Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'CAPRA Frank'

Sa dernière culotte (Long Pants) – de Frank Capra – 1927

Posté : 29 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Sa dernière culotte

Seconde collaboration entre le jeune Frank Capra et le comique Harry Langdon. Et difficile de trouver encore ce qui sera le style du cinéaste, ou son univers. On peut tenter de trouver des signes, se dire que l’histoire de ce jeune homme qui rêve d’un grand amour romanesque avant de réaliser tardivement que le vrai bonheur est depuis toujours à portée de main, évoque avec vingt ans d’avance celle de La Vie est belle. Au moins soulignera-t-on que Capra a de la suite dans les idées…

Mais la vérité, c’est que cette comédie est totalement dénuée du sous-texte social qui habitera tous les grands films de Capra, et d’à peu près tout arrière-plan d’ailleurs. Capra y peaufine son talent de conteur et sa maîtrise du langage cinématographique, mais son art est mis au seul service de Langdon, dont le personnage lunaire se situe quelque part à la croisée des chemins entre Chaplin et Keaton. Chaplin pour les mimiques et quelques mouvements de corps. Keaton pour le visage constamment surpris et impassible.

Il est ici un jeune homme à peine sorti de l’enfance, que sa mère rêve de voir continuer à porter des culottes courtes, meilleur remède à ses yeux contre les envies d’aventure. Elle n’a pas tort : à peine le paternel lui a-t-il offert son premier vrai pantalon qui quitte le giron familial et part à l’aventure. Oh ! Pas loin : à quelques mètres de sa maison, où il tombe immédiatement sous le charme d’une jeune femme de passage, qui se révèle être une hors-la-loi en cavale.

Et c’est là qu’apparaît l’un des moments de bravoure du film : une parade amoureuse de Langdon qui tourne littéralement autour de la jeune femme sur son vélo, enchaînant les figures acrobatiques avec un sérieux affiché franchement irrésistible. C’est de cette posture fière et totalement puérile à la fois que viennent les moments les plus drôles : Langdon se débattant avec son chapeau haut de forme… Langdon tentant d’attirer l’attention d’un policier qui s’avère être un mannequin… Les situations sont étirées au maximum, et c’est de ce temps distendu que viennent les rires.

Jusqu’à cette scène où Langdon, filmé de dos, totalement immobile, assiste passif à une bagarre acharnée entre deux femmes très court vêtues. Et on imagine bien les futurs censeurs du code Hayes assis à la place de Langdon, vomissant tous leurs repas avalés depuis quatre mois… Mais on n’y est pas encore : il y a un vrai vent de liberté qui souffle sur cette comédie, sans prétention mais pas si anodine que ça.

Un punch à l’estomac (So this is love ?) – de Frank Capra – 1928

Posté : 8 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Un punch à l'estomac

Une jeune vendeuse raide dingue du champion de boxe local, rustre imbu de sa propre personne. Un jeune artiste trop discret secrètement amoureux de ladite jeune vendeuse… Voilà une petite bluette charmante qui a le mérite de la simplicité. En moins d’une heure, Capra nous emballe cette comédie craquante et marrante avec un rythme imparable et un vrai talent comique qui emportent tout.

Il fera plus personnel et plus original à l’avenir, dès ses derniers films muets. Mais ce Capra un peu anecdotique n’en est pas moins une très chouette comédie, qui utilise à merveille le joli minois malin de Shirley Mason, qui dépasse rapidement son personnage de jeune amoureuse un peu aveugle pour devenir le véritable moteur du film, tout sauf nunuche pour le coup. Il faut la voir gaver (littéralement) le boxeur dont elle a vite compris la vraie nature, pour éviter à celui que finalement elle aime de se faire massacrer.

Moins d’une heure de métrage, donc, et près de la moitié consacrée au seul combat de boxe final, vers lequel tout le film converge. Comment un artiste poltron va se retrouver sur le ring face à un authentique champion ? C’est tout le problème que résout habilement Capra dans la première partie de son film, avant d’entrer dans le vif du sujet. Et dès l’arrivée dans les vestiaires, une parenté frappante apparaît : celle avec les combats de boxe filmés par Chaplin.

Sans doute Charlot boxeur a-t-il inspiré Capra : le fer à cheval qu’est tenté d’utiliser le héros joué par William Collier Jr ressemble à un clin d’œil à peine déguisé, tout comme le pain et les saucisses avec lesquels il sort de l’épicerie où travaille celle qu’il aime. L’espèce de « danse » à laquelle se livrent les deux combattants à peine montés sur le ring, en revanche, annonce la fameuse scène des Lumières de la Ville, que Chaplin tournera trois ans plus tard. De là à imaginer que l’influence a été réciproque…

Arsenic et vieilles dentelles (Arsenic and old lace) – de Frank Capra – 1941-1944

Posté : 3 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

Arsenic et vieilles dentelles

Bien sûr, il y a plus qu’un style Capra, il y a un état d’esprit, des thématiques qui habitent une très grande partie de son œuvre dès sa période muette (The Power of the Press), et jusqu’à ses films d’après-guerre (La Vie est belle, bien sûr) : une manière de critiquer les dérives de la société à travers des fables sociales drôles et enlevées.

Arsenic et vieilles dentelles fait partie des très grandes réussites du cinéaste, et le film porte bien sa signature : on le sent constamment dans le rythme de sa mise en scène, dans ce mélange si savamment dosé de burlesque débridé et d’un réalisme pas loin d’être sordide. Dans son décor aussi, qui semble sorti d’un conte de notre enfance, avec ce cimetière d’un autre temps qui sépare les maisons familiales de deux jeunes amoureux. Pourtant, c’est un film sans équivalent dans la filmographie de Capra, qui n’est jamais allé aussi loin dans la comédie pure et dans l’humour noir.

Une farce, plus qu’une fable. Avec cette adaptation d’une pièce de Broadway à succès, Capra lâche la bride et et n’hésite pas à mettre un pied dans l’outrance. Et c’est à Cary Grant, qu’il n’avait encore jamais dirigé (et qu’il ne dirigera plus jamais) qu’il confie le rôle principal. Le choix n’est pas anodin : c’est le Cary Grant des screwball comedies de Hawks qu’a choisi Capra, et qu’il pousse très loin, au bord de l’autocaricature.

Et voilà quelque chose que Grant maîtrise parfaitement, immense acteur comique qui n’est jamais aussi drôle que quand il va loin. Sa manière de surjouer serait du cabotinage éhonté pour à peu près n’importe qui d’autre. Lui en fait un chef d’œuvre d’interprétation comique. Sa prestation est la colonne vertébrale de la folie du film, l’histoire d’un jeune marié qui réalise que ses adorables tantes dézinguent des vieux messieurs trop seuls, par charité.

A vrai dire, toute la distribution est ainsi basée sur une idée proche de la caricature. Priscilla Lane séduit en surjouant les yeux de biches. Jean Adair et Josephine Hull ne sont formidables que parce qu’elles sont l’incarnation des vieilles dames au grand cœur. Jack Carson est irrésistible dans son rôle de flic forcément un peu benêt. Peter Lorre inquiète avec son bagage de psychopathe bien rodé depuis M le maudit. Et Raymond Massey bien sûr, sosie de la créature de Frankenstein agacé d’être constamment comparé à Boris Karloff.

On aurait bien tort de chercher autre chose dans ce film qu’une pure comédie. Capra laisse l’émotion de côté, ce qui n’est pas courant dans son cinéma. Et il signe un très grand classique comique qui déclenche des fous-rires à peu près incessants. Une merveille, et un film qui vous retape à coups sûr après une journée ou une semaine difficiles. Chef d’œuvre, respect, tout ça tout ça.

Vous ne l’emporterez pas avec vous (You can’t take it with you) – de Frank Capra – 1938

Posté : 29 juillet, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, BOND Ward, CAPRA Frank, STEWART James | Pas de commentaires »

Vous ne l'emporterez pas avec vous

Capra est au sommet quand il tourne ce film. Au Sommet de son art, et de sa gloire : New York Miami a été un triomphe, décrochant les cinq Oscars majeurs, sorte de couronnement de sa première partie de carrière. Une gloire qu’il met à profit pour s’attaquer à un cinéma plus engagé, plus social. Après L’Extravagant M. Deeds, Vous ne l’emporterez pas avec vous marque aussi sa première collaboration avec James Stewart. Ensemble, les deux hommes tourneront trois chefs-d’œuvre d’une rare cohérence.

Il y a déjà ici tout ce qui fera la grandeur de M. Smith au Sénat (y compris Edward Arnold, et un juge rigolard) et de La Vie est belle (les gens simples et heureux face aux banquiers sans scrupule). Avec le même sens du rythme, la même capacité à faire passer les spectateurs d’une émotion à l’autre, avec une maîtrise narrative impressionnante.

Il y a aussi cette capacité à jouer avec les grands sentiments sans jamais être ridicules. Le rythme du film est tellement irrésistible que Capra peut tout nous faire avaler. Tout. Y compris le fait que le personnage de Lionel Barrymore, génial, soit une sorte de symbole de la liberté individuelle face au capitalisme tout puissant. Ce qui, en grattant un peu, n’est pas tout à fait juste : il est le seul propriétaire de son quartier, et l’univers qu’il s’est créé vit totalement coupé des réalités et des misères du monde.

Qu’importe. Capra n’est pas un cinéaste politique. C’est un grand sentimental. Et ses films sont des fables sur la bonté des gens simples, des fables dans lesquelles la bonté est furieusement contagieuse. James Stewart et Jean Arthur, sorte de Roméo et Juliette capra-esques, s’en sortent nettement mieux que chez Shakespeare…

Le couple est craquant (leurs têtes-à-têtes sont superbes, drôles et tendres à la fois). Mais c’est autour des deux patriarches que le film s’articule vraiment. Lionel Barrymore, donc, immense dans le rôle de ce grand-père vivant dans une sorte de chimère réjouissante, mais au regard pas si dupe. Et Edward Arnold, homme d’affaires impitoyable et caricatural, absolument bouleversant quand l’armure cède.

Très drôle, très émouvant (parfois dans la même scène), souvent fou, parfois excessif, toujours juste, toujours enthousiasmant… Vous ne l’emporterez pas avec vous est un chef-d’œuvre qui ne prend pas une ride. Classique intemporel.

L’Extravagant Mr. Deeds (Mr. Deeds goes to town) – de Frank Capra – 1936

Posté : 25 septembre, 2018 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank, COOPER Gary | Pas de commentaires »

L'Extravagant Mr Deeds

Capra est loin d’être un débutant lorsqu’il réalise ce Mr. Deeds goes to town. Il a déjà derrière lui une série impressionnante de films formidables, et le triomphe historique de New York Miami. Mais il y a là une étape importante dans sa filmographie : par son ampleur, ses thèmes et son ton, le film annonce les plus populaires de ses chefs d’oeuvre, de Vous ne l’emporterez pas avec vous à La Vie est belle.

Mais c’est évidemment Monsieur Smith au Sénat qui vient à l’esprit en premier, tant ce film en apparaît comme une sorte de brouillon. Un brouillon déjà excellent et enthousiasmant, mais un brouillon tout de même, qui n’atteint pas la perfection absolue des trois films que Capra tournera avec James Stewart, sommets d’émotion et chefs d’œuvre indépassables du feel-good movie.

Finalement, le principal défaut du film vient de la comparaison inévitable avec les films à venir. Il y a là quelques moments un peu creux, une émotion qui tend à se relâcher, ce qui est assez rare dans le cinéma de Capra. Mais, ces réserves faites, Mr. Deeds est un personnage génial, purement capra-esque : ce « boy-scout » d’une petite ville tranquille qui découvre le cynisme de New York après avoir hérité d’une fortune, et qui découvre en même temps l’amour et la trahison (avec Jean Arthur, elle aussi dans un registre qui lui va comme un gant).

Mr. Smith… reprendra à peu près parfaitement la construction du film, avec une perfection cette fois totale. Mr. Deeds… permet en tout cas à Capra de peaufiner ses obsessions, et d’offrir quelques très beaux moments de cinéma. Lorsque la foule s’anime pour soutenir Deeds, l’émotion est à son comble, et le style Capra bien en place : ce don pour mêler les grands mouvements populaires aux sentiments les plus intimes. Et puis il y a Gary Cooper, tout simplement grand.

La Grande Muraille (The Bitter tea of General Yen) – de Frank Capra – 1933

Posté : 5 juillet, 2018 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

La Grande Muraille

Une jeune Amérique qui débarque dans une Chine ravagée par la guerre civile pour épouser un missionnaire, mais est enlevée par un seigneur de guerre aussi inquiétant que séduisant

Entre deux séries de chef d’œuvre dont l’Amérique est immanquablement le cadre, parfois fantasmé, Capra prend l’air avec cette belle virée asiatique, mais l’esprit US tel qu’il l’évoque film après film est bien là : ce regard pas si candide qu’il porte sur la grandeur d’âme de son pays, et le replis sur soi-même qui va souvent avec.

C’est cette dualité qui marque une nouvelle fois le film. D’un côté, l’incapacité de se comprendre au-delà des barrières culturelles. De l’autre, la bonté et la générosité incarnées par Barbara Stanwyck. Et entre deux, le regard de Capra, grand cinéaste encore trop mésestimé, aussi à l’aise et audacieux dans les grands mouvements de foules que dans les moments les plus intimes.

Le début du film est particulièrement impressionnant, avec ces scènes de foules et d’émeutes qui, en quelques plans, donnent vie à un pays en plein troubles. Capra n’édulcore en rien la violence de la situation. Des décennies avant l’irruption du gore dans le cinéma, lui filme l’horreur avec nettement plus de retenue, mais avec une force incroyable, notamment lors des tueries de masse qu’il filme, et qui n’épargnent pas même les enfants.

Inimaginable aussi, pour l’époque : Capra ose mettre en scène un baiser interracial, chose à peu près impensable dans cette Amérique puritaine où le code Hayes allait être mis en place. OK, la pudibonderie américaine est sauve, puisqu’il s’agit d’une vision de l’esprit, un fantasme de Barbara. Mais quand même…

Pour autant, The Bitter Tea est un peu en deçà dans la filmographie de Capra, qui flirte dangereusement avec la caricature. Le personnage de Yen surtout, n’est pas le plus convainquant qu’il ait filmé. Mais il le fait avec sincérité, et surtout avec une bienveillance teintée d’ironie qui fait des merveilles.

On est bien chez Capra : la bonté a des pouvoirs inimaginables. Mais elle est ici contrebalancée par une cruelle réalité. Yen est « sauvé » par l’amour ? Il réalise qu’il s’en retrouve coupé de tout ce qui fait le poids de son existence, se retrouvant seul dans un immense palais désert, dans une scène magnifique et désabusée.

Fulta Fisher’s boarding house (id.) – de Frank Capra – 1922

Posté : 11 novembre, 2017 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Fultah Fisher's boarding house

Première œuvre de fiction pour le tout jeune Frank Capra (il a alors 25 ans), qui se fait d’emblée remarqué avec ce film de commande, mise en image d’un poème de Rudyard Kipling : The Ballad of Fisher’s Boarding House. Le poète y évoque une gargote mal famée où des marins viennent tromper leur ennui entre deux voyages, et où deux hommes vont s’affronter et s’entretuer pour une femme.

Les premiers plans de ce court métrage d’une bobine seulement ne permettent pas vraiment de deviner le talent naissant du cinéaste : la caméra reste longtemps statique, filmant l’ensemble du décor comme c’était d’usage dans les premiers temps du cinéma. La mise en place est certes un peu longue, avec la présentation de trop nombreux personnages, pas forcément indispensables, qui prennent beaucoup de temps sur les douze minutes que dure le film.

Et puis le principe même de cette production a ses limites : en mettant en image un long poème, Capra s’oblige à multiplier les cartons pour que le spectateur puisse suivre le verbe de Kipling, qui pour le coup devient un peu trop envahissant.

Mais lorsque le drame se noue, Capra révèle un sens affirmé du cadrage et du montage, et, surprise, une brutalité qui ne sera pas vraiment la caractéristique première de son cinéma. Lorsque la violence apparaît, elle bouscule littéralement le cadre : les personnages sont propulsés en très gros plan contre la caméra, dont les petits mouvements brusques soulignent la brutalité des coups donnés.

Capra fait alors des merveilles, jouant sur le montage et la diversité des plans, lors de cette bagarre assez impressionnante, surtout lorsqu’il la filme en ombre chinoise, là encore fidèle au poème :

« A dance of Shadows on the wall,
A knife-thrust unawares
And Hans came down, as cattle drop,
Across the broken chairs. »

C’est beau, du Kipling. Et c’est beau, un grand cinéaste qui naît…

The Power of the Press (id.) – de Frank Capra – 1928

Posté : 6 novembre, 2017 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

The Power of the Press

Le dernier long métrage muet de Capra est un cas à peu près unique dans sa filmographie : c’est peut-être l’unique fois où le grand cinéaste humaniste s’est confronté au thriller. Il y a en particulier une longue séquence haletante et assez formidable, où le héros, jeune journaliste ambitieux interprété par Douglas Fairbanks Jr, doit mettre la main sur le témoin clé d’une sombre machination, petit chef d’œuvre de suspense qui se termine par une poursuite en voitures que n’aurait pas renié Hitchcock lui-même.

Pourtant, on est bien chez Capra, ce qui ne fait aucun doute dès l’ouverture du film. L’une des richesses de ses grandes réussites, notamment dans les années 30, repose sur un talent unique pour donner vie à des univers bien particulier : le cirque, la politique, le théâtre, ou ici la salle de rédaction d’un grand quotidien. Entre les reporters chevronnés qui manquent d’empathie et les jeunes loups naïfs qui ne décrochent les scoops que grâce à la chance, on ne peut pas dire que Capra offre une vision particulièrement avantageuse de la profession.

En revanche, il rend palpable en quelques plans formidables l’effervescence d’une salle de rédaction, l’odeur du papier et du tabac, l’urgence de l’actualité… C’est tourné avec beaucoup de dérision, et le film est d’ailleurs (aussi) très drôle. Mais l’ironie du film n’enlève rien au sentiment de vérité qui se dégage de ces scènes tournées dans l’enceinte du journal. D’autres scènes, d’ailleurs, n’ont pas cette intensité. Si The Power of the Press ne fait pas partie des réussites majeures de Capra, c’est à cause de ces fluctuations d’intensité : quelques scènes un peu banales (la découverte du crime initial notamment) contrastent avec celles dévoilant les journalistes dans leur environnement habituel.

En revanche, le mélange des genres fonctionne parfaitement. Drame social ? Comédie ? Intrigue policière ? Film politique ? Thriller ? Capra choisit de tirer tous ces fils à la fois avec cette histoire d’un jeune journaliste débutant qui mène l’enquête après le meurtre d’un homme influent. Il n’en privilégie aucun et va au bout de chacun de ces fils. Et c’est passionnant.

Bessie à Broadway (The Matinee Idol) – de Frank Capra – 1928

Posté : 29 octobre, 2017 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Bessie à Broadway

Après les deux films qu’il a tourné pour Harry Langdon, Capra n’a pas tardé à trouver son propre univers. Ce qui fera la grandeur de ses chefs d’œuvre des années 30 et 40 (et il y en aura quelques-uns) est déjà bien en place dans cette très belle comédie romantique. Et pour le coup, ce genre un peu fourre-tout porte parfaitement son nom : The Matinee Idol est une comédie particulièrement drôle, et une romance absolument irrésistible.

Considéré comme perdu jusqu’en 1994, le film est un petit bijou de légèreté, au scénario malin et enthousiasmant : un grand acteur de Broadway, qui se produit généralement grimé en noir comme un certain Al Jolson (la grande star de l’époque, qui venait de signer l’acte de naissance du cinéma parlant en dévoilant sa voix dans Le Chanteur de jazz), part se mettre au vert à la campagne, et se fait embaucher un peu par accident par une petite troupe de théâtre ambulant, qui ne le reconnaît pas.

On imagine bien tous les gags et toutes les situations vaudevillesques que Capra et son scénariste Elmer Harris (avec qui il avait déjà collaboré pour That certain thing et So this is love ?) peuvent en tirer. Surtout que, forcément, il y a l’amour qui rôde, et qui a le visage de la patronne un peu brute de la troupe, jouée par Bessie Love. Le titre français dit beaucoup de ce qui fut la notoriété de Bessie Love (quel nom, quand même !) : aucun personnage ne porte le nom de Bessie dans le film. Aujourd’hui complètement oubliée, elle est effectivement, et absolument, craquante, belle, et d’un dynamisme incroyable.

Bref, le charme de l’actrice apporte beaucoup au film, et supplante celui un peu plus discret de Johnny Walker, acteur au caractère à peine plus fort que le whisky du même nom (OK, c’est un peu gratuit). Et Capra sait en tirer le meilleur, faisant de l’actrice l’un de ces symbole de la sincérité qui parsèment son oeuvre, une sorte de pendant féminin du James Steward de Mr Smith goes to Washington en quelque sorte, confronté à la découverte du cynisme. Dans d’autres films, cela se passe dans l’univers impitoyable des banquiers ou des politiciens. Ici, c’est dans le monde du spectacle.

Avec cette pièce de théâtre qui tient un rôle important dans l’histoire (et qui s’appelle curieusement Rain or shine, rien à voir pourtant avec le film du même nom que Capra tournera deux ans plus tard), Capra livre une vision aussi contrastée que passionnée de ce monde du spectacle, jouant constamment sur l’interaction entre la scène et la salle, entre la fiction et le monde réel.

Le cinéaste sait ainsi tirer l’émotion la plus forte du contraste entre la fausse neige d’un spectacle à l’atmosphère particulièrement cruelle, et la pluie battante de la scène romantique qui suit. Et c’est magnifique. Jouant avec les rideaux du spectacle, il s’offre aussi l’un des plus beaux derniers plans de sa carrière: un gros plan sur les jambes fort jolies de Bessie Love qui s’élèvent du sol, détail qui en dit au moins autant, et avec plus d’émotion peut-être, qu’une banale étreinte

La Ruée (American Madness) – de Frank Capra – 1932

Posté : 28 octobre, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

La Ruée

Le Capra de La Vie est belle s’annonce déjà clairement avec cette « comédie sociale », l’une des premières à aborder frontalement le thème de la Grande Dépression, dans laquelle l’Amérique était alors plongée. Elle le fait à la manière si typique de Capra : avec une sincérité, une bonté, et une foi en l’être humain qui flirteraient avec la naïveté si ce n’était pas aussi enthousiasmant.

Comme dans ses grands classiques à venir, Capra met en scène des idéalistes et des cyniques, qui s’affrontent sur l’hôtel de l’argent. A quoi sert-il cet argent ? A se faire fructifier, ou à tirer le meilleur de chacun ? C’est en gros la question que s’opposent les dirigeants de la banque au cœur du film. Et la question de savoir qui aura le dernier mot ne se pose pas vraiment. Walter Huston, banquier au grand cœur (il connaît chacun de ses employés par son prénom, c’est un signe), est un homme de foi.

Pas un mystique, non : Capra lui-même n’a rien d’un religieux. Mais un homme qui a foi en son prochain. Comme Capra, qui assène son message avec force : c’est l’individu qui pourra sortir le pays de sa torpeur, pas la masse, inhumaine et décérébrée. Il y a une scène notamment, qui résume bien ce que dit le film de l’être humain : ce moment où un ami du banquier au bord de la ruine, bientôt suivi par d’autres, traverse la foule en colère, comme à contre-courant, pour aller déposer son argent et faire ainsi un acte de foi.

Cette scène est visuellement et émotionnellement très forte, Capra y visualisant parfaitement l’opposition entre l’individu dans ce qu’il a de plus grand, et la masse dans ce qu’elle a de plus informe. Un thème que l’on retrouve dans une grande partie de son oeuvre. La Ruée n’a certes pas la perfection de ses grands films avec James Stewart ou Gary Cooper, mais il y a quelque chose de très beau à voir le réalisateur tracer ce sillon qu’il creusera film après film, avec une sincérité qui ne se démentira jamais.

Le film est court (moins d’une heure quinze) et mené à un rythme impressionnant. Et Capra y confirme une nouvelle fois son génie visuel, avec cette manière qu’il a de filmer la foule, mais aussi les grands espaces vides. La séquence du braquage est ainsi particulièrement réussie, avec ce halo de lumière qui met en valeur l’obscurité, et le danger qu’elle dissimule. Il y a aussi un moment absolument génial, qui relève à la fois du drame social et de la pure comédie : la propagation de la rumeur selon laquelle la banque est ruinée. Capra la visualise par une succession rapide de gros plans sur le principe du téléphone arabe. C’est drôle, inventif, et d’une remarquable rapidité. Du pur Capra, donc.

12
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr