L’Atlantide (Antinea, l’amante della città sepolta) – d’Edgar G. Ulmer (et Giuseppe Masini, et Frank Borzage) – 1961
Frank Borzage est tombé malade quelques jours seulement après le début du tournage, remplacé par le pas manchot Edgar G. Ulmer (seul crédité au générique) et par l’inconnu de mes services Giuseppe Masini. Et je ne sais pas trop ce qu’il faut en penser : regretter qu’il n’y ait pas derrière la caméra un cinéaste à l’univers aussi fortement romanesque que Borzage, ou se réjouir que son immense carrière ne se termine pas officiellement par ce film d’aventure que j’aurais sans doute trouvé trépidant à 11 ans, devant la télé familiale ?
Ne refaisons pas l’histoire… Cette énième adaptation du roman de Pierre Benoît (après celle de Feyder et celle de Pabst quand même, comment rivaliser…), modernisée et mise au goût du jour atomique de ce début des années 1960, est un film d’aventure comme on en tournait alors des dizaines, une espèce de grosse production fauchée pas si mal fichue, mais au scénario vraiment impossible.
Un exemple de dialogue, juste pour le plaisir. « Je ne veux pas mourir », lance une jeune femme avec beaucoup d’esprit. « Ce serait une injustice… tu es trop jolie », rétorque le jeune premier dont elle est tombée amoureuse. Autrement dit : si tu avais été moche ma grande, tu n’aurais qu’à prendre sur toi et te laisser mourir bien gentiment. Et sachant que l’élégant jeune homme qui lance cette réplique s’appelle Jean-Louis Trintignant, voilà une bonne raison de voir le film. Au second degré.
L’histoire, on la connaît : des Européens perdus dans le désert se retrouvent par hasard dans la cité perdue mythique de l’Atlantide, faux paradis et vraie dictature dont ils réalisent bientôt qu’ils sont prisonniers. Seule nouveauté : l’explosion imminente d’une bombe atomique, ce coin paumé du désert ayant été choisir pour un essai qui promet d’éradiquer pour de bon cette cité disparue.
Pas si mal fichue, donc, parce qu’on ne s’ennuie pas vraiment : le rythme est impeccable, et la séquence de la tempête est même franchement tendue, et très joliment éclairée (par Enzo Serafin, chef op de Rossellini pour Voyage à Rome ou d’Antonioni pour Chronique d’un amour), baignée d’un bleu profond et dramatique.
Mais que le scénario est poussif, bourré de détails très cons. Un exemple, encore : pour sauver un homme en train de se noyer dans 10 centimètres d’eau cinq mètres plus bas, Trintignant, courageux, demande à son pote de le suspendre en le tenant par les chevilles. Si. La mise en scène, visiblement très partagée entre les trois réalisateurs qui se sont succédé, ne sauve pas toujours la situation. On parle de ce plan cadrant un tout jeune Gian Maria Volonte à travers les jambes de son adversaire ?
Reste le plaisir de découvrir une authentique curiosité, dont Trintignant n’a pas dû beaucoup se vanter dans les décennies qui ont suivi. Et d’ajouter une pierre, certes mineure, à la découverte des filmographies de Borzage (qui avance) et d’Ulmer (qui piétine).