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Archive pour la catégorie 'CLOUZOT Henri-Georges'

Miquette et sa mère – de Henri-Georges Clouzot – 1950

Posté : 7 octobre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, CLOUZOT Henri-Georges | Pas de commentaires »

Miquette et sa mère

S’il y a un genre auquel on n’associe pas immédiatement le nom de Clouzot, c’est bien la comédie. Même si son premier film, L’Assassin habite au 21, avait des éléments franchement comiques, le cinéaste a signé une œuvre quand même largement dominée par le drame. Lui-même, d’ailleurs, reconnaissait être dépourvu d’humour…

Pourtant, il y a ce Miquette et sa mère, adaptation d’un vaudeville plein de rythme et de répliques brillantes, une pure comédie qu’il signe après un exceptionnel trio de films noirs : L’Assassin… donc, et les chefs-d’œuvre Le Corbeau et Quai des Orfèvres. Précisions quand même que Clouzot n’a signé ce film que parce qu’il était lié par contrat, comme une bravade, avec une envie manifeste de surprendre.

Et il surprend, certes. Clouzot n’a pas d’humour ? C’est sans doute vrai, mais le texte existait déjà. Et pour le mettre en image, Clouzot prend des partis pris souvent extrêmes, avec la liberté d’un homme pour qui ce simple texte ne peut suffire. Alors il fait surjouer ses acteurs, qui cabotinent avec gourmandise, il adopte les codes du théâtre avec ces apartés face caméra, et même du film muet avec ces intertitres qui chapitrent l’histoire…

Une histoire de pur vaudeville : une romance contrariée, des quiproquos, une jeune femme et sa mère, provinciales, qui découvrent Paris et le monde du théâtre… Le plaisir repose en partie sur celui que prennent visiblement les acteurs, autour de Danièle Delorme et sa « mère » Mireille Perrey. Jouvet, Bourvil, Saturnin Fabre… Ils en font des tonnes, mais ce n’est jamais trop.

Clouzot filme ça avec une liberté et un rythme qui emportent tout, glissant doucement d’une esthétique de film noir dans les premières scènes à une pure folie bouillonnante dans les dernières minutes, où tous les personnages croisés en cours de route se retrouvent sur et autour de la scène.

De cette comédie de quiproquos assez classique, Clouzot tire un beau film plein de vie, et plein d’empathie pour ces personnes qu’il filme : les naïfs, les passionnés, les roublards, les comédiens ratés, et même les vieux cochons… Un Clouzot bienveillant et euphorique, eh oui !

Le Corbeau – de Henri-Georges Clouzot – 1943

Posté : 12 novembre, 2016 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, CLOUZOT Henri-Georges | Pas de commentaires »

Le Corbeau

« Où est l’ombre ? Où est la lumière? » Quelle scène ! Quels dialogues ! Et quels acteurs ! Un Pierre Larquey exceptionnel, un Pierre Fresnay formidable… Personne n’est vraiment tout à fait ce qu’il semble être dans ce chef d’oeuvre intemporel, peut-être le meilleur film de la fameuse Continental, la firme dirigée par les Allemands durant l’occupation.

Avoir réalisé ce film, portrait d’une petite commune française rongée par la suspicion et la délation, a d’ailleurs valu bien des ennuis à Clouzot durant l’épuration. Pourtant, ce qui reste le plus hallucinant, c’est que les Allemands aient laissé faire le cinéaste : Le Corbeau est une dénonciation cruelle et sans détour des dénonciations anonymes et de la mesquinerie de cette France occupée.

En tout cas, les ennuis de Clouzot disent beaucoup du climat de la libération, et d’une certaine mauvaise conscience que le film pointe d’ailleurs du doigt. Cette communauté confrontée au même mal (des lettres de dénonciations anonymes qui semblent devoir toucher toute la population) pourrait faire front. Mais les accusations proférées réveillent les rancœurs et la suspicion, révélant moins sur ceux qu’elles concernent que sur ceux qui les entourent.

Visuellement formidable, avec ces fameux jeux sur l’ombre et la lumière ou ses inquiétantes scènes de foules, Le Corbeau est un film d’une grande cruauté émaillé de séquences inoubliables : la fuite déchirante de Marie Corbin, la silhouette de la mère voilée de noir qui s’éloigne dans la rue, la superbe colère de Germain (Fresnay) dans le bureau des notables bien pensants…

Clouzot est aussi un très grand directeur d’acteur. Fresnay a rarement été aussi intense, Larquey est exceptionnel, Noël Roquevert est excellent et cabotine moins qu’à l’accoutumée… Les femmes ne sont pas oubliées : Ginette Leclerc est superbement touchante, femme moderne qui compense son handicap physique par une sexualité débridée (en apparence en tout cas), et qui se révèle finalement la plus humaine de tous…

A travers son personnage, et celui de Fresnay, Clouzot ose aussi une vision audacieuse et très en avance du sexe, mais aussi de l’IVG. En plus d’être un grand, un très grand film noir dur, fascinant et sans concession.

Quai des Orfèvres – de Henri-Georges Clouzot – 1947

Posté : 20 avril, 2015 @ 4:47 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, CLOUZOT Henri-Georges | Pas de commentaires »

Quai des Orfèvres

Après la libération, Clouzot est sur la sellette. Son implication au sein de la Continental, où il a tourné ses deux premiers films (L’Assassin habite au 21 et Le Corbeau) fait de lui un traître tout trouvé aux yeux des résistants de la dernière heure. Grâce à la mobilisation de nombreux artistes et intellectuels, Clouzot peut de nouveau tourné et signe d’emblée ce qui est l’un des plus beaux films français de la décennie.

Sombre et intense, d’une richesse infinie dans sa peinture d’une humanité à la marge, Quai des Orfèvres révolutionne, et c’est peu de le dire, le polar made in France, en lui apportant un réalisme et un sous-texte social rarissime pour l’époque. En évoquant le film, on a immanquablement l’image de Louis Jouvet à contre-emploi, lançant son fameux “Vous êtes un type dans mon genre” à une Simone Renant seule et fière. Et c’est vrai qu’il est formidable, Jouvet, incarnant merveilleusement ce petit flic à la vie misérable, qui tente de trouver une place à cet enfant métisse qu’il chérit maladroitement, et dont on ne peut que deviner qu’il le ramène à un passé lui aussi chéri…

Mais Jouvet n’est pas seul. Commissaire chargé d’une affaire de meurtre, il se retrouve au cœur d’un microcosme tel que les aime Clouzot, où la légéreté apparente dissimule à peine des jalousies et de douloureux non-dits. Autour de Suzy Delair, jeune chanteuse trop aimée, trop ambitieuse et trop casse-couilles (elle sait faire !), Bernard Blier trouve l’un de ses plus beaux rôles lui aussi : une âme de cocu, effacé et passionné à la fois, mari aimant et aimé. Les moments de tendresse avec Suzy Delair sont d’une délicatesse rare, et frappent d’autant plus qu’ils tranchent avec la violence de leurs échanges.

Et puis il y a Simone Renant, actrice magnifique qui n’a pas eu la carrière qu’elle méritait. Dans un rôle incroyablement moderne, qui ose (en 1947) aborder même sans le dire l’homosexualité féminine, elle est absolument sublime, illuminant le film de sa présence. Son fameux face à face avec Louis Jouvet est d’une grande intensité : deux solitudes abîmées par la vie, qui se reconnaissent dans le cadre froid et inamical du quai des orfèvres.

Le Salaire de la peur – de Henri-Georges Clouzot – 1953

Posté : 12 janvier, 2014 @ 11:15 dans 1950-1959, CLOUZOT Henri-Georges | Pas de commentaires »

Le Salaire de la peur

Palme d’Or, Lion d’Or… Le Salaire de la peur est l’un des monuments du cinéma français des années 50. Pourtant, c’est dans une version largement tronquée que les Etats-Unis l’ont découvert lors de sa sortie, version se limitant au voyage à hauts risques de quatre paumés qui acceptent de convoyer une cargaison de nitroglycérine sur les pistes à peine aménagées d’un pays d’Amérique du Sud, seule solution d’éteindre un puits de pétrole en flammes.

Le Salaire de la peur ne se limite pourtant pas à ce voyage à très hauts risques, certes ébouriffant, qui associe merveilleusement le suspens pur et les portraits intimes et complexes d’êtres dont on ignore tout du passé, mais dont les fêlures et les souffrances se révèlent de plus en plus précisément alors que leur voyage paraît de plus en plus sans retour.

Mais la première partie est tout aussi réussie et d’une richesse incroyable, donnant une autre dimension à cette histoire qui se déroule dans un pays qui n’est jamais nommé, mais où se retrouvent des laissés pour compte venus du monde entier. Des hommes au passé pesant et trouble (et jamais explicité), mais qu’une mauvaise passe a conduits dans cet entre-deux où le passé est tellement présent, mais où le futur semble inexistant.

Clouzot décrit d’une manière extraordinaire ce microcosme poisseux et tragique. Qui est aussi un lieu où les barrières n’existent plus, si ce n’est celle de l’ailleurs : le monde semble ne plus exister hors de ce pays poussiéreux et brûlant.

Aucune allusion, d’ailleurs, à un contexte géopolitique international. Pourtant, le film s’inscrit dans son époque : il décrit une misère dont on parlait beaucoup à l’époque en France (l’hiver 54 n’est pas loin), mais en n’en évoquant que les effets, à travers des portraits d’hommes passionnants.

D’autant plus passionnants qu’ils sont débarrassés de leurs histoires, se résumant à leurs actes, à leurs rêves, à leurs peurs. Se rattachant au peu qu’ils ont : un ticket de métro bien inutile, une amitié qui ne repose que sur des souvenirs communs…

Yves Montand trouve son premier rôle important. Charles Vanel est extraordinaire, affichant une superbe bien illusoire, et dissimulant de plus en plus difficilement une peur viscérale : de l’avenir, de la nitro… Vera Clouzot est fascinante, sensuelle et triste à la fois : sa première apparition est inoubliable, sous le regard concupiscent de Montand.

Clouzot installe une tension exceptionnelle tout au long du film, qu’il parsème de moments d’anthologies : le regard de Montand alors qu’il se dirige droit vers son pote Vanel coincé dans son bain de pétrole ; cette allumette soufflée par un vent de mort au moment où on s’y attend le moins ; et cette dernière image, glaciale, traumatisante, inoubliable…

L’Assassin habite au 21 – de Henri-Georges Clouzot – 1942

Posté : 12 octobre, 2012 @ 3:29 dans * Polars/noirs France, 1940-1949, CLOUZOT Henri-Georges | Pas de commentaires »

L'Assassin habite au 21 1

J’ai toujours eu un faible pour ce premier film réalisé par Clouzot, une petite merveille légère et irrésistible, souvent considérée comme une comédie policière mineure. Libre adaptation (par Clouzot et l’auteur lui-même) d’un polar de Steeman (qui fait partie de ces écrivains très en vogue dans les années 30/40, mais dont le style paraît bien vieillot aujourd’hui), le film est la suite de Le Dernier des Six, dont Clouzot avait déjà signé l’adaptation un an plus tôt. Pierre Fresnay et Suzy Delair y retrouvent leurs rôles : celui du commissaire Wens et de sa petite amie, apprentie chanteuse grande gueule et casse couilles.

Chacun de leur côté (lui pour éviter d’être renvoyé, elle pour attirer l’attention d’un impresario), ils tentent de démasquer « Monsieur Durand », un tueur en série qui sévit à Paris, et dont le commissaire apprend qu’il est l’un des pensionnaires d’une pension de famille, les Mimosas. Wens s’y fait admettre en se faisant passer pour un pasteur, et sa douce ne tarde pas à l’y rejoindre.

L’intrigue policière n’intéresse pas vraiment Clouzot, qui se concentre bien davantage sur les personnages, leurs comportements au sein d’une communauté hétéroclite confrontée à l’irruption du Mal et du soupçon (le même thème qu’il développera, en bien moins léger, dans Le Corbeau). Surtout, il privilégie l’humour, fait peut-être unique dans sa filmographie. Les dialogues, gouailleurs et caustiques, sont particulièrement réussis. « Je ne peux pas me rendre compte, je suis une vraie jeune fille », lance une vieille pensionnaire des Mimosas. « Mes compliments », lui répond Wens… C’est brillant, croustillant, et c’est comme ça jusqu’à la fin.

Le couple Fresnay/Delair est un autre moteur de l’humour et du rythme imparable de ce film. Parce qu’ils sont totalement opposés, lui raide comme la justice, elle totalement exubérante, ces deux-là forment un couple de comédie idéal. Suzy Delair d’ailleurs, souvent tête à claque dans ses films, est formidable ici, en partie grâce au contrepoint que lui offre Fresnay.

L'Assassin habite au 21 2Et les moindres seconds rôles sont exceptionnels, avec une mention spéciale à Pierre Larquey, acteur de second plan génial et indispensable, qui donne un relief formidable à un personnage qui, sur le papier, n’en a guère. Noël Roquevert en faux militaire, et Jean Tissier en artiste de music-hall haut en couleurs, sont excellents eux aussi.

Le moindre petit rôle a la gouaille si séduisante de ce Paris disparu, et j’avoue un petit faible pour André Gabriello, le gros flic bonhomme au débit impossible, et pour le tout jeunôt Raymond Bussières qui lui chante du haut de son lampadaire « J’emmerde les gendarmes, et la maréchaussée, et la maréchaussée… ».

Et puis il y a le rythme, imparable et jubilatoire, et l’intelligence de la mise en scène, qui utilise merveilleusement les beaux décors. Dès la toute première séquence, Clouzot impressionne par la maîtrise de son art. En quelques minutes, il plante le contexte, et signe une belle séquence de suspense tout droit issue du réalisme poétique. La toute première scène de sa filmographie, et déjà un chef d’œuvre.

 

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