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Archive pour la catégorie 'DMYTRYK Edward'

Ouragan sur le Caine (The Caine Mutiny) – d’Edward Dmytryk – 1954

Posté : 15 mai, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, BOGART Humphrey, DMYTRYK Edward | Pas de commentaires »

Ouragan sur le Caine

Les décisions d’un capitaine tyrannique et mentalement fragile incitent ses hommes à lui retirer le commandement de son bateau. Humphrey Bogart est très bien en figure autoritaire et paranoïaque, tantôt glaçant tantôt pathétique, variation moderne et assumée (avec citation explicite à l’appui) du capitaine Blye des Révoltés du Bounty. Efficace mais sans grande surprise, le film vaut d’ailleurs surtout pour son casting, formidable.

On oubliera quand même le falot Robert Francis, dont on a bien du mal à comprendre comment il peut plaire à ce point au personnage de May Wynn, fils à maman lui aussi pathétique à sa manière. Nettement plus intenses, deux personnages : celui de Fred McMurray, beau parleur, voire donneur de leçon, qui se heurte tardivement à la réalité bien concrète de ses paroles. Et son double négatif en quelque sorte : Van Johnson, second tempéré et très « by the book », qui lui assumera jusqu’au bout ses actes.

Entre eux deux, un avocat au regard à l’acuité parfaite… et amère, à qui José Ferrer, sobre et parfait, apporte une vraie profondeur, et une fin amère qui sonne juste. Ajoutons Tom Tully en capitaine borderline, Lee Marvin et Claude Akins en matelots bonnards, E.G. Marshall en procureur un peu raide… Une distribution quatre étoiles pour un film très prenant.

Pas un chef d’œuvre, non : les scènes de mouvements maritimes manquent de clarté, il manque aussi un brin d’intensité, voire un enjeu dramatique fort : en pleine guerre, on imaginerait autre chose qu’une simple tempête. Et puis la référence au Bounty est tellement évidente qu’elle en devient écrasante. Au-delà du plaisir que procurent les acteurs, le film a un côté un peu vain.

Mirage (id.) – d’Edward Dmytryk – 1965

Posté : 28 septembre, 2020 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1960-1969, DMYTRYK Edward | Pas de commentaires »

Mirage

Une panne de courant dans un grand immeuble de New York, et c’est toute la vie de Gregory Peck qui s’éteint. Quand la lumière se rallume, ce qu’il tient pour la vérité semble fuir devant lui. Il a du mal à comprendre certains comportements : cette femme qu’il ne connaît pas qui l’appelle par son prénom, ce barman qui ne sait pas quoi lui servir quand il demande sa boisson habituelle… sans compter ces quatre étages disparus, ou son bureau introuvable…

L’amnésie est un thème souvent prometteur au cinéma. Il l’est ici, tout particulièrement. Mirage n’est pourtant pas le film le plus tenu de Dmytryk. La mise en scène manque d’un certain dynamisme, la tension peine à s’installer, et le noir et blanc paraît bien plat et terne.

Comme l’interprétation de Gregory Peck d’ailleurs, qui paraît curieusement passif, flottant, comme en retrait. Mais ce flottement annonce la révélation finale, et tous les doutes qui y mènent. Pourquoi est-il amnésique ? Depuis combien de temps?…

En faisant planer le doute, mine de rien, Dmytryk réinvente l’idée d’amnésie au cinéma, transformant ce thriller aux méchants assez convenu en un cauchemar kafkaïen dont l’immeuble de bureaux est le meilleur des décors.

Un personnage, au moins, n’est pas convenu, c’est le privé débutant que jour Walter Matthau, respiration enthousiasmante au cœur de ce cauchemar de plus en plus angoissant. Matthau apporte un décalage bienvenu, et un ancrage dans la réalité, qui rendent le drame plus puissant.

La Main gauche du Seigneur (The Left Hand of God) – de Edward Dmytryk – 1955

Posté : 13 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, BOGART Humphrey, DMYTRYK Edward, TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

La Main gauche du Seigneur

Dans la longue série des films « chinois » tournés à Hollywood entre la fin des années 40 et les années 60, celui-ci est particulièrement original. Moins pour le personnage de « prêtre » joué par Bogart que pour son absence remarquable d’action.

Ce personnage qui arrive dans une mission catholique au fin fond de la Chine, on sait dès la première image qu’il ne s’agit pas véritablement d’un prêtre. Parce qu’on le découvre, en ombres chinoises, une arme à la main dans cette silhouette d’homme de dieu. Et surtout parce que c’est Bogart, tel qu’en lui-même : séducteur et viril en diable, et qu’il est impossible de voir en lui un prêtre…

Dmytryk signe un grand spectacle en Cinemascope, plein de figurants, aux décors impressionnants. Pourtant, tout tourne toujours autour des personnages, sans que jamais la tension ne se traduise par des éclats de violence.

Au contraire, les oppositions se jouent constamment autour de simples de jeu. Lorsque le « prêtre » affronte le médecin de la mission (E.G. Marshall), il le fait autour d’un échiquier. Il joue son avenir et celui de la mission avec un chef de bande ? Il le fait en jouant aux dés…

Visuellement, c’est très réussi. Le rythme, lui, est impeccable. Et en mettant ses personnages au centre, Dmytryk fait un choix plutôt judicieux, au moins pour ses personnages américains, attachants et bien dessinés : Gene Tierney et Agnes Moorehead sont, elles aussi, très bien.

En revanche, les Chinois sont nettement plus problématiques. Sympathiques et parfaitement bienveillants lorsqu’ils sont de bons catholiques, vils et dangereux pour les autres. A commencer par leur chef, « joué’ par Lee J. Cobb. Ces guillemets pour souligner que, on a beau aimer beaucoup l’acteur de 12 angry men et Boomerang, on a très envie d’oublier cette triste prestation d’un (bon) acteur (trop) maquillé en Chinois. Gênant.

L’Homme à l’affût (The Sniper) – de Edward Dmytryk – 1952

Posté : 5 avril, 2018 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, DMYTRYK Edward | Pas de commentaires »

L'Homme à l'affût

Le tueur en série est, au cinéma, un personnage à peu près aussi vieux que le cinéma lui-même. Mais à une époque où le film noir est marqué par un réalisme de plus en plus poussé, The Sniper marque une étape importante dans l’histoire du genre. Tourné dans sa plus grande partie du point de vue du tueur, le film est criant de vérité à tous points de vue.

La plus belle idée est de montrer la naissance du tueur. Ce personnage de petit chauffeur solitaire et sans envergure, à qui personne ne prête réellement attention, est d’autant plus troublant qu’il est d’une banalité confondante. Arthur Franz est, il est vrai, parfait pour incarner cette banalité et cette transparence, cet homme tellement anodin que ses appels au secours successifs, avant son passage à l’acte, se heurtent à un mur d’indifférence.

Et par la même occasion, c’est la responsabilité collective qui apparaît en filigrane. Sans doute pas anodin de la part d’un cinéaste (Dmytryk donc) qui venait de faire son retour à Hollywood après un exil en Angleterre : il faisait partie des fameux « Dix d’Hollywood » et a fini par donner les noms de plusieurs de ses camarades, lors de la Chasse aux Sorcières.

Le film est âpre et réaliste, notamment dans sa représentation de la violence, toujours brutale et soudaine, fauchant les victimes dans des moments de totale insouciance. Dmytryk excelle aussi à filmer San Francisco, en faisant le lieu de tous les possibles et de tous les dangers.

L’enquête elle-même, menée par un flic vieillissant interprété par Adolphe Menjou, est moins convaincante, reposant sur un travail psychologique discutable, mais assez typique de l’époque. Du coup, le film perd un peu de sa puissance en cours de route, après une première moitié éblouissante. Mais il reste passionnant jusqu’au bout, jusqu’à la dernière image, très belle, gros plan d’un visage en larmes.

Alvarez Kelly (id.) – d’Edward Dmytryk – 1966

Posté : 10 mars, 2017 @ 8:00 dans 1960-1969, DMYTRYK Edward, WESTERNS | Pas de commentaires »

Alvarez Kelly

Dmytryk signe avec ce western au sujet original une grosse production ambitieuse, séduisante et imparfaite. Imparfaite parce que le ton est assez étrange, Dmytryk semblant ne pas réussir à faire son choix entre un drame de guerre sombre et désenchanté, et une légèreté dont il ne se dépare jamais vraiment. Il passe ainsi de séquences de combat violentes et tragiques, à une conclusion toute en humour portée par une voix off finale rigolarde.

Le film n’en est pas moins séduisant par son sujet (l’importance de fournir en nourriture les troupes au front), et surtout par son absence totale de manichéisme. Le « héros » de l’histoire, convoyeur de bétail, est ainsi un mercenaire capable de se vendre aux Nordistes comme aux Sudistes, et qui passe effectivement de l’un à l’autre sans sourciller, le film changeant alors tout simplement de point de vue.

Il y a bien des bons et des méchants dans ce western, mais pour une fois, la différence n’est pas une question de couleur d’uniforme. Rien que pour ça… Des innombrables films prenant la Guerre de Sécession comme toile de fonds, rares sont ceux qui prennent le parti… de ne pas prendre partie. Alvarez Kelly n’est ni pro-Sud, ni pro-Nord, simplement un film qui parle des hommes (et des femmes, avec deux personnages très intéressants) confrontés à leurs choix personnels en temps de guerre.

Et puis Dmytryk utilise plutôt bien les moyens conséquents qu’il a à sa disposition, et ce Cinemascope impressionnant qui nous vaut quelques moments spectaculaires mémorables, notamment dans les séquences de fuites et les scènes d’action : en particulier cette cavalcade insensée d’un troupeau de 2500 têtes qui fonce vers un pont étroit.

Rajoutez à ça deux grands acteurs, Richard Widmark et William Holden. Avec quand même une mention pour le second, dont le personnage cynique est nettement plus intéressant, une sorte de double inversée de celui qu’il tenait dans Les Cavaliers, le film de Ford auquel on pense forcément, tant Dmytryk semble s’en inspirer dans sa manière de filmer les cavaliers en marche dans ses grandes étendues.

L’Homme aux colts d’or (Warlock) – d’Edward Dmytryk – 1959

Posté : 16 janvier, 2016 @ 8:00 dans 1950-1959, DMYTRYK Edward, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Homme aux colts d'or

Voilà un western absolument formidable, et superbement réalisé par un Dmytryk très inspiré, qui peut compter sur un chef opérateur formidable (Joseph McDonald, chef op de La Poursuite infernale ou de Niagara), à qui on doit une poignée de plans à couper le souffle, comme cette silhouette (de Henry Fonda) qui se dessine dans une nuit bleue avec les flammes qui commencent à dévorer l’écran.

Mais c’est surtout le scénario qui impressionne par sa complexité, inhabituelle dans le genre. Et par la richesse des personnages et des relations qui se tissent. Les personnages masculins en tout cas, parce que les deux personnages féminins sont à la limite de la caricature : la douce Dolores Michaels et la piquante Dorothy Malone n’y peuvent pas grand-chose.

Côté hommes, on a droit à un superbe trio d’acteurs. Richard Widmark en bandit qui passe du bon côté de la loi, sans doute un peu trop vieux pour le rôle mais toujours d’une justesse remarquable. Henry Fonda en légende vivante, intense et charismatique comme jamais. Et Anthony Quinn en mystérieux sidekick, dans l’un de ses grands rôles : l’un de ces films pas si nombreux où le réalisateur, et la nature de son personnage, ont su canaliser son énergie débordante, refréner ses penchants pour le cabotinage, et libérer son impressionnante présence. Ils ne sont pas si nombreux à avoir réussi un tel exploit (on pense à Allan Dwan avec Le Bord de la Rivière).

Avec ce film à gros budget et en Cinemascope, Dmytryk s’amuse à prendre le contre-pied des poncifs du western, et à tromper constamment l’attente des spectateurs. Les duels attendus ne se passent jamais comme on le pense, et le cinéaste se permet même de priver Fonda de la grande confrontation annoncée.

Le film est aussi une belle réflexion sur la violence et ses effets, opposant l’auto-justice à la loi, peut-être moins efficace, mais qui seule peut ramener la paix et assurer l’avenir de la société. Là encore, c’est une morale qui est loin d’être courante dans le western.

* Le film fait partie de la collection « Western de Légende », et figure dans l’impressionnant coffret de 30 westerns (avec encyclopédie en deux volumes consacrée au genre par Patrick Brion) que vient d’éditer Sidonis/Calysta).

Le Rendez-vous de Hong Kong (Soldier of fortune) – de Edward Dmytryk – 1955

Posté : 13 novembre, 2014 @ 2:47 dans 1950-1959, DMYTRYK Edward | Pas de commentaires »

Le rendez-vous de Hong Kong

La même année que La Mousson et sa découverte des mystères de l’Inde, la Fox poursuit son tour du monde en Cinemascope des terres exotiques avec ce Rendez-vous de Hong Kong, qui participe clairement de la même démarche. Dès les premières images, la parenté entre les deux films est évidente, avec ces longs plans dévoilant l’architecture et la vie de Hong Kong.

Le film manque un peu de souffle, mais les images sont belles. Et Smytryk ne se laisse pas tourner la tête par ses moyens, qu’il a gros, et ses décors, qui sont spectaculaires : son film reste focalisé sur son « couple » vedette, Susan Hayward et Clark Gable.

La première est une Américaine qui débarque à Hong Kong pour tenter de retrouver son mari, fait prisonnier en Chine pour avoir voulu y faire un reportage sur le régime en place et les conditions de vie. Le seul qui puisse l’aider est au mieux un aventurier, au pire un gangster (Gable, donc), un homme cynique et sans attache qui, bien sûr, tombe amoureux d’elle.

Le film ne manque pas d’atouts, et parvient à créer une atmosphère très particulière de lieu d’exil. Moins par la richesse des décors que par quelques seconds rôles remarquables. Le policier anglais, un peu transparent (le terne Michael Rennie, également à l’affiche de La Mousson), mais surtout deux personnages qui ne font que de courtes apparitions : cette Européenne entre deux âges, seule et sans avenir, qu’un vieux pilier de bar demande en mariage dans une séquence bouleversante ; et cet ex-général chinois réfugié dans la colonie anglaise, et rattrapé par son passé.

Tous deux sont des nostalgiques, à leur manière, d’un passé douloureux dont on ne saura rien, et s’apprêtent à affronter un avenir incertain. Ils n’ont pas le cynisme de Clark Gable, ou le détachement de ce Français alcoolique et dragueur dont on se demande ce qui l’a amené ici, mais qui affiche une décontraction à toute épreuve, élément comique dans cet univers globalement sombre.

Mais le plus étonnant dans ce film, outre la manière d’évacuer le personnage du mari qui est pourtant le moteur de l’action, c’est sa construction. Et comment le couple improbable formé par Susan Hayward et Clark Gable se révèle central alors que les deux stars n’ont que peu de scènes en communs. Il faut attendre 30 minutes pour que Gable entre en scène, et Susan Hayward disparaît presque totalement de l’action dans la dernière partie du film.

Pourtant, ces deux-là semblent se nourrir l’un l’autre, la présence de l’autre les aidant à se libérer des « prisons » qu’ils se sont construites… Etrange et séduisante manière de filmer la passion et l’espoir qui renaît…

• Le film est édité dans la collection « Hollywood Legends », qui exhume les classiques de la Fox dans des éditions visuellement soignées, mais sans bonus.

La Lance brisée (Broken Lance) – d’Edward Dmytryk – 1954

Posté : 25 novembre, 2013 @ 2:33 dans 1950-1959, DMYTRYK Edward, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Lance brisée

Habitué aux cadres resserrés et aux décors exigus du film noir, Dmytryk signe ici un western en cinémascope, dans des décors naturels arides et spectaculaires, baignés de soleil et magnifiquement filmés.

Le scénario, lui, emprunte aussi bien aux grandes figures du western (la confrontation de deux frères ennemis en particulier), qu’à celles du film noir, avec cette construction en flash back qui souligne le destin tragique de cette famille condamnée par les rivalités, les rancoeurs et la soif de pouvoir.

Spencer Tracy est exceptionnel en patriarche qui voit son époque tirer à sa fin. Il est le personnage le plus intéressant et le plus fascinant. Attachant et hyper charismatique, il n’est sympathique que parce qu’il est au cœur du film, et qu’on le voit dans son intimité, avec cette Indienne qu’il a épousée en dépit de tous les préjugés, et qu’il aime comme au premier jour. Mais c’est aussi un être dur et directif, qui n’a pas le moindre geste tendre pour ses trois fils aînés à qui il préfère le plus jeune, plus intelligent et plus honnête. Un meneur connu pour son intransigeance, et pour avoir lynché ceux qui ont voulu le voler. Dans d’autres westerns, il aurait été le grand méchant…

Dans le rôle du fils préféré, le jeune Robert Wagner est très bien. Beaucoup mieux que dans Prince Vaillant ou dans les autres films de cette époque, où il est souvent bien terne. Mais c’est Richard Widmark qui impressionne. Dans le rôle plus en retrait et moins facile du frère honni, il apporte une humanité et une complexité qui font beaucoup pour la réussite du film.

Adieu ma jolie / Adieu ma belle / Le Crime vient à la fin (Murder my sweet) – de Edward Dmytryk – 1944

Posté : 2 octobre, 2013 @ 9:47 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, DMYTRYK Edward | Pas de commentaires »

Adieu ma jolie / Adieu ma belle / Le Crime vient à la fin (Murder my sweet) – de Edward Dmytryk – 1944 dans * Films noirs (1935-1959) adieu-ma-jolie

Deux avant Bogie dans l’immense Le Grand Sommeil, c’est Dick Powell qui coiffe le feutre de Philip Marlowe, grand détective imaginé par Raymond Chandler, porté sur l’alcool et les femmes, et qui a le don de mêler d’affaires d’une complexité abyssale. Adieu ma jolie n’est pas tout à fait aussi opaque que le chef d’œuvre de Hawks (qui place la barre très haut, c’est vrai), mais mieux vaut ne pas laisser son attention retomber ne serait-ce que cinq secondes si on veut tout comprendre de cette intrigue hyper retors où les fils s’entremêlent, entre fausses pistes et rebondissements inattendus.

Le héros lui-même ne cache pas qu’il est totalement largué la plupart du temps. C’est d’ailleurs l’une des différences majeures entre le Marlowe de Bogart et celui de Powell : ce dernier est tout aussi dur, mais affiche une vulnérabilité et des faiblesses plus revendiquées. Moins mythique, mais plus humain : on le sent capable d’erreurs, et même d’échecs. La manière dont on le découvre, aveugle, s’inquiétant du sort d’une jeune femme, et soupçonné de meurtres, annonce la couleur.

L’intrigue est hyper complexe ? Qu’importe bien sûr : ce qui compte comme souvent dans les grands films de privé, c’est l’atmosphère, et le pur plaisir de cinéma. Dans le genre, le film de Dmytryk est une immense réussite, un film au rythme incroyable qui n’accorde pas le moindre temps mort. A l’image de Marlowe lui-même, qui enchaîne les séductions – avec la douce (ou à peu près) Anne Shirley et sa belle-mère fatale, Claire Trevor (toutes deux parfaites) – et les coups de poings, de matraques ou de crosses, qu’il se prend dans la tête à longueur de film…

Le scénario est formidable, l’interprétation parfaite, mais c’est aussi (et surtout ?) la mise en scène de Dmytryk qui fait de Murder my sweet l’une des plus grandes réussites du genre. Devant sa caméra, la moindre scène prend une dimension extraordinaire. L’une des premières scènes donne le ton. Marlowe, à moitié dépressif dans la solitude de son bureau plongé dans l’obscurité, laisse aller ses pensées, et voit le visage d’un homme inquiétant se refléter dans sa fenêtre éclairée par l’intermittence d’une enseigne… Une image aussi effrayante que fascinante, qui plonge immédiatement dans un mélange de menace et de mystère.

Il y a aussi une longue séquence au cours de laquelle Marlowe, drogué à son insu, se débat dans des cauchemars et des visions d’angoisse, qui le voient tomber sans fin et lutter en pure perte contre ses démons… Rien de nouveau, sauf que jamais ce genre de visions n’a été aussi efficace qu’ici. Dmytryk fait bien mieux qu’illustrer les maux de son héros : il nous fait partager ses sensations dans un long mouvement terriblement sensoriel. C’est absolument génial.

• Le DVD du film fait partie de la collection bleue RKO des Editions Montparnasse, avec une introduction courte mais particulièrement enthousiaste de Serge Bromberg.

Feux croisés (Crossfire) – d’Edward Dmytryk – 1947

Posté : 18 août, 2013 @ 4:29 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, DMYTRYK Edward, MITCHUM Robert, Palmes d'Or, RYAN Robert | Pas de commentaires »

Feux croisés (Crossfire) – d’Edward Dmytryk – 1947 dans * Films noirs (1935-1959) feux-croises

Ça commence comme un film noir très classique : dans une pièce plongée dans l’obscurité, des ombres se battent. On n’en voit quasiment rien, mais la violence de la scène est perceptible. Finalement, deux hommes portant uniforme laissent derrière eux un civil sans vie… Puis l’entrée en scène d’un flic revenu de tout, joué par l’excellent Robert Young, très « Maigret-esque », qui va tenter de reconstituer les dernières heures de la victime, un brave type qui a croisé la route de trois soldats fraîchement démobilisés dans un bar.

L’affiche elle-même constitue une sorte de sommet du film noir de l’époque : les trois Robert Mitchum, Ryan et Young réunis dans un même film… il y a de quoi faire saliver tous les amateurs du genre. Mais très rapidement, le film s’éloigne de l’intrigue pure. L’identité du coupable est révélée, et ce n’est pas une surprise : c’est Robert Ryan, habitué aux rôles de grands malades et de désaxés, qui interprète ici un vétéran débordant de haine contre les juifs.

Dmytryk, qui sera quelques mois après le tournage le seul réalisateur des « 10 d’Hollywood » (des professionnels du cinéma blacklistés pour avoir refusé de coopérer avec la tristement fameuse commission McCarthy), signe peut-être le premier film qui dénonce ouvertement d’antisémitisme non pas comme l’un des moteurs du nazisme, mais comme une menace intérieure réelle.

Ryan n’y est pas un psychopathe assoiffé de sang : c’est un « antisémite ordinaire » (comme on parle aujourd’hui de racisme ordinaire) qui, vraisemblablement, rejette sur les Juifs, et particulièrement sur cet homme si compréhensif et si serein qu’il rencontre au hasard d’une soirée, la responsabilité des horreurs auxquelles il a dû prendre part durant la guerre, et la mort de soldats qu’il a connus. Un type plein de haine et de morgue qui finit par déraper.

C’est la grande force du film, au-delà du récit plein de suspense : faire ressentir la triste banalité de ces destins brisés. Le flic, d’âge mur, est revenu de tout. Mais les jeunes soldats sur lesquels il enquête semblent, eux, ne pas savoir comment retrouver une vie normale après ces années de guerre.

Robert Mitchum, qui fait en quelque sorte le lien entre tous les personnages, a le rôle le moins intéressant à jouer. Il ne prend d’ailleurs qu’une part marginale dans le déroulement de l’action. Mais la présence de l’acteur, qui n’a pas encore tourné ses grands chefs d’œuvre, est déjà magnétique. Sa force tranquille, ses paupières lourdes, sa diction de trois heures du matin, habitent déjà ce film fort et intelligent, qui réussit à faire le trait d’union entre film de genre et film engagé. Pas de quoi rassurer McCarthy…

• Le DVD du film fait partie de la très riche (et très abordable) collection bleue « RKO » des Editions Montparnasse.

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