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Archive pour la catégorie '2020-2029'

L’Etranger – de François Ozon – 2025

Posté : 9 novembre, 2025 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, OZON François | Pas de commentaires »

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C’est plutôt courageux, de s’attaquer à l’un des romans français les plus universellement connus. Un roman qu’à peu près tout le monde a lu (en ce qui me concerne, avec un intérêt poli à l’adolescence, et comme une révélation il y a à peu près un an), mais dont l’adaptation semblait compliquée : Visconti lui-même s’y est cassé les dents, après tout.

C’est d’ailleurs la toute première adaptation française me semble-t-il. Et Ozon a suffisamment de bouteille, et suffisamment de confiance aussi, pour relever avec intelligence les principaux écueils. En premier lieu : comment donner une forme au récit interne d’un homme comme Meursault, à ce point dénué d’émotion, traversant les drames et la vie avec la même indifférence apparente.

La meilleure réponse : c’est le choix de l’acteur. Visconti lui-même l’a reconnu : avoir choisi Mastroianni avait été une erreur, Delon et sa froideur auraient été nettement plus dans son élément. Delon étant mort, et trop vieux depuis quelques décennies pour le rôle, c’est une sorte de double fascinant que choisi Ozon : Benjamin Voisin, qu’il a révélé dans Eté 85, et qui traverse L’Etranger comme une apparition sur laquelle tout le monde extérieur semble glisser.

Pour reconstituer l’Algérie française, Ozon a tourné au Maroc (la géopolitique a ses contraintes), mais l’illusion est assez parfaite, notamment dans la séquence introductive, qui tourne le dos à une autre problématique (que faire de « Aujourd’hui, maman est morte… »?) pour un tout autre choix, qui renvoie à un autre Français « perdu » dans les colonies : Pépé le Moko, impression renforcée par le choix du noir et blanc.

Fort joli noir et blanc d’ailleurs, presque complètement dénué d’ombre, habile procédé pour souligne le poids du soleil et de la chaleur, qui est finalement le plus grand défi de cette adaptation. Le résultat est, au fond, plus froid et clinique que le livre d’Albert Camus, dont Ozon ne retrouve pas totalement le trouble et l’émotion.

Mais cette adaptation impossible se révèle assez passionnante, portée par des seconds rôles réjouissants (Rebecca Marder, Pierre Lottin ou Denis Lavant). Politique aussi : comme Kamel Daoud dans son Meursault, contre-enquête, Ozon réhabilite la place de « l’Arabe » dans les scènes de procès, à travers le joli personnage de la sœur, et dans un dernier plan qui fait définitivement le pont entre les romans de Camus et de Daoud.

Un simple accident (Yek tasadof-e sadeh) – de Jafar Panahi – 2025

Posté : 29 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, Palmes d'Or, PANAHI Jafar | Pas de commentaires »

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Difficile d’évoquer le dernier film de Jafar Panahi sans parler de la Palme d’Or qu’il a décroché. Sans doute cette Palme est-elle méritée, au moins n’est-elle pas imméritée, tant le film est fort et courageux. Mais il y a quand même cette impression qui flotte, et qui flottait déjà avant l’ouverture du festival : le sentiment que cette Palme rattrape celle que n’a pas eue Moammad Rasoulof en 2024.

Et oui : Les Graines du Figuier sauvage est un chef d’œuvre, en tout point supérieur au très beau film de Panahi. Et un rendez-vous manqué (même s’il a été primé) entre le plus grand film de l’année dernière et le plus grand festival du monde. Cela étant dit, c’est bien du film de Panahi qu’il s’agit ici, cinéaste que je découvre avec ce film, et dont le cinéma est comme celui de Rasoulof un cinéma de combat, tourné en clandestinité (et malgré les condamnations à répétition) dans cet Iran des Molahs.

Entre les deux cinéastes, la parenté semble d’abord évidente, avec cette première scène filmée dans l’habitable d’une voiture, qui rappelle d’autres films iraniens tournés en clandestinité (comme Le Diable n’existe pas). De fait, les habitacles de véhicules sont beaucoup utilisés par Panahi, tout au long de ce film qui donne le sentiment d’être constamment en mouvement, dans une sorte d’entre-deux, à la fois optimiste et plein d’inquiétude.

Que Panahi soit retourné en Iran après sa Palme renforce encore l’impression de courage que donne son film. Parce que sa vision de la société iranienne est sans détour. Son histoire se déroule dans ce qui ressemble bien à un Iran d’après les Molahs, comme si la société de son pays avait tourné la page de ce régime, et tentait de se relever de ses traumatismes. Un pays où l’on croise des femmes sans voile dans les rues, vision qui procure un frisson inattendu au spectateur qui a déjà vu quelques films iraniens.

Le postulat de départ est à peu près le même que celui de La Jeune fille et la mort de Polanski. Le simple accident qui donne le titre, c’est celui qui ouvre le film : une famille apparemment sans histoire roule de nuit, et heurte un chien, qui meurt. Première fêlure dans l’image de cette famille. Le père trouve de l’aide dans une boutique. Là, dans une réserve, un employé se fige en entendant l’homme marcher, sans le voir.

Car le père grince quand il marche : une prothèse mal réglée qui émet un son qui rappelle à l’employé le bruit que faisait le gardien de prison qui l’a martyrisé pendant des mois, jusqu’à briser sa vie. Persuadé d’avoir retrouvé son bourreau, il l’enlève en pleine rue, l’emmène au milieu du désert pour l’enterrer vivant, jusqu’à ce qu’un doute l’arrête : et si ce n’était pas lui ? Pour s’en convaincre, il sillonne la ville pour retrouver d’autres victimes…

La quête se teinte bientôt d’une ironie grinçante, et d’un humour mordant qui flirte par moments avec l’absurde, comme si la noirceur de La Jeune fille et la mort rencontrait la drôlerie des Pieds Nickelés. Et comme si Panahi, tout en abordant des thèmes complexes et sombres (la question de l’après, de la possibilité ou non de pardonner et de vivre ensemble), choisissait de garder une forme de légèreté qui a tout d’un acte de résistance.

Son équipe de bras cassés incarne pourtant l’Iran martyrisé, brisé, et fracturé. Et tout en glissant des touches d’humour et une vraie dérision, Panahi signe un film puissant et assez inconfortable, qui refuse les facilités et les jugements hâtifs, jusqu’à un final dont on ne dira rien, si ce n’est qu’il confirme l’importance donné au son, et qu’il hante le spectateur longtemps après la fin du film.

Une bataille après l’autre (One battle after another) – de Paul Thomas Anderson – 2025

Posté : 24 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), ANDERSON Paul Thomas | Pas de commentaires »

Une bataille après l’autre (One battle after another) – de Paul Thomas Anderson – 2025 dans 2020-2029 54864187702_c0a76da1bc_z

C’est souvent très beau, quand un grand cinéaste s’attaque au film de genre, parce que l’apparence anodine du propos ne vient pas troubler le pur plaisir de la mise en scène, disons le style. Une bataille après l’autre s’inscrit en grande partie dans cette logique, et c’est un grand plaisir de cinéma.

En grande partie seulement, donc, parce que derrière le film de genre, le film d’action vers lequel PTA tendait depuis si longtemps, il y a quand même une vision très actuelle et très mordante de l’Amérique trumpienne, confirmant l’impression qu’avait donné Eddington d’Ari Aster : dans cette Amérique trumpienne, il n’y a point de grand film américain qui ne soit politique.

Politique, Une bataille après l’autre l’est donc, avec ses suprémacistes blancs et ses militants d’ultra-gauches, dans cette Amérique qui semble ne pas devoir évoluer. Les deux époques du récit, séparées d’une bonne quinzaine d’années, présentent en effet une société remarquablement inamovible. Une pure invention d’Anderson, pour cette adaptation libre d’un roman (de Thomas Pynchon, comme Inherent Vice) dont l’action se déroulait des années 60 aux années 80.

Mais, bien plus encore que dans le film d’Ari Aster, la lecture politique n’est qu’un sous-texte, qui n’altère en rien le plaisir presque primal de cinéma qu’offre le film, qui repose avant tout sur les émotions, quelles qu’elles soient. Et comme on est chez Paul Thomas Anderson, ces émotions sont aussi fluctuantes que généreuses. Du suspense au rire, de l’horreur au pathétique, il n’y a bien souvent pas même un pas à franchir.

Réjouissant, le film n’a au fond qu’un défaut majeur : celui de ne commencer véritablement qu’après une bonne demi-heure (trois quarts d’heure?) de projection. Qu’on ne se méprenne pas : toute la première partie est brillante, jouissive même. On y découvre le personnage principal, joué par Leonardo Di Caprio, expert en explosif d’un groupuscule d’extrême gauche spécialiste des actions coups de poings contre les symboles d’un état répressif, et amoureux d’une leadeuse charismatique et très déterminée, jouée par Teyana Taylor.

Cette première partie est à la fois explosive, engagée, brillante et hyper sexuée. Un peu développée, elle suffirait de matière à un long métrage bien plus réussi que l’immense majorité des films américains actuels. Mais elle n’en est pas moins un rien longue pour une simple introduction, que d’autres films auraient expédié par un simple carton. Avant d’arriver au cœur du sujet.

Une bonne quinzaine d’années plus tard, donc, où l’on retrouve l’ancien révolutionnaire Di Caprio en père célibataire et planqué au milieu de nulle part, ayant troqué l’action militante contre une consommation, disons conséquente, de drogue. Un homme rattrapé par son passé, en la personne d’un militaire taré persuadé qu’il est le vrai père de sa fille à lui.

La fille, c’est Chase Infiniti, jeune actrice très intense, mais dont le personnage d’ado idéale colle assez peu à l’image d’une ado que peut se faire le père d’adolescents (oui, c’est un jugement très personnel). Le taré, c’est Sean Penn, dont je continue à me demander, plusieurs jours après avoir vu le film, s’il est immense ou ridicule, s’il mérite un Oscar ou une baffe. Une chose est sûre : il est extrême, et impressionnant, dans le rôle d’un suprémaciste luttant contre son attirance pour une militante noire… pour faire court.

Et Di Caprio ? Dans un rôle taillé pour lui, assez proche bizarrement de celui de Killers of the flower moon, où il jouait déjà un type limité (l’intellect là, la drogue ici) et dépassé par les événements, il est assez exceptionnel. Génial, même, quand il doit prendre la fuite et prendre des décisions radicales alors que son esprit est embrumé par la drogue. La longue scène où il tente de joindre un chef de réseau alors qu’il est incapable de se souvenir du mot de passe adéquat est un très grand moment de comédie.

Il y a surtout, dans ce film étonnant et foisonnant, un véritable miracle, qu’on croyait définitivement impossible : Paul Thomas Anderson réussit l’exploit de réinventer une figure usée jusqu’à la corde du cinéma hollywoodien, celle de la poursuite en voiture. Celle d’Une bataille après l’autre est un immense moment de cinéma, aussi haletante que surprenante, où les voitures épousent les bosses d’un paysage fait de hauts et de bas, où les distances sont constamment incertaines. L’effet provoqué par ces images est d’autant plus sidérant qu’elles arrivent au climax du film, à l’endroit même vers lequel convergent les 2h40 précédentes.

Quoi qu’on en pense, il y a dans Une bataille après l’autre plus de grand cinéma que dans l’immense majorité des films américains de ces quinze dernières années. Peut-être Donald Trump aura-t-il au moins cette qualité : celle d’inspirer de grands films à de grands cinéastes.

Mission Alarum (Alarum) – de Michael Polish – 2024

Posté : 21 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), POLISH Michael, STALLONE Sylvester | Pas de commentaires »

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Commençons par les bons côtés du film…

Continuons avec ses limites :

1 : un scénario bas du front qui confronte deux anciens agents secrets, ennemis devenus époux après un coup de foudre survécu alors qu’ils étaient occupés à s’entretuer, à une armée de tueurs pendant leur lune de miel,

2 : une image dégueulasse signée par un chef opérateur qui croit réinventer le fil à couper l’eau tiède en multipliant les contre-jours et les lumières pisseuses,

3 : une musique désastreuse qu’on jurerait sortie d’un logiciel de génération automatique,

4 : des scènes d’action aux chorégraphies réglées par des nonagénaires fatigués,

5 : des acteurs calamiteux d’où ne surnagent ni un Scott Eastwood qui se contente de faire illusion avec les mimiques (et sans le charisme) de son père, ni un Stallone dont le temps d’écran ne doit pas dépasser les dix minutes et qui semble comme momifié.

Arrêtons nous sur lui, Stallone, puisqu’il est l’unique raison de la présence sur ce blog de ce film, qui s’annonçait nul et qui est pire. Peut-être est-il temps de tourner la page, de renoncer à l’attachement viscéral que j’ai pour le créateur de Rocky et l’interprète de Copland, et accepter le fait que sa carrière au cinéma est tombée dans des abîmes indéfendables.

Le voir cachetonner dans ce nanar indéfendable fendrait presque le cœur, autant que le voir se corrompre en admirateur de Trump. Presque. Mais au fond, on s’en veut surtout d’avoir perdu 90 minutes de sa vie. 90 minutes, d’après le décompte qui s’affiche à l’écran. Ressenti : 4 heures. La seule surprise, finalement, c’est la fin ouverte qui laisse entendre que le réalisateur envisage une suite. C’est donc qu’il ne se rend compte de rien ?

Je verrai toujours vos visages – de Jeanne Herry – 2023

Posté : 12 octobre, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, HERRY Jeanne | Pas de commentaires »

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La justice réparatrice consiste à faire dialoguer, avec l’aide d’un médiateur neutre et formé, une victime et l’auteur d’une infraction. Elle vise la reconstruction de la victime, la responsabilisation de l’auteur de l’infraction et sa réintégration dans la société. C’est pas moi qui le dit, mais le site Internet du Ministère de la Justice.

Cette définition officielle est le cœur même du film de Jeanne Herry. Et à travers ce film à thèse forcément plein d’empathie, c’est à un projet qui dépasse largement le cadre cinématographique que s’attaque la réalisatrice : oser aborder la délinquance en sortant du traditionnel point de vue simpliste et outrancier du populisme tout-sécuritaire.

Y a-t-il des coupables ? Et des victimes ? Oui, bien sûr. Mais la réalité est peut-être un tout petit peu plus complexe que ce postulat de base, que Jeanne Herry ne nie pas. Mais sans la moindre naïveté, ni la moindre complaisance, c’est un constat profondément et totalement humain qu’elle dresse d’une société trop dominée par la violence, à travers la confrontation… Non : la rencontre, entre des victimes, et des coupables.

C’est le procédé central du film : un groupe de rencontres qui met en contact des prisonniers condamnés pour des attaques aux personnes, et des victimes d’attaques similaires dont la vie a été détruite par ces quelques minutes de violence. D’un côté comme de l’autre, le dialogue semble d’abord impossible, tant le comportement des uns et la douleur des autres semblent incompréhensibles au regard de l’autre camp.

Sujet casse-gueule, qui donne lieu à des échanges d’une humanité et d’une simplicité bouleversantes, qui remuent profondément, incarnés par des acteurs comme transcendés : Gilles Lellouche, Fred Testot, Jean-Pierre Darroussin, Miou-Miou, Leïla Bekhti, Suliane Brahim (de la Comédie Française)… et l’étonnant Dali Benssalah, dont la présence taiseuse en repris de justice impassible est d’une intensité rare.

Ces rencontres sont entrecoupées par un autre face-à-face : celui entre une jeune femme abîmée (Adèle Exarchopoulos) et le grand frère qui l’a violée quand elle n’était qu’une enfant et lui un ado (Raphaël Quenard). Un sujet qui touche au cœur et aux tripes de l’auteur de ce blog. Qui sort de ce face-à-face et de ce film pour le moins bousculé, pour ne pas dire bouleversé.

Dans un état, en tout cas, qui rend difficile la capacité de prendre du recul. Mais le faut-il ? Je verrai toujours vos visages, bien au-delà de son casting huit étoiles, est un film qui prend aux tripes, mais aussi un film remarquable d’intelligence et de sensibilité. Un film, en tout cas, qui ne peut pas laisser indifférent.

Last Stop : Yuma County (The Last Stop in Yuma County) – de Francis Galluppi – 2023

Posté : 9 octobre, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, GALLUPPI Francis | Pas de commentaires »

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J’aurais aimé l’aimer sans réserve, ce film. Pour plein de raisons. D’abord parce qu’il s’inscrit dans le genre du néo-noir, ou du néo-western et que le film de genre à l’ancienne a tendance à me réconcilier avec le cinéma américain actuel. Ensuite parce que le réalisateur et scénariste Francis Galluppi rêve de le porter à l’écran depuis fort longtemps. Ensuite parce que le regard hyper-référencé du jeune cinéaste évoque un certain Tarantino, référence évidente de ce premier film.

J’aurais aimé, mais non. Last Stop : Yuma City est un film trop plein de ces qualités qui en faisaient quelque chose de très prometteur. Trop référencé surtout, avec des références trop hétéroclites pour que le résultat soit pleinement convaincant. Tarantino, Spielberg, Peckinpah, Hitchcock, ou même le John Dahl des débuts… On sent bien que derrière chaque scène, chaque plan, et même chaque dialogue du film, il y a des souvenirs de cinéphiles.

Ça peut marcher : dès son premier long métrage, Tarantino n’a cessé de citer les films qu’il aime, dans des genres souvent radicalement différents. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir une signature immédiatement reconnaissable, un univers singulier et personnel. Sans préjuger de ce que sera la carrière de Galluppi, disons que ce premier long métrage n’est pas aussi prometteur que Reservoir Dogs. Et pas aussi cohérent.

Au-dessus de toutes les références déjà citées, on sent bien que c’est le cinéma des frères Coen qui est la matrice de Last Stop. Problème : Galluppi est influencé autant par Fargo que par Raising Arizona, voire même par The Ladykillers ou Miller’s Crossing. Et surtout, il manque clairement d’un regard propre pour donner de la cohérence à son film.

C’est bien dommage, parce que l’histoire elle-même, qui donne le sentiment d’avoir déjà été vue cinquante fois, ne suffit pas : un type sans histoire se retrouve coincé dans un restaurant au milieu du désert, où deux grands méchants prennent tous les clients en otage. Collection de gueules improbables du cœur de l’Amérique, explosion de violence, ironie sanglante…

Ce pourrait être un noir noir et sanglant à la Red Rock West. Ce pourrait être une vision parodique et grotesque à la Raising Arizona. Galluppi hésite visiblement et veut en faire un Fargo caniculaire, sans comprendre le miracle du film des Coen. Son film est au final très anecdotique, échouant aussi bien à glacer le sang (y compris dans la séquence du bébé, inutilement amorale) qu’à faire rire (malgré des personnages bien gratinés dont la crétinerie reste superficielle). Assez plaisant, mais très vain, le film donne l’impression qu’il sera oublié dès le lendemain matin. On en reparle demain ?

A l’intérieur (Inside) – de Vasilis Katsoupis – 2023

Posté : 8 octobre, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, KATSOUPIS Vasilis | Pas de commentaires »

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Un cambrioleur visiblement très expérimenté s’introduit dans un appartement high tech de New York pour dérober des tableaux de maîtres. Lorsqu’il veut sortir, un bug informatique l’enferme dans ce qui se révèle vite une véritable forteresse inviolable, d’où il est impossible de s’évader…

Voilà où en est la narration au bout d’environ deux minutes de métrage, expédié avec l’urgence du réalisateur qui veut visiblement passer à autre chose. Autre chose, c’est-à-dire pas un film d’évasion, encore moins un thriller de plus. La référence qui vient en tête dans un premier temps viendrait plutôt du film de survie, genre All is Lost.

Mais à la vision presque clinique du naufrage (dans tous les sens du terme) que proposait le film de JC Chandor, le premier long métrage Vasilis Katsoupis préfère quelque chose de plus extrême et de plus immersif : une vision intime et sensorielle de l’expérience extrême que vit le cambrioleur reclus, incarné par un Willem Dafoe qui est de toutes les scènes, de tous les plans, souvent seul à l’écran.

Le procédé est radical, et pourrait être fascinant, et glaçant. Il se révèle vite un peu répétitif et lassant. Sans doute le réalisateur n’a-t-il pas l’étoffe de ses ambitions : les dessins que trace le héros sur les murs sont autant d’indices troublants et dérangeants pour dire le désordre intérieur dans lequel il s’installe. Mais Katsoupis peine à donner corps à ce trouble grandissant, et à ce qu’on devine être sa vision.

En gros : nous plonger dans l’esprit qui s’égare de cet homme qui, dans le décor hyper moderne d’un appartement luxueux de Manhattan, se retrouve confronté à des besoins de plus en plus primaux : boire, manger, échanger, penser, espérer… On voit bien l’envie du cinéaste : nous livrer une sorte d’Apocalypse Now à huis clos. Mais le résultat, imparfait, a un petit côté répétitif qui lasse vite, et qui ennuierait s’il n’y avait l’interprétation habitée et hallucinée de Dafoe.

Des feux dans la plaine (Ping yuan shang de huo yan) – de Zhang Ji – 2021-2025

Posté : 7 octobre, 2025 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 2020-2029, ZHANG Ji | Pas de commentaires »

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Dans la Chine de 1997, un tueur mystérieux s’en prend aux chauffeurs de taxis sans mobile apparent. Les crimes s’arrêtent aussi subitement qu’ils ont commencé, en même temps qu’une jeune femme et son père disparaissent. Des années après, un policier rouvre l’enquête, toujours obsédé par ces meurtres et ces disparitions…

On pense évidemment évidemment à Memories of Murder, avec cette histoire d’obsession policière au long cours. Dans la première partie en tout cas. Parce que, assez vite, c’est une autre influence qui s’impose : celle de Black Coal, polar déjà culte dont le réalisateur Zhang Ji a été le chef opérateur. On retrouve une ambiance très semblable dans ce premier long métrage. Mais aussi un regard singulier qui déjoue toutes les attentes initiales.

A vrai dire, Des feux dans la plaine s’évertue à brouiller les pistes, pour nous emmener là où on ne s’attend pas. Alors que l’enquête criminelle semble sur le point de trouver sa résolution, c’est une toute autre porte qu’ouvre Zhang Ji. Et l’obsession de son personnage principal est finalement moins celle du policier que celle de l’homme, une obsession amoureuse, absolue et possiblement dangereuse.

Amour et mort intimement liés dans cette Chine de fin du monde. Plus la violence se fait brutale, plus la tension est palpable, et plus le récit se recentre sur ces deux amoureux séparés par leur époque : le loubard devenu policier et la jeune fille devenue zombie. Le polar se mue en une romance intime et déchirante, dans un décor de friches industrielles et de bâtiments qui tombent en ruines.

Polar, romance et film social… Zhang Ji entremêle brillamment tous les fils de son histoire, et signe un premier film fascinant et entêtant, qui a bien failli ne jamais sortir. Soumis à la censure chinoise, qui voit d’un mauvais œil des personnages si complexes, le réalisateur a dû se résoudre à inscrire une série de cartons à la fin du film, annonçant que tous les personnages étant sortis du champ de la morale ont, d’une manière ou d’une autre, été punis. Ce qui n’enlève pas grand-chose à la force du film, et ce qui permet de découvrir un cinéaste qu’on a hâte de suivre.

Eddington (id.) – d’Ari Aster – 2025

Posté : 5 octobre, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, ASTER Ari, WESTERNS | Pas de commentaires »

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Si Eddington était sorti il y a quelques années, peut-être aurions-nous mieux compris ce que devenait l’Amérique : ce qu’elle est probablement depuis toujours. Ari Aster, dont je découvre tardivement le cinéma, nous plonge en tout cas au cœur de ce qu’on présente sans doute un peu hâtivement comme l’Amérique profonde : une petite ville au milieu du désert, loin, très loin de New York ou Los Angeles.

C’est même une sorte de condensé de cette Amérique que, au fond, Hollywood a largement désertée. Et comme le film se déroule en 2020, en plein confinement du Covid, le drame qui se noue cristallise et accentue la fracture qui divise cette micro-société en deux parties incompatibles, symbolisées par deux personnages forts : d’un côté, le maire plutôt progressiste mais proche des puissants (Pedro Pascal), de l’autre le shérif paranoïaque et réactionnaire (Joaquin Phoenix).

Présenté comme un western moderne, Eddington en a effectivement le décorum. Le propos est pourtant bien actuel : dans cette ville qui semble n’avoir changé qu’à la marge depuis l’époque de la « Conquête », la tension gronde, le fossé se creuse, et on sent que le fragile lien qui unit plus ou moins toute cette société depuis toujours est sur le point de rompre, et que le résultat ne peut être qu’explosif et désastreux.

Que le film se déroule en période de campagne électorale n’est évidemment pas anecdotique. Les deux personnages principaux sont en lice pour la mairie, mais on sent bien que c’est de l’Amérique trumpienne que Aster nous cause : cette Amérique au bord de l’implosion, dont au fond personne ne sort grandi. La force du film, au-delà de cette tension extrême qui met tant de temps à exploser (jusqu’à une hallucinante dernière partie), vient du fait que le cinéaste filme ces deux personnages avec le même regard, sans jugement ni parti pris.

Entre le « bon » maire Pedro Pascal, et un shérif Joaquin Phoenix au bord de l’implosion, le choix semble pourtant facile. Mais Aster tire de ces deux personnages, et de tous les seconds rôles, leur humanité la plus profonde, dans toute leur complexité. A vrai dire, la sympathie ne va ni à l’un, ni à l’autre, ni à personne. On assiste à ce face-à-face avec un malaise grandissant, que le massacre sous forme de First Person Shooter ne vient en rien calmer.

Inconfortable, courageux, incarné par des acteurs exceptionnels, Eddington est ce qu’on peut appeler une claque. Jusque dans ces outrances, une vision fascinante de l’Amérique, qui bouscule.

Ad Vitam – de Rodolphe Lauga – 2025

Posté : 25 juillet, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, LAUGA Rodolphe, POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Ad Vitam

Tiens… il est tard, envie d’un truc un peu dégénéré, j’aime bien Guillaume Canet, et il y a bien longtemps que je ne me suis pas tapé un pur film d’action. Allez… go to Netflix, pour vérifier si Ad Vitam ne vaut pas mieux que sa piètre réputation. Alors ? Eh bien les premières minutes donnent très envie d’appuyer sur le bouton de la télécommande qu’on n’a pas encore lâchée.

C’est tellement maladroit, chaque action est tellement surappuyée, la musique est tellement lourdingue, et les dialogues tellement clichés qu’on se dit que, non, on ne va pas être capable de tenir ça jusqu’au bout. Puis finalement on s’accroche. Puis on se dit que, en fait, l’histoire n’est pas si mal (même si ce satané flash-back qui dure une bonne moitié du film fait que l’histoire, en fait, commence 30 minutes avant la fin), que la trame est assez prenante, qu’il y a une vraie efficacité dans les scènes d’action, et qu’au fond on passe un bien meilleur moment que ce que les premières minutes laissaient craindre.

Certes, il faut accepter les méchants bien caricaturaux. Le grand méchant, surtout, réduit à ses rictus sadiques, qui ne laissent aucune chance à la dimension « scandale d’état » d’exister. Certes, le réalisateur Rodolphe Lauga, complice de longue date de Guillaume Canet, n’est ni Scorsese, ni Michael Mann. Mais on s’attache malgré tout aux personnages, et on se laisse prendre par le rythme qui, en dépit de toutes les maladresses, est plutôt bien tenu.

Certes aussi, on sent que le film n’existe au fond que pour permettre à Guillaume Canet (co-scénariste, à l’origine du proche) d’interpréter un membre du GIGN. Et à Netflix de produire un pur film d’action qui ne voit pas plus loin que l’influence Taken. Bon, alors, c’est bien, Ad Vitam ? Ben pas vraiment, mais c’est quand même assez sympathique. Peux pas mieux dire…

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