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Archive pour octobre, 2014

Les Mains qui tuent (Phantom Lady) – de Robert Siodmak – 1944

Posté : 26 octobre, 2014 @ 8:03 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

Les Mains qui tuent

Deux ans avant Les Tueurs, Robert Siodmak fait ses débuts dans le film noir avec cette merveille adaptée d’un roman de William Irish (pseudo de Cornell Woolrich, dont les romans seront souvent brillamment adaptés au cinéma, de Fenêtre sur cour à La Sirène de Mississipi), tournée avec un petit budget et sans grande vedette.

Il y a bien quelques seconds rôles marquants : Elisha Cook Jr. en batteur extatique, et le formidable Thomas Gomez en flic déterminé et fatigué. Mais les rôles principaux : celui de l’homme condamné pour un meurtre qu’il n’a pas connu, et celui de la jeune femme qui l’aime en secret et mène une contre-enquête pour l’innocenter, sont tenus par des comédiens nettement moins connus : Ella Raines et Alan Curtis, tous deux parfaits.

Mais c’est Franchot Tone la tête d’affiche, de loin celui des acteurs qui a le background le plus marquant, qui interprète ici le meilleur ami du condamné, dont le spectateur sait dès sa première apparition (tardive : dans la seconde moitié du film) qu’il est le mystérieux assassin. Cette manière de mettre le spectateur dans la confidence, et de lui donner ainsi une longueur d’avance sur les spectateurs, c’est une méthode qu’Hitchcock utilise très souvent, et qui est la base même du formidable suspense de la dernière partie du film, quasi huis-clos qui joue habilement sur le contraste entre l’euphorie de l’héroïne et le danger que l’on sait qu’elle court.

Ce premier film noir de Siodmak, qui signera une poignée de classiques du genre, impressionne dès la première séquence, étonnante et passionnante, rencontre improbable entre deux solitudes dans un bar quasi-désert. Une longue scène qui servira de colonne vertébrale à l’ensemble du film…

Il y a aussi une séquence de tribunal que Hitchcock, toujours lui, n’aurait pas reniée. Du procès, on ne verra rien d’autre que des gros plans sur les notes de la dactylo, égrenant les jours qui passent. Et sur les visages de la jeune femme et du flic dont le trouble et la détermination grandissent visiblement au fur et à mesure que le procès avance.

Et puis il y a cette admirable séquence de filature en pleine nuit, entre Ella Raines et le vieux barman joué par Andrew Tombes, où la tension ne naît que des ombres et des sons, jusque sur le quai d’un métro dont on ne verra rien d’autre que les lumières des fenêtres se reflétant sur les murs, procédé emprunté au Chaplin de L’Opinion publique.

Annonciateur de ses grandes œuvres à venir, ce film sous influence est déjà un petit chef d’œuvre au noir.

• Le film figure dans le magnifique coffret DVD que Carlotta a consacré à Siodmak il y a quelques années, et sur lequel figure Les Tueurs (accompagné de nombreux bonus), le film d’aventures Cobra Woman (une curiosité), et ce Phantom Lady avec, en bonus, une longue présentation du film par Bruno Dumont, le directeur de la cinémathèque suisse, et une conversation avec Robert Siodmak filmée en 1971, ainsi que la bande annonce originale.

Dreamscape (id.) – de Joseph Ruben – 1984

Posté : 26 octobre, 2014 @ 7:56 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, RUBEN Joseph | Pas de commentaires »

Dreamscape

Ainsi donc, vingt-cinq ans avant Inception, le grand-œuvre virtuose et un peu vain de Christopher Nolan, un autre auteur-réalisateur avait imaginé que l’on pouvait pénétrer dans les rêves d’autrui et y prendre une part active… Totalement tombé dans l’oubli, Dreamscape n’a même pas eu droit à un regain de notoriété lorsque est sorti le blockbuster de Nolan. C’eut pourtant été un juste retour des choses, tant la parenté entre ces deux films est flagrante. Avec Matrix aussi d’ailleurs, les Wachowski s’en étant visiblement très inspiré pour évoquer leur univers mental où toutes les prouesses sont possibles.

Bien sûr, il y a le poids des ans, flagrant dès la toute première scène, une séquence de cauchemar apocalyptique dont les effets spéciaux rudimentaires nous renvoient immédiatement à la préhistoire des trucages : la période pré-Terminator 2 pour faire court, à une époque où le top des jeux vidéos consistaient à faire bouger deux traits blancs pour se renvoyer une sorte de balle carrée.

On n’est pas très loin de cette caricature avec les trucages de Dreamscape, mais Joseph Ruben, réalisateur lui aussi tombé dans l’oubli mais qui eut beaucoup d’ambitions à ses débuts, parvient dans la plupart des séquences de rêves à créer une étrangeté sensorielle plutôt réussie, avec une économie de moyens assumée : une image légèrement distordue, quelques taches sur l’objectif, quelques décors oniriques… Les trucs les plus simples se révèlent nettement plus efficaces que les effets spéciaux plus recherchés.

Le scénario, lui, est un peu bancal et maladroit, avec des personnages assez mal dessinés que parviennent à sauver la plupart du temps d’excellents acteurs. C’est notamment le cas de Christopher Plummer, flippant en patron des services secrets hyper-puissants que le film montre simplement comme un mec super bien habillé et très raide entouré de trois gorilles un peu bas du front. Kate Capshaw est charmante mais n’a pas grand-chose d’autre à faire que d’être l’atout charme (et sexy dans une scène de rêve plutôt chaude). Max Von Sydow est impeccable dans un rôle de scientifique sans surprise. Et Dennis Quaid sourit déjà beaucoup en jeune médium qui voyage dans les rêves des autres… une sorte de répétition avant son voyage dans le corps humain (L’Aventure intérieure).

Tantôt réjouissant, tantôt frustrant, Dreamscape souffre de maladresses et d’un manque de rythme flagrant dans certaines scènes (était-ce bien utile de garder in extenso de longs trajets dans des couloirs, soulignés lourdement par une musique électro de Maurice Jarre qui a pris un sale coup de vieux). Il passe surtout à côté du grand film paranoïaque qu’il aurait pu être, dans la lignée d’Un crime dans la tête par exemple.

Au final, Ruben signe un film hybride ni très sombre, ni vraiment fun, que les distributeurs ne sauront pas comment et à qui vendre, tentant de le faire passer pour un film d’aventures à la Indiana Jones à travers une affiche originale aberrante, qui joue sans doute sur la présence de Kate Capshaw, à l’affiche cette même année d’Indiana Jones et le Temple maudit

• Le film est une rareté et une curiosité. C’est sans doute ce qui a incité le très exigeant éditeur Carlotta à le sortir dans un DVD au contenu éditorial assez limité. Uniques bonus : la bande annonce originale et une interview d’époque de Dennis Quaid, visiblement fatigué de répondre à d’insipides questions.

Terreur au Texas (Terror in a Texas Town) – de Joseph H. Lewis – 1958

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:14 dans 1950-1959, LEWIS Joseph H., WESTERNS | Pas de commentaires »

Terreur au Texas

Sterling Hayden traverse les rues poussiéreuses d’une petite ville de l’Ouest un harpon à la main, et se retrouve bientôt face à un mystérieux homme tout de noir vêtu, dont la caméra ne nous montre que les deux revolvers prêts à être dégainés… Les premières images du film, avant même que le générique ne s’affiche, sont hallucinantes, et installent d’emblée une tension incroyable.

Après le générique, une série de gros plans sur les visages dévastés d’un couple de vieux fermiers assistant impuissant à l’incendie de leur maison ne fait que renforcer l’impression : Terreur au Texas n’a rien d’un petit western de série comme on en tournait à la pelle à l’époque.

Cinéaste plus connu pour ses œuvres noires (Gun Crazy, c’était lui), Joseph H. Lewis tourne son western comme s’il s’agissait d’un thriller. Son film est sombre et violent, et sec comme une détonation dans le noir. La présence de Sterling Hayden, colosse aux allures de gamin mais au regard déterminé comme jamais, ne fait que renforcer la sécheresse de ce western noir.

Le film est formidable parce que le scénario, co-écrit par Dalton Trumbo, surprend constamment (un duel pistolet-harpon, quand même…), y compris dans la musique à contre-pied signée Gerald Fried, parce que la violence y est crue et cruelle comme rarement dans le western des années 50, et parce que les personnages sont absolument exceptionnels.

Nedrick Young, acteur pas si limité que ça, est formidable en tueur sans état d’âme… mais totalement névrosé, visiblement effrayé par son propre vieillissement, par sa solitude insondable, et par sa disparition annoncée.

Le rôle de sa petite amie, joué par une Carol Kelly assez géniale, est tout aussi fort et surprenant : fille facile trop consciente de ne rester avec ce tueur monstrueux que par peur de se retrouver seule. La scène où elle oblige Sterling Hayden à regarder la déchéance dans ses yeux est déchirante et d’une force sidérante.

Le film aurait sans doute mérité la présence d’un chef opérateur plus inspiré : le noir et blanc est assez terne. Mais peut-être le dépouillement total de l’image sert-il la sécheresse de la mise en scène de Lewis. Cette petite production confirme en tout cas les regrets que l’on peut avoir concernant le cinéaste, trop souvent confiné à des séries B pas toujours à la hauteur de ce Terror in a Texas Town, qui sera bizarrement le dernier film de Lewis pour le cinéma. A partir de là, il se consacrera à la télévision, signant d’innombrables épisodes de séries, bien difficile à voir aujourd’hui.

• La dernière fournée en date de la collection Western de Légende, chez Sidonis, contient donc une vraie pépite. Le film de Joseph H. Lewis est présenté avec des analyses de Bertrand Tavernier, Patrick Brion et Yves Boisset.

Bill Doolin le hors-la-loi (Cattle Annie and Little Britches) – de Lamont Johnson – 1980

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:10 dans 1980-1989, JOHNSON Lamont, WESTERNS | Pas de commentaires »

Bill Doolin le hors la loi

Heureuse surprise que ce western dont je n’avais même jamais entendu parler, signé par un réalisateur dont le Dialogue de feu (improbable rencontre entre Kirk Douglas et Johnny Cash) ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable, pour rester tempéré. Tourné à une époque (1980) où le genre est à peu près totalement mort, ce beau film peuplé de figures authentiques de l’Ouest encore sauvage évoque à la fois les œuvres classiques d’un George Marshall, et les grandes œuvres à venir dans la lignée d’Impitoyable.

C’est une ode énamourée et un rien nostalgique aux mythes qui ont fait l’Ouest. C’est aussi un film qui démystifie gentiment : Burt Lancaster, impérial dans son dernier rôle d’homme de l’Ouest, est une légende qui apparaît d’abord dans toute sa superbe, avant d’être rapidement confronté à une réalité bien moins glamour. Son gang se résume à une bande de clodos crades et sans le sou, ses attaques de train se soldent par des butins ridicules (un cochon ou du matériel de base-ball).

Un humour légèrement désabusé baigne le film. Une grande vivacité aussi, avec les personnages de ces deux fillettes (Amanda Plummer et Diane Lane, formidables toutes les deux) qui rêvent de devenir hors-la-loi, et qui redonnent du souffle à ce gang vieillissant qui ne croit plus en grand-chose. Au cœur du film, les deux jeunes filles donnent aussi un ton totalement atypique au film, apportant une tendresse inattendue et touchante aux rapports entre ces gangsters revenus de tout.

Mais c’est bien la fin d’une époque que montre le film : la vie dont rêve les gamines, elles l’ont fantasmée à travers des romans illustrés qui immortalisent une épopée qui s’achève. Et puis Lancaster, comme sa nemesis, le marshall joué par Rod Steiger, sont deux hommes d’un autre âge, des « vieux ». Le plus beau, d’ailleurs, c’est peut-être ces petits moments fugaces où le regard de Lancaster accuse soudainement le poids de son âge ; ou encore lorsque Rod Steiger, pour une fois sobre, et Lancaster, côte à côte, reconnaissent avec émotion que les deux jeunes filles ont leur avenir devant elles, alors que eux sont des vieux promis à une disparition rapide.

Passé totalement inaperçu (il n’est même pas sorti en salles en France), un western surprenant, et très attachant.

• DVD dans la collection Western de Légende de Sidonis, avec une présentation par Patrick Brion et un documentaire sur Burt Lancaster.

Les Félins – de René Clément – 1962

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:06 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, CLÉMENT René | Pas de commentaires »

Les Félins

Trois ans après Plein soleil, Les Félins marque les retrouvailles entre Delon et Clément, sur un thème a priori similaire : dans les deux cas, l’acteur est au cœur d’une traque internationale, entre les Etats-Unis et l’Europe. Mais cette fois, la violence est affichée dès la séquence d’ouverture : on est ouvertement dans le noir et le film de genre. Clément joue avec les codes du genre, se glisse dans les bottes d’un réalisateur de genre, mais en restant fidèle à un style européen, marqué par la Nouvelle Vague.

Delon est d’une jeunesse insolente. Ce ne pouvait être que lui dans ce film, parce qu’il est une sorte de miroir déformé de Plein Soleil. Et parce que sa beauté canaille et arrogante est unique dans le paysage cinématographique française des années 60. Une beauté qui est le sujet même de ce film, puisqu’il incarne un playboy qui vit de ses charmes, s’attire les foudres d’un parrain de la pègre new-yorkaise qui veut s’offrir la tête de celui qui a séduit sa femme, et se réfugie dans un château plein de mystère, entre une bonne à l’innocence toute relative et une patronne sexy et trouble.

La première, c’est Jane Fonda, craquante et d’une complexité inattendue. La seconde, c’est Lola Albright, d’une sensualité affolante. Delon trouve refuge dans un domaine magnifique, enfermé avec ces deux femmes superbes toutes prêtes à lui offrir leurs charmes ? Un paradis qui se transforme bientôt en enfer, dans ce film qui joue avec délectation avec les rebondissements les plus improbables, s’amusant à accumuler les poncifs les plus éculés du pur cinéma de diverstissement.

Fusillades, poursuites, séduction, luxe, secrets bien gardés, portes dérobées, faux disparus et vraie manipulation… Plus le film avance, plus l’intrigue devient improbable. Clément s’amuse de ce parti pris, et joue pleinement le jeu. Les Félins est un pur plaisir, coupable et assumé.

Dracula (id.) – de Tod Browning – 1931

Posté : 15 octobre, 2014 @ 2:03 dans 1930-1939, BROWNING Tod, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Dracula 1931

Doit-on préciser que ce Dracula premier du nom est un film historique ? Non pas parce qu’il s’agit de la première adaptation du roman de Bram Stocker (le Nosferatu de Murnau était une adaptation officieuse, mais ne cachait rien de son inspiration), mais parce que le film fut celui qui imposa la dimension trouble et sexuelle du personnage, et même du genre horrifique.

C’est aussi le film qui a révélé Bela Lugosi, personnage fascinant plus que grand acteur, qui en fait déjà des tonnes en retrouvant la cape du vampire, qu’il avait déjà revêtue sur scène.

A le revoir dans de si bonnes conditions (le blue ray Universal est une grande réussite), on est surtout marqué par la force visuelle du film, une pure merveille. Et ce dès la séquence d’ouverture, bijou de mise en scène qui sait, en quelques minutes, créer une ambiance d’angoisse qui garde toute sa force 80 ans après.

En ouvrant son film directement en Transylvanie, Browning nous plonge directement dans une terre de mystère, que ses choix de mise en scène renforcent : les autochtones qui parlent une langue qu’on ne comprend pas, et qui s’affolent à l’évocation du château de Dracula, contribuent à nous mettre dans la peau de celui qu’on croit être le héros du film…

Tout est magnifique dans Dracula : des décors somptueux, l’usage fascinant des décors peints et de la profondeur de champs… Au sommet de son art, Browning prouve que son talent n’a rien perdu de sa puissance évocatrice avec l’arrivée du parlant. Son film, malgré des décennies de surenchère dans l’horreur, reste réellement flippant. Surtout pour ce qu’on ne fait qu’évoquer : la transformation de Dracula, la brume…

Forcément, on a beaucoup vanté l’incarnation de Dracula par Lugosi, un rôle dont l’acteur ne se défera jamais vraiment (même s’il ne le retrouvera que pour la parodie Abbott and Costello meet Frankenstein et pour un hommage ironique par Tod Browning lui-même, La Marque du Vampire). Et c’est vrai que sa seule présence habite littéralement le film. Mais il faut aussi saluer la magnifique prestation hallucinée de Dwight Frye dans le rôle de Renfield (aussi connu pour avoir joué Fritz dans Frankenstein, également en 1931). Dès la séquence d’ouverture, où il passe subrepticement du sourire le plus innocent à l’inquiétude sourde, puis lorsqu’il incarne la folie manifeste mâtinée d’une douleur enfouie, il est assez génial.

Loin de la version de Coppola, tout en prenant des libertés avec l’œuvre de Stocker, le Dracula de Browning est un classique instantané, qui reste plus effrayant que la quasi-totalité des films de vampires qui ont suivi.

• Un blue ray indispensable et riche en bonus (dont la version espagnole du film, tournée en même temps et dans les mêmes décors que le film de Stocker, par et George Melford avec d’autres comédiens) a été édité chez Universal.

L’Inspecteur Harry est la dernière cible (The Dead Pool) – de Buddy Van Horn – 1988

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:59 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), VAN HORN Buddy | Pas de commentaires »

L'Inspecteur Harry est la dernière cible

A la fin des années 80, Clint Eastwood arrive dans une sorte d’impasse. Sa fameuse logique de carrière, selon laquelle un film de genre permet de combler les déficits de ses œuvres plus personnelles, atteint sa limite. Et l’âge venant, Clint sait qu’il ne pourra pas jouer indéfiniment les superflics. Contre toute-attente, il sort une dernière fois l’inspecteur Harry de sa retraite, désireux d’offrir à la Warner un succès garanti, alors qu’il vient d’achever le tournage de Bird, film auquel il tient particulièrement en dépit de toute logique commerciale.

Mieux : avant de tourner un autre film très personnel, hommage à John Huston et African Queen (Chasseur Blanc, cœur noir), il enchaîne les tournages de deux polars, dont il confie la réalisation à son fidèle responsable des cascades, Buddy Van Horn. Ce sera La Dernière Cible, celui des cinq « Harry » qui connaîtra le succès le plus modeste ; et Pink Cadillac, un nanar tout juste sympathique qui sera un désastre commercial, et ne sortira pas même dans les salles françaises.

Ses films plus personnels ne connaissant qu’un succès commercial d’estime, Eastwood est alors dans le plus grand creux de sa carrière, depuis ses premiers succès vingt-cinq ans plus tôt. Déconnecté du public, il tentera de surfer sur la nouvelle mode des action-movies avec La Relève. Mais ce n’est que lorsqu’il abandonnera toute logique de carrière, et qu’il se contentera de faire ce dont il a envie qu’il enchaînera ses meilleurs films : avec Impitoyable, c’est une nouvelle ère, la plus passionnante, qui s’ouvrira pour lui.

Voilà pour le contexte. Du film lui-même, pas grand-chose à dire, une fois que l’on connaît sa raison d’être, et la personnalité du réalisateur : Van Horn, le collaborateur de toujours, que l’on a même vu incarner le shérif dans les flash-backs de L’Homme des hautes plaines, et qu’Eastwood semble remercier pour sa fidélité plus que pour un talent que, de toute évidence, il n’a pas. Van Horn n’est qu’un yes-man qui signe une réalisation propre mais purement fonctionnelle.

Peu de surprise dans ce Dirty Harry numéro cinq, qui reprend les mêmes recettes que les précédents films. Au détour d’un repas aux chandelles entre Harry et une journaliste (Patricia Clarkson), la brève évocation du passé de Callahan, et la lumière chaude et intime du restaurant, laisse en suspense une petite touche d’émotion et de nostalgie, rapidement balayée par une énième fusillade. On peut noter aussi la présence de Liam Neeson, pas terrible dans l’un de ses premiers rôles d’envergure. Ou encore l’une des premières apparitions à l’écran de Jim Carrey, dans celui de la star du rock qui trépasse à la fin de la première bobine.

On peut surtout s’amuser du sort réservé à une critique de cinéma acerbe que l’on devine inspirée par Pauline Kael, la grande prêtresse de la critique américaine, farouche détracteur d’Eastwood qui fut l’une des seules à descendre en flamme Bird lors de sa présentation à Cannes.

Mais le film ne semble avoir qu’un objectif : nous conduire à cette incroyable poursuite en voitures dans les rues de San Francisco entre la Ford de Callahan et un modèle réduit… clin d’œil un rien parodique aux grandes poursuites du polar des années 70, qui faisaient les grandes heures de Bullitt, French Connection… ou Dirty Harry.

• Voir aussi les quatre précédents épisodes de la saga Callahan, très inégaux : L’Inspecteur Harry,Magnum Force, L’Inspecteur ne renonce jamais et Le Retour de l’Inspecteur Harry.

La Chasse du Comte Zaroff / Les Chasses du Comte Zaroff (The Most Dangerous Game) – de Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel – 1932

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:49 dans 1930-1939, PICHEL Irving, SCHOEDSACK Ernest B. | Pas de commentaires »

La Chasse du Comte Zaroff

La Chasse du Comte Zaroff a été tourné il y a plus de quatre-vingt ans, mais qu’a-t-on inventé depuis dans le domaine du suspense et de la peur, au cinéma ? Tourné pour une poignée de dollars seulement, et sans autre ambition que de rentabiliser les décors et l’équipe qui travaillaient au même moment sur King Kong, ce chef d’œuvre hallucinant reste aujourd’hui encore un modèle indépassable du genre. Le film est d’une densité et d’une efficacité impressionnantes, jouant sur le dynamisme des cadrages, sur la vigueur des mouvements de caméra…

Le film n’a pas seulement inspiré tout un pan du cinéma de suspense à venir avec son thème (des naufragés sur une île réalisent que l’homme qui les a recueillis veut les transformer en gibier pour ses parties de chasse), mais aussi avec son langage cinématographique. Le montage ahurissant lors du naufrage, les travellings immersifs de la chasse à l’homme, les contre-plongées dans les marécages baignés de brumes… Le film de Schoedsack et Pichel semble servir encore de grammaire cinématographique pour la plupart des cinéastes.

Aujourd’hui, La Chasse… surprend aussi par la modernité de son interprétation. Si Leslie Banks, réellement impressionnant, en fait des tonnes, Joel McCrea, lui, est absolument parfait en jeune héros effrayé par ce qu’il découvre. Mais surtout, Fay Wray, dans son personnage incontournable de « scream queen », est d’une sensualité troublante : on imagine bien la dose d’érotisme qu’elle apportait au cinéma de cette période pre-code d’Hollywood.

Et dire que le film n’a été produit, par la RKO, que pour réduire au mieux les risques pris en produisant ce qui devait devenir l’un des monuments de la firme : King Kong. Ernest B. Schoedsack et Meriam C. Cooper étaient chargés des deux projets, d’une part la grande œuvre, de l’autre ce film de complément dont le succès, à sa sortie, n’aura rien de comparable avec Kong.

C’est peut-être un cas unique dans l’histoire du cinéma : deux chefs d’œuvre immenses et incontournables ont été tournés par la même équipe, dans les mêmes décors, avec une partie du même casting (Fay Wray en particulier), et apparemment simultanément. Quelques mois d’un incroyable état de grâce, pour marquer à jamais l’histoire du 7ème art…

Scènes de crime – de Frédéric Schoendoerffer – 1999

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:44 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, SCHOENDOERFFER Frédéric | Pas de commentaires »

Scènes de crimes

J’ai toujours beaucoup aimé ce premier film de Schoendoerffer fils. Si ses films suivants n’ont pas tout à fait confirmé tout le bien qu’on pensait alors du jeune cinéaste, reste ce polar cru et traumatisant, l’une des plus belles réussites françaises du genre. Sur un sujet – l’enquête autour d’un tueur en série – éminemment plus hollywoodien que français.

Curieusement, on pense beaucoup au Silence des Agneaux : la nature des crimes peut-être, ou alors l’environnement choisi par les scénaristes, une province anonyme et banale, un peu morne et triste, où surgit une violence que rien ne vient embellir ou rendre plus spectaculaire qu’elle n’est.

Le sujet du film est d’ailleurs moins l’enquête elle-même que les ravages de la violence au quotidien sur des flics qui n’ont rien d’héroïque. Plus encore que dans le chef d’œuvre de Jonathan Demme, Schoendoerffer s’attache au quotidien de ces policiers, au côté laborieux de l’enquête. Pas de figure exceptionnelle à la Hannibal Lecter, ici, mais des faux pas, des interrogatoires inutiles, des bourdes idiotes, de nombreux dossiers à traiter en même temps, des hasards inattendus… La police dans ce qu’elle a de plus quotidienne, de moins spectaculaire.

Et au cœur de l’enquête : deux policiers, l’un encore jeune (Charles Berling, intense), l’autre plus âgé (André Dussolier, magnifique et totalement à nu), dont on jurerait qu’il est une sorte de miroir de ce que le premier deviendra, lorsque les horreurs qu’ils côtoient auront fini de le ravager. Sans effets inutiles, sans jamais en faire trop, Schoendoerffer filme ses personnages au plus près, soulignant à peine (bien aidé par la belle musique de Bruno Coulais) le dégoût qui envahit au fur et à mesure le regard de Berling.

Et lorsqu’il fait l’amour à sa femme un peu trop rudement, visiblement secoué par les horreurs qu’il a côtoyées (et par sa rencontre avec une actrice porno très belle et très sexy), et que l’image ralentit légèrement sur ces corps entremêlés, il se dégage de l’un et de l’autre une douleur et une compréhension absolue qui sont réellement déchirantes.

Magnifique d’un point de vue humain, Scènes de crime reste aussi un vrai polar, avec une enquête totalement dénuée des poncifs et des effets habituels du genre. Un film qui évite constamment les pièges inhérents au genre (on ne compte plus les polars français qui singent bêtement les grands succès américains du genre) pour imposer un ton singulier, réaliste, poisseux, et passionnant.

3000 dollars mort ou vif (Four faces West) – de Alfred E. Green – 1948

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:40 dans 1940-1949, GREEN Alfred E., WESTERNS | Pas de commentaires »

3000 dollars mort ou vif

Un braqueur de banque qui rembourse le montant de son butin. Joel McCrea traversant le désert à dos de bœuf, ou prenant la fuite au côté d’une femme qu’il aime. Le même fuyard prenant le temps de s’arrêter pour aider une famille souffrant de diphtérie, dans une séquence très émouvante. Pas un seul coup de feu du début à la fin…

Pas de doute, Four Faces West est un western hors du commun, qui s’évertue à multiplier les surprises et les contre-pieds à tous moments. A commencer par le choix du héros : un braqueur de banque, dont on sait qu’il a des raisons très louables certes, mais un braqueur tout de même. Formé au temps du muet (il fut l’un des réalisateurs aux ordres de Mary Pickford), Alfred E. Green signe l’un des westerns les plus curieux de la décennie.

Quel dommage quand même que ‘image soit aussi terne. Pourtant photographié par Russel Harlan, prestigieux chef op de La Rivière Rouge de Hawks, le film a des allures de téléfilm des années 50, l’image manquant constamment de profondeur. Un choix curieux, compensé par le travail de Green, qui excelle à mettre en scène des personnages inattendus et passionnants.

Le trio que forme dans la première partie le braqueur, l’infirmière et « l’ange gardien », d’abord trouble (un visage de fourbe dont on s’attend à ce qu’il soit le traître de service, mais à contre-emploi, Joseph Calleia est formidablement utilisé), est assez génial. Et les regards que les uns se jettent aux autres lors du voyage en chariot, lourd en significations.

On pourrait citer aussi l’utilisation maligne et originale de la figure de Pat Garrett, généralement réduit à sa fonction de tueur de Billy le Kid, et qui prend ici une toute autre dimension. Imparfait et parfois frustrant, Four Faces West reste un western jouissif et totalement à part dans la longue et riche histoire du genre.

• DVD dans la collection Westerns de Légende chez Sidonis, avec présentations par Bertrand Tavernier, Yves Boisset et Patrick Brion

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