Les Survivants – de Guillaume Renusson – 2022
Un père au bord de la rupture depuis la mort de sa femme, part se ressourcer, ou oublier, ou se perdre, dans un chalet paumé dans les Alpes italiennes. Sa retraite est troublée par l’irruption d’une jeune femme, migrante tentant de gagner la France par ses propres moyens. Il va décider de l’aider, malgré l’hostilité de montagnards. En l’aidant elle, lui-même pourrait trouver une sorte de rédemption…
On pourrait en vouloir à Guillaume Renusson, dont c’est le premier long métrage, de résumer le difficile sujet du sort des migrants à une course-poursuite dans la neige. Et c’est vrai qu’en se réfugiant derrière les attraits du film de genre, le cinéaste flirte avec la caricature, simplifiant jusqu’à l’extrême son sujet (et évitant soigneusement de fâcher qui que ce soit, avec des « méchants » pour moitié français, pour moitié italiens).
Mais cette simplicité est finalement ce qu’il y a de plus enthousiasmant dans ce film, sans doute moins pertinent en tant que film à thèse qu’en tant que western contemporain et enneigé. Confronter des personnages à l’hostilité de la nature : un thème fort et passionnant, qui offre aux deux acteurs principaux un écrin assez magnifique pour développer une relation aussi inattendue que touchante.
Et il est beau ce duo, incarné par la Franco-Iranienne Zar Amir Ebrahimi (prix d’interprétation à Cannes en 2022 Les Nuits de Mashhad) et Denis Ménochet (l’acteur le plus incontournable du cinéma français en 2022, après notamment As Bestas). Physiquement déjà, le contraste entre les deux est spectaculaire : elle si gracile, si fragile en apparence ; lui si puissant, si monumental. Pourtant, leur fuite commune va révéler une étrange parenté : une même douleur, un même désespoir, et en même temps une même force.
Guillaume Renusson utilise parfaitement ses décors pour créer la tension, mais aussi l’intimité grandissante de ses deux personnages : la montagne surtout, infinie, majestueuse et hostile ; et l’immeuble vide où se déroule le « duel » final, comme un règlement de compte à OK Corral que rien, pas même une longue errance à travers les sommets, ne pouvait éviter. Un vrai western enneigé donc, mais avant tout une belle histoire de rédemption, qui trouve son apogée non pas dans l’explosion de violence (impressionnante), mais dans l’irruption tardive des larmes. Denis Ménochet est très grand.