Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'DIETRICH Marlene'

Les Ecumeurs (The Spoilers) – de Ray Enright – 1942

Posté : 22 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, ENRIGHT Ray, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Ecumeurs

Marlene Dietrich, John Wayne, Randolph Scott (sans oublier le vétéran Harry Carey)… Quelle affiche, quand même, que celle des Ecumeurs. La même d’ailleurs que celle de Pittsburgh, qui sera tourné quelques mois plus tard par Lewis Seiler. Mais cette affiche spectaculaire est quand même à nuancer…

D’abord, Marlene semble la quasi-caricature d’elle-même, jouant une énième fois la reine du saloon, et l’objet de toutes les convoitises. Ensuite, Wayne est encore un peu jeunot, manquant de cette présence inouïe qu’il aura dans tous ses films, y compris les moins bons, quelques années plus tard. Enfin, Scott n’est pas encore la grande figure westernienne qu’il deviendra dans sa maturité. Il reste l’acteur de comédie de ses débuts, le sourire constamment aux lèvres quelle que soit la situation.

Ce sourire pose rapidement problème, parce qu’il ne colle pas à son personnage pour le moins trouble, ni même à une histoire qui aurait mérité plus de noirceur, plus de gravité. Le sujet est sombre : la spoliation des terres dont on été victimes des prospecteurs en Alaska vers 1900, sous le couvert d’une pseudo-loi face à laquelle les individus se heurtaient à un dénis de leurs droits. L’histoire est passionnante, et édifiante, le rythme est impeccable… mais pourquoi diriger les acteurs avec tant de légèreté, quand le sujet est si sombre ?

Cette approche, presque de comédie, fait passer Enright à côté d’un film qui s’annonçait pourtant spectaculaire. Il est impressionnant, ce premier plan, montrant un train traversant la ville boueuse et bondée de monde de prospecteurs. Comme sont impressionnants toutes les scènes d’ensemble, cette manière de filmer la vie dans ce coin du monde, avec des moyens qui semblent importants : des décors magnifiques, des dizaines de figurants, de la boue partout, de la vie, du mouvement…

Impressionnante aussi, la grande scène de bagarre, d’une grande brutalité, et mettant en scène dans de nombreux plans très percutants les acteurs eux-mêmes, qui donnent beaucoup de leur personne. Alors oui, on prend un certain plaisir à voir ces trois grands noms se livrer à un dangereux triangle amoureux, mais avec le sentiment constant de passer à côté de quelque chose autrement plus grand.

Un peu comme cette scène courte et étonnante où le personnage de Marlene Dietrich croise dans son saloon un homme qui lui explique être en train d’écrire une histoire, qui sera celle de The Shooting of Dan McGrew, un fameux poème narratif évoquant la vie des pionniers en Alaska (et dont Tex Avery tirera son Shooting of Dan McGoo), étrange clin d’œil furtif et sans conséquence, qui ouvre des perspectives sans rien en faire.

La Scandaleuse de Berlin (A foreign Affair) – de Billy Wilder – 1948

Posté : 16 mai, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, WILDER Billy | Pas de commentaires »

La Scandaleuse de Berlin

Treize ans avant Un, deux, trois, Wilder posait déjà ses caméras dans le Berlin de l’après-guerre. Mais cette fois-là, dans l’immédiat après-guerre. Pas encore celui de la reconstruction, ni même des deux Allemagnes : celui d’un Berlin en ruines, occupé par les troupes des différentes armées vainqueurs.

Ce n’est pas le premier film effectivement tourné dans les ruines de Berlin. Mais ce Wilder est l’un des plus impressionnants. Ne serait-ce que pour son aspect documentaire, la vision qu’il offre de cette capitale ravagée et de sa population dépendante du marché noir, le film est important.

Il l’est aussi, tout simplement, parce que c’est une grande réussite où l’humour léger, le cynisme et la gravité de Wilder se retrouvent autour d’un triangle amoureux décapant : la chanteuse de cabaret au passé trouble (Marlene Dietrich, qui d’autre), l’officier américain un peu magouilleur et beau parleur (John Lund, très bien), et la congresswoman trop guindée, venue explorer le oral des troupes américaines.

Jean Arthur, dans un rôle qu’on image comme un clin d’œil à M. Smith au Sénat, est une grande actrice comique. Irrésistible quand elle met trois plombes à plier ses lunettes avant de daigner jeter un œil aux ruines que son avion survole. Hilarante quand elle se fait passer pour une « Gretchen » écervelée. Touchante quand, totalement bourrée, elle s’abandonne à celui qu’elle aime. Et puis tragique et superbement filmée, profil sombre couvert d’ombre, lorsqu’elle réalise la tromperie…

C’est avant tout à travers son regard qu’on découvre la vie de ce Berlin exsangue. Wilder sait lui donner de la vie et de la gravité dans le même mouvement. Les scènes dans le cabaret, surtout, sont absolument magnifiques, caves sombres toutes en ombres et en recoins, dont Wilder fait un écrin sur mesure pour Marlene, fascinante comme toujours. Fascinante et troublante, parce que le scénario (co-écrit avec le fidèle Charles Brackett) ne l’épargne pas, et n’atténue pas la responsabilité individuelle au nom de la responsabilité collective.

Une comédie, oui, mais grave et profonde. Un grand cru de Wilder.

L’Entraîneuse fatale (Manpower) – de Raoul Walsh – 1941

Posté : 22 juillet, 2019 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, DIETRICH Marlene, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

L'Entraîneuse fatale

Entre deux monuments incontournables (cette année-là, il signe aussi High Sierra, Strawberry Blonde et La Charge fantastique, bilan aussi impressionnant que celui de Ford en 1939), Walsh tourne ce Manpower qui ne manque pas d’intérêt non plus. Sans atteindre les sommets des trois autres, Walsh signe un film admirablement tenu, et d’une grande richesse.

A vrai dire, il y a même trois ou quatre films là-dedans. Un côté comédie entre hommes, avec ce groupe d’ouvriers chargés de réparer les lignes à haute tension, qui passe leur temps à se lancer des vannes, à s’engueuler et à se rabibocher. Un boulot très dangereux d’ailleurs, que nos bonshommes doivent le plus souvent réaliser dans des conditions extrêmes (pluie, orage, vent), et qui donne lieu à quelques scènes particulièrement spectaculaires, auxquelles Walsh donne un mélange de tension et de légèreté très réussi.

Et quel casting dans ce groupe d’hommes : autour de George Raft et Edward G. Robinson, on trouve Ward Bond, Alan Hale et quelques autres gueules qu’on aime bien, et qui s’amusent visiblement beaucoup à donner de la vie à leurs personnages, dans des moments d’amitié virile comme ce bon Raoul Walsh en a le secret. Du pur plaisir…

Mais cette légèreté apparente est constamment baignée dans une étrange atmosphère qui semble annoncer les drames à venir, et qui ne manquent pas. La gravité d’un ouvrier vieillissant qui pressent la tragédie en marche, ces rapports tendus avec une fille qu’il a délaissée et qu’il a retrouvée alors qu’elle était en prison, le quotidien de cette jeune femme obligée de jouer l’entraîneuse dans un bar mal fréquenté pour simplement vivre.

Cette jeune femme, c’est Marlene Dietrich, qui a de nouveau l’occasion de chanter (passage quasi-obligé pur elle), et qui excelle à faire de son personnage une fausse dure qui cherche à dissimuler ses fêlures et sa sensibilité derrière des abords revêches que ce couillon cynique de George Raft est bien le seul à prendre au sérieux. Mais malgré toutes les bonnes intentions de la belle, on sent vite que c’est le drame qu’elle va apporter dans cette petite équipe soudée, entre le couillon cynique et son pote Robinson, parfait dans son rôle de couillon naïf.

Entre le rire franc et la tragédie pure, Walsh joue un peu aux montagnes russes avec ce film. Mais le résultat, intense et réjouissant, ne laisse aucune place à la tiédeur ou à la facilité. Du pur plaisir, vraiment.

Témoin à charge (Witness for the prosecution) – de Billy Wilder – 1957

Posté : 13 avril, 2019 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, DIETRICH Marlene, WILDER Billy | Pas de commentaires »

Témoin à charge

Dans une décennie sans la moindre faute de goût, Billy Wilder s’attaque à un genre qui est comme un passage obligé pour tout cinéaste à Hollywood : le film de procès. Et s’il signe un classique absolu du genre, c’est parce qu’il y met sa patte, inimitable. Témoin à charge est un authentique film de procès, plein de rebondissements et de faux semblants. C’est aussi l’une des meilleures adaptations d’Agatha Christie. Mais s’il fonctionne aussi bien, c’est grâce aux accents de comédie de Wilder insuffle.

A commencer par le personnage de Charles Laughton, avec sa manière toute personnelle de cabotiner avec finesse. Il est absolument génial dans le rôle d’un vieil avocat star, qui se remet péniblement d’une crise cardiaque, et qui accepte de défendre un homme accusé de meurtre contre l’avis express de son médecin, et surtout de l’infirmière qui le suit où qu’il aille. Les joutes verbales qui l’opposent à cette dernière, jouée par sa propre femme Elsa Lanchester, sont les meilleurs moments du film.

Réjouissants moments où Laughton redouble d’imagination pour siroter un verre de sherry ou fumer un cigare à la barbe de son « ange gardien ». Où il découvre avec un air las le bermuda qu’il doit porter lors de ces vacances qu’il est contraint de prendre. Où il s’amuse avec un monte escalier aménagé pour lui. Et ces regards outrés et attendris à la fois d’Elsa Lanchester, qui soulignent idéalement la passion juvénile de cet homme en bout de course.

Evidemment, les têtes d’affiche du film sont Marlene Dietrich et Tyrone Power. Et elle est formidablement belle et encore terriblement envoûtante, Dietrich, à qui le scénario réserve un flash-back taillé pour elle, en chanteuse d’un troquet allemand de l’après-guerre. Envoûtante, et même très émouvante, dans ce rôle trouble d’une épouse toxique (vraiment ?).

Mais le couple qu’elle forme avec Tyrone Power n’est pas vraiment à la hauteur. Sans doute parce que Power, usé par l’alcool et le tabac (c’est son dernier film, avant son décès prématuré), semble trop vieux pour Marlene. Il n’a pourtant que 43 ans, 13 de moins que sa partenaire, et en paraît bien plus… Son visage marqué lui donne un air tristement absent. Surtout, jamais on ne s’attache à ce personnage, constat qui condamne d’avance le rebondissement final.

C’est pourtant un film franchement réjouissant, grâce au rythme impeccable que Wilder impose, grâce à cette imagerie pas si courante des cours de justice anglaises, et surtout grâce à son vrai couple vedette. Laughton-Lanchester, donc, réjouissants jusqu’à la dernière image.

Désir (Desire) – de Frank Borzage – 1936

Posté : 19 mars, 2019 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank, COOPER Gary, DIETRICH Marlene | Pas de commentaires »

Désir

Marlene Dietrich a beau avoir affirmé, des années après, que Borzage était bien le réalisateur de Désir, l’ombre de Lubitsch, producteur et réalisateur probable de certaines scènes, plane d’une manière très insistante sur cette comédie romantique sophistiquée et pleine de folie, description qu’on attribue plus volontiers au réalisateur de L’Eventail de Lady Windermere qu’à celui de L’Heure suprême.

Qu’importe finalement, si le film est l’œuvre d’un immense cinéaste… ou d’un autre immense cinéaste. Disons que c’est l’œuvre commune de deux immenses cinéastes, et que même si le film peut sembler mineur dans l’une ou l’autre de leurs filmographies, le plaisir qu’on y prend est immense.

C’est en tout cas une date pour Marlene Dietrich, qui venait tout juste de rompre avec son tout puissant pygmalion Von Sternberg, qui retrouve son partenaire de Morocco Gary Cooper, et qui s’impose pour la première fois comme une grande actrice de comédie, genre que sa carrière américaine ne lui avait encore jamais donné l’occasion d’aborder.

Est-ce un don inné, ou une sorte de naturel auquel elle peut enfin laisser libre court ? La star est absolument formidable dans le rôle de cette voleuse de haut rang qui rencontre un brave type sur la route de ses premières vacances depuis des lustres. C’est le genre de comédies auxquelles on n’associera jamais ni Borzage, ni Dietrich : pleines de rythmes et de folies, de quiproquos et de rebondissements.

Entre romance et aventures, c’est une charmante comédie, bien moins innocente qu’elle n’y paraît. Toute en suggestion, même : dans cet Hollywood dominée par la bien-pensance du code Hayes, il fallait des trésors de suggestion pour évoquer la rencontre de ces deux monstres sacrés, dominée par une tension sexuelle qui ne reste pas à l’état de fantasme. Il suffit de draps froissés, d’allures débraillées et de regards langoureux pour raconter, mieux que n’importe quelle image illustrative, la nuit de passion que ces deux-là viennent de vivre.

Femme ou démon (Destry rides again) – de George Marshall – 1939

Posté : 18 décembre, 2018 @ 8:00 dans 1930-1939, DIETRICH Marlene, MARSHALL George, STEWART James, WESTERNS | Pas de commentaires »

Femme ou démon

1939, grande année pour le western qui sort de la torpeur dans laquelle il végétait depuis l’échec de The Big Trail, presque dix ans plus tôt. Stagecoach est le déclencheur et le symbole de cette renaissance. Il n’est pas le seul. Parmi les autres pépites westerniennes qui sont sorties de l’usine à rêve cette année-là, Destry rides again est un peu à part.

Alors que le genre affichait un certain sérieux, le film de George Marshall se permet des digressions humoristiques. Sur un fond sombre et même franchement noir, d’accord, mais quand même : le ton adopté par le réalisateur apparente souvent le film à une comédie. Ce qu’il n’est pas tout à fait.

Quand même : la première apparition de James Stewart (après vingt minutes de film) est totalement irrésistible, et annonce la couleur. Ce personnage là, le premier de Stewart dans l’univers du western, dont il deviendra l’une des grandes figures quelques années plus tard, n’a strictement rien à voir avec ceux qu’il interprétera dans les années 50. Ou avec la figure traditionnelle du héros de western, d’ailleurs.

L’homme, attendu comme le messie (vengeur) pour remettre de l’ordre dans une ville livrée à la violence et à la corruption, apparaît une ombrelle à la main, une cage à oiseaux dans l’autre… et sans arme à la ceinture. Une apparition irrésistible, d’autant plus qu’elle contraste avec les postures de dur de Jack Carson, toujours impec en grande gueule un peu ridicule.

L’homme, donc, refuse de porter une arme, mais ce n’est pas sa plus grande singularité. Ce qui marque surtout, c’est son assurance bonhomme, cette manière qu’il a de systématiquement désamorcer la violence qui ne demande qu’à exploser, en acceptant d’être le fruit des moqueries. Une ode à la non-violence ce type, qui gagne le respect de tous en prenant à peu près le contre-pied systématique de tous les durs de western qui l’ont précédé ou qui le suivront dans l’histoire du genre.

Le film est très réussi : George Marshall a rarement été aussi inspiré qu’ici, avec une mise en scène pleine de rythme et d’emphase, et de superbes mouvements d’appareil qui mettent particulièrement valeur les décors de la ville, dans lesquels chacun des habitants semble avoir un rôle à jouer. Mais malgré toutes ses (nombreuses) qualités, le film ne serait pas le même, sans doute pas aussi mémorable, sans James Stewart.

L’acteur, pourtant, n’est qu’un choix de replis : le film avait d’abord été proposé à Gary Cooper, qui l’a refusé semble-t-il parce qu’il n’était pas assez payé. Tant mieux : Stewart, acteur génial de comédie, réinvente littéralement la notion de héros de film d’action, avec ce mélange unique de candeur, d’amusement, de dureté et de tragique.

Et non, je n’oublie pas Marlene Dietrich, merveilleuse en garce sans morale qui s’humanise peu à peu au contact de cet ovni de James Stewart. Pour elle aussi, c’est une première incursion dans le genre. Et comme Stewart, le film lui offre une belle occasion de jouer sur des registres différents, entre la comédie (avec une bagarre homérique entre deux femmes dans un saloon), le drame… et la chanson bien sûr.

Le film est marqué par plusieurs chansons de la belle, non pas comme des intermèdes, mais comme autant de façons de recentrer l’action et ses enjeux. Là aussi, la mise en scène de Marshall est parfaite, et évite cette sensation souvent gênante selon laquelle les morceaux musicaux seraient des scènes à part. Pas de ça ici : tout est d’une remarquable fluidité, jusqu’à la montée en puissance finale, où l’humour est reléguée pour de bon aux arrières-plans.

Et quel final : une horde de femmes qui mettent brutalement fin au grand affrontement entre les gentils et les méchants, et qui investissent soudain le saloon, lieu de débauche. A vrai dire, c’est l’écran tout en entier qu’elles semblent occuper, dévorer même. Une scène à peu près unique en son genre, qui confirme à sa manière le sort que le film réserve à la violence en général : ce parti-pris très fort selon lequel les morts les plus violentes ne sont pas montrées. Un western à part, je vous dis…

La Soif du mal (Touch of Evil) – d’Orson Welles – 1958

Posté : 3 juillet, 2015 @ 2:20 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, DIETRICH Marlene, WELLES Orson | Pas de commentaires »

La Soif du mal

D’une histoire assez classique de corruption policière, Welles a fait l’un de ses plus grands films. Esthétiquement, l’un de ses plus aboutis, et de ses plus radicaux. Et cette radicalité visuelle explose, littéralement, dès la mythique séquence d’ouverture, long plan-séquence de plus de trois minutes tourné à la grue qui n’est coupé que par l’explosion d’une bombe dont on a suivi le trajet et la menace depuis la toute première minute.

Une ville à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, un flic mexicain intègre et son homologue américain nettement plus trouble, une famille de trafiquants de drogue… On est clairement en terrain connu, et pourtant, on a l’impression de découvrir cet univers pour la première fois, tant la forme donnée par Welles dynamite le récit. Il y le décor d’abord, cette ville tantôt grouillante de monde tantôt déserte, que la caméra arpente et explore avec virtuosité les moindres recoins. Il y a ces allers-retours incessants d’un côté et de l’autre de la frontière. Il y aussi cette musique jazzy d’Henry Mancini qui donne le sentiment d’une liberté de ton absolue, et d’une improvisation constante qui n’est évidemment qu’un leurre.

La Soif du Mal est un film de genre passionnant et angoissant. C’est aussi un chef d’oeuvre expérimental totalement fascinant. Pas le moindre plan évident ici. Welles joue avec la durée, multiplie les travellings et les mouvements de grue impossibles, enchaîne les contre-plongées qui soulignent la noirceur (et la laideur) des personnages, utilise la caméra portée, tout ça dans un long mouvement à la fois irréel et qui semble toucher du doigt le réel comme rarement.

Et puis il y a ces incroyables contre-emplois : Charlon Heston en policier mexicain, et Orson Welles en épave obèse et dégueulasse. Ils n’ont peut-être jamais été aussi bien. Il y a Janet Leigh aussi, deux ans avant Psychose, et qui passe déjà un mauvais moment dans un motel perdu. Marlene Dietrich, enfin, sorte de fantôme tout droit sortie du passé de Quinlan-Welles, et dont la beauté est à peine fanée par les années.
« He was some kind of a man », lance-t-elle comme une épitaphe dénuée de toute illusion. Derrière la forme, extraordinaire (ah! cette marche-confession de Quinlan…), Welles signe un film aussi sombre et désespéré que son Macbeth, faisant sauter en éclats les signes d’espoirs qu’il donne timidement: le bonheur d’un couple mixte, l’innocence du coupable mexicain désigné…

Après le tournage, presque idyllique, Welles s’était vu refuser l’accès à la salle de montage, les producteurs, sans doute effrayés par la radicalité du film, préférant le monter eux-mêmes et retourner quelques scènes. Mais Welles avait consigné précieusement les détails du montage qu’il souhaitait, et qui a finalement été respecté au mieux en 1998. Je serais curieux de revoir la version « producteurs », pas vue depuis pas loin de 20 ans. Celle de Welles, en tout cas, est l’un de ses sommets.

Martin Roumagnac – de Georges Lacombe – 1946

Posté : 3 octobre, 2013 @ 1:12 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, GABIN Jean, LACOMBE Georges | Pas de commentaires »

Martin Roumagnac – de Georges Lacombe – 1946 dans 1940-1949 martin-roumagnac

De retour devant les caméras après deux années d’exil et d’engagement durant la guerre, Jean Gabin était attendu au tournant. La plus grande star française de l’avant-guerre, l’interprète des plus grands films de la décennie précédente, avait décroché le cœur de la star Marlene Dietrich depuis 1941. Restait à reconquérir le public. Son retour a été un événement d’autant plus important qu’il s’est fait au côté de sa maîtresse, dans ce qui restera le seul film français de L’Ange bleu.

Mais une fois qu’on a dit que Martin Roumagnac est le seul film tourné par le couple Marlene/Gabin, il faut reconnaître qu’on a dit le principal. Non pas que le film soit totalement raté. Cette adaptation d’un roman de Pierre-René Wolf est une tragédie qui s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres films de Gabin. Mais c’est justement le problème : ce que raconte le film, le destin de ce brave type qui tourne à la tragédie parce qu’il est tombé amoureux d’une femme trop belle, trop classe, évoque furieusement celui de Gueule d’amour.

Tout, dans ce film, donne l’impression d’avoir déjà été fait auparavant. Et souvent en mieux. On sent d’ailleurs que Lacombe rêve de renouer avec le réalisme poétique de Carné ou Grémillon, et que les dialogues tentent maladroitement et lourdement d’être aussi percutants que ceux de Prévert. Et puis le film semble monté à la hache, avec des « ellipses » qui cassent continuellement le rythme. La séquence du procès, elle, flirte avec le ridicule, et est surtout interminable.

Mais Gabin est parfait en maçon fleur bleue, et Marlene trouve le ton juste entre la détermination et la tendresse, entre l’innocence et la sensualité. Quant aux personnages secondaires, même s’ils manquent pour la plupart de profondeur, ils sont interprétés par des comédiens à la gouaille assez jubilatoire.

L’Ange des maudits (Rancho Notorious) – de Fritz Lang – 1952

Posté : 25 juin, 2013 @ 1:15 dans 1950-1959, DIETRICH Marlene, LANG Fritz, WESTERNS | Pas de commentaires »

L’Ange des maudits (Rancho Notorious) – de Fritz Lang – 1952 dans 1950-1959 lange-des-maudits

Retour au western pour Lang, dix ans après son diptyque des années 40 (Le retour de Frank James et Les Pionniers de la Western Union). Avec Rancho Notorious, sur le papier, c’est un sujet parfaitement classique qu’il aborde : une énième histoire de vengeance et d’amitié dangereuse, autour d’une ancienne chanteuse de cabaret. D’autant plus classique que cette dernière est interprétée par Marlene Dietrich, dont la filmographie est émaillée de ces chanteuses de cabaret.

Sauf que Lang prend ici le contre-pied de tous les poncifs, et signe un film aussi surprenant que politiquement incorrect. Le héros d’abord (Arthur Kennedy, inattendu dans un tel rôle), ivre de vengeance, n’hésite pas à utiliser Marlene en jouant sur ses sentiments, et sa sensibilité, avec une cruauté parfois impressionnante.

Marlene qui, derrière ses aspects de femme forte, est un être perdu, que l’on découvre d’abord (racontée par ceux qui l’ont rencontrée comme Kane l’était dans le film de Welles, avec toute l’aura de mystère que cela implique) au bord du désespoir, prête à troquer sa sécurité contre son corps, offerte au hors-la-loi jouée avec élégance par Mel Ferrer. Il y a dans le regard dur et les poses dominantes de la belle une fêlure déchirante.

Le film de Lang est constamment hors des sentiers battus. Par de petits détails parfois (la politesse et la gentillesse des shérifs), mais aussi par la construction du film, et ses ruptures de ton, qui le font passer de la farce (la ‘‘course’’ avec Marlene chevauchant un cow-boy) à une bagarre particulièrement rude filmée caméra à l’épaule.

Par l’utilisation de la chanson « Legend of Chuck-a luck » qui revient régulièrement, tenant lieu de chœur antique, servant de transition et faisant avancer l’histoire. Cette chanson, comme l’enquête d’Arthur Kennedy dans la première partie, réhabilite la tradition orale et souligne l’aspect mythique et légendaire de l’histoire… un thème qui sera une nouvelle fois au cœur de Moonfleet quatre ans plus tard.

Cœurs brûlés (Morocco) – de Josef Von Sternberg – 1930

Posté : 8 février, 2013 @ 2:34 dans 1930-1939, COOPER Gary, DIETRICH Marlene, VON STERNBERG Josef | Pas de commentaires »

Cœurs brûlés

Le plus beau des films de légionnaires, deuxième collaboration de Marlene Dietrich et Von Sternberg après L’Ange Bleu.

Ce qui frappe d’abord, c’est l’audace du film. Les deux personnages principaux, couple de légende joué par Marlene et Gary Cooper (faut-il une raison de plus pour se précipiter ?) ne sont pas seulement deux paumés, deux solitaires qui fuient un passé dont on ne connaît rien, et qui se croisent au Maroc, où elle est embauchée comme chanteuse de cabaret, et lui s’est engagé dans la Légion. Ce sont aussi deux êtres très libres, qui n’ont pas froid aux yeux.

Gary a visiblement couché avec la moitié des femmes de la ville, Marocaines et épouses d’officiers. Quant à Marlene, elle donne sa clé au beau soldat qu’elle vient juste de rencontrer, avec une idée on ne peut plus claire derrière la tête. Toute la première partie, comme ça, est d’une sensualité faite de non-dits, mais clairement perceptible. Le désir, la chair offerte… ont ici un arrière goût d’amertume, comme si le sexe était le dernier refuge d’êtres qui n’ont plus rien à attendre de la vie.

Sauf que, bien sûr, l’amour s’en mêle. Et si Morocco repose sur une histoire on ne peut plus classique, la manière dont Von Stroheim raconte cette romance est hors du commun. Attente, frustration, solitude, amertume… Ces deux-là semblent avoir tellement souffert par le passé qu’ils refusent de se laisser aller à leurs sentiments.

Le décor, superbe reconstitution d’un Maroc envoûtant et exotique, renforce ce sentiment de solitude. D’autant plus que chaque plan souligne le fait que nos personnages sont en terre étrangère, au milieu d’étrangers. Le scénario de Jules Furthman, et la mise en scène d’une infinie délicatesse, soulignent constamment le fait que ces deux amants incapables de se trouver, sont loin de leurs racines.

Von Stroheim filme par petites touches bouleversantes la naissance du trouble, puis de la passion. L’ultime scène, muette, est d’une beauté sidérante.

12
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr