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Archive pour la catégorie '2020-2029'

Eden – mini-série réalisée par Dominik Moll – 2021

Posté : 5 mai, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, MOLL Dominik, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Eden

Une image, furtive, domine cette mini-série de six épisodes et ne cesse de la hanter : sur une plage grecque, la baignade des estivants est (à peine) troublée par l’irruption d’un canot pneumatique plein de migrants, qui débarquent et traversent la plage devant des témoins qui réagissent à peine…

Cette image, qui ne dure que quelques secondes (sur près de cinq heures de métrage) est une clé incontournable pour appréhender cette mini-série chorale, qui tente à travers une dizaine de personnages de capter le drame, mais aussi l’absurdité, de la crise migratoire.

Dominique Moll, aux manettes, aborde le sujet avec un mélange d’ambition démesurée et de simplicité totale. A travers ces six épisodes, il cherche rien moins que d’aborder tous les aspects de la crise. Mais il le fait avec des personnages et des situations qui sont autant de cas d’école. Pas des caricatures, mais des types.

Au cœur du récit : trois destins différents de migrants. Un ado et son frère qui tentent de traverser l’Europe pour rejoindre l’Angleterre, comme tant d’autres. Un jeune Syrien qui tente de tourner la page de son histoire pour étudier en Allemagne, bien accueilli par une famille aimante. Et en France, un coupe, venu de Syrie aussi, lui étant un grand médecin dont le témoignage semble important.

Autour de ces personnages en gravissent d’autres : des Grecs employés d’un camp de réfugiés, une famille allemande très bienveillante, des rencontres de passage, et une Française qui gère des camps de réfugiés, dont on ne sait trop si elle est motivée par son envie de faire de l’argent ou son humanité.

C’est Sylvie Testud, et son personnage est le moins convainquant de la série, le plus caricatural pour le coup, constamment filmé entre deux avions. L’émotion vient des autres personnages, confrontés à des drames autrement plus intimes et autrement plus touchants. Autour de destins parallèles, dont la plupart convergent vers la France, dans l’ultime épisode.

Chronique garantie sans divulgâchage. Tout juste peut-on souligner qu’entre espoir et désespoir, la frontière est parfois très ténue. C’est le sentiment qui domine dans ces beaux épisodes, édifiants et intimes.

Finalement – de Claude Lelouch – 2024

Posté : 3 mai, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

Finalement

Finalement, pour reprendre le titre qui ressemble à une épitaphe, les films de Lelouch ne parlent plus que de Lelouch lui-même. Ça a peut-être toujours été le cas, mais cette tendance atteint une dimension quasi-absolue dans ce dernier long métrage, qui semble n’être construit que comme un vaste hommage à la filmographie de Lelouch. Parce qu’on n’est jamais mieux servi…

Jusqu’à en faire une sorte de suite de La Bonne Année, dont on voit quelques images. Le héros, joué par Kad Mérad, est né de l’histoire d’amour entre Lino Ventura et Françoise Fabian, qui reprend son rôle, dans la même logique que Jean-Louis Trintignant et Anouck Aimée dans Les plus belles années d’une vie. Ajoutons d’innombrables clins d’œil à d’autres films lelouchiens, dans des dialogues pas très fins (« l’aventure sera toujours l’aventure », « les uns dans les autres »)…

Bref, un festival d’autocitations qui, au fond, a quelque chose de très émouvant : c’est le regard d’un cinéaste qui n’a jamais eu de problème avec sa propre personne, et qui se sait en bout de course. Un cinéaste qui, au soir de sa vie, livre une espèce de film-somme, où il cherche à faire naître ces petits moments de vie en apesanteur comme il en a souvent réussi.

C’est encore (un peu) le cas ici, même si tout paraît forcé, manquant trop souvent de naturel et de spontanéité. Il y a une raison qui saute aux yeux : au fond, Lelouch n’a, ici, pas grand-chose à raconter si ce n’est son propre chemin, ses propres interrogations vitales.

Il donne quand même l’impression de survoler les belles idées qui émaillent son film : cet avocat qui craque de trop s’être mis à la place de ses clients, habitude qui a une fâcheuse tendance à brouiller la frontière entre la réalité et le fantasme, source intarissable de cinéma.

Ce thème fort laisse finalement vite la place à un autre, plus classique : les doutes et angoisses d’un homme mûr, qui veut encore vivre. C’est tout Lelouch, avec sa soif de vie et de liberté, son goût pour l’amour et les rencontres, son penchant pour les belles images et les chansons sirupeuses, et ses idées parfois très limites sur les rapports entre les hommes et les femmes.

C’est aussi un film où se bousculent les habitués du cinéma de Lelouch et ceux qui rêvaient de l’être, parfois pour le meilleur (joli personnage d’Elsa Zylberstein), parfois pour le pire (Raphaël Mezrahi, assez nul). Mais finalement, un Lelouch attachant. Oubliable et dispensable, mais attachant.

Black Dog (Gouzhen) – de Guan Hu – 2024

Posté : 5 avril, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, GUAN Hu | Pas de commentaires »

Black Dog

Une image, et me voilà happé… C’est beau, un film qui commence aussi fort, et qui tient la distance jusqu’à la toute dernière seconde. Black Dog frappe d’abord par le doute qu’il laisse planer sur son décor. Est-ce celui d’un western ? D’un film post-apocalyptique ? Ou d’une espèce d’entre-deux indéfini ?

Du décor, on découvre d’abord une vaste étendue désertique, digne des plaines arides du Far-West. Puis une horde de chiens envahit l’écran, venus d’on ne sait où. Et, premier indice temporel : un petit autocar traverse le désert, avant de se renverser sans bruit au milieu de cette ruée canine.

On le découvre peu à peu, il y a bien un cadre historique au film : la Chine de 2008, qui se prépare pour les Jeux Olympiques de Pékin. Mais de cet événement historique qui va mettre le pays au centre du monde durant quelques semaines, on ne verra rien d’autre que de brefs moments de liesse totalement déconnectés.

L’autocar du début du film se dirigeait vers ce qui ressemble fort à une ville fantôme : un lieu dont on devine qu’il fut plein de vie, mais dont la plupart des habitants sont partis lorsque les entreprises qui géraient les mines ont fermé. D’où un décor gris et poussiéreux duquel n’émergent que des silhouettes et quelques chiens galeux ramenés à l’état sauvage.

Hu Guan fait de ce décor un reflet troublant de son héros, ancienne vedette locale qui vient de passer plusieurs années en prison pour meurtre, et qui revient dans sa ville encore enfermé dans un profond mal-être mutique, fermé aux autres, fermé à la vie. Ses souvenirs ne sont plus que des ruines, à l’image de ce décor qui l’entoure.

C’est sa rencontre avec un chien qui va réveiller le jeune homme, auquel Eddie Peng apporte une présence dingue. Un chien censé être galeux, hargneux comme c’est pas permis, et d’une laideur assez universelle. Mais un chien qui entre aussi dans le panthéon des meilleurs chiens de cinéma, tant il est impressionnant sur le registre de la menace, de l’émotion… et de l’humour.

Parce que oui, Black Dog, derrière sa noirceur assez abyssale et son esthétique de fin du monde, tout en grains et en grisaille, est aussi un film qui sait être drôle. Constamment sur une crête étroite, Hu Guan signe un film enthousiasmant, à la fois intime et universel, grave et poétique.

The Insider (id.) – de Steven Soderbergh – 2025

Posté : 30 mars, 2025 @ 8:00 dans * Espionnage, 2020-2029, SODERBERGH Steven | Pas de commentaires »

The Insider

Ocean’s 12 : ça devait être le dernier film de Soderbergh que j’ai vu au cinéma. Et c’était il y a vingt ans. Pourtant, j’ai toujours aimé le cinéma du gars, sa manière de rester toujours curieux et inventif, d’être constamment là où on ne l’attend pas, sans autre logique apparente que son envie et son enthousiasme. Ni vraiment dans le système, ni totalement à côté. Palme d’Or à 26 ans avec son premier film, il aurait pu prendre le melon et cultiver son génie si précoce, mais non. Au lieu de ça, il enchaîne les films à un rythme assez dingue aujourd’hui : un ou deux films par an, dans tous les genres et dans tous les sens. Avec une constante : une extrême attention au cadrage, au montage, au rythme, qui signe immédiatement un film de Soderbergh malgré l’absence apparente de cohérence.

Avec The Insider, Soderbergh n’invente pas grand-chose en termes de narration : il nous plonge dans les méandres obscures du contre-espionnage britannique, avec ses jeux de dupes, ses mensonges et ses trahisons. Malgré la présence de Pierce Brosnan dans un rôle secondaire, on est bien plus près de l’univers de John Le Carré que de celui de James Bond avec cette intrigue exagérément complexe impliquant un danger pour l’humanité et une taupe dans le service. On se croirait presque revenu aux films d’espionnage de la guerre froide…

Mais Soderbergh conclut son long plan-séquence d’ouverture par la clé de son film : tout repose sur une histoire de couple. L’espion chargé de démasquer la taupe (Michael Fassbender) découvre alors que l’un des suspects est… sa femme, elle aussi espionne bien placée (Cate Blanchett). La caméra de Soderbergh restera constamment au plus près de l’un ou l’autre des deux époux, filmant leurs visages rendus opaques par une pratique professionnelle du mensonge et de la dissimulation.

C’est là que le film est vraiment original, et réjouissant. Et c’est là qu’il fallait des comédiens de la trempe de ces deux là : pour capter le trouble et le doute dans l’esprit de personnages qui ne laissent strictement rien transparaître, qui semblent même comme momifiés, dissimulés derrière un masque impassible, et un étrange accent. Et pourtant il passe, ce trouble, doublé à un cynisme et une ironie mordante… assez irrésistible.

L’intrigue importe bien moins que l’idée de faire couple au sein d’un service de contre-espionnage. Le film, d’ailleurs (en dehors de notre ex-James Bond), ne repose à peu près que sur trois couples, à des stades très différents de leurs relations respectives. Le scénario (brillant, signé par l’incontournable David Koepp) s’articule par ailleurs autour de deux « dîners » entre amis où les six espions/conjoints se retrouvent autour de la table.

Là, la tension et la violence verbale sont autrement plus percutants et déstabilisants que n’importe quelle scène d’action sanglante (dont le film fait d’ailleurs une économie assez radicale). Même dans un film de genre comme celui-ci, c’est un pur exercice de style que signe Soderbergh. Pour lui décidément, l’intérêt n’est pas ce qu’on raconte, mais comment on le raconte…

Zorro – mini-série de Benjamin Charbit et Noé Debré – 2024

Posté : 15 mars, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, CHARBIT Benjamin, DEBRE Noé, NOBLET Emilie, SAUREL Jean-Baptiste, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Zorro

Je l’avoue : l’annonce d’une nouvelle série Zorro, portée par Jean Dujardin, avait réveillé de doux souvenirs d’enfance qui me rendaient le projet particulièrement excitant. Les premières images aussi : Dujardin, sous son masque noir et à cheval, fait un héritier bien acceptable de Guy Williams, l’interprète de la série Disney.

Et c’est bien cette série, culte pour des générations d’anciens gamins (même les miens se sont régalés en se faisant l’intégrale à plusieurs reprises), qui sert de base à cette mini-série en huit épisodes, qui en est la suite à peine cachée.

Certes, la production est française. Certes, les créateurs appuient davantage sur l’humour. Certes (et hélas), le générique n’est pas le même. Mais le meilleur qu’offre ce Zorro version 2024, ce sont les références à la série des années 50, et particulièrement au sort réservé au sergent Garcia, joué ici par un Grégory Gadebois truculent, et qui règle son compte gentiment au sort que l’on réservait alors aux gros de services dans les fictions.

L’intrigue se déroule vingt ans plus tard, alors que Don Diego a rangé depuis longtemps les frusques de Zorro, et qu’il s’apprête à succéder à son père (André Dussollier) à la mairie de Los Angeles. L’ancien justicier est un notable embourgeoisé, dont l’épouse s’ennuie un peu… jusqu’à ce qu’elle tombe sous le charme de Zorro, qui doit faire sa réapparition pour redresser de nouveaux tords.

C’est l’idée centrale de la série : mettre en scène un triangle amoureux entre Diego, sa femme… et Zorro. Ou comment se faire cocufier par soi-même. Idée assez maline, qui bénéficie surtout de la présence intense d’une Audrey Dana absolument parfaite. Mais idée qui finit par lasser, tant elle prend une dimension extrême, reléguant l’esprit d’aventure au second plan, parfois très loin dans un long ventre creux de deux ou trois épisodes.

Le plaisir des retrouvailles est réel. Mais il est tellement basé sur la nostalgie que la volonté d’en faire autre chose crée une énorme frustration. C’est bien joué, bien réalisé, mais le vaudeville ne tient pas la distance, et le grand méchant joué par Eric Elmosnino tire tellement du côté de la farce qu’on a bien du mal à le prendre au sérieux. Il faut bien l’admettre : l’envie de voir ce Zorro reposait sur le désir de retrouver le plaisir enfantin de la série Disney.

Difficile d’en vouloir aux auteurs d’avoir voulu s’en démarquer. Mais lorsque le générique de fin apparaît sur le dernier épisode, on se prend à rêver d’une autre saison, avec un méchant vraiment méchant, de grands duels, un vrai souffle d’aventure. Parce que quand même, même au premier degré, Dujardin en Zorro, ça a de la gueule.

Force of Nature (id.) – de Michael Polish – 2020

Posté : 24 février, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), POLISH Michael | Pas de commentaires »

Force of nature

Entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, Mel Gibson était avec Bruce Willis l’incarnation la plus parfaite d’un certain cinéma d’action. C’est triste de se le rappeler… Willis poussé à la retraite pour raisons médicales après une fin de carrière catastrophique, Gibson aurait pu assurer à lui seul l’héritage de ces glorieuses (si, si) années. Mais non.

Blacklisté pour ses propos et dérives en tous genres (homophobes, racistes, antisémites), l’acteur Gibson surnage depuis… plus de vingt ans. Ne gardant la tête hors de l’eau que grâce à de rares (et guère spectaculaires) coups d’éclat, devant ou derrière la caméra, l’ancienne star rêve d’un retour en grâce avec un cinquième épisode de L’Arme fatale qu’il évoque depuis des années, mais dont on ne voit rien venir.

En attendant, il enchaîne les rôles, souvent secondaires, dans des films qui passent le plus souvent inaperçus. Tiens… choisissons-en un au hasard. Ce Force of Nature, par exemple, dans lequel il apparaît tardivement avant de disparaître prématurément. L’histoire n’est pas plus bête qu’une autre : en voulant évacuer un immeuble dans une ville balayée par un ouragan, un jeune flic tombe sur des tueurs surarmés…

On passera sur les facilités énormes du scénario, qui fait de tous les habitants dudit immeuble des maillons essentiels du drame (violent) qui se noue. Ces facilités auraient pu accoucher d’une sorte de synthèse d’action comme Tsui Hark a pu en signer à une époque. Et la comparaison n’est pas anodine : les fusillades et chassé-croisé qui se succèdent dans les coursives et les différents étages de cet immeuble déserté évoque furieusement son fameux Time and Tide.

Comparaison évidemment cruelle, avec une conclusion sans appel : ce Force of Nature est une petite production très anodine, filmée de la même manière qu’elle est interprétée, c’est-à-dire sans inspiration, et sans autres aspérités que celles d’un Mel Gibson buriné et durci par le temps. C’est peu.

Vingt Dieux – de Louise Courvoisier – 2024

Posté : 14 janvier, 2025 @ 8:56 dans 2020-2029, COURVOISIER Louise | Pas de commentaires »

Vingt Dieux

Il y a un charme fou, et une délicatesse mine de rien infinie dans ce premier film enthousiasmant, à l’histoire improbable : un très jeune Jurassien qui se retrouve seul avec sa petite sœur après la mort de leur père, et qui décide de fabriquer le meilleur fromage du coin pour gagner l’argent qui leur permettra de s’en sortir.

C’est plein de charme, parce qu’il y a une vraie candeur dans la manière de filmer ce jeune gars pas encore totalement sorti de l’adolescence, brut de décoffrage, un peu bagarreur, grossier, magouilleur, mais en même temps tellement sincère. Un gamin, confronté à des responsabilités de grands.

Louise Courvoisier, trentenaire qui n’avait que deux courts métrages à son actif, trouve la parfaite distance pour filmer l’humanité de cette forte tête qui refuse de montrer ses sentiments. Flirtant avec la comédie et la tragédie, elle flirte constamment avec ces deux extrêmes, tirant de larges sourires et nouant le ventre dans le même mouvement.

Outre l’authentique délicatesse de sa mise en scène, à ne pas sous-estimer (une cinéaste à suivre, assurément), l’un de ses tours de force est d’avoir dénicher l’interprète de « Totone » : Clément Faveau, débutant de 19 ans dont il est difficile de parler sans tomber dans les clichés. Alors allons y : il crève l’écran, il est bluffant de vérité, il est d’une justesse absolue, il a un sourire qui emporte tout, et un regard tellement profond…

Et en plus, c’est drôle. Vingt Dieux domine de trois têtes la vague actuelle du cinéma « régionaliste ». Il a séduit public et critique, et c’est une sacrément bonne nouvelle, et une belle manière de terminer 2024 (oui, j’ai un peu de retard), chouette année de cinéma.

Grand Tour (id.) – de Miguel Gomes – 2024

Posté : 11 janvier, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, GOMES Miguel | Pas de commentaires »

Grand Tour

Dans la Birmanie de 1918, un fonctionnaire de l’Empire britannique prend subitement la fuite, alors que sa fiancée s’apprête à le rejoindre après des années de séparation. Cette dernière part à sa recherche, et suit sa trace étape par étape, à travers toute l’Asie…

C’est presque une histoire de vaudeville : un homme effrayé par l’engagement d’un mariage, une femme pleine de vie qui lui court après. Mais c’est tout à fait autre chose que filme Miguel Gomes : un double voyage dans des contrées inconnues, qui est tout à la fois une découverte qu’une manière de se perdre, dans tous les sens du terme.

Grand Tour ne ressemble à rien d’autre, et c’est un immense compliment fait à Miguel Gomes, qui ose faire ce que peu d’autres cinéastes ont osé depuis des décennies : réinventer une forme de cinéma, s’inscrivant ainsi dans la lignée des grands formalistes des origines, qui avaient tout à créer. Le résultat est une merveille, qui tient tout à la fois de la grande fresque romanesque que du film expérimental.

Intime et grandiose, narratif et introspectif, linéaire et nébuleux. Une véritable expérience de cinéma que nous offre Gomes, absolument fascinante. C’est l’histoire d’un homme et d’une femme, mais ce sont aussi les rencontres, qui comptent, avec des personnages étonnants, grotesques ou touchants, et avec des paysages, qui prennent souvent le pas sur les êtres.

Les personnages, d’ailleurs, disparaissent parfois durant de longues minutes, laissant place aux villes qu’ils découvrent, à leurs habitants si éloignés d’eux. Le voyage et la découverte deviennent alors les personnages principaux de ce film fascinant et magnifique. Où le fait de ne plus voir les personnages à l’écran nous les rend plus intimes encore.

Le film est coupé en deux parties à peu près égales, qui racontent le même voyage, plongée de plus en plus profonde au cœur d’une culture de plus en plus opaque. D’abord l’homme, Edward (joué par Gonçalo Waddington), qui fuit pour se perdre, comme étranger à lui-même, suivant le premier venu comme si sa vie en dépendait. Ensuite la femme, Molly, débordante de vie et de dynamisme, qui avance parce que c’est ce qu’elle a décidé…

Elle est jouée par Crista Alfaiate, actrice rayonnante dont le visage dans Grand Tour pourrait illustrer le mot « solaire » dans le dictionnaire. Magnifique personnage, qui se perd peu à peu à mesure qu’elle se rapproche de celui qu’elle a décidé d’épouser. Son apparition à mi-film donne littéralement un coup de fouet au spectateur, jusque là happé par l’apathie de son fiancé.

Sous le charme de Crista Alfaiate, sous le charme de ce film merveilleux, sous le charme des images hypnotiques de Miguel Gomes, fer de lance du nouveau cinéma portugais, dont je n’avais pas vu les films précédents. Celui-ci donne une furieuse envie de s’y plonger.

Here – les plus belles années de notre vie (Here) – de Robert Zemeckis – 2024

Posté : 10 janvier, 2025 @ 8:00 dans 2020-2029, ZEMECKIS Robert | Pas de commentaires »

Here

On a envie de les aimer passionnément, les films de Zemeckis. On a envie de les aimer, et d’accompagner ce réalisateur qui, quarante ans après ses premiers succès, a gardé le même enthousiasme, la même envie de relever des défis, ces défis qui semblent bien souvent être la raison d’être de ses films.

Mais il faut bien se faire une raison : derrière la gageure technique de ses films, il manque bien souvent ce petit supplément d’âme qui faisait la différence avec Retour vers le Futur, voire avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, Forrest Gump et quelques autres. Here ne fait pas exception : d’un parti-pris casse-gueule, Zemeckis tire un film assez passionnant, sans temps mort, mais où l’émotion reste largement à la porte. Hélas.

Le parti-pris, donc, est le même que celui de la bande dessinée dont le film est adapté (par Zemeckis et Eric Roth, son co-scénariste de Forrest Gump). Une caméra fixe dans une maison, où nous assistons aux vies de plusieurs générations successives d’habitants : les arrivées, les départs, les naissances, les morts, les rêves, les engueulades, les regrets… Bref, un procédé original pour filmer le temps qui passe, les générations qui se succèdent, et ce depuis… l’extinction des dinosaures. Zemeckis aurait d’ailleurs pu se passer des quelques minutes d’introduction, qui n’apportent pas grand-chose d’autre que la mention « a filmé des dinosaures » sur le CV du cinéaste.

Pour le reste, le parti-pris de mise-en-scène (aucun mouvement de caméra, donc, et uniquement des plans séquences), aussi restrictif soit-il, est parfaitement tenu par Zemeckis, qui utilise très habilement les cadres dans le cadre pour passer d’une période à une autre dans un constant va-et-vient plein de rythme, qui donne un vrai coup de neuf à la notion même de montage.

Zemeckis reste donc un réalisateur habilement novateur. Mais comme souvent, disais-je, l’émotion n’est pas au rendez-vous, ou si peu. Peut-être est-ce dû, justement, au parti-pris trop réducteur. Ou aux effets spéciaux désormais si courant du de-aging, qui permet de retrouver la jeunesse de Robin Wright et Tom Hanks (autre parenté avec Forrest Gump), mais avec un lissage numérique qui nuit à l’intensité de leur jeu.

Disons que Zemeckis est toujours un réalisateur intéressant. Mais qu’il gagnerait peut-être à délaisser les technologies les plus pointues pour revenir à un cinéma plus bricolo et plus humain. Mais n’est-ce pas une phrase qu’on peut appliquer à l’immense majorité des blockbusters hollywoodiens ?

Carry-on (id.) – de Jaume Collet-Serra – 2024

Posté : 26 décembre, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), COLLET-SERRA Jaume | Pas de commentaires »

Carry-on

Ne comptez pas sur moi pour être original ! Après tout, est-ce que Carry-on l’est, hmmm ? Tout le monde compare le grand succès Netflix de la fin d’année à la saga Die Hard ? Eh bien je vais m’empresser de faire la même chose. D’ailleurs, il me semble à peu près certain que le scénariste a pensé très fort à 58 minutes pour vivre en écrivant l’histoire d’un homme seul affrontant une menace terroriste dans un aéroport bondé la veille de Noël.

Premier constat : Taron Egerton n’est pas Bruce Willis. Et on pourrait presque s’arrêter là, tant la comparaison est cruelle, et vient renforcer un sentiment déjà tenace depuis un moment : le film d’action made in 2020s n’a pas d’âme. On trouvera toujours des contre-exemples, mais pas ici, pas dans cet aéroport, où la fadeur de l’acteur produit l’effet exactement inverse au charisme de dingue du Bruce d’il y a trente ans.

Deuxième constat : Jaume Collet-Serra n’est pas John McTiernan. Et on pourrait presque s’arrêter là, tant la comparaison est cruelle, et vient renforcer un sentiment déjà tenace depuis un moment : le film d’action made in 2020s n’a pas d’âme… Comment ? Je l’ai déjà dit ?… Eh bien c’est que j’ai de la constance.

Ce n’est pas qu’on s’ennuie franchement : c’est rythmé, et il se passe plein de choses, avec un énorme enjeu dramatique. Et, surtout, un dilemme assez malin auquel est confronté le héros, agent de sécurité qui doit choisir entre deux options inacceptables : laisser passer une valise contenant un agent chimique très très mortel qui va coûter la vie à 200 personnes, ou laisser sa fiancée se faire abattre. Bon… je mettrais bien un billet sur une troisième option.

On ne s’ennuie pas franchement donc, mais entre un acteur transparent (qui n’est d’ailleurs pas le pire, Sophia Carson, dans le rôle de sa fiancée, se révèle une actrice assez désespérante) et un réalisateur efficace mais sans la moindre aspérité, difficile de se sentir impliqué outre-mesure. Seule bonne surprise finalement : le méchant incarné sans grands effets par Jason Bateman, plutôt à contre-courant des méchants habituels. Ça ne suffit pas faire de Carry-on un monument du genre, mais ça suffit pour assurer l’intérêt.

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