Le Goût des autres – d’Agnès Jaoui – 2000
Jaoui-Bacri : une signature qui a marqué toute une génération de cinéphiles : celle des années 1990, qui ont aimé la langue et le ton de Cuisine et dépendances, Un air de famille, ou On connaît la chanson. Le duo atteignait une sorte d’apothéose avec ce film, le premier réalisé par Agnès Jaoui elle-même, et l’un des rôles les plus touchants de Jean-Pierre Bacri.
Ça s’appelle Le Goût des autres. Ça aurait tout aussi bien pu s’appeler Le Regard des autres. Et ce constat vaut d’ailleurs pour tous les films du duo, qui n’ont cessé de creuser le même sillon, sans jamais lasser. Ici (encore), tout tourne autour de ce postulat : ne jamais se fier aux premières impressions.
Bacri est dans son rôle de râleur las de tout, dont on aurait vite fait de conclure qu’il est un réac raciste et obtus. Jaoui est une femme libre et ouverte, forcément exemplaire. Lanvin est un ex-flic intègre, forcément dans le vrai. Chabat est un chauffeur un peu niais, que l’on voit régulièrement jouer de la musique, toujours la même note… Le film s’attache à ce que ses personnages dégagent, pour mieux révéler leur vérité profonde, loin de la première impression.
On connaît tellement le cinéma de Jaoui et Bacri qu’on pourrait être lassé pas ce procédé sans cesse réitéré. Mais il y a une telle justesse dans l’écriture, un tel humour aussi (le dialogue inaugural entre Lanvin et Chabat donne le ton), et une telle précision dans l’interprétation qu’on est emporté, enthousiastes, par ces petites histoires personnelles qui se croisent, cette douce mélancolie qui se dégage.
Et Bacri, donc, est magnifique en chef d’entreprise qui découvre en même temps les beautés de l’art contemporain, un amour nouveau pour une comédienne (le rôle le plus marquant d’Anne Alvaro au cinéma), et ses propres limites. Il est bouleversant de délicatesse et de maladresse.