L’Anglais (The Limey) – de Steven Soderbergh – 1999
Quand Soderbergh s’attaque au film de genre, il y a toujours ce petit truc qui fait du film quelque chose d’un peu différent. Souvent de manière imperceptible. Qu’il s’attaque à un géant du roman noir (Elmore Leonard pour Hors d’atteinte), ou à un classique du film noir (son remake de Criss Cross), le projet repose toujours sur une vision de la narration.
Dans The Limey, cette vision frappe en quelques secondes : un étonnant montage qui fait se succéder les plans de différentes temporalités. Passé, présent, futur, souvenirs, prescience ou fantasmes… Soderbergh fait se superposer des images qui se répondent, s’annoncent, se révèlent. Il découle de ce parti-pris esthétique une ambiance étonnante, à la fois implacable et désabusée. Comme si tout était déjà joué.
C’est d’ailleurs un peu le cas. L’Anglais du titre, c’est Terence Stamp, ressuscité à la fin de cette décennie 90s, qui incarne un père tout juste sorti de prison en Angleterre, qui débarque à Los Angeles pour venger la mort de sa fille, dont il ne sait même pas si sa mort est criminelle.
Ce rôle de père aurait pu être interprété par Michael Caine dans un film anglais des années 60. Ou pas Lee Marvin aux Etats-Unis. Ici, c’est Stamp, dont Soderbergh utilise des images de jeunesse tirées du film Poor Cow, de Ken Loach.
Parce que mine de rien, les 60s sont omniprésentes dans ce film contemporain. A travers le personnage de Stamp, décalé et comme sorti d’une autre époque. Et celui de Peter Fonda, le « méchant » du film, filmé avec son aura post-Easy Rider par un Soderbergh qui ne l’a pas choisi par hasard.
Il y a beaucoup de 60s, par ce qu’elles trimballent d’un paradis perdu : l’innocence d’une jeunesse volatilisée, happée par une usine à rêve qui dévore tout. Dans ce décor là, la marche morbide d’un Stamp vengeur semble absurde, coupée du monde. Et curieusement, c’est très beau.