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Archive pour la catégorie 'POWELL Michael'

Le Voyeur (Peeping Tom) – de Michael Powell – 1960

Posté : 22 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars européens, 1960-1969, POWELL Michael | Pas de commentaires »

Le Voyeur

1960 est une année évidemment très importante dans l’histoire du cinéma, ne serait-ce que parce qu’elle a vu l’avènement de la Nouvelle Vague. C’est aussi l’année où deux grands cinéastes anglais ont signé deux de leurs plus grands films, tous deux basés sur le destin de jeunes hommes étouffés par leurs géniteurs et dont l’Œdipe a fait des tueurs en série… et des figures mémorables du 7e Art. Mais si Hitchcock a obtenu d’emblée un triomphe populaire et critique avec Psychose, Michael Powell s’est lui heurté à un mur d’incompréhension avec son Peeping Tom.

Il a fallu du temps, et quelques ambassadeurs dithyrambiques dont la voix porte (Tavernier ici, Scorsese outre-Atlantique) pour réhabiliter le film, et toute la filmographie de Michael Powell. Le Voyeur, traduction française plus banale que le titre original, est un film aussi intense, et aussi maîtrisé que le chef d’œuvre d’Hitchcock. Impossible d’ailleurs de ne pas comparer les deux films, ne serait-ce que pour leurs personnages principaux (et le choix d’Anna Massey pour interpréter Susan, l’actrice devant renouer avec l’univers des tueurs en série quelques années plus tard pour Frenzy… devant la caméra d’Hitchcock).

Le traumatisme de l’enfance, la figure parentale castratrice, les difficiles rapports amoureux, la figure menaçante de la police, et surtout le langage cinématographique comme sujet même du film… Le Voyeur aurait sans doute pu être réalisé par Hitchcock lui-même. Michael Powell, toutefois, invente ici une forme nouvelle, gommant la frontière entre le regard de l’homme et celui de la caméra, glissant d’une vue subjective à une image plus classique.

Son « héros », Mark, jeune homme charmant mais rongé par le souvenir d’un père qui avait fait de lui un cobaye vivant, semble ne vivre qu’à travers la caméra qu’il ne quitte pas, et par laquelle il cherche à retrouver le sentiment de peur ultime qui était l’obsession de son père, et qui est devenue la sienne. Jusqu’à faire de sa caméra, ce prolongement de son œil et de son corps, un outil de mort, au sens premier du terme.

Dans sa forme et dans le fond, le film inspirera profondément (autant que le cinéma d’Hitchcock) le Brian De Palma de Blow Out ou Body Double. Michael Powell, avec une image aux couleurs vives et crues, aux antipodes du noir et blanc de Psycho, signe à la fois un modèle de thriller, flippant et émouvant dans le même mouvement, et un grand film quasi conceptuel, où chaque image, chaque association de plans, chaque mouvement de caméra, fait sens, dit quelque chose de la psyché de son héros malade.

Le film dit aussi beaucoup de la force des images, de la capacité qu’a le cinéma de prendre le dessus sur la vie. Le Voyeur n’est pas pour autant un film théorique. Michael Powell y réussit une série de séquences de meurtres particulièrement flippantes, toutes sur un modèle similaire, mais toutes complètement différentes, captant parfaitement l’apparition de la peur dans le regard de ses victimes… et provoquant la nôtre par la même occasion. Grand film.

49ème Parallèle (49th Parallel) – de Michael Powell – 1941

Posté : 5 novembre, 2013 @ 12:29 dans 1940-1949, POWELL Michael, PRESSBURGER Emeric | Pas de commentaires »

49ème Parallèle (49th Parallel) – de Michael Powell – 1941 dans 1940-1949 49eme-parallele

L’effort de guerre, à Hollywood, a donné lieu à quelques grands moments de cinéma. Ford et Htchcock ont signé des chef d’œuvre dans ce cadre a priori très contraignant. Michael Powell, avec son complice Emeric Pressburger, réalise le plus étonnant de tous les films de propagande : une sorte de dix petits nègres dont les « héros » sont des soldats allemands perdus au Canada après que leur sous-marin a été coulé par un avion anglais.

C’est l’idée de génie de ce film d’une intelligence rare : faire des ennemis les personnages principaux, sur une terre cosmopolite qu’ils traversent, tentant de gagner les Etats-Unis encore neutres, et croisant la route de communautés qui pensaient échapper aux horreurs de la guerre dans ces terres si éloignées du vieux continent.

Chacune de ces rencontres est une séquence quasi-autonome, portée par l’apparition aussi marquante que brève d’une vedette : un village de pêcheurs reculé donne un rôle inattendu de trappeur canadien à Laurence Olivier ; Leslie Howard est formidable en Anglais BCBG qui voit la guerre le rattraper quand il s’y attend le moins ; Raymond Massey est un soldat frustré de ne pas pouvoir combattre… Le groupe de Nazis croise également la route d’une communauté d’Allemands ayant fuit le régime hitlerien, et se retrouve confronté à la colère de d’une foule qu’ils ne comprennent pas.

Toutes ces personnes, toutes ces communautés, seront confrontées d’une manière ou d’une autre à la violence aveugle du nazisme, à cette idéologie qui nie toute individualité. C’est une manière fine et percutante de démonter tout ce qui fait le IIIème Reich, et de lui opposer les peuples libres, dans toutes leurs diversités.

Scénario hors du commun (récompensé par un Oscar), mise en scène magnifique (et montage de David Lean)… Même la musique, signée Ralph Vaughan Williams, est exceptionnelle. 49ème Parallèle, œuvre de commande, est un chef d’œuvre à placer au côté des grandes réussites du tandem Powell-Pressburger.

• Carlotta vient d’éditer le film dans un beau DVD. En bonus, notamment, un moyen métrage méconnu du tandem Powell-Pressburger : The Volunteer.

Le Narcisse noir (Black Narcissus) – de Michael Powell et Emeric Pressburger – 1947

Posté : 16 mars, 2012 @ 3:02 dans 1940-1949, POWELL Michael, PRESSBURGER Emeric | Pas de commentaires »

Le Narcisse noir

Une religieuse faisant sonner une immense cloche installée au sommet d’une falaise surplombant une vallée s’étalant à des dizaines de mètres en contrebas, coincée entre les premières montagnes de l’Himalaya… Cette image incroyable, filmée dans une plongée vertigineuse, est rentrée dans l’histoire du cinéma. Impressionnante, irréelle, constituée d’un mélange de décors réels et de toiles (magnifiquement) peintes, elle illustre parfaitement les sensations que ce film du génial tandem Powell/Pressburger fait naître chez le spectateur, comme une expérience sans précédent dans l’histoire du cinéma.

D’intrigue, il n’y en a pas vraiment. Tout juste une trame narrative qui montre un petit groupe de religieuses chargé de s’installer dans un ancien harem situé dans une région escarpée et isolée de l’Himalaya. Le tandem de cinéastes, alors dans une incroyable période d’inspiration (le film est tourné entre Une question de vie ou de mort, et Les Chaussons rouges), ne « raconte » pas, « n’explique » pas. Il plonge ses personnages, et ses spectateurs, dans un univers tellement différent de ce qu’ils connaissent, qu’il en devient irréel et parfois presque grotesque, à l’image de ce palais gigantesque et vide, de cet agent britannique débarquant en short sur un âne, ou de ces toiles peintes impressionnantes.

Le film est déstabilisant car il ne facilite pas la tâche. Il n’en est pas moins d’une immense beauté. Rarement des personnages auront gardé à ce point leur mystère, tout en dévoilant les fêlures d’une existence perdue. Car les religieuses chargées de faire revivre cet ancien lieu de débauche, à l’autre bout du monde (et presque dans un autre monde), n’ont rien de stéréotypes monolithiques totalement dévouées à Dieu. On devine chez elles une blessure secrète et des tourments que cet isolement total dans un milieu étranger et hostile, avec ce vent incessant et cet oxygène trop rare, ne fait qu’accentuer. Jusqu’aux portes de la folie.

Le personnage de Deborah Kerr (qui retrouvera un rôle de religieuse dix ans plus tard dans Dieu seul le sait, de John Huston) est le plus bouleversant de tous. Parce qu’elle est en apparence la plus froide des nouvelles locataires, et la plus dure. Mais que derrière ces yeux déterminés et inflexibles se cache, de plus en plus mal, une blessure on ne peut plus banale : une triste histoire d’amour même pas spectaculaire, qui a donné à sa vie un tournant inattendu. Mais aussi parce qu’on devine l’histoire d’amour qui aurait pu lier cette religieuse et l’agent britannique en poste sur place (David Farrar), alors qu’on sait qu’il n’y aura pas même l’ébauche d’un flirt.

Ce qui est vraiment beau dans ce film, bien plus que les paysages pourtant sublimes, c’est justement ce qui n’est pas. C’est la vie que ces religieuses n’ont pas eu. Ce sont les relations qu’elles ne sauront pas lier avec la population locale, les discussions qu’elles ne peuvent pas avoir à cause de la barrière de la langue. C’est la mission qu’on leur confie et qui n’a aucune chance d’aboutir. C’est l’univers qu’elles essaient de créer sans vraiment y croire. Et c’est cette romance qui aurait pu éclater dans une autre vie, sous d’autres cieux.

Le résultat est un film déroutant, fascinant, et sans illusion.

 

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