Grosse fatigue – de Michel Blanc – 1994
Petit hommage à Michel Blanc, dont on peut affirmer qu’il faisait partie des figures attachantes incontournables du cinéma populaire français de ces dernières décennies, comme tous ses copains du Splendid. Pourtant, si attachant soit-il, je dois bien admettre qu’il a joué un rôle très très anecdotique dans ma cinéphilie. Quelques seconds rôles mis à part (dans Prêt-à-porter ou dans Les Grands Ducs), un seul de ses films m’a poussé à acheter un ticket de cinéma en trente-cinq ans de salles obscures.
C’était pour Grosse Fatigue, il y a donc tout juste trente ans. A l’époque, le film avait révélé un nouveau Michel Blanc, auteur ambitieux et original qui sortait de sa zone de confort avec une comédie nettement plus cynique et dérangeante que ses premiers succès. L’influence de Bertrand Blier sans doute, avec qui Blanc avait tourné Tenue de Soirée, et qui est crédité comme l’auteur de l’idée originale, pour un scénario coécrit par Blanc avec Josiane Balasko et Jacques Audiard.
Le revoir aujourd’hui confirme en partie les bonnes impressions laissées par le film lors de sa sortie en salles : le scénario tient la route, Michel Blanc se met en scène dans un double rôle (Michel Blanc lui-même, et son sosie) sans s’épargner, et Carole Bouquet est une Carole Bouquet réjouissante dans sa manière de jouer avec sa propre image. On peut raisonnablement être moins convaincu par la mise en scène, flottante et manquant de cohérence. Blanc n’est pas un grand formaliste, soit.
Grosse Fatigue, pourtant, tient la route, et reste percutant dans sa manière de représenter le vedettariat et ses revers, à travers l’enfer kafkaïen dans lequel sombre l’acteur Michel Blanc confronté à un sosie parfait qui, peu à peu, va prendre sa place et le mettre au ban de cette société qui l’adulait il y a peu. Derrière la comédie, acide et très cynique, Blanc dévoile une lucidité inattendue sur son propre statut. Avec le recul et à bien des égards, Grosse Fatigue représente le sommet de sa carrière.