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Archive pour la catégorie 'RUFFIN François'

Au boulot ! – de Gilles Perret et François Ruffin – 2024

Posté : 23 novembre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, DOCUMENTAIRE, PERRET Gilles, RUFFIN François | Pas de commentaires »

Au boulot

Il est un peu le Michael Moore français, en plus drôle et moins manipulateur, mais avec la même sincérité, et la même croyance dans la force du cinéma pour dénoncer, et pour tenter de réparer les injustices. Il est aussi le député de mon petit coin picard. Et même si je n’ai pas l’habitude de faire de la politique sur ce blog, je dois reconnaître être sorti de la salle avec une vraie fierté, en plus d’un large sourire.

Parce qu’on sort avec le sourire de ce film malin et redoutablement efficace, qui nous plonge dans le quotidien de vrais gens d’ici et là, de ceux dont Ruffin ne cesse de rappeler l’existence et les difficultés : un livreur de colis, un agriculteur, un bénévole du Secours Populaire, les ouvriers d’une usine de poissons, ou encore une aide-soignante… Autant de travailleurs aux revenus modestes (oui, surtout le bénévole) dont le regard de Ruffin et la caméra de son complice Gilles Perret soulignent l’humanité.

Pas de misérabilisme, mais un regard sans concession sur cette France invisibilisée et méprisée au quotidien par des chroniqueurs forts en gueule dans des médias aussi écœurants que CNews, C8 ou d’autres. En l’occurrence, c’est sur le plateau des Grandes Gueules de RMC que Ruffin a eu l’idée de génie qui donne son relief à ce nouveau film. En débattant avec Sarah Saldmann, « juriste » (comme elle se présente) et chroniqueuse habituée des avis très tranchés. Et très tranchants.

Les Smicards devraient déjà être contents de gagner 1300 euros, a-t-elle lancé en substance. Ça et ses propos sur les « feignasses », les « glandus » qui profitent des arrêts maladies au premier coup de froid, il n’en fallait pas plus (mais c’est déjà pas mal, reconnaissons le) au député-réalisateur pour lancer une invitation à cette grande bourgeoise parisienne : et si elle venait vivre la vie de ces Smicards ?

Il faut reconnaître à Sarah Saldmann un certain courage, ou une profonde inconscience. Ou à François Ruffin une capacité de conviction qui repose sans doute sur l’humanité qu’il dégage : pas de colère dans ses rapports avec la jeune femme, qui représente pourtant à peu près tout ce qu’il combat, mais une profonde envie de convaincre, et surtout de lever le voile sur ces glandus trop souvent résumés à leur catégorie sociale.

Bref : elle a accepté. Le film aurait sans doute existé sans elle, mais il n’aurait pas cette force comique et émotionnelle. Parce que le contraste entre la vie de l’avocate-chroniqueuse et celles qu’elle découvre dans son voyage à travers la France est saisissant, et qu’il est souvent source de sourires, et même de rires francs. C’est le regard de Ruffin qui veut ça, cette capacité qu’il a dans ses films de transformer la réalité sociale en comédie (ou le contraire) pour mieux pointer du doigt les réalités qui font mal.

Et c’est bouleversant, parce que les gens que filment Ruffin et Perret sont beaux. Derrière leurs visages parfois marqués, derrière leur élocution parfois hésitante, derrière les sourires pas dupes ou une dentition cachée qu’on n’a pas les moyens de refaire, c’est l’humanité dépouillée que dévoile le film. Il faut reconnaître que Ruffin a le sens du casting : ses « vrais gens » sont bouleversants de sincérité, de fragilité, d’humilité, et même de fierté, à l’image de cette magnifique aide-soignante qui, consciente de la dureté de son métier, le brandit comme un étendard, comme « le plus beau métier du monde ».

Sarah Saldmann elle-même est un personnage passionnant. Tellement décomplexée, tellement coupée des réalités dans son monde fait de brunchs et de défilés de mode, que sa découverte de ce qu’est réellement le quotidien de ceux qu’elle critique à longueur de chroniques sans avoir la moindre idée de ce qu’ils vivent est brutal, et même émouvant. Subrepticement arrachée à cette indécence médiatique dans laquelle est se vautre habituellement.

Elle en devient même étonnamment sympathique. C’est sans doute la magie du cinéma que de nous faire croire que tout est possible, que le vilain crapaud tout blond peut se transformer en altermondialiste enflammé. Bon… La réalité finit par se rappeler à notre bon souvenir, et Sarah Saldmann est virée avant la fin du tournage pour avoir refusé de critiquer les attaques d’Israël sur Gaza.

La fin du film n’est donc pas le « happy end » espéré par Ruffin et Perret, qui nous offrent toutefois une conclusion euphorisante et profondément émouvante sur la plage de Fort-Mahon (c’est sur la côte picarde), avec tapis rouge, champagne, et un sourire à la dentition parfaite qui nous file un shoot de joie et d’émotion comme on n’a rarement l’occasion d’en vivre au cinéma.

Merci patron ! – de François Ruffin – 2016

Posté : 25 juillet, 2020 @ 8:00 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, RUFFIN François | Pas de commentaires »

Merci patron

Avant d’être député, François Ruffin était déjà le patron du journal Le Fakir. Et il se voyait bien en double picard de Michael Moore : même engagement, même attachement viscéral aux droits des individus, même sens de la dramaturgie et de la mise en scène… et même égotisme surdimensionné.

C’est la limite de ce documentaire engagé et, on le sent, profondément sincère : cette manière de constamment se mettre en scène en chevalier blanc sans peur et sans reproche, tout juste traversé par un petit doute, lorsqu’il se demande si sa mise en scène (justement) ne va pas ruiner toutes les avancées obtenues.

Dans Merci Patron !, François Ruffin prend la défense des laissés pour compte de LVMH : toutes ces petites mains de la Somme et du Nord qui se sont retrouvées au chômage et dans la misère après que Bernard Arnault a racheté des entreprises pour mieux délocaliser l’activité.

Comme il a le sens de la dramaturgie, mais aussi le vrai sens pratique de l’homme d’action, il comprend vite qu’il ne représentera jamais mieux l’ensemble des laissés pour compte qu’en se focalisant sur un unique couple. Les Klur, de Poix-du-Nord, des vrais gens, pas glamour pour un sou, et bien dans la galère, sur le point de perdre leur maison.

François Ruffin se met en scène à leurs côtés. On sent parfois que ces images comme prises sur le fait sont, justement, très mises en scène. Mais qu’importe : c’est surtout l’empathie du type qui frappe, ce refus du misérabilisme. Ruffin n’est pas un laissé pour compte, mais il les comprend, il les aime, c’est flagrant.

Le ton qu’il utilise n’est jamais agressif. Ironique, plutôt. Pédagogique, aussi. Édifiant, surtout. En tentant d’approcher l’homme Bernard Arnault, Ruffin dévoile la puissance de la machine LVMH. En mettant en place un stratagème pour soutirer quelques dizaines de milliers d’euros au groupe au bénéfice des Klur, il met en évidence une organisation souterraine franchement glaçante.

Le film de Ruffin a un côté plus bricolo que ceux de Michael Moore. Il est aussi, sans doute, plus crédible dans son travail journalistique. Son film, vivant et souriant, révèle le cynisme organisé du monde du luxe et des grandes entreprises. Une image : un chef d’entreprise (délocalisé) qui annonce avec un sourire indolent que si les salaires continuent à augmenter en Bulgarie, une nouvelle délocalisation aura lieu vers la Grèce, où des tas de gens sont au chômage. Chouette ! Rien de plus facile à exploiter qu’un peuple dans la misère…

Merci Patron ! est un road trip populaire qui sent la frite et la bière. C’est aussi un documentaire engagé qui sent le chagrin et la misère, et souffle un vent de révolte qui fait du bien.

 

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