Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour août, 2017

La Trahison se paie cash (Framed) – de Phil Karlson – 1975

Posté : 31 août, 2017 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, KARLSON Phil | Pas de commentaires »

La Trahison se paie cash

Il n’aurait jamais dû prendre cette route, Jo Don Baker. Pour une fois qu’on lui confie le premier rôle d’un film, le voilà qui perd tout en l’espace d’une poignée de secondes. Parce qu’il assiste à une scène qu’il n’aurait pas dû voir, il est pris pour cible par un tireur mystérieux, agressé par un flic en uniforme qu’il tue pour sauver sa propre vie, condamné à une lourde peine de prison… C’est déjà beaucoup, mais la fortune qu’il avait gagnée au poker durant cette même nuit fatale disparaît, et la femme qu’il aime est violée par deux petites frappes.

Remarquable réalisateur de films noirs, Phil Karlson a signé quelques fleurons du genre dans les années 50 (L’inexorable enquête ou Le Quatrième homme, c’était lui, et c’était formidable). Cette petite production est sa toute dernière mise en scène : âgé de 67 ans, Karlson ne tournera plus rien durant les dix dernières années de sa vie. Et vu ce qu’il fait de ce polar de série B fauché, c’est bien dommage.

Autres temps, autre style : le noir et blanc intense des fifties a laissé la place aux couleurs vives et parfois criardes des seventies. N’empêche, Karlson a gardé cette intensité qui marquait ses plus grandes réussites. Framed n’est pas tout à fait à ce niveau : le film aurait sans doute gagné à être plus resserré. Et puis, Jo Don Baker n’est pas Robert Mitchum, qu’on aurait bien imaginé dans le rôle vingt ans plus tôt.

Mais le sens de l’action de Karlson est intact : physique ou psychologique, la violence est omniprésente, autour de ces personnages de durs taiseux comme on n’en faisait déjà plus à l’époque. Une violence sèche et brutale, doublée d’un cynisme décomplexé particulièrement réjouissant. Quant aux personnages, même taiseux, ils ont tous quelque chose à dire, jusqu’aux plus petits rôles comme ce pianiste qui semble ne communiquer que par piano interposé, et qui parvient à réellement exister tout en restant constamment à l’arrière-plan. Une belle surprise.

La Blonde framboise / Strawberry Blonde (The Strawberry Blonde) – de Raoul Walsh – 1941

Posté : 30 août, 2017 @ 8:00 dans 1940-1949, CAGNEY James, WALSH Raoul | 1 commentaire »

The Strawberry Blonde

Dans la liste des films qui rendent heureux, celui-ci figure en bonne place. Loin des films de gangsters qui ont fait leurs réputations, Raoul Walsh et James Cagney se retrouvent pour un film drôle et infiniment délicat, hymne au bonheur simple et à l’amour, le vrai, avec un grand A et les yeux doux et irrésistibles d’Olivia De Havilland.

On en sort en fredonnant « And the band played on » (le générique de fin propose même aux spectateurs de reprendre la chanson en karaoké avant de quitter la salle, on imagine l’ambiance et le plaisir partagé), et avec l’envie irrépressible d’enlacer nos deux tourtereaux, et de dire à celle qu’on aime qu’on l’aime. Bref, un vrai feel-good movie.

The Strawberry Blonde n’est pas une comédie musicale. Mais c’est le genre de films où les clients d’un barbier peuvent se mettre à chanter ensemble, et où tout est mouvement, à l’image de cette première rencontre entre les deux « couples » du film : l’horrible Jack Carson dont l’avenir prometteur séduit celle qui monopolise tous les regards, jouée par la star montante Rita Hayworth, et ce bon vieux James Cagney qui se « rabat » sur la bonne copine, Olivia De Havilland.

C’est tout le drame de sa vie, à la pourtant magnifique Olivia : ce couillon de Jimmy mettra dix ans pour réaliser que celle qu’il a finalement épousée est non seulement la plus belle, mais aussi celle qui peut le rendre profondément heureux. Elle en interprétera d’autres, des personnages plongés dans l’ombre d’actrices à la beauté plus arrogante. Mais ici, le drame ne fait qu’affleurer, malgré un passage bouleversant où Olivia voit son mari partir avec bravade entre deux policiers, loin d’elle.

Les larmes, pourtant, sont de joie dans ce film, qui est aussi l’un des plus drôles tournés par Walsh. Un chef d’œuvre dont le cinéaste filmera lui-même un remake dès 1948, cette fois sous la forme d’une vraie comédie musicale : One sunday afternoon, pas le plus connus de ses films…

Le Bon, la brute et le truand (Il buono, il brutto, il cattivo) – de Sergio Leone – 1966

Posté : 29 août, 2017 @ 8:00 dans 1960-1969, EASTWOOD Clint (acteur), LEONE Sergio, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Bon, la brute et le truand

Film après film, la fameuse “trilogie du dollar” de Sergio Leone n’aura cessé de gagner en ambition, sans rien perdre de son originalité et de son esprit, ni de sa volonté de rendre hommage au grand western traditionnel américain tout en le dézinguant allègrement. Avec Pour une poignée de dollars puis Et pour quelques dollars de plus, Leone avait posé les bases esthétiques et thématiques que l’on retrouve ici démultipliées, et magnifiées.

A commencer par cette manière si nouvelle d’étirer l’action à l’extrême et de filmer les temps morts comme d’authentiques moments de vie. C’est flagrant dès la scène d’ouverture, long moment muet tout en faux semblants dans les rues désertiques et poussiéreuses d’une petite ville de l’Ouest. Ça l’est encore plus dans le mythique duel à trois (on doit dire “truel” ?) au milieu des tombes qui clôt le film, chef d’oeuvre de découpage qui sera maintes fois copié.

Surtout, Leone confirme, avec le soutien d’un Clint Eastwood déjà mythologique, son désir de rompre avec l’esprit chevaleresque et l’héroïsme des westerns classiques. Le “bon” qu’interprète Clint est en effet un type aussi peu fréquentable que le “truand” joué avec gourmandise par Eli Wallach. Et lorsque ce terme, “Le Bon”, apparaît à l’écran à la fin du long prologue, c’est juste après qu’il ait trahi son complice en l’abandonnant au beau milieu d’un désert. Ou comment s’amuser avec cynisme et jubilation des vieux mythes de l’Ouest…

Le Bon, la brute et le truand est un film d’une richesse à peu près inépuisable. Une véritable fresque historique, autant qu’une histoire assez traditionnelle de chasse aux trésors. Un film monumental construit, avec une fluidité exemplaire, comme une succession de moments d’anthologie tous inoubliables. Le visage de Clint brûlé par le soleil dans le désert ? La rencontre cruelle et émouvante de Tuco/Eli Wallach avec son frère moine ? Les musiciens de la prison qui jouent pour couvrir les cris des victimes de la “brute” Lee Van Cleef ? Difficile de dire quel est le moment le plus marquant de ces presque trois heures de pur plaisir.

Mais il y a là une ampleur qui fait plaisir à voir, et une manière fascinante de construire le films en épisodes qui pourraient être indépendants mais qui forment un tout absolument cohérent. Avec la guerre en civile en toile de fond, à la fois prétexte de l’intrigue, et fil conducteur d’un sous-texte curieusement pacifiste.

Car si Leone filme avec un plaisir ironique les trois personnages principaux qui se trahissent ou tentent constamment de s’entre-tuer, c’est une vision tragique de la guerre qu’il offre, avec ces colonnes de soldats fatigués, ou ces gros plans sur des visages encore jeunes mais d’une tristesse abyssale. Jusqu’à cette hallucinante séquence du pont, belle dénonciation des absurdités de la guerre. « J’avais encore jamais vu crever autant de monde », lance même un Clint Eastwood pourtant habitué à la violence…

Clint Eastwood, justement, qui refusera de prolonger cette période “spaghetti”, estimant qu’il y avait dans les films de Leone de moins en moins de place pour exister : lui qui était la seule vedette de Pour une poignée de dollars devait partager le haut de l’affiche avec Lee Van Cleef dans Et pour quelques dollars de plus. Cette fois, ils sont trois, et c’est vrai que Eli Wallach, extraordinaire, a clairement le rôle le plus spectaculaire et le plus réjouissant. Pourtant, le charisme de Clint joue à fond. Et même sans avoir grand-chose à jouer, il dévore littéralement l’écran dès qu’il apparaît. Un mythe !

On peut quand même émettre une petite réserve sur la version longue du film : vingt minutes rajoutées au métrage en 2002. Certes, ce montage “intégral” colle à la volonté première de Leone. Mais les sept scènes rajoutées n’apportent pas grand-chose à l’histoire, et auraient même tendance à mettre à mal la fluidité de l’ensemble. Et puis il n’existait plus que la version italienne de ces scènes. La majorité des comédiens étant américains, le choix de cette version n’est peut-être pas le plus judicieux. Clint Eastwood et Eli Wallach ont donc redoublé leurs personnages plus de trente-cinq ans après le tournage pour les scènes inédites, mais avec des voix qui ont énormément changé. Certains autres acteurs, morts, sont même doublés par d’autres voix (comme dans la version française), ce qui crée un sentiment étrange.

L’Enfer au-dessous de zéro (Hell below zero) – de Mark Robson – 1954

Posté : 28 août, 2017 @ 8:00 dans 1950-1959, ROBSON MARK | Pas de commentaires »

L'Enfer au-dessous de zéro

Mark Robson avait déjà fait preuve d’un vrai talent pour filmer la vie sur un bateau en mer, dans l’effrayant Vaisseau fantôme. Une décennie plus tard, le réalisateur confirme ce talent avec L’Enfer au-dessous de zéro, bon film d’aventure à l’intrigue classique, mais au décor exceptionnel : l’essentiel de l’action se déroule à bord d’un baleinier, ou dans les glaces de l’Antarctique.

C’est d’ailleurs ce décor qui semble être la raison d’être du film, plus en tout cas que l’intrigue elle-même, qui donne lieu à un suspense efficace, mais traité sans grande passion : un marin embarque à bord d’un baleinier avec la fille d’un commandant mystérieusement disparu en mer, et tente de découvrir ce qui lui est arrivé.

L’histoire est surtout prétexte à filmer le quotidien à bord du bateau : de longs plans documentaires montrent même le travail des baleiniers, et leur difficile et dangereuse condition. Quant aux morceaux de bravoure, ils sont pour la plupart liés à ce décor original, jusqu’à une course-poursuite quasi-inédite sur la banquise du Pôle Sud.

Tout l’intérêt du film repose sur l’originalité de ce décor, et pas sur des personnages qui, pour la plupart, peinent à exister. Il est vrai que les acteurs, presque tous de second plan, n’ont pas la carrure pour un tel film. Joan Tetzel, que l’on avait déjà vue tenir un second rôle dans La Femme à l’écharpe pailletée de Siodmak, est ainsi très fade. Heureusement, il y a Alan Ladd, excellent comme (presque) toujours, particulièrement à l’aise dans ce rôle très physique.

Moi, moche et méchant 3 (Despicable me 3) – de Kyle Balda et Pierre Coffin – 2017

Posté : 27 août, 2017 @ 8:00 dans 2010-2019, BALDA Kyle, COFFIN Pierre, DESSINS ANIMÉS | Pas de commentaires »

Moi, moche et méchant 3

Chez les Minions, rien de nouveau. Forcément, depuis que Gru s’est reconverti en père de famille et en super-gentil, le cynisme du premier film a volé en éclat. On s’en était déjà rendu compte avec le deuxième volet, mais ça se confirme ici : la méchanceté du personnage, que l’on avait découvert pour la première fois s’amusant à éclater le ballon d’un enfant, était bien le principal intérêt du truc.

Ce troisième volet a beau lui coller un frère jumeau radicalement différent de lui, et un nouveau super-méchant parodiant (avec tubes d’époque à l’appuie) l’esthétique des années 80, l’impression de déjà vu est lourde. C’est bien mignon, avec cette fillette qui rêve de voir une licorne. C’est bien rigolo par moments, même avec des Minions relégués au rang de faire-valoir après avoir eu droit à leur propre film. C’est bien rythmé aussi, avec un savant mélange d’action et de comédie.

Mais tout ça sent tellement le réchauffé que c’en devient désagréable. En attendant la prochaine idée vraiment originale…

Le Gang Anderson / Le Dossier Anderson (The Anderson Tapes) – de Sidney Lumet – 1971

Posté : 26 août, 2017 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, LUMET Sidney | Pas de commentaires »

Le Gang Anderson

Un voleur sort de prison, décide de réaliser un dernier « coup », réunit son équipe, prépare le cambriolage, et passe à l’acte… Lumet respecte scrupuleusement la construction habituelle du « film de braquage », genre en soi particulièrement florissant. En faisant de Sean Connery son chef de gang, le cinéaste répond à une autre exigence du genre : une tête d’affiche, alors en pleine gloire James Bond (il s’apprêtait à retrouver le rôle une presque dernière fois, après l’avoir abandonné le temps d’un film à George Lazenby), pour mener une équipe hétéroclite, qui va du tout jeunot Christopher Walken au vétéran Martin Balsam (dans un rôle d’homo très efféminé).

Rien que de très classique, donc. Ben non. Et la particularité du film apparaît dès le tout premier plan : un écran de télévision diffusant un film dans lequel notre héros, en prison, se confie sur son rapport avec le vol. Suit une sorte de thérapie par la confession filmée et enregistrée, comme si le monde moderne, que Sean s’apprête à retrouver après dix ans derrière les barreaux, n’existait plus qu’à travers les écrans et les micros.

Et c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce film faussement classique. Car tandis que les voleurs préparent leur casse avec confiance, et même la superbe de ceux qui ne peuvent pas échouer, leurs faits et gestes sont constamment filmés, et leurs paroles constamment écoutées : par un amant jaloux, par le FBI, par les services du Trésor… Pas le moindre geste n’échappe à ce Big Brother omniscient que cette Amérique semble être devenue. Le film en dit beaucoup sur cette Amérique-là, qui n’a pas encore découvert l’affaire du Watergate.

Sean Connery fait du coup ce que peu de stars de son acabit acceptent : en jouant sur le décalage entre la superbe qu’il affiche et la déconfiture annoncée de son projet, il apparaît comme un homme dépassé par le monde qui l’entoure, tellement aveugle aux évolutions qu’il n’a pas accompagné qu’il sombre dans une sorte de posture ridicule, d’autant plus qu’il inspire la confiance à tous ceux qu’il entraîne dans sa chute.

Cynique et ironique, Lumet filme des losers magnifiques, dont Connery est l’incarnation ultime. Un type qui semble filmé par l’Amérique entière, alors que lui-même n’intéresse personne. Un voleur « de génie » qui, au lieu de s’attaquer à une banque ou un casino, décide de cambrioler un immeuble d’habitation entier. A cette époque, c’est à Lumet que l’acteur doit quelques-uns de ses rôles les plus marquants. Celui-ci en fait partie.

Nuit de terreur (So dark the night) – de Joseph H. Lewis – 1946

Posté : 25 août, 2017 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LEWIS Joseph H. | Pas de commentaires »

Nuit de terreur

C’est toujours génial d’être happé comme ça par un film dont on n’attendait pas grand-chose. Et c’est exactement ce qui se passe avec cette toute petite production très fauchée signée Joseph H. Lewis, spécialiste de la série B qui n’avait pas encore signé son grand classique, Gun Crazy. A peine plus d’une heure, aucun acteur vraiment connu, des moyens très réduits, un tournage intégralement en studio… On est clairement dans un film sans grande ambition.

La première impression confirme d’ailleurs ce qu’on attendait. Le film commence dans un Paris de carte postale, tout en pavés saillants et en fleurs odorantes, où le bonheur et la légèreté semblent omniprésents, jusque dans les couloirs de la préfecture de police où sont quand même censés se concentrer tous les malheurs de la capitale. Un Paris aussi où les gens commencent une phrase en anglais pour la finir en français, avec un accent anglais, serbe ou, comme par miracle, français.

Bref, pas facile pour un francophone de se laisser entraîner dans l’histoire de ce grand flic qui s’apprête à prendre ses premières vacances depuis onze ans, ce qu’il fait dans un village (très carte postale lui aussi) du fin fond de la France. De quoi ricaner ? Un peu, oui, surtout lorsque notre grand flic (interprété par Steven Geray, très bien) refile avec un large sourire un billet énorme à un cireur de chaussures qui ne parle français que pour des oreilles américaines. Pourtant, après quelques minutes, il y a une autre évidence qui commence à s’imposer.

Au-delà de la vision très caricaturale et très américaine de « la vraie France », le film est d’une beauté formelle remarquable. Un plan en plongée surplombant un bureau, un travelling qui passe de la campagne à l’intérieur d’une auberge… Quelques plans spectaculaires soulignent ce qu’on avait failli ne pas voir depuis le début du film : pas la moindre image anodine ici, pas le moindre plan approximatif. Joseph Lewis construit chacun de ses cadres avec un immense soin, et signe un film visuellement splendide, et d’une grande fluidité.

Jusqu’au mot « fin », le réalisateur tient cette gageure : il rend magnifique chacune des images de son film. Et jamais au détriment de l’intrigue (le flic en vacances tombe amoureux d’une jeune femme du pays, qui disparaît bientôt avec le jeune homme à qui elle était promise), même si la psychologie des personnages n’est pas toujours aussi convaincante. Mais le film ne manque pas d’audace, jusque dans sa manière de passer de la légèreté de la première moitié au drame intime du rebondissement final. Une perle noire jamais exploitée en France, franchement enthousiasmante.

* Cette perle noire est à découvrir en DVD grâce à Sidonis/Calysta, avec des commentaires enthousiastes de Bertrand Tavernier, Patrick Brion et François Guérif.

Twin Peaks, saison 1 (Twin Peaks, season 1) – créée par David Lynch et Mark Frost – 1990

Posté : 24 août, 2017 @ 8:00 dans 1990-1999, DESCHANEL Caleb, DUNHAM Duwayne, FANTASTIQUE/SF, FROST Mark, GLATTER Lesli Linka, HUNTER Tim, LYNCH David, POLARS/NOIRS, RATHBONE Tina, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Twin Peaks saison 1

Un pilote et sept épisodes, pas un de plus : c’est ce qu’il a fallu à David Lynch et son comparse Mark Frost pour bouleverser l’univers bien ronronnant de la série télé, en ce tout début des années 90. S’y replonger plus de vingt-cinq ans après ne renvoie pas seulement à une madeleine de notre adolescence (c’est l’époque de mes premiers émois cinéphiliques, mais j’avoue être passé à côté du phénomène lors de sa première diffusion). Cela nous ramène à une étape incontournable du nouvel âge d’or de la série télévisée.

Après Twin Peaks, plus rien ne sera comme avant. La décennie qui suivra verra quelques-unes des plus grandes réussites du petit écran. Quant à David Lynch, il ouvre en quelque sorte une voie. Cinéaste majeur, au sommet de sa gloire, tout juste auréolé d’une Palme d’or (pour Sailor et Lula), il choisit de se tourner vers la télévision sans rien perdre de ses ambitions. Bien au contraire : pour lui aussi, la série marque le début d’une sorte d’âge d’or. Bien sûr, il y a déjà eu Blue Velvet. Mais avec Twin Peaks, il s’offre un terrain d’expérimentation qu’il peaufinera dans ces années 90 avec trois chefs d’œuvre : Twin Peaks Fire walk with me, Lost Highway et Mulholland Drive.

Dans cette première – courte – saison, Lynch annonce déjà un penchant prononcé pour l’étrange, surfant par moments avec le surnaturel. Il n’en reste pas moins ancré dans une forme de réel, et dans une narration presque traditionnelle. La série répond en effet aux lois du polar : une petite ville, une jeune femme assassinée, des dizaines de suspects potentiels, et un agent du FBI qui débarque et révèle les secrets des uns et des autres.

Le mystère autour de la mort de Laura Palmer n’est pas qu’un prétexte : le mystère est profond et passionnant, et reste constamment au coeur de l’intrigue. Mais il l’est aussi d’une certaine manière (un prétexte) : parce qu’au-delà de l’enquête pure, l’arrivée de l’agent Dale Cooper (formidable Kyle MacLachlan, réjouissant en grand flic de la ville bienveillant et d’un enthousiasme contagieux devant une tasse de café) est le fil conducteur qui nous fait passer d’un personnage à l’autre, d’une intrigue secondaire à une autre.

Et la constante dans ce va-et-vient perpétuel, c’est la folie que l’on sent poindre dans tous les coins. Lynch et Frost nous livrent une incroyable galerie de personnages psychotiques ou juste frappadingues. Troubles en tout cas. De cette femme à la buche au mystérieux manchot en passant par Nadine, la borgne obnubilée par ses tringles à rideaux… Difficile de trouver un habitant anodin dans cette ville aussi séduisante qu’inquiétante. Ce pourrait être too much, ça ne l’est jamais : chacun de ces personnages existe bel et bien, et contribue à la réussite de cet édifice étonnant.

Twin Peaks, c’est aussi une série d’images déjà mythiques : Kyle McLachlan parlant avec une complicité affichée à Diane, son dictaphone ; les pauses de jeune fille modèle de la garce Sherilyn Fenn ; ou, bien sûr, ce sublime générique porté par la musique envoûtante d’Angelo Badalamenti. Qui n’est pas pour rien dans le culte qui entoure cette série fondatrice.

Amour défendu (Forbidden) – de Frank Capra – 1932

Posté : 23 août, 2017 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, CAPRA Frank, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Amour défendu

Capra signe un vrai mélo, ce qui n’est pas si courant dans une filmographie quand même dominée par l’optimiste et le feel-good. Cette fois, il s’inscrit dans une veine ouvertement plombante, avec un film qui pourrait facilement être too much, trop triste, trop négatif, trop larmoyant…

Mais il y a Barbara Stanwyck, et ça change tout. Pas que l’actrice soit l’unique raison de la réussite du film : Capra y confirme son extrême délicatesse, et son talent pour créer de la vie dans chaque scène. Mais Stanwyck est décidément une actrice géniale, et ici tout particulièrement. D’un rôle pas facile, elle fait un personnage inoubliable, une femme martyr qu’elle ne tire jamais vers la tragédie trop facile, femme courage qui choisit, en dépit de toutes les épreuves, de mettre de la générosité et une certaine dose de légéreté dans sa vie…

La limite, en revanche, c’est le personnage masculin. Adolphe Menjou, en avocat marié qui choisit de cacher son idylle avec Barbara Stanwyck, est très bien. Mais le personnage est un lâche. Et même, pour tout dire, un sale con, qui regarde sans mot dire la femme qu’il aime renoncer à l’enfant qu’elle a eu avec lui dans le plus grand secret. Là, à ce moment précis, on le rouerait bien de coups, ce grand avocat qui clame dès qu’il en a l’occasion qu’il veut “bien faire”. Raté.

Du coup, on la bafferait bien aussi, la pauvre Barabara Stanwyck (oui, je suis d’une humeur violente), parce que quand même, il faut une bonne dose de bêtise pour s’affliger autant de malheurs sans y être forcée, et ce même si ses raisons sont louables. Et surtout, on reste un peu en marge de l’émotion qui devrait nous étreindre, tant le sacrifice de cette femme est immense.

Pourtant, le film est passionnant, parce que Capra s’y montre une nouvelle fois un cinéaste formellement fascinant (la scène bucolique des premières minutes, la manière dont il filme l’effervescence d’une salle de rédaction…), et d’une grande audace. Comment les ligues de vertues de l’époque ont-elles accueilli cette scène où la jeune Barbara Stanwyck, à la recherche du grand amour, dévisage tous les hommes présents autour d’elle comme si elle faisait son marché ? Ou, bien plus tard, la brutalité avec laquelle elle “exécute” l’homme qui menace ce pourquoi elle se sacrifie ?

Capra et Stanwyck, c’est l’une des grandes rencontres du cinéma. Ce tandem est bien ce qui fait le prix de ce Forbidden imparfait, et pourtant indispensable.

L’Allée sanglante (Blood Alley) – de William Wellman – 1955

Posté : 22 août, 2017 @ 8:00 dans 1950-1959, WAYNE John, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

L'Allée sanglante

John Wayne a voulu ce film, tourné alors qu’Hollywood est en plein dans sa période exotique. Mais dès la scène d’ouverture, troublante et déroutante, on sent bien que l’ambition dépasse largement le simple effet de mode. On y découvre un Duke quasi-fou, se parlant à lui-même, ou plutôt à une amie imaginaire, dans une prison dont on ne sait pas comment il y est arrivé… ni même par quel miracle il finit par s’en échapper.

Etonnant John Wayne, qui joue avec son image comme il ne l’a pas si souvent fait, laissant entrevoir une faiblesse certes passagère, mais inhabituelle. Tout le début du film est magnifique, entre ces plans de solitude, puis le long voyage quasi-muet de notre héros qui a retrouvé sa liberté, et qui cohabite avec un Mike Mazurki formidable dans un rôle aussi taiseux que ceux qu’il joue d’habitude, mais pour une fois très attachant.

Tout n’est pas aussi réussi que ces dix premières minutes superbes, mais Wellman réussit un film d’aventures qui est constamment beau parce qu’il est bienveillant, et qu’il s’intéresse plus aux personnages qu’à l’action elle-même. Les plus beaux moments du film sont d’ailleurs ceux où il filme les visages au plus près, comme ce plan superbe sur les regards des villageois quittant l’endroit où ils ont toujours vécu.

Le film est inspiré d’une histoire vraie : dans la Chine communiste des années 50, les habitants d’un petit village tente de rejoindre Hong Kong à bord d’un bateau à aube qui va devoir remonter un fleuve jugé très dangereux. Une belle histoire, traitée avec beaucoup d’humanité, à l’image de ce beau moment où, pour économiser l’eau, les Chinois acceptent les uns après les autres de renoncer à leur sacro-saint thé, reversant le contenu de leurs minuscules tasses dans un seau qui finit par se remplir.

La charge anti-communiste, sans surprise, est un peu lourdement appuyée. Mais c’est bien l’aventure humaine qui intéresse Wellman, offrant de beaux rôles à ses acteurs. Aux hommes en tout cas, parce que la pauvre Lauren Bacall est la sacrifiée de l’histoire, réduite la plupart du temps à de la jolie figuration. A deux ou trois scènes près quand même, dont une belle course poursuite à travers les quais dévastés d’un ancien port.

Relativement économe en grandes scènes d’action, le film privilégie les moments d’intimité. Mais lorsque la violence fait irruption, elle est frappante : le meurtre de l’officier communiste est particulièrement violent, et cette bagarre dans la cabine du pilote est tout aussi brutale, mais vue uniquement à travers la fenêtre balayée par la pluie, et couverte par le bruit de la tempête en cours. L’une des très grandes scènes de violence du cinéma de Wellman.

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