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Archive pour la catégorie 'MANN Michael'

Ferrari (id.) – de Michael Mann – 2023

Posté : 27 juin, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, MANN Michael | Pas de commentaires »

Ferrari

N’ayant aucune appétence pour les voitures puissantes, et encore moins pour les courses automobiles, il fallait bien un cinéaste comme Michael Mann pour me donner envie de me plonger dans ce pan de vie d’Enzo Ferrari. Pas un biopic traditionnel, thanks god (j’ai déjà dit à quel point la mode des biopics m’ennuyait?). Quelques mois seulement, en 1957, à une période charnière sur tous les plans pour le constructeur italien.

En résumé : son entreprise risque de disparaître si ses voitures ne gagnent pas très vite une course, l’un de ses pilotes s’est tué en tentant vainement de battre un record et a dû être remplacé au pied levé, et il doit faire un choix entre sa femme légitime, avec qui il a eu un fils mort l’année précédente, et celle avec qui il mène une double vie depuis la guerre, et avec qui il a eu un autre fils.

Bref : on imagine bien les tourbillons qui se déchaînent derrière le visage fermé d’Adam Driver, immense dans ce rôle complexe, où tout se joue dans les minuscules failles. Ce sont ces failles qui sont le cœur et la raison d’être du film, ce sont elles que cherche à capter Mann dans une mise en scène puissance et élégante, presque classique.

Son style est bien là, nous plaçant au cœur même du mouvement, littéralement à l’intérieur des courses qui ponctuent le film. Mais jusqu’au grand morceau de bravoure, cette hallucinante (et tragique, ce que j’ignorais… glaçante, même) course des Mille Miglia, les séquences automobiles sont aussi percutantes que brèves, presque anecdotiques en fait.

Sans doute Mann est-il fasciné par Ferrari, mais on sent bien que c’est le personnage qui l’intéresse surtout : cette armure que l’homme s’est forgé, et les dégâts qu’il provoque autour de lui, en particulier chez sa femme Laura, dont Penelope Cruz fait un personnage de tragédie très fort, et immensément douloureux.

Ce sont les douleurs ravalées de ses personnages qui font la puissance de ce Ferrari, qui porte la marque Michael Mann tout en étant un peu à part dans sa filmographie. Le film est plein de fulgurances, mais aussi étonnamment classique dans la forme, comme si la brutalité des moteurs était tempérée par les beaux paysages italiens baignés de soleil (ou de pluie). Qui exercent chez Mann et chez le spectateur une fascination très différente des décors urbains nocturnes du Los Angeles de Collateral ou Heat, mais bien réelle.

Le Dernier des Mohicans (The Last of the Mohicans) – de Michael Mann – 1992

Posté : 26 avril, 2019 @ 8:00 dans 1990-1999, MANN Michael, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Dernier des Mohicans

Avec ce film, Michael Mann est entré pour de bon dans la cour des grands. Non pas qu’il ne fut pas déjà, d’ailleurs : son précédent film, Le Sixième Sens, posait déjà brillamment les bases de son œuvre majeure. Mais il y a dans cette nouvelle adaptation du roman de James Fenimore Cooper une toute autre dimension, et le succès spectaculaire de cette grande fresque, western de la guerre d’indépendance, lui ouvre clairement les portes de ses chefs d’oeuvre à venir, à commencer par Heat.

On retrouve dans Le Dernier des Mohicans la même ampleur, la même sécheresse dans l’action, le même sens du mouvement, du rythme et du cadre, le même souffle romantique aussi. Chronique de la fin d’un monde, le film est d’une puissance incroyable, à la fois lyrique et très ancré dans la réalité.

Les premières images sont trompeuses : plans larges sur une nature inviolée et majestueuse, dans laquelle on découvre les trois derniers Indiens Mohicans chassant, en parfaite harmonie avec leur environnement. Comme si rien n’avait changé depuis des générations. Mais c’est bien un monde qui s’effondre que filme Mann : une terre où la guerre entre Français et Anglais vient bouleverser la paix symbolisée par cette belle amitié entre les colons et nos trois Mohicans.

Avec ce film, Mann démontre définitivement qu’il est doué pour mêler la grande et la petite histoire, la démesure et l’intime. Une scène est particulièrement marquante : après avoir sauvé les filles d’un officier anglais, les Mohicans arrivent en vue du fort où ils pensent être à l’abri, et découvrent au loin les lumières d’une canonnade. Images d’une beauté saisissante et glaçante, qui précèdent le chaos.

Au cœur de la violence, Daniel Day Lewis est d’une intensité folle. Le choix de lui faire jouer un Indien (alors que tous les autres le sont par d’authentiques Native Americans) pouvait sembler discutable. Il l’est effectivement pendant 10 secondes avant que l’on se rende à l’évidence : il est formidable, physique comme jamais. Le couple qu’il forme avec Madeleine Stowe est la pierre angulaire du film. Il fonctionne merveilleusement.

Le Dernier des Mohicans est haletant, bouleversant, impressionnant, et simplement beau. Sept décennies après le beau film de Maurice Tourneur, et après une demi-douzaine d’autres adaptations (celle avec Randolph Scott en 1936, notamment, dont le scénario signé Philip Dunn inspire directement Michael Mann), le roman de Cooper est décidément bien traité au cinéma.

La Forteresse noire (The Keep) – de Michael Mann – 1983

Posté : 2 octobre, 2018 @ 8:00 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, MANN Michael | Pas de commentaires »

La Forteresse noire

En 1941, des soldats allemands prennent le contrôle d’un petit village isolé dans les Carpates où se situe une mystérieuse forteresse, d’où ils libèrent une entité maléfique…

Pour son unique incursion dans le fantastique, Michael Mann affiche déjà une belle ambition esthétique. Mais le jeune réalisateur est encore un peu jeune. Et ses efforts démesurés pour chiader la moindre image son un rien trop flagrants, dévorant tout le reste.

Cette adaptation d’un roman de Francis Paul Wilson aurait pu donner une riche réflexion sur la nature du Mal. Et il y a bien quelques idées fortes, comme l’opposition entre les pires des Nazis et des soldats allemands plus humains, ou la tentation de combattre le Mal absolu par un autre Mal à la nature plus incertaine. Mais les dérives esthétiques sont telles que le message du film passe à la trappe.

On serait tenté d’analyser détail par détail pour tenter de dénicher le génie du futur réalisateur de Collateral. Mais il faut bien reconnaître que les ralentis excessifs et la surutilisation de jeux de lumière omniprésents frisent le ridicule, y plongeant parfois allègrement comme, dès le début du film, la course au ralenti des deux soldats allemands vers la croix en argent.

Le casting a beau être séduisant (Scott Glenn, Ian McKellen, Gabriel Byrne, Robert Prosky, Jurgen Prochnow), Mann n’est pas encore un directeur d’acteurs, et les personnages n’ont pour la plupart aucune consistance. Seuls McKellen et Prochnow gagnent des points dans une poignée de scènes fortes : la première apparition, muette, du premier dans un camp de concentration ; le dégoût que ses supérieurs inspirent au second…

Sans doute du fait de la filmographie à venir de Mann, un petit culte entoure La Forteresse noire. On peut toutefois penser raisonnablement que le film est raté, que les effets spéciaux cheap, kitsch et datés n’arrangent rien, que les quinze dernières minutes sont d’un ennui sidéral, et que ce Mann-là n’est pas supérieur à un autre film sorti peu après et à l’esthétique pas si éloignée très datée années 80 : Razorback dont la mauvaise réputation tient elle aussi à la filmographie à venir de son réalisateur, Russell Mulcahy.

Hacker (Blackhat) – de Michael Mann – 2015

Posté : 17 août, 2015 @ 11:06 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, ACTION US (1980-…), MANN Michael | Pas de commentaires »

Hacker

Cinéaste viscéral, Michael Mann fait un cinéma qui ne ressemble à aucun autre. A la fois d’un autre temps avec ses personnages melvilliens pour qui l’honneur est la principale valeur, et profondément ancré dans son époque avec ses parti-pris esthétiques : l’utilisation de la HD notamment, dont Mann reste le maître inégalé.

Jusqu’à présent, tradition et modernité étaient clairement dissociées : le fond pour l’une, la forme pour l’autre. Avec Blackhat, plongée au cœur de la cybercriminalité, Mann confronte réellement ces deux aspects pour la première fois. La modernité la plus pointue est au cœur de son intrigue, mais le cinéaste reste fidèle à son type de personnage, et aux relations qu’il affectionne : ses deux « héros » sont un flic (chinois) et un hacker (américain) que l’on sort de prison pour aider les forces de l’ordre à mettre la main sur un cyberterroriste.

Le plus beau dans ce film, c’est lorsque Mann fait ce qu’il sait le mieux faire. Une simple scène de retrouvailles entre le flic et le voyou, et l’on sent tout le poids et l’émotion que le réalisateur donne à ces affinités qui dépassent les frontières et les lois. Le thème central des meilleurs films de Mann.

Et puis il y a une poignée de fusillades comme lui seul sait en trousser : ces explosions de violence qui nous scotchent sur notre fauteuil et qu’on regarde le souffle coupé. De Heat à Public Enemies en passant par Collateral ou Miami Vice, papy Mann a signé les séquences les plus inoubliables de ces dernières années, dans le genre. L’hallucinante scène du tunnel et celle, traumatisante, dans la nuit de Hong Kong, sont de ce niveau.

Ces moments de « pur Mann » suffisent largement à mon bonheur. Ne comptez donc pas sur moi pour faire la fine bouche et reconnaître que, lorsqu’il tente de filmer l’hyper connexion et le parcours des informations numériques à travers le monde, Mann tombe dans le cliché le plus ringard. Ni pour souligner que ses acteurs n’ont, cette fois, pas la présence de ses plus grandes « incarnations », de Tom Cruise à Colin Farrell en passant par De Niro.

* Le blue ray est le support idéal pour la HD chère à Mann. Edité chez Universal.

Le Solitaire (Thief) – de Michael Mann – 1981

Posté : 13 janvier, 2013 @ 1:18 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, MANN Michael | Pas de commentaires »

Le Solitaire (Thief) – de Michael Mann – 1981 dans * Thrillers US (1980-…) le-solitaire

Un braqueur de haut vol fidèle en amitié, qui prépare son dernier coup avant de se ranger avec la jeune femme qu’il aime ? Ce n’est pas le De Niro de Heat, mais le James Caan du Solitaire, premier long métrage cinéma de Michael Mann. Quinze ans avant le face-à-face De Niro / Pacino, les obsessions du cinéaste sont déjà bien en place, même si on ne retrouve pas encore cette confusion entre Bien et Mal, qui sera sa marque de fabrique dans tous ses grands polars à venir, de Sixième Sens à Public Enemies.

Avec cette œuvre de jeunesse, Mann frappe déjà assez fort, signant un film tendu et implacable qui, malgré quelques longues séquences en creux (notamment un très long dialogue entre Caan et Tuesday Weld, qui sonne étonnamment faux), ne laisse jamais retomber la tension. D’ailleurs, le film a rapidement fait l’objet d’un petit culte qui est toujours d’actualité.

Il faut quand même reconnaître que Thief a pris un petit coup de vieux. Et pas seulement à cause de la veste en cuir de Caan et des lunettes pas possibles de Robert Prosky, le grand méchant de l’histoire. L’esthétique, très datées eighties, et surtout la musique électronique à peine écoutable aujourd’hui, sont quand même des fardeaux qui, trente ans après, pèsent lourdement sur le film.

Mann est par ailleurs (et surtout à l’époque) meilleur formaliste que directeur d’acteurs. Ici, la hargne bondissante de James Caan a par moment un peu de mal à convaincre.

Cela dit, le rythme est, la plupart du temps, impeccable. Et Mann nous gratifie déjà de quelques belles séquences nocturnes qui ne semblent brouillonnes que parce qu’on les compare avec celles de Collateral ou Miami Vice, autrement plus envoûtantes. Reste que ces images de nuit urbaine dépassent largement ce qu’on pouvait voir ailleurs, au début des années 80 ou depuis.

Le Solitaire est un peu plus qu’un brouillon : c’est le portrait sombre et violent d’un homme qui, après avoir passé des années en prison, refuse toutes les attaches et toutes les règles qui lui seraient imposées. Du pur Mann dans le texte.

On peut quand même s’amuser à noter les nombreuses ébauches que Mann développera dans sa filmographie à venir : la plage de Sixième Sens, le casse de Heat

On peut aussi s’amuser à reconnaître, dans un minuscule rôle (trois secondes à l’écran, pas plus) William Petersen, qui deviendra le héros du premier chef d’œuvre de Mann, Manhunter.

Heat (id.) – de Michael Mann – 1995

Posté : 5 décembre, 2012 @ 4:46 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, DE NIRO Robert, MANN Michael, PACINO Al | Pas de commentaires »

Heat 1

La scène la plus attendue de Heat – le fameux face-à-face entre Pacino et DeNiro, attendu depuis plus de vingt ans, depuis ce mythique fondu-enchaîné qui faisait se croiser les deux acteurs dans Le Parrain 2 – est forcément la scène la plus décevante de ce monument du polar moderne. Parce que Mann se contente de champs / contre-champs d’abord, et puis parce que le dialogue, tendu et pourtant complice, laisse comme un arrière-goût d’inachevé…

Mise à part cette frustration, Heat est une merveille, un pur Mann, remake d’un téléfilm tourné dans les années 80 (L.A. Takedown) par Mann lui-même, et précurseur de ses grands chefs d’œuvre à venir : le personnage de DeNiro évoque le Tom Cruise de Collateral, pour ses méthodes et sa capacité à ne s’attacher à rien, mais aussi le Dillinger de Public Enemies pour son sens de l’honneur d’un autre temps.

De la même manière, le rapport entre le gangster DeNiro et le flic Pacino, mélange de détermination et de respect mutuel, évoque Dillinger/Purvis ou Cruise/Foxx.

Moins épuré que Collateral, moins flamboyant que Public Enemies, moins trouble que Miami Vice, Heat est loin d’être un brouillon, même si Mann reprendra, et améliorera, nombre d’éléments que l’on y trouve. Sa manière, si unique, de filmer la ville la nuit, par exemple, déjà magnifique par moments (la première soirée entre DeNiro et sa petite amie, sur la terrasse surplombant L.A., est superbe) sera encore sublimée dans ses films « numériques », Collateral et Miami Vice.

Mais Heat reste le grand œuvre de Mann, son film le plus ambitieux sur le plan humain. Jamais avant, et jamais depuis (jusqu’à présent) il n’a pris à ce point le temps de s’intéresser à ses personnages, leur réservant à chacun de longues séquences fortes et intimes. C’est d’ailleurs le plus long de ses films.

Heat 2

Heat est d’une noirceur, et d’une tristesse, abyssales. Et le fait qu’on entre à ce point dans l’âme des personnages renforce l’impact des quelques accès de violence. Surtout que Mann leur donne une tension extrême. A l’image de la fameuse fusillade dans les rues de L.A. après le braquage de la banque. Rarement une fusillade au cinéma aura été aussi tendue que celle-ci.

Ce n’est pas dans les dialogues que Heat est le plus fort. Mann est avant tout un cinéaste visuel, et ses seules images en disent bien plus sur ses personnages que n’importe quel discours. DeNiro qui réalise en pleine soirée avec ses amis, tous en couple, qu’il ne pense qu’à cette jeune femme qu’il vient de rencontrer ; Pacino qui sert violemment contre lui la mère d’un enfant assassiné, comme s’il voulait faire siennes toutes les douleurs de la ville ; Val Kilmer jetant un ultime regard à la femme qu’il aime (Ashley Judd)… Les moments les plus forts de Heat sont pour la plupart totalement dénués de paroles. Pas besoin de ça pour plonger au cœur de l’âme tourmentée de ces personnages.

Pacino et DeNiro, qui jouent au jeu du chat et de la souris, sont à la fois des opposés et des êtres semblables. Chez Mann, depuis Le Sixième Sens, le Bien a souvent tendance à se confondre avec le Mal. L’un comme l’autre, par leur choix de vie, sont condamnés à se couper du monde. « Je ne suis solitaire, je suis seul », lance un DeNiro particulièrement taiseux. Lorsque enfin ils se trouvent pour l’affrontement final, ils sont l’un comme l’autre plus seuls que jamais.

Public Enemies (id.) – de Michael Mann – 2009

Posté : 12 octobre, 2011 @ 5:57 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, MANN Michael | Pas de commentaires »

Public Enemies

Encore une claque ! Troisième fois, déjà, que je regarde ce nouveau chef d’œuvre mannien, et le constat est toujours évident : Mann est l’un des plus grands cinéastes vivants ; il fait partie de ces artistes dont l’œuvre est hantée par les mêmes thèmes ; et il est plus que jamais le seul à me faire aimer les caméras numériques. C’est un créateur et un inventeur de forme, et c’est de plus en plus évident à chaque nouveau film. Collateral, Miami Vice, Public Enemies… Chaque nouvelle réalisation permet à Mann d’aller plus loin dans l’utilisation de ces caméras qui transforment l’immense majorité des longs métrages en films de vacances… Ici, les images de nuit surtout, et les séquences de fusillades (et elles sont très, très nombreuses) sont proprement fascinantes !

L’idée de voir Mann porter à l’écran la vie très tumultueuse de John Dillinger, l’homme pour qui l’expression « ennemi public » a été inventée, et dont la traque a permis au FBI de Hoover de prendre une nouvelle dimension, était très excitante. Mais le résultat est au-delà des attentes, parce qu’il n’y a pas la moindre faute de goût dans ce film ample et spectaculaire, mais aussi intime et complexe. Et parce que le cinéaste transcende son sujet, en faisant une fable noire et cruelle sur l’éternelle confrontation entre le bien et le mal (au cœur de presque tous ses films), et entre le passé et l’avenir.

Car malgré sa jeunesse, Dillinger est déjà un homme du passé, une espèce de dinosaure qui ne réalise pas vraiment que le monde a changé sans lui, qui découvre avec une surprise désabusée que les nouveaux gangsters se font plus d’argent chez les bookmakers chaque jour que lui-même en braquant une banaque, et que le panache n’a plus de valeur pour eux. Il peine aussi à comprendre que le FBI (comme la police dans le White Heat de Raoul Walsh) utilise des moyens auxquels il n’est pas préparé, et qui finiront par le faire tomber. Cette confrontation entre le passé et le futur est d’ailleurs visuellement perceptible : la reconstitution magnifique de l’Amérique des années 30 est filmée par la plus moderne des caméras, dans des images bien d’aujourd’hui.

Cette Amérique de la Grande dépression n’avait plus été filmée avec autant de force depuis bien des années. Comme Ford dans Les Raisins de la Colère, Mann filme une Amérique profonde à la recherche de symbole, et qui le trouve en la personne de ce gangster qui tue les policiers sans hésiter mais épargne les petites gens, qui volent les banques tout en laissant leur argent aux clients. C’est aussi une Amérique sans espoir et sans joie, symbolisée par cette courte mais très belle scène où une jeune femme chez qui il s’est réfugié supplie Dillinger de l’emmener avec lui. C’est avant tout contre cette société qui victimise que Dillinger se révolte, lui qui, comme il le dit « veut tout ».

Public Enemies évoque aussi la plupart des précédents polars de Mann, et tout particulièrement Heat, dans sa confrontation entre le bien et le mal, symbolisés par deux personnages également forts : Dillinger, alias Johnny Depp, puissant et ténébreux ; et sa nemesis, l’agent du FBI Melvin Purvis, joué par Christian Bale, superflic dont les failles à peine perceptibles sont bien réelles, devant les méthodes parfois employées par le « bureau », et sa propre impuissance face à cet ennemi qui le fascine et qu’il admire. Leur relation fait bien plus qu’évoquer celle de Pacino et DeNiro dans Heat : elle la développe et l’enrichit, tout en en gardant l’essence profonde.

La parenté entre ces deux films est souvent évidente, comme quand Depp explique que pour survivre, il faut être capable de partir en quelques minutes, et de tout laisser derrière soi. Exactement comme DeNiro dans Heat. Les deux hommes sont étonnamment semblables, partagent une même philosophie de la vie, et tomberont tous deux pour les mêmes raisons : cherchez la femme ! On le comprend, le Dillinger, parce que cette femme est jouée par Marion Cotillard, à tomber par terre (quelle carrière américaine, quand même !), qui offre à son amant quelques très jolis moments de bonheur entre deux explosions de violence.

Intelligent et d’une richesse exceptionnelle, Public Enemies est aussi hyper spectaculaire et très émouvant. Ben oui, c’est un chef d’œuvre, quoi…

Miami Vice / Deux Flics à Miami (Miami Vice) – de Michael Mann – 2006

Posté : 2 août, 2011 @ 3:31 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, ACTION US (1980-…), MANN Michael | Pas de commentaires »

Miami Vice / Deux Flics à Miami (Miami Vice) - de Michael Mann - 2006 dans * Thrillers US (1980-…) miami-vice

Miami Vice, la série, était vachement bien dans les années 80, en tout cas vu par des yeux de (jeune) ado. Aujourd’hui, elle a pris un sacré coup de vieux, ce qui est le risque de tous les trucs à la mode… Alors voir Michael Mann (créateur de la série, rappelons-le), génial réalisateur de films noirs à tomber par terre, porter sur grand écran les aventures de Sonny Crockett et Riccardo Tubbs avait de quoi surprendre. Si un autre que lui s’en était chargé, on aurait eu un peu peur, sûr. Mais là, le projet était aussi surprenant qu’alléchant.

Et le résultat ? Une claque… Je dois avouer que la première vision, au cinéma, m’avait autant emballé sur la forme que laissé un peu sur la touche pour l’histoire en elle-même : Mann n’est pas du genre à proposer au spectateur du tout-cuit, et il m’a bien fallu trois visions pour comprendre tous les détails du scénario. Mais même en suivant l’histoire de manière un peu superficielle, Mann a un talent fou pour nous plonger au cœur de son univers.

A l’image de cette séquence de fusillade exceptionnelle, à la fin du film, qui évoque celle, brute et brutale, de Heat, mais en développant encore cette expérience sensorielle qu’il n’a jamais cessé de peaufiner, film après film. En mettant sa caméra, portée à l’épaule, au cœur de la fusillade, Mann nous file une sacrée claque dans la gueule. Mais cette expérience sensorielle va bien au-delà de cette séquence hyper-spectaculaire, l’une des rares du film.

Miami Vice est hyper tendu, et la violence est omniprésente : on sent bien que ce Miami où Sonny et Riccardo évoluent est un monde où la menace et le danger sont omniprésents. Mais cette violence reste la plupart du temps abstraite, invisible. C’est une ville grouillante, mais aliénante, où la foule est une masse informe d’où il faut pouvoir s’extraire, comme l’introduit l’extraordinaire séquence d’ouverture, qui évoque la fameuse scène du club dans Collateral.

Formellement, on retrouve justement les qualités de Collateral : ces scènes de nuit éblouissantes, cette manière qui n’appartient qu’à Mann (mais vraiment qu’à lui) d’utiliser les caméras numériques. C’était déjà clair avec Collateral, ça l’est tout autant ici : Mann est non seulement le seul cinéaste à savoir utiliser le numérique, mais cette technique si laide chez les autres magnifie son style et son univers. Le film est ainsi parsemé de ces images presque irréelles de nuits, qui semblent sorties d’un roman de Michael Connelly : le coup de téléphone sur le toit du club, la conversation sur le bord de l’autoroute, ce coyotte qui surgit en arrière-plan… C’est du pur Michael Mann.

Proche visuellement de Collateral, Miami Vice se situe d’un point de vue narratif, aux antipodes : autant le film précédent de Mann était simple et linéaire, autant celui-ci est complexe et déroutant. L’attirance bien/mal au cœur de la filmographie de Mann prend ici un autre aspect, et se mue en histoire d’amour, sans aucun doute la plus belle de toute l’œuvre du cinéaste : celle entre Sonny (Colin Farrell) et Isabella (la magnifique Gong Li), entre le flic infiltré et la femme du caïd qu’il traque. Une histoire d’amour dangereuse et passionnelle, qu’ils ne peuvent consommer que loin de Miami-l’aliénante, dans un port de Cuba.

Plus en retrait, le couple que forment les deux flics Riccardo (Jamie Foxx, déjà parfait dans Collateral) et Trudie (Naomie Harris) ne manque pas non plus d’intérêt, et fascine par sa discrétion et les non-dits : la gène visible que Trudie éprouve devant Sonny, sans doute jalouse de la fusion totale qui unit les « deux flics à Miami »…

Bref, rien à jeter dans ce film moite et fascinant. Encore un grand, un très grand Michael Mann…

Le Sixième Sens (Manhunter) – de Michael Mann – 1986

Posté : 17 février, 2011 @ 2:24 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, MANN Michael | 2 commentaires »

Le Sixième Sens (Manhunter) - de Michael Mann - 1986 dans * Thrillers US (1980-…) le-sixieme-sens

Chez Michael Mann, le bonheur est bleu et sent bon l’iode. Dans tous ses films, ou presque, les personnages trouvent la paix dans des maisons aux larges baies donnant sur la mer, baignées dans une lumière bleutée qui contribue à la quiétude des lieues. C’est le cas dans Heat, Collateral ou Miami Vice. C’était déjà vrai dans ce Manhunter qu’on a trop vite oublié, enterré par la réussite du Silence des Agneaux cinq ans plus tard. Quel rapport, me direz-vous ? Ce premier bijou noir de Mann est l’adaptation de Dragon Rouge, le premier roman de Thomas Harris dans lequel apparaît un certain Hannibal Lecter (Lektor, dans le film). Le succès du Silence des Agneaux et de sa suite, Hannibal, poussera d’ailleurs feu Dino de Laurentiis à produire une seconde adaptation de Dragon Rouge, éponyme cette fois, et avec Anthony Hopkins dans le rôle du médecin cannibale. Franchement, il n’y a pas à hésiter : autant Dragon Rouge, le film, est grotesque et aussi vite vu qu’oublié ; autant Manhunter est une œuvre profondément marquante.

Pas parfaite, non. D’un point de vue narratif, on sent Mann encore un peu approximatif, parfois. Mais esthétiquement, son univers est déjà bien en place. Et le cinéaste a un talent fou pour créer une atmosphère, en quelques secondes seulement. Dès le premier plan, magnifiquement composé, on comprend que le calme de se bord de mer sera rapidement troublé. Que cet ami (Dennis Farrina dans le rôle de Jack Crawford, que reprendra Scott Glenn dans le film de Jonathan Demme) vient mettre un terme à la retraite du héros. Avant même que la première parole soit prononcée, ce simple plan suffit à instiller ce sentiment d’angoisse qui ne retombera pas…

Le héros, c’est William Petersen (le flic du culte Police Fédéral Los Angeles de Friedkin, et le Gil Grissom des Experts), acteur au charisme trop peu exploité au cinéma. Son personnage, Will Graham, est le meilleur profiler du FBI, celui qui a permis l’arrestation d’Hannibal Lecter trois ans plus tôt, et qui a failli y laisser sa peau. Depuis, il a démissionné, mais les meurtres sauvages de deux familles sans histoire le poussent à reprendre du service.

Il y a un plan, qui n’a l’air de rien, mais qui résume bien le parti-pris du film (qui ne sera pas celui de Demme pour Le Silence des Agneaux). Lorsque Crawford tend les photos des victimes à Graham, celui-ci marque une pause avant de les regarder, se préparant à replonger dans l’horreur. On pense alors que les photos que l’on va voir sont celles des corps mutilés. Mais non, ce sont de simples photos de familles heureuses… Et c’est bien pire : ces images hantent le spectateur, et Graham, qui ne peuvent qu’imaginer leurs derniers instants. Mann prouve que la surenchère gore n’est pas l’outil le plus terrifiant qui soit, pour un vrai réalisateur.

Grand cinéaste visuel, Mann signe un film très peu bavard, incarné par des comédiens qui ne sont jamais aussi bon que dans les silences. Non pas qu’ils soient limités dans les dialogues, remarquez. Mais l’écriture visuelle du film est sans doute plus maîtrisée que l’écriture des scènes dialoguées. William Petersen apporte profondeur et douleur à un personnage qui en finit par être dérangeant, tant il s’identifie au tueur en série qu’il poursuit. A l’inverse, ce tueur, aussi horrible soit-il, devient touchant, tant on ressent ses fêlures. L’imposant Tom Noonan lui apporte une humanité inattendue, qui provoque un profond malaise…

La distribution du film est assez exceptionnelle, puisqu’on retrouve aussi Joan Allen en jeune aveugle qui attendrit le cœur de notre tueur (c’est son premier rôle important), Stephen Lang en journaliste dégueulasse, et Brian Cox dans le rôle d’Hannibal. Mais il faut bien l’admettre : sa prestation souffre énormément de la comparaison a posteriori avec l’interprétation qu’en fera Anthony Hopkins.

C’est bien le seul bémol que l’on puisse faire à ce film qui, malgré une musique très datée « années 80″ (un peu trop présente par moments), soutient largement la comparaison avec Le Silence des Agneaux. Il serait peut-être temps de mettre enfin ce Manhunter à la place qu’il mérite…

Collateral (id.) – de Michael Mann – 2004

Posté : 7 octobre, 2010 @ 7:39 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, CRUISE Tom, MANN Michael | Pas de commentaires »

Collateral (id.) - de Michael Mann - 2004 dans * Thrillers US (1980-…) collateral-300x199

Que ce soit bien clair : je trouve dans l’immense majorité des cas les films tournés en HD numérique d’une laideur absolue. Dans l’immense majorité des cas, mais il y a une exception notable : le cinéma de Michael Mann. Non seulement le cinéaste est, à mon sens, le seul à avoir réellement su maîtriser ce nouvel outil cinématographique, mais son cinéma, déjà franchement passionnant, s’en est trouvé considérablement enrichi. Ses deux derniers films en date, Miami Vice et Public Enemies, sont deux chef d’œuvre qui ne ressemblent à rien d’autre qu’à un film de Michael Mann : l’étonnante lumière de la nuit, la netteté presque troublante des arrière-plans… autant de signes qui définissent le style Mann, qui révolutionne bien d’avantage que la 3D le langage cinématographique.

Dans cette révolution, j’avais dans la tête que Collateral, que j’avais pourtant déjà vu deux fois, était une sorte de brouillon (excellent et hyper efficace, mais brouillon quand même) que Mann peaufinera avec Miami Vice, son film suivant. Eh bien il m’a fallu une troisième vision pour réaliser que ce n’était vraiment pas le cas : Collateral est un chef d’œuvre absolu, peut-être bien le meilleur film de Mann à ce jour (mais je changerai peut-être d’idée en revoyant Miami Vice, Public Enemies, voire Heat ou Le Sixième Sens). Tout, dans ce film, est à tomber par terre : les images sublimes (qui a filmé la nuit aussi bien que Mann ?), le rythme étonnamment lent (malgré quelques scènes d’action renversantes), et même les personnages, génialement joués par Jamie Foxx et Tom Cruise en vrai méchant.

L’histoire est typiquement « mannienne », elle aussi : c’est l’éternelle confrontation du bien et du mal. Ici, un brave chauffeur de taxi tellement gentil qu’il s’arrange pour faire gagner de l’argent à ses clients, qui embarque un homme d’affaires, qui est en fait un tueur à gages. C’est Vincent, Tom Cruise habillé et coiffé comme DeNiro dans Heat, qui prend le taxi en otage tout au long de la nuit, pour une virée à travers les rues quasiment désertes de Los Angeles, marquée par cinq étapes : les cinq gars que Vincent doit refroidir.

Contrairement à Heat, où la confrontation entre DeNiro et Pacino se faisait à distance (exceptée une scène trop courte et frustrante), le bien et le mal sont ici coincés ensemble tout au long du film, la plupart du temps dans l’espace exigu du taxi. L’échange qui se crée entre les deux hommes est fascinant, dialogue parfois irréel souligné par de longs plans visuellement sublimes du taxi roulant dans la nuit, dans un silence envoûtant. Mann filme L.A. comme personne avant lui. Peut-être parce que c’est là son vrai sujet : cette ville-monstre inhumaine où, comme le raconte le personnage de Tom Cruise, un homme peut mourir dans le métro sans que personne ne s’en rende compte pendant des heures…

Cette ville, Mann en montre toute la complexité, des highways à ciel ouvert aux ruelles écrasantes, des clubs de jazz chaleureux aux boîtes à la mode saturées de lumière, des motels miteux des bas quartiers aux luxueux bureaux des quartiers d’affaire. Il illustre magnifiquement la solitude de ces êtres, entourés par des tonnes de béton et des millions d’autres êtres qui vivent leur vie sans que jamais elles n’interfèrent les unes avec les autres. Cette ville-monstre est le principal adversaire de Vincent-Tom Cruise, pur méchant indifférent à la douleur des autres, mais qui révèle une humanité inattendue dans cet univers qui l’oppresse.

Le rythme est donc lent, lancinant. Mais le film est émaillé, comme toujours chez Mann, de scènes d’action époustouflantes, à commencer par la fameuse fusillade dans la boîte, dont on a beaucoup parlé, et qui mérite tout le bien qu’on en a dit. Impossible, a priori, de rendre constamment clair ce qui se passe précisément dans cette fourmilière humaine. Mais grâce à un montage serré et à des cadrages brillants, l’action qui se déroule est toujours limpide. Et formidablement grisante, d’autant plus que ce débordement soudain de violence surgit entre deux séquences presque contemplatives.

Collateral, c’est un pur bonheur de cinéma. Michael Mann n’a pas inventé le thriller, mais il en a créé une nouvelle forme, la plus passionnante de toutes…

 

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