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Archive pour octobre, 2025

Un simple accident (Yek tasadof-e sadeh) – de Jafar Panahi – 2025

Posté : 29 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, Palmes d'Or, PANAHI Jafar | Pas de commentaires »

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Difficile d’évoquer le dernier film de Jafar Panahi sans parler de la Palme d’Or qu’il a décroché. Sans doute cette Palme est-elle méritée, au moins n’est-elle pas imméritée, tant le film est fort et courageux. Mais il y a quand même cette impression qui flotte, et qui flottait déjà avant l’ouverture du festival : le sentiment que cette Palme rattrape celle que n’a pas eue Moammad Rasoulof en 2024.

Et oui : Les Graines du Figuier sauvage est un chef d’œuvre, en tout point supérieur au très beau film de Panahi. Et un rendez-vous manqué (même s’il a été primé) entre le plus grand film de l’année dernière et le plus grand festival du monde. Cela étant dit, c’est bien du film de Panahi qu’il s’agit ici, cinéaste que je découvre avec ce film, et dont le cinéma est comme celui de Rasoulof un cinéma de combat, tourné en clandestinité (et malgré les condamnations à répétition) dans cet Iran des Molahs.

Entre les deux cinéastes, la parenté semble d’abord évidente, avec cette première scène filmée dans l’habitable d’une voiture, qui rappelle d’autres films iraniens tournés en clandestinité (comme Le Diable n’existe pas). De fait, les habitacles de véhicules sont beaucoup utilisés par Panahi, tout au long de ce film qui donne le sentiment d’être constamment en mouvement, dans une sorte d’entre-deux, à la fois optimiste et plein d’inquiétude.

Que Panahi soit retourné en Iran après sa Palme renforce encore l’impression de courage que donne son film. Parce que sa vision de la société iranienne est sans détour. Son histoire se déroule dans ce qui ressemble bien à un Iran d’après les Molahs, comme si la société de son pays avait tourné la page de ce régime, et tentait de se relever de ses traumatismes. Un pays où l’on croise des femmes sans voile dans les rues, vision qui procure un frisson inattendu au spectateur qui a déjà vu quelques films iraniens.

Le postulat de départ est à peu près le même que celui de La Jeune fille et la mort de Polanski. Le simple accident qui donne le titre, c’est celui qui ouvre le film : une famille apparemment sans histoire roule de nuit, et heurte un chien, qui meurt. Première fêlure dans l’image de cette famille. Le père trouve de l’aide dans une boutique. Là, dans une réserve, un employé se fige en entendant l’homme marcher, sans le voir.

Car le père grince quand il marche : une prothèse mal réglée qui émet un son qui rappelle à l’employé le bruit que faisait le gardien de prison qui l’a martyrisé pendant des mois, jusqu’à briser sa vie. Persuadé d’avoir retrouvé son bourreau, il l’enlève en pleine rue, l’emmène au milieu du désert pour l’enterrer vivant, jusqu’à ce qu’un doute l’arrête : et si ce n’était pas lui ? Pour s’en convaincre, il sillonne la ville pour retrouver d’autres victimes…

La quête se teinte bientôt d’une ironie grinçante, et d’un humour mordant qui flirte par moments avec l’absurde, comme si la noirceur de La Jeune fille et la mort rencontrait la drôlerie des Pieds Nickelés. Et comme si Panahi, tout en abordant des thèmes complexes et sombres (la question de l’après, de la possibilité ou non de pardonner et de vivre ensemble), choisissait de garder une forme de légèreté qui a tout d’un acte de résistance.

Son équipe de bras cassés incarne pourtant l’Iran martyrisé, brisé, et fracturé. Et tout en glissant des touches d’humour et une vraie dérision, Panahi signe un film puissant et assez inconfortable, qui refuse les facilités et les jugements hâtifs, jusqu’à un final dont on ne dira rien, si ce n’est qu’il confirme l’importance donné au son, et qu’il hante le spectateur longtemps après la fin du film.

Partie de campagne – de Jean Renoir – 1936

Posté : 28 octobre, 2025 @ 8:00 dans 1930-1939, COURTS MÉTRAGES, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

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Un carton ouvrait le film, lors de sa première projection en 1946, dix ans après le tournage : Partie de campagne n’a jamais été totalement terminé. Deux cartons d’intertitres complètent donc le récit, en l’occurrence au tout début en guise d’introduction, et avant la dernière scène, en guise de lien entre deux époques. Mais à vrai dire, le film est, en l’état, à peu près parfait.

Avec ses 41 minutes, Partie de campagne fait en tout cas partie des premiers très grands chefs d’œuvre de Renoir, une adaptation (par le réalisateur) d’une nouvelle de Maupassant, et une pure merveille de mise en scène, de délicatesse, qui capte aussi bien la fragrance d’un dimanche à la campagne que la persistance d’un regret au long cours.

L’histoire est très simple : une famille de petits bourgeois parisiens arrivent à la campagne, pour un dimanche au bord de l’eau, troublant les calmes habitudes de deux amis qui décident, pour tromper l’ennui, d’aller séduire les deux femmes du groupe, la mère et la fille, pendant que le père de famille (ce bon Gabriello) et son futur gendre, innocents dans tous les sens du terme, sont trop occupés à pêcher.

Renoir se montre à la fois tendre et ironique, dans sa manière de filmer ces Parisiens un peu ridicules dans leur amour si ostensible pour la campagne (« c’est quand même salissant »). Cynique ? Même pas. Renoir aime ses personnages, quels qu’ils soient : aussi bien cette mère au rire trop fort que ce canotier au sourire si triste. Tous, ou presque (il n’épargne pas le futur gendre, outrancièrement grotesque, sans doute parce qu’il représente l’échec à venir de la vie de la jeune femme), trouvent grâce à ses yeux.

Et ce petit drame se noue dans une nature qui, s’il y avait la couleur, évoquerait sans aucun doute la palette des impressionnistes, et celles du père Renoir qui a su si bien peindre les fêtes au bord de l’eau, et notamment les canotiers. Après des débuts marqués par les échecs à répétition, Partie de campagne donne le sentiment (peut-être grâce à la réussite du Crime de monsieur Lange) d’être l’œuvre totalement personnelle d’un cinéaste libéré au sommet de son art. La suite, d’ailleurs, sera un enchaînement de chefs d’œuvre.

La Vie est à nous – de Jean Renoir – 1936

Posté : 27 octobre, 2025 @ 8:00 dans 1930-1939, BECKER Jacques, BRUNIUS Jacques B., CARTIER-BRESSON Henri, DOCUMENTAIRE, LE CHANOIS Jean-Paul, LIME Maurice, RENOIR Jean, UNIK Pierre, ZWOBADA André | Pas de commentaires »

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Un film étendard pour Renoir, dont on continue à se demander neuf décennies après s’il est devenu le cinéaste attitré du Parti Communiste par pure conviction ou par amour. Sans doute un peu des deux, et qu’importe au fond : La Vie est à nous existe, et il reste le plus mémorable de tous les films tournés à la gloire d’un parti politique en France, ce qui est déjà énorme.

Et on échappera pas à l’expression « film de propagande », bien sûr. On est même en plein dans le sujet. La Vie est à nous a beau être profondément attachant, l’honnêteté pousse à reconnaître que Renoir y utilise grosso-modo le même langage qu’une certaine Leni Rifenstahl quelques mois plus tôt avec son Triomphe de la volonté : le langage du cinéma, parfaitement maîtrisé, au service d’une idéologie.

Celle que sert Renoir a le mérite d’être profondément humaniste, tournée vers le peuple qui souffre et promouvant le collectif et l’entraide. En se vautrant certes dans une idolâtrie pro-soviétique d’avant la rupture qui fait pour le moins tiquer aujourd’hui : Stalline et Lénine comme modèles d’humanistes, on fait plus consensuel. Mais comme on dit, il faut remettre dans le contexte : en 1936, on ne savait pas, on ne voulait pas encore savoir, ou quelque chose quelque part entre les deux…

La Vie est à nous est ce qu’on peut sans hésitation appeler un film à message. La première partie, un rien lénifiante, l’illustre bien : un enseignant vante les atouts et les richesses de la France devant une classe captivée, avant de lancer un « pauvres petits » en voyant partir ses élèves, conscient d’être dans un territoire populaire peuplé de laissés pour compte. Le ton est donné : la France est riche, mais surtout pour les riches.

La suite, c’est le directeur du journal L’Humanité qui la rythme, en lisant des courriers de lecteurs qui sont autant de témoignages, qu’illustre Renoir sous la forme de courtes fictions. C’est là que le film est le plus passionnant, grâce à la puissance des images et à la force de la mise en scène, qui réussit en quelques minutes à peine à cerner le poids de la société et la force du collectif.

Je dis Renoir, mais le film est comme il se doit collectif, réalisé par une poignée d’auteurs (parmi lesquels Le Chanois sous pseudo, et le fidèle assistant de Renoir Jacques Becker) sous la supervision dudit Renoir. Le film, quand même, porte clairement sa marque, dans sa manière de filmer les gens du peuple, dans leur environnement, et dans leur force collective.

Dans ce domaine, les toutes dernières images du film rattachent définitivement La Vie est à nous à la grande tradition du cinéma soviétique de la grande période, celle de la fin du muet : un montage ultra dynamique qui associe les mouvements de la foule, la musique lyrique, les bruits des machines et les cultures florissantes dans les champs. Un véritable hymne, et un film brillant dans sa forme.

Un taxi pour Tobrouk – de Denis de La Patellière – 1961

Posté : 26 octobre, 2025 @ 8:00 dans 1960-1969, DE LA PATELLIERE Denys | Pas de commentaires »

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Entre deux Gabin passables (Rue des prairies et Les Grandes familles) et quelques Gabin au mieux médiocres (Le Tueur, Du Rififi à Paname, Le Tonnerre de Dieu), au pire affreux (Le Tatoué), Denis de La Patellière signe ce qui fut l’un des grands classiques de la télévision de ma jeunesse, l’adaptation (par Michel Audiard et avec l’auteur) d’un roman de René Havard qui dénonce les absurdités de la guerre.

Le procédé est séduisant : de la deuxième guerre mondiale dont on ressent constamment l’extrême violence autant que l’absurdité, on ne verra au fond rien d’autre qu’une poignée d’hommes, quatre Français et leur prisonnier allemand, qui traversent le désert sur leur Jeep. Rien d’autres, ou si peu : une colonne militaires des troupes de Rommel en déroute, les vestiges de véhicules explosés, des commentaires à la radio…

La caméra ne quitte jamais ce petit groupe perdu au milieu de l’infini du désert, petite communauté qui se crée en dépit des différences de classes, et d’éducation. C’est là qu’est prononcée la fameuse réplique : « Deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche ». Réplique brillante, et drôle, il faut le reconnaître, comme beaucoup d’autres tout au long du film, jusque dans les moments les plus tendus, et les plus dramatiques.

Et c’est là, comme souvent avec Audiard au service de réalisateurs pas terribles, que se situe la principale limite du film. Lorsqu’il n’est pas cadré, Audiard glisse dans la bouche de tous les personnages des paroles, un phrasé, un esprit qui lui appartiennent à lui, qui lissent toutes les différences entre les personnages (l’intellectuel et la brute parlent de la même manière), et qui recouvrent le drame d’un voile de dérision et d’ironie qui force au recul.

C’est à la fois (souvent) brillant, et (toujours) frustrant, parce qu’on voit bien que le film est, au fond, sombre et engagé, mais qu’il est plombé par un aspect très superficiel imposé par les dialogues. Ce n’est pas un hasard si la scène la plus forte est muette : la petite troupe de Français observe des soldats allemands dont ils veulent prendre le véhicule. Après une longue attente, le silence est brièvement brisé par les rafales de mitraillettes, avant de revenir, avec la vision des Allemands gisants sur le sable, morts.

Dans cette scène brève et percutante, pas une parole, pas un commentaire. Et c’est là que l’impact est le plus fort, et de loin. Pour le reste, Lino Ventura dit les mots d’Audiard presque aussi bien que Gabin, Charles Aznavour, Hardy Krüger et Maurice Biraud sont parfaits, et la mise en scène est parfaitement rythmée. Mais la vision renoirienne, l’attachement qui grandit entre des ennemis qui pourraient être amis dans d’autres circonstances, tout ça est recouvert par un vernis audiardien brillant, mais opaque.

Nathalie… – d’Anne Fontaine – 2003

Posté : 25 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2000-2009, FONTAINE Anne | Pas de commentaires »

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La femme, le mari et la maîtresse… Rien de très original dans cette combinaison. Mais le point de vue qu’adopte Anne Fontaine bouscule. Un double point de vue, à vrai dire : celui de la femme et celui de la maîtresse. Et que le dénouement soit plus complexe que ça ne change rien à la force de ce double point de vue, qui porte un regard assez rare sur le couple et la fidélité.

Un autre choix fait de Nathalieun film d’emblée intéressant : les acteurs qui interprètent le couple marié. Fanny Ardant et Gérard Depardieu. Forcément, leur seule présence fait de ce couple en crise comme un symbole du désir et de la passion, émoussés en l’occurrence par le temps qui passe. C’est que Nathalie… arrive un peu plus de vingt ans après La Femme d’à côté, film dans lequel Depardieu se prénommait déjà Bernard, ce qui n’est sans doute pas un hasard.

Cette fois, il est en retrait, Depardieu. Ce qui n’est pas non plus un hasard, mais on ne peut pas en dire trop. Le regard central, c’est celui d’Ardant, superbe dans le rôle de cette femme blessée, parce que trompée, et qui s’enferme dans une logique mortifère et dérangeante. Consciente que son mari l’a trompée, elle engage une « entraîneuse » pour séduire son mari. Comme un test grandeur nature, ou comme un besoin irréfréné de donner corps à son sentiment de péremption…

Quelle que soit la raison profonde, la relation qui se noue entre l’épouse délaissée entre deux âges et la prostituée délurée à la jeunesse spectaculaire est étonnante, trouble, fascinante. Elle, c’est Emmanuelle Béart, voluptueuse et mystérieuse, le verbe cru, le corps sexy, et le regard perdu. Elle aussi est magnifique, troublante dans sa manière d’associer la sexualité et l’innocence dans une même posture.

Anne Fontaine apporte un petit truc en plus dans cette question si souvent filmée de la fidélité et du couple soumis au temps qui passe. Parce que ce n’est pas si souvent, que le cœur d’un film s’avère être la femme blessée. Et qu’importe au fond que les postures hyper sexuées d’Emmanuelle Béart et du monde dans lequel elle évolue aient quelque chose de factice : cela n’enlève rien à la violence que ressent le personnage de Fanny Ardant, cette femme encore si belle qui regarde Emmanuelle Béart, cette femme si belle (sans le « encore ») comme le reflet de ce qu’elle n’est plus.

Au fond, Nathalie… est peut-être moins un film sur le désir et la tromperie qu’un film, fort, sur une femme confrontée au temps qui passe et au doute qui s’installe. Et c’est assez beau.

Une bataille après l’autre (One battle after another) – de Paul Thomas Anderson – 2025

Posté : 24 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), ANDERSON Paul Thomas | Pas de commentaires »

Une bataille après l’autre (One battle after another) – de Paul Thomas Anderson – 2025 dans 2020-2029 54864187702_c0a76da1bc_z

C’est souvent très beau, quand un grand cinéaste s’attaque au film de genre, parce que l’apparence anodine du propos ne vient pas troubler le pur plaisir de la mise en scène, disons le style. Une bataille après l’autre s’inscrit en grande partie dans cette logique, et c’est un grand plaisir de cinéma.

En grande partie seulement, donc, parce que derrière le film de genre, le film d’action vers lequel PTA tendait depuis si longtemps, il y a quand même une vision très actuelle et très mordante de l’Amérique trumpienne, confirmant l’impression qu’avait donné Eddington d’Ari Aster : dans cette Amérique trumpienne, il n’y a point de grand film américain qui ne soit politique.

Politique, Une bataille après l’autre l’est donc, avec ses suprémacistes blancs et ses militants d’ultra-gauches, dans cette Amérique qui semble ne pas devoir évoluer. Les deux époques du récit, séparées d’une bonne quinzaine d’années, présentent en effet une société remarquablement inamovible. Une pure invention d’Anderson, pour cette adaptation libre d’un roman (de Thomas Pynchon, comme Inherent Vice) dont l’action se déroulait des années 60 aux années 80.

Mais, bien plus encore que dans le film d’Ari Aster, la lecture politique n’est qu’un sous-texte, qui n’altère en rien le plaisir presque primal de cinéma qu’offre le film, qui repose avant tout sur les émotions, quelles qu’elles soient. Et comme on est chez Paul Thomas Anderson, ces émotions sont aussi fluctuantes que généreuses. Du suspense au rire, de l’horreur au pathétique, il n’y a bien souvent pas même un pas à franchir.

Réjouissant, le film n’a au fond qu’un défaut majeur : celui de ne commencer véritablement qu’après une bonne demi-heure (trois quarts d’heure?) de projection. Qu’on ne se méprenne pas : toute la première partie est brillante, jouissive même. On y découvre le personnage principal, joué par Leonardo Di Caprio, expert en explosif d’un groupuscule d’extrême gauche spécialiste des actions coups de poings contre les symboles d’un état répressif, et amoureux d’une leadeuse charismatique et très déterminée, jouée par Teyana Taylor.

Cette première partie est à la fois explosive, engagée, brillante et hyper sexuée. Un peu développée, elle suffirait de matière à un long métrage bien plus réussi que l’immense majorité des films américains actuels. Mais elle n’en est pas moins un rien longue pour une simple introduction, que d’autres films auraient expédié par un simple carton. Avant d’arriver au cœur du sujet.

Une bonne quinzaine d’années plus tard, donc, où l’on retrouve l’ancien révolutionnaire Di Caprio en père célibataire et planqué au milieu de nulle part, ayant troqué l’action militante contre une consommation, disons conséquente, de drogue. Un homme rattrapé par son passé, en la personne d’un militaire taré persuadé qu’il est le vrai père de sa fille à lui.

La fille, c’est Chase Infiniti, jeune actrice très intense, mais dont le personnage d’ado idéale colle assez peu à l’image d’une ado que peut se faire le père d’adolescents (oui, c’est un jugement très personnel). Le taré, c’est Sean Penn, dont je continue à me demander, plusieurs jours après avoir vu le film, s’il est immense ou ridicule, s’il mérite un Oscar ou une baffe. Une chose est sûre : il est extrême, et impressionnant, dans le rôle d’un suprémaciste luttant contre son attirance pour une militante noire… pour faire court.

Et Di Caprio ? Dans un rôle taillé pour lui, assez proche bizarrement de celui de Killers of the flower moon, où il jouait déjà un type limité (l’intellect là, la drogue ici) et dépassé par les événements, il est assez exceptionnel. Génial, même, quand il doit prendre la fuite et prendre des décisions radicales alors que son esprit est embrumé par la drogue. La longue scène où il tente de joindre un chef de réseau alors qu’il est incapable de se souvenir du mot de passe adéquat est un très grand moment de comédie.

Il y a surtout, dans ce film étonnant et foisonnant, un véritable miracle, qu’on croyait définitivement impossible : Paul Thomas Anderson réussit l’exploit de réinventer une figure usée jusqu’à la corde du cinéma hollywoodien, celle de la poursuite en voiture. Celle d’Une bataille après l’autre est un immense moment de cinéma, aussi haletante que surprenante, où les voitures épousent les bosses d’un paysage fait de hauts et de bas, où les distances sont constamment incertaines. L’effet provoqué par ces images est d’autant plus sidérant qu’elles arrivent au climax du film, à l’endroit même vers lequel convergent les 2h40 précédentes.

Quoi qu’on en pense, il y a dans Une bataille après l’autre plus de grand cinéma que dans l’immense majorité des films américains de ces quinze dernières années. Peut-être Donald Trump aura-t-il au moins cette qualité : celle d’inspirer de grands films à de grands cinéastes.

Boudu sauvé des eaux – de Jean Renoir – 1932

Posté : 23 octobre, 2025 @ 8:00 dans 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

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Jean Renoir et la lutte des classes, épisode… Combien, déjà ? Le cinéaste est encore à ses débuts, pas tout à fait encore dans son âge d’or, même s’il a déjà tourné La Chienne avec Michel Simon, mais il a déjà des obsessions bien ancrées. En tête desquelles cette manie de faire se côtoyer des hommes et des femmes de milieux sociaux radicalement différents, et de voir ce qui se passe.

Au fond, c’est même le sujet principal, voire unique de ce Boudu sauvé des eaux, adaptation d’une pièce de Pierre Fauchois créée plus de dix ans plus tôt, mais très renoirienne sur le fond. Sur la forme, Renoir continue à prouver qu’il est à l’aise dans tous les registres. Ici, il n’est ni dans la fantaisie pure à la On purge bébé, ni dans la noirceur de La Chienne, mais dans une sorte d’entre-deux.

Le film a quelque chose de la satire, même si Renoir se montre bienveillant avec tous ses personnages, jusque dans leurs défauts, leurs mesquineries et leurs petites tromperies. Entre Boudu le clochard mal dégrossi, et Lestingois le libraire menant une vie de grand bourgeois (Charles Granval) qui le sauve de la noyade, Renoir ne choisit pas. L’un et l’autre sont attachants. L’un et l’autre sont aussi sont bourrés de défauts assez impardonnables : une brutalité pleine d’ironie pour le premier (sans parler de sa propension à tripoter les femmes qu’il croise), une hypocrisie dans la crise pour le second.

Comme dans La Chienne, Renoir brouille les limites trop bien définies de la morale. Le résultat est toutefois radicalement différent ici, plein de légèreté et nimbé d’un humour non dénué de cynisme. La légèreté plutôt que l’intensité… Le parti-pris est souvent gagnant : le film séduit par sa liberté de ton, qu’il doit pour beaucoup à l’interprétation (l’incarnation, plutôt) de Michel Simon, déjà au cœur des deux films déjà cités (On purge… et La Chienne). Acteur génial qui trouve en Boudu ce qui pourrait bien être le rôle le plus marquant de sa carrière.

Renoir réduit quelque peu les femmes au rôle d’objets de désirs, qui se contentent de subir et de s’éblouir. C’est un peu peu. Mais en creux, cette place annexe révèle les aspects les plus sombres des deux personnages principaux, les hommes. Est-ce volontaire ou non de la part de Renoir ? Ça, c’est une autre histoire…

Le Bled – de Jean Renoir – 1929

Posté : 22 octobre, 2025 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

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Dernier film muet de Renoir, second film écrit par Henri Dupuy-Mazuel (l’auteur du Miracle des Loups) après Le Tournoi dans la cité, et une nouvelle fois une commande pour le réalisateur : après le 2000e anniversaire de la cité de Carcassonne pour son film précédent, c’est le centième anniversaire de la conquête de l’Algérie qui est à l’origine de ce film-ci.

Un pur film à la gloire de l’Algérie française, donc, un parti pris qu’il faut encaisser pour apprécier les qualités (réelles et nombreuses) du Bled. Parce que c’est une Algérie de rêve pour beaucoup de Français que filme Renoir : une sorte d’Eden pour les bons Français, qui ont trouvé le bonheur dans une terre que le savoir-faire des blancs a transformé en Paradis, et où les vrais Algériens sont relégués aux rôles de silhouettes autochtones soumises et reconnaissante.

Bref : il faut accepter le fait que Renoir a tourné un film à la gloire du colonialisme. Lui-même, d’ailleurs, l’a tellement accepté, qu’il a au fond contourné le problème : certes, le film se passe dans une Algérie française idéalisée, mais l’histoire pourrait se passer ailleurs. Au fond, Renoir transforme peu à peu son film en un film d’aventures trépidant, un peu comme il l’avait fait avec Le Tournoi dans la cité.

La comparaison entre les deux films, dont on peut dire qu’ils sont jumeaux, n’est pas fortuite. Outre le fait d’avoir tous deux été écrits par le même scénariste, et tournés l’un après l’autre, ils racontent en fait la même histoire : un couple d’amoureux purs contrariés par la convoitise d’un homme dangereux.

Dans cette dimension « film de genre », Renoir fait des merveilles, donnant à son film un rythme fou, particulièrement dans la seconde moitié, marquée par une impressionnante séquence de chasse, une course poursuite aux travellings dignes de John Ford, mais aussi par une attaque d’oiseaux qui fait furieusement penser à un certain film d’Hitchcock, avec trente-cinq ans d’avance.

Bien sûr, ce n’est pas le plus personnel des films de Renoir. L’arrivée du parlant va en ce sens bouleverser son cinéma, pour le meilleur. Mais Le Bled, film très oublié, est une belle manière de faire ses adieux au muet, et de s’établir comme un excellent réalisateur de films d’action. Ce qui ne sera pas la qualité première qu’on lui attribuera par la suite, il faut le reconnaître.

Mission Alarum (Alarum) – de Michael Polish – 2024

Posté : 21 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), POLISH Michael, STALLONE Sylvester | Pas de commentaires »

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Commençons par les bons côtés du film…

Continuons avec ses limites :

1 : un scénario bas du front qui confronte deux anciens agents secrets, ennemis devenus époux après un coup de foudre survécu alors qu’ils étaient occupés à s’entretuer, à une armée de tueurs pendant leur lune de miel,

2 : une image dégueulasse signée par un chef opérateur qui croit réinventer le fil à couper l’eau tiède en multipliant les contre-jours et les lumières pisseuses,

3 : une musique désastreuse qu’on jurerait sortie d’un logiciel de génération automatique,

4 : des scènes d’action aux chorégraphies réglées par des nonagénaires fatigués,

5 : des acteurs calamiteux d’où ne surnagent ni un Scott Eastwood qui se contente de faire illusion avec les mimiques (et sans le charisme) de son père, ni un Stallone dont le temps d’écran ne doit pas dépasser les dix minutes et qui semble comme momifié.

Arrêtons nous sur lui, Stallone, puisqu’il est l’unique raison de la présence sur ce blog de ce film, qui s’annonçait nul et qui est pire. Peut-être est-il temps de tourner la page, de renoncer à l’attachement viscéral que j’ai pour le créateur de Rocky et l’interprète de Copland, et accepter le fait que sa carrière au cinéma est tombée dans des abîmes indéfendables.

Le voir cachetonner dans ce nanar indéfendable fendrait presque le cœur, autant que le voir se corrompre en admirateur de Trump. Presque. Mais au fond, on s’en veut surtout d’avoir perdu 90 minutes de sa vie. 90 minutes, d’après le décompte qui s’affiche à l’écran. Ressenti : 4 heures. La seule surprise, finalement, c’est la fin ouverte qui laisse entendre que le réalisateur envisage une suite. C’est donc qu’il ne se rend compte de rien ?

Le Tournoi dans la cité / Le Tournoi – de Jean Renoir – 1928

Posté : 20 octobre, 2025 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

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Comme Le Bled, que Renoir tournera juste après, Le Tournoi dans la cité est écrit par Henri Dupuy-Mazuel, l’auteur du Miracle des Loups. Et comme pour Le Bled, l’auteur voulait Raymond Bernard derrière la caméra. C’est finalement Jean Renoir qui s’y colle, et ce n’est pas un choix évident sur le papier, tant ce grand film en costumes, avec ses grands décors et ses dizaines de figurants, semble éloigné de son univers.

Mais voilà : ses premiers films, personnels et parfois expérimentaux, ont tous été de cuisants échecs commerciaux. Alors Renoir, qui a définitivement pris goût pour le cinéma, a décidé d’accepter des commandes. C’était déjà le cas de la comédie Tire-au-flanc, ça l’est aussi de ce Tournoi dans la cité, produit à l’occasion du 2000e anniversaire de la cité de Carcassonne.

Donc, pas le Renoir le plus personnel de tous les Renoir, c’est certain. Et les premières minutes laissent craindre une grosse production bien plombante, « film d’art » très appliqué, reconstitution de la France du XVIe siècle à travers la visite du très jeune Charles et de sa mère Catherine de Médicis à Carcassonne. Une reconstitution très soignée, beaucoup de personnages introduits en quelques minutes, et beaucoup trop de cartons explicatifs… Non, pas le début de film le plus emballant de toute l’histoire du début de films.

Les premières séquences peinent vraiment à convaincre, parce que Renoir se montre très peu à l’aise dans les scènes d’exposition, presque empesé. On craint le pire, parce que le sous-texte – la crainte d’une guerre ravivée entre Catholiques et Protestants, ne procure pas le frisson escompté. Mais quand le drame central se met en place, Renoir se montre enfin inspiré, et même, par moments en tout cas, percutant.

Le drame, c’est l’opposition de deux hommes pour l’amour d’une femme. D’un côté, le fiancé légitime d’Isabelle, cette belle protégée de la reine mère. De l’autre, un noble protestant, séducteur flamboyant et sale type fourbe et cruel, que l’on découvre provoquant en duel le frère d’Isabelle, qu’il trucide avec un sourire sadique avant d’essuyer le sang de sa lame sur la chevelure d’une jeune femme transie d’amour pour lui.

Ce sale type est joué par Aldo Nadi, qui fut champion d’escrime (jusqu’à décrocher l’or aux JO de 1920), et qui s’avère très convainquant en salaud cynique. Glaçant, même, dans toute la partie centrale, basée sur la haine entre les deux prétendants, et ponctuée d’accès de violence particulièrement frappants.

La dernière partie, consacrée au tournoi lui-même,est plus en demi-teinte. Elle est trop longue, comme si Renoir voulait profiter des gros moyens qui lui sont offerts, et les rentabiliser en les filmant sous tous les angles. Trop longue, donc, mais aussi pleine de (belles) surprises : dans quel autre film le spectateur est-il ainsi privé du duel que l’on attend depuis les premières minutes du film ? Et où un méchant si glaçant que celui-ci trouve-t-il une telle humanité grâce au regard (digne et bouleversant) de sa mère ?

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