n’importe quel habile cinéaste. Mais il y a aussi tous les autres, ces moments où l’intime s’impose dans un gigantisme de façade. C’est sans doute la patte de Duvivier : cet air russe qui résonne au loin, ce choix de ne filmer un prestigieux mariage que par une succession de gros plans sur des visages, cette manière qu’il a de faire surgir la passion amoureuse d’un pan d’ombre, ou d’un grand silence…

L’adaptation, signée Duvivier lui-même et Jean Anouilh, entre autres, est relativement fidèle à l’intrigue du roman de Tolstoï : Anna, femme d’un haut fonctionnaire de la Russie tsariste, tombe amoureuse d’un jeune officier qui l’aime en retour. Mais sa passion à elle est totale, irréfléchie, sans retour. Tout au bout, rien d’autre que la tragédie. Et cette tragédie donne lieu à une longue séquence finale d’une beauté sidérante, et déchirante, portée à la fois par l’incarnation troublante de Vivien Leigh, décidément sublime, et par la mise en scène très inspirée de Duvivier.

La manière dont il filme les trains et les gares tout au long du film dans une série de scènes clés est passionnante. Il utilise tous les outils du cinéma : plans larges ou très serrés, ombres profondes, neige de studio, et même des maquettes filmées en gros plan… C’est une beauté picturale saisissante, et c’est d’une efficacité absolue, parce que l’esthétique même de ces scènes adopte totalement le point de vue de l’héroïne : ses espoirs, ses passions, ses doutes et son désespoir.

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