Les Mains d’Orlac (Orlacs Hände) – de Robert Wiene – 1924
Les adaptations cinématographiques du roman de Maurice Renard sont assez parfaites pour symboliser l’évolution du film fantastique à travers les décennies… et les pays. Avant l’âge d’or de l’horreur dans le Hollywood des années 30 (le film de Karl Freund en 1935), avant le renouveau du genre en Europe dans les années 60 (celui d’Edmond T. Gréville en 1960), c’est logiquement l’Allemagne expressionniste des années 20 qui ouvre le bal.
Et c’est un tandem mythique de l’expressionnisme qui s’y colle : le réalisateur du Cabinet du docteur Caligari Robert Wiene, et sa star Conrad Veidt. Qui en fait des tonnes, avec un jeu outré qui fait bien son âge, en pianiste vedette qui, après un accident de train, se voit greffer les mains d’un criminel qui vient d’être exécuté, et sent l’influence du tueur dont il a récupéré une partie du corps influer sur sa personnalité.
Mais Wiene, lui, sait créer une atmosphère bien flippante, avec un style plus retenu que … Caligari. La séquence inaugurale, surtout, est brillante : cet accident de train par lequel le drame se noue, et surtout l’impression de chaos que le réalisateur réussit à donner lorsque les secours arrivent.
La réussite du film tient beaucoup à son art de la mise en scène, à la fois spectaculaire et très attentive aux détails. La place des mains dans le cadre, notamment, ne doit jamais rien au hasard. Ces mains sont les personnages principaux du film, chargées d’un passé mystérieux et d’une menace sourde. si le jeu outré de Conrad Veidt laisse dubitatif, sa manière de dissocier ses mains du reste de son corps a en revanche quelque chose de fascinant, et de réellement effrayant.