Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour avril, 2023

Jardins de pierre (Gardens of stone) – de Francis Ford Coppola – 1987

Posté : 24 avril, 2023 @ 8:00 dans 1980-1989, COPPOLA Francis Ford | Pas de commentaires »

Jardins de pierre

Au début du film, le bruit d’un hélicoptère évoque immédiatement les images inoubliables d’Apocalypse Now, le grand-œuvre de Coppola sur le VietNam. Huit ans plus tard, le cinéaste renoue avec le conflit, avec un point de vue radicalement différent tout en multipliant les références au classique de 1979, jusque dans le nom de ses deux personnages principaux (Willow et Hazard, comme deux facettes de Willard). De la guerre elle-même, on ne verra rien directement : quelques images diffusées à la télé seulement. Même cet hélicoptère entendu est l’objet d’un exercice, loin, bien loin du front.

Il n’est pourtant question que de la guerre, dans ce film qui se passe intégralement autour du cimetière militaire d’Arlington, en Virginie, où un peloton de prestige est chargé d’accompagner tous les soldats tués au combat dans des cérémonies d’inhumation tout en protocoles. Des scènes vues cent fois dans le cinéma américain, mais jamais filmées comme ici, Coppola nous plongeant réellement au cœur de ces manœuvres si ritualisées, au plus près des visages et des costumes.

Mais le tour de force de Jardins de pierre est ailleurs : dans ce que le film dit de l’horreur de la guerre, du dégoût et de la colère qu’elle provoque chez ces soldats qui savent mener une mission importante, tout en ayant le sentiment de ne pas être à leur place, d’être inutiles. Un tiraillement que Coppola synthétise dans le beau personnage douloureux de James Caan, que le cinéaste retrouve quinze ans après Le Parrain.

Il est beau ce personnage, parce qu’il est profondément humain, jusque dans ses excès et ses fragilités. Grande gueule, mais incapable de sortir une phrase lors de sa première soirée avec cette jolie voisine qui lui plaît tant (Anjelica Huston), écœuré par cette guerre mais trépignant de ne pouvoir y retourner… Un homme complexe, qui prend sous son aile le fils d’un ancien camarade de combat, jeune sous-officier promis à un grand avenir.

Sauf qu’on sait bien que non. Le film commence par une première cérémonie d’enterrement, qui est le sien. Et cette mort pèse sur tout le film, donnant un visage à tous ces autres morts dont on ne sait rien. Dans cet environnement d’hommes, où les femmes jouent un rôle primordial, il est question de devoir, de responsabilité, d’honneur, d’amitié. C’est peut-être le plus fordien des films de Coppola (la voix truculente de James Earl Jones évoque celles de Victor McLaglen ou de Ward Bond), l’un des plus intimes et l’un des plus émouvants.

Jardins de pierre s’inscrit en tout cas parfaitement dans cette décennie 1980 de Coppola, mésestimée mais passionnante, entièrement tournée vers les échos d’un passé révolu. D’Outsiders à Peggy Sue s’est mariée en passant par ce Jardins de pierre, cette décennie aussi est pleine de perles incomparables.

Hommes sans femmes (Men without women) – de John Ford – 1930

Posté : 23 avril, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, FILMS MUETS, FORD John, WAYNE John | Pas de commentaires »

Hommes sans femmes

Ce film ne ressemble à aucun autre Ford, mais pourtant, il porte son empreinte de la première à la dernière image. Il est unique parce qu’il est rare que le cinéaste maintienne une telle tension, avec une telle omniprésence de la mort. Et très Fordien parce qu’on retrouve là la camaraderie des hommes entre eux, le groupe qui révèle les meilleurs (et parfois les pires) côtés de chacun, la rédemption…

Mais commençons par la première partie, cette longue séquence se déroulant dans un bar de Shanghai qui, dans les années 1920, était considéré comme le plus long du monde. Ford y concentre toute l’action de cette première partie, introduisant ses personnages dans un contexte exotique qui révèle les instincts de chacun.

Les marins d’un sous-marin, donc, en attente d’une nouvelle mission, qui profitent des quelques heures de liberté qui leur restent pour se saouler et flirter avec les filles de la maison. Dans cette séquence, on sent plus que jamais toute l’affection et même la tendresse de Ford pour ces hommes qui laissent aller leurs instincts les plus primaires entre deux voyages à hauts risques. On retrouve dans cette première partie le sens de la camaraderie, l’humour potache, l’alcool qui coule à flot, et même en muet, l’accent irlandais de certains personnages (dont celui de J. Farrel MacDonald).

Pas tout à fait muet, d’ailleurs : Men without women est un film sonore, avec les bruits du bar et plus tard du sous-marin, des bribes de dialogues à peine perceptible… Surtout, le son permet à Ford de filmer des hôtesses du bar chantant pour entraîner les marins. La vie qui règne dans ce bar, et dans les quelques plans extérieurs de Shanghai, est assez fascinante, particulièrement ces plans tout en profondeurs montrant l’interminable rangée de marins accoudés au comptoir, tournant le dos à des jeunes femmes qui tentent de les attirer.

Mais les marins sont rappelés à bord, et c’est un tout autre ton qu’adopte alors Ford : un huis-clos rapidement étouffant, le sous-marin, éperonné par accident, se retrouvant au fond de la mer, avec des perspectives pour le moins sombre pour les marins survivants. Là, Ford filme comme jamais l’attente, l’angoisse, le courage et les accès de panique, la mesquinerie et l’héroïsme, et la peur de la mort, qui s’installe et s’étire. C’est terriblement oppressant, et profondément émouvant.

Tourné dans un authentique sous-marin, Men without women dégage une authenticité étonnante, et semble concentrer avec une grande intensité certaines obsessions de Ford, que l’on retrouvera tout au long de sa carrière. Que le film marque sa première collaboration avec Dudley Nichols, qui sera son scénariste de prédilection durant toute cette décennie, n’est peut-être pas un hasard à cet égard. Autre habitué du cinéma de Ford : John Wayne fait une très brève apparition durant la (formidable) scène de sauvetage.

Les Ecumeurs (The Spoilers) – de Ray Enright – 1942

Posté : 22 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, ENRIGHT Ray, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Ecumeurs

Marlene Dietrich, John Wayne, Randolph Scott (sans oublier le vétéran Harry Carey)… Quelle affiche, quand même, que celle des Ecumeurs. La même d’ailleurs que celle de Pittsburgh, qui sera tourné quelques mois plus tard par Lewis Seiler. Mais cette affiche spectaculaire est quand même à nuancer…

D’abord, Marlene semble la quasi-caricature d’elle-même, jouant une énième fois la reine du saloon, et l’objet de toutes les convoitises. Ensuite, Wayne est encore un peu jeunot, manquant de cette présence inouïe qu’il aura dans tous ses films, y compris les moins bons, quelques années plus tard. Enfin, Scott n’est pas encore la grande figure westernienne qu’il deviendra dans sa maturité. Il reste l’acteur de comédie de ses débuts, le sourire constamment aux lèvres quelle que soit la situation.

Ce sourire pose rapidement problème, parce qu’il ne colle pas à son personnage pour le moins trouble, ni même à une histoire qui aurait mérité plus de noirceur, plus de gravité. Le sujet est sombre : la spoliation des terres dont on été victimes des prospecteurs en Alaska vers 1900, sous le couvert d’une pseudo-loi face à laquelle les individus se heurtaient à un dénis de leurs droits. L’histoire est passionnante, et édifiante, le rythme est impeccable… mais pourquoi diriger les acteurs avec tant de légèreté, quand le sujet est si sombre ?

Cette approche, presque de comédie, fait passer Enright à côté d’un film qui s’annonçait pourtant spectaculaire. Il est impressionnant, ce premier plan, montrant un train traversant la ville boueuse et bondée de monde de prospecteurs. Comme sont impressionnants toutes les scènes d’ensemble, cette manière de filmer la vie dans ce coin du monde, avec des moyens qui semblent importants : des décors magnifiques, des dizaines de figurants, de la boue partout, de la vie, du mouvement…

Impressionnante aussi, la grande scène de bagarre, d’une grande brutalité, et mettant en scène dans de nombreux plans très percutants les acteurs eux-mêmes, qui donnent beaucoup de leur personne. Alors oui, on prend un certain plaisir à voir ces trois grands noms se livrer à un dangereux triangle amoureux, mais avec le sentiment constant de passer à côté de quelque chose autrement plus grand.

Un peu comme cette scène courte et étonnante où le personnage de Marlene Dietrich croise dans son saloon un homme qui lui explique être en train d’écrire une histoire, qui sera celle de The Shooting of Dan McGrew, un fameux poème narratif évoquant la vie des pionniers en Alaska (et dont Tex Avery tirera son Shooting of Dan McGoo), étrange clin d’œil furtif et sans conséquence, qui ouvre des perspectives sans rien en faire.

Marianne (Marianne, meine Jugendliebe) – de Julien Duvivier – 1955

Posté : 21 avril, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Marianne

Cette brume… cette voix off… ces souvenirs d’une jeunesse perdue… ce château mystérieux de l’autre côté du lac… Oui, on a déjà vu ça dans Marianne de ma jeunesse, le beau film mésestimé de Duvivier. Et si ce Marianne tout court lui ressemble tant, c’est qu’il s’agit du même film. Enfin presque.

Avec cette co-production franco-allemande, Duvivier adopte un procédé qui était très en vogue dans les premières années du parlant, avant que le doublage soit (à peu près) au point. C’est donc en deux langues, et avec une partie de la distribution qui diffère d’une version à l’autre, qu’il a tourné le film.

On imagine le bazar que cela devait représenter sur le tournage, avec ces acteurs qui attendaient que leurs homologues d’outre-Rhin aient fini leur scène pour prendre leur place. Il semble en effet que les deux tournages aient eu lieu simultanément : non seulement les angles et mouvements de caméras sont les mêmes, mais la lumière aussi, la brume, et presque le souffle du vent…

Peut-être revoir attentivement ou sur deux écrans voisins les deux versions permettrait-il de comparer vraiment, mais… euh… à quoi bon ? La principale différence réside donc, outre la langue elle-même, dans le choix des acteurs. Si Marianne est jouée dans les deux versions par Marianne Hold, également troublante en français et en allemand, le rôle central de Vincent est ici interprété par Horst Buchholz. Et le moins que l’on puisse dire est que Duvivier a eu le nez creux, puisque le rôle marque les vrais débuts à l’écran des deux acteurs.

Alors… Pierre Vaneck ou Horst Buchholz ? A priori, la beauté insolente et le fait d’être Allemand (le film se passe en Bavière) feraient pencher pour le second. Mais cette figure de séducteur colle paradoxalement moins bien avec le mystère quasi-surnaturel du personnage que le visage lisse et plus insondable du Français. Cela dit, c’est histoire de comparer…

Permission jusqu’à l’aube (Mister Roberts) – de John Ford et Mervyn LeRoy (et Joshua Logan) – 1955

Posté : 20 avril, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, BOND Ward, CAGNEY James, FORD John, LeROY Mervyn, LOGAN Joshua | Pas de commentaires »

Permission jusqu'à l'aube

Hollywood emprunte parfois d’étranges chemins… A l’origine, Mister Roberts est une pièce à succès, écrite et mise en scène par Joshua Logan, qui a valu à Henry Fonda un grand et long triomphe sur scène. Pour le porter à l’adapter à l’écran, les producteurs ont préféré John Ford à Logan, mais voulaient Brando dans le rôle titre. Ford, lui, a imposé son vieux complice Fonda… avec qui il s’est fâché définitivement après avoir fait réécrire l’histoire…

Résultat : Ford s’est mis à picoler, et n’a plus jamais retourner avec Fonda. Mervyn LeRoy a été chargé de reprendre les choses en main, modifiant le script pour revenir à sa pièce originale, et retournant pas mal de scènes. Et Logan a finalement été appelé à la rescousse pour consolider son sujet et retourner une poignée de scènes… On fait plus simple, comme processus créatif.

Avec un tel bordel, on pouvait s’attendre à un film bâtard, tiraillé entre les personnalités de trois réalisateurs. Et c’est vrai qu’on aurait du mal à affirmer sans le moindre doute qu’il s’agit là d’un film purement fordien, même si le ton et l’atmosphère évoquent un peu What Price Glory, tourné trois ans plus tôt. Mais le film est parfaitement tenu, et trouve même un bel équilibre entre la légèreté apparente et la gravité sous-jacente.

Parce que, en dépit de son cadre (« on est à 7000 miles des premiers Japonais ! »), Mister Roberts est un film de guerre. Mais un film de guerre loin de la guerre : un film sur l’attente, l’ennuie, la monotonie, mais aussi le sens du devoir, et l’esprit de corps. En ça, le film est fordien, même si tout était dans la pièce : il y met en valeur l’honneur d’appartenir à un groupe, l’amitié masculine, l’hostilité qui gomme toutes les différences entre les hommes…

Et pour le coup, le casting incarne parfaitement ces différences, mélangeant les fidèles de toujours (Fonda, Ward Bond, Ken Curtis, Harry Carey Jr…) et des nouveaux venus a priori très éloignés de l’univers de Ford (Jack Lemmon dans l’un de ses premiers rôles, William Powell dans son tout dernier), tous unis dans l’ombre oppressante du capitaine incarné par James Cagney, réjouissant dans un rôle très caricatural qui lui permet d’aller très loin dans la démesure.

C’est souvent drôle, toujours vif, et l’émotion qui surgit soudain est forte. Il mérite d’être redécouvert, ce Mister Roberts

Marianne de ma jeunesse – de Julien Duvivier – 1955

Posté : 19 avril, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Marianne de ma jeunesse

Reprocher à Duvivier d’avoir peuplé son film de brumes envoûtantes, de châteaux comme sortis d’un conte de fées, de biches gambadant à côté du héros, d’une princesse enfermée et d’un geôlier aux airs de monstre… Lui reprocher tout ça serait profondément injuste, et le signe qu’on est passé totalement à côté de Marianne de ma jeunesse, ode violemment nostalgique à une jeunesse disparue.

Le film de Duvivier relève du même procédé que le Moonfleet de Lang, ou le Night of the Hunter de Laugton, sortis, tiens, la même année. C’est le regard de l’enfance qu’adopte le cinéaste. Plus encore, même : celui de la jeunesse dont on se souvient vingt ans plus tard, avec les enjolivements dont la mémoire a le secret.

La voix off, présente tout au long du film, le souligne d’ailleurs dans les premières minutes, s’interrogeant sur la véracité du décor qui revient en mémoire. Cette voix off, envoûtante par sa qualité linguistique autant que par son timbre, c’est celle d’un jeune homme pensionnaire d’un collège perdu au cœur de la Bavière. Un collégien qui ne jouera à peu près aucun rôle dans l’histoire, si ce n’est celui d’être le premier ami du vrai héros de cette jeunesse perdue.

Vincent (Pierre Vaneck, dans son premier rôle), jeune homme enfermé dans une enfance qu’il ne cesse d’étirer et d’idéaliser par son amour exclusif pour une mère dont on ne verra jamais rien d’autre qu’une main caressante. Une enfance passée à l’autre bout du monde, dans une Argentine qui devient le fruit de tous les fantasmes. N’est ce pas là tout le sujet du film, d’ailleurs ? Le fantasme, cette idéalisation qui vous accroche à une enfance qui touche à sa fin.

Et ce château de l’autre côté du lac ? Cette belle Marianne qui offre son amour total dès le premier coup d’œil, comme les princesses des châteaux des contes pour enfants ? Tout cela est-il bien réel ? Les biches qui courent au côté de « l’Argentin » n’ont rien de niaises. Une vision naïve, oui, mais de cette naïveté un peu douloureuse, qui déchire le cœur de ceux qui n’ont pas su tourner vraiment la page de leur jeunesse.

Le film n’est d’ailleurs pas angélique pour autant, comme le prouvent les « exactions » de la petite bande des terreurs du collège, qui étranglent des animaux pour prouver leur courage, et surtout le jeu de séduction de Lisa, la jeune pensionnaire, qui n’a pour le coup rien d’innocent. Un épisode sombre évacué en quelques secondes par les souvenirs sélectifs d’une jeunesse idéalisée. Beau film, nettement plus trouble et complexe qu’il n’y paraît…

Torpedo Squadron 8 (id.) – de John Ford – 1942

Posté : 18 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, FORD John | Pas de commentaires »

Torpedo Squadron 8

Torpedo Squadron 8 est une sorte de complément au documentaire que Ford a consacré à La Bataille de Midway. Le cinéaste était réellement sur place, et a rencontré les hommes à qui il rend hommage dans ce court film. Hommage simple et bouleversant : l’essentiel du film est une succession de courts plans dans lesquels les hommes, qui trouveront tous la mort dans la bataille, prennent la pose devant la caméra, à côté d’un bombardier.

Cette espèce de mausolée animé capte ces (jeunes) soldats dans cet univers que l’on devine de camaraderie. La plupart sont souriants, paraissent plein de vie, et sympathiques. Et c’est avec un énorme pincement au cœur qu’on les voit retenir un rire, dessiner un visage sur la bombe accrochée à l’avion, jeter un œil à un pote hors caméra dont on devine qu’il doit faire le pitre… Un dispositif simple, presque une série de photos, à peine animée, mais la vie est omniprésente.

L’apparition de chaque binôme est précédée par leurs noms. C’est une sorte d’appel aux morts funèbre, beau et digne, que Ford conclue par un beau plan de coucher de soleil sur la mer, sous un ciel bas et chargé. Plan filmé du porte-avion sur lequel se trouvaient les hommes, et pour le coup très fordien.

De grandes espérances – de Sylvain Desclous – 2022

Posté : 17 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, DESCLOUS Sylvain | Pas de commentaires »

De grandes espérances

Dans Mon crime, son personnage était constamment dans l’ombre de son amie actrice et pseudo-meurtrière. Pourtant, elle dévorait l’écran par un magnétisme assez rare. Ce magnétisme explose littéralement dans De grandes espérances où, sur un autre registre, elle est de toutes les scènes, et presque de tous les plans. Rebecca Marder est une actrice magnifique, et c’est la première qualité de ce film que de le confirmer.

Et mine de rien, il est d’une extrême richesse ce personnage de jeune femme brillante, issue de la classe la plus populaire, et destinée aux plus hautes fonctions de l’État. Elle est presque trop parfaite : belle, intelligente, engagée à gauche, grande amoureuse, débatteuse enflammée, visionnaire et courageuse. Mais il y a cet écueil sur une route toute tracée : une altercation imbécile sur une petite route de Corse, un homme trop agressif, un petit ami trop lâche, et un fusil trop à portée de main…

Et voilà comment la peinture sociale, déjà passionnante grâce à ce personnage si fort, tourne au thriller politico-romantique. Et comment les failles apparaissent : une fragilité jusque là si bien cachée, un père pas très présentable quand on fréquente d’anciens ministres, et un mensonge qui passe mal. Le mensonge : ce sujet si complexe qui laisse la brillante oratrice muette face au jury de l’ENA, comme si, soudain, la réalité du monde et la pureté des convictions se télescopaient.

Le manichéisme apparent (le gentil social de gauche face au méchant capitaliste de droite) se heurte très vite à une vérité bien plus complexe. Les uns et les autres sont du même monde, du même moule, et les bons sentiments n’y font rien. Le film de Sylvain Desclous n’appuie jamais sur ces contradictions, mais distille des petites touches de cynisme, qui renforcent paradoxalement l’humanité des personnages.

Les scènes entre la fille et le père sont particulièrement fortes, en ce qu’elle mettent en évidence le mur qui sépare les couches sociales, quels que soient les liens. Elles sont belles et pudiques ces scènes, comme des parenthèses d’authenticité refoulée dans un monde où tout n’est que posture et représentation. La dernière image, sans rien en dire, est magnifique de pudeur et d’émotion.

Le dernier mercenaire – de David Charhon – 2021

Posté : 16 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, CHARHON David | Pas de commentaires »

Le dernier mercernaire

Envie de débrancher le cerveau ? Ce film là en vaut un autre. Il est assez con, avec une histoire inutilement alambiquée d’espionnage et de trahison. Il est globalement très mal joué, avec des acteurs pas aidés par des dialogues souvent lourdingues. Les scènes d’action sont au mieux divertissantes, jamais percutantes. Bref, pas grand-chose à sauver. Mais si on choisit celui-là plutôt qu’un autre, c’est pour Jean-Claude Van Damme, dans son premier film d’action en français. Et là, c’est un festival.

Il faut l’aimer, Van Damme, pour apprécier Le dernier mercenaire. Et voilà : il se trouve que j’ai depuis longtemps une tendresse que je n’arrive pas même à m’expliquer pour lui, en dépit de ses films, très largement pas terribles. Et cette manière qu’il a de sans cesse rebondir en se moquant de lui-même, en parodiant sa propre image, a quelque chose de touchant, et d’assez passionnant.

Ici, il est un mercenaire, un espion, un roi du déguisement et de la castagne, une véritable légende qui trimballe derrière lui des décennies d’exploits pour la France, et surtout l’aura de l’acteur. Et c’est ce dernier aspect qui rend le personnage attachant. Pas ce gag lourdingue d’un Van Damme qui passe devant l’affiche de Bloodsport en lançant un « ça c’est un mec ! ». Mais cette vision d’un Van Damme en proie à une immense lassitude qui nous ressort son fameux grand écart, ou ce héros soudain renvoyé à sa fragilité de père absent, incapable de parler à ce fils qu’il ne connaît pas.

Dans cette comédie d’action, l’objet de toutes les attentions n’est qu’un macguffin comme un autre. Ce qui compte, c’est cette relation père-fils au centre de tout. Ou plutôt non : pas la relation, le personnage du fils n’a pas grand-intérêt. Mais la fêlure du grand homme, cette incapacité qu’à Van Damme de livrer ses sentiments, de faire face à ses choix de père misérable. Et Van Damme est très bien dans ce rôle d’homme fatigué et plein de doutes.

Enfin… de doutes… Rien de très sérieux, quand même. Tout n’est que prétexte à enchaîner les blagues et les scènes d’action. Miou-Miou cachetonne, Alban Ivanov et Eric Judor font ce qu’on attend d’eux (sans filtre), Patrick Timsit serre les dents, Assa Sylla surnage dans un rôle à peine écrit. Et Van Damme s’impose au milieu de ce petit monde avec une humilité inattendue. La seule raison d’être du film.

Deux heures à tuer – d’Ivan Govar – 1966

Posté : 15 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, GOVAR Ivan | Pas de commentaires »

Deux heures à tuer

Ivan Govar n’a que 30 ans quand sort Deux heures à tuer. C’est pourtant son tout dernier film, conclusion d’une carrière qui n’a pas laissé une grande impression, et guère de souvenir. C’est qu’il n’a pas été épargné par la critique, ni sauvé par le public, ce cinéaste belge condamné au purgatoire bondé des réalisateurs oubliés par l’histoire du cinéma.

Injuste ? Soyons honnête : Deux heures à tuer est assez laid formellement, qui souffre d’une photographie dégueulasse, un peu comme si le film était pensé pour les télévisions noir et blanc de l’époque. Alors forcément, le premier réflexe serait de passe à autre chose et de ne pas même voir si une réhabilitation était envisageable.

Et puis, aussitôt après ce premier réflexe vient un autre constat : cette voix off qui introduit le film, plante le décor, et enserre d’emblée le drame dans le huis-clos d’une petite gare de province. Cette entrée en matière est en soi très originale, dans sa manière assumée de ne rien montrer du drame, ces meurtres qui s’enchaînent dans cette petite ville habituellement si tranquille. Et cette voix off n’est pas celle de n’importe qui : Jean-Roger Cossimon, chanteur et parolier que Bertrand Tavernier réhabilitera quelques années plus tard, et dont la voix fascinante plante formidablement le décor.

Une petite gare, donc, dont on ne sortira à aucun moment. Et une poignée de personnages qui tuent le temps, dans ces deux petites heures qui les séparent de leur train. Le film respecte quasiment l’unité de temps. Il respecte totalement l’unité de lieu, et s’avère un modèle de construction pour introduire les différents personnages, en gardant leur part de mystère.

Il y a Cossimon lui-même, excellent en riche cocu dur de la feuille, qui se coupe volontairement du monde qui l’entoure en coupant le son de son sonotone. Et puis Catherine Sauvage en épouse calculatrice. Raymond Rouleau en amant mystérieux. Michel Simon en bagagiste bougon. Et surtout Pierre Brasseur, cabot génial.

Visuellement, le film est laid, c’est entendu. Mais il a pour lui ses voix : celle de Cossimon, celle de Simon, et celle de Brasseur, presque omniprésente, et fascinante par sa logorrhée et par les fausses pistes qu’elle véhicule : est-ce la voix d’un flic, comme on se l’imagine ? Est-ce celle d’un fin limier ou d’un idiot crédule ? Il faudra la fin assez radicale pour trouver des réponses.

Malgré ses limités esthétiques assez évidentes, Deux heures à tuer séduit et emporte, par la qualité de son scénario, par son interprétation, et par sa manière aussi, mine de rien, d’invoquer les fantômes de l’occupation au gré de ses dialogues et des apparitions répétées de policiers en uniforme. Une curiosité.

12
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr