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Archive pour la catégorie 'ALLEN Woody'

Coup de chance – de Woody Allen – 2023

Posté : 3 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Coup de chance

Jusqu’alors, quand Woody Allen venait tourner en France, c’était par amour pour la culture française, et particulièrement pour Paris. Cela donnait Tout le monde dit I love you et Minuit à Paris, deux de ses films les plus magiques. Aujourd’hui, il ne faut pas trop se faire d’illusion : s’il a tourné Coup de chance à Paris (et en français, une première), c’est parce qu’il est tricard en Amérique.

Et on sent bien qu’il n’y a pas la conviction qu’on trouvait dans ses précédents films parisiens. D’ailleurs, le film se passe à Paris, mais il aurait tout aussi bien pu se passer à Londres, à New York, à Barcelone, ou dans toute autre ville correspondant à son univers. C’est-à-dire très privilégiée, et pour le coup assez hermétique aux petits soucis du quotidien.

Dans Coup de chance, l’héroïne interprétée par Lou de Laâge travaille pour une agence de vente aux enchères (de luxe bien sûr), sans passion. Et elle est mariée avec un homme très riche (Melvil Poupaud, qui commence à se faire une habitude des maris toxiques), dont le métier est de faire gagner encore plus d’argent à des gens très riches, et qui la considère comme une « femme-trophée » (je n’invente pas, le terme doit être utilisé une demi-douzaine de fois). Même pas envie d’évoquer l’appartement dans le cœur de Paris, qui doit faire 200 m2…

Mais son rêve de jeunesse n’était pas d’être une femme-trophée. Elle avait des goûts simples, des envies banales. Un peu comme cet ancien camarade (Niels Schneider) qu’elle croise par hasard, et avec qui elle entame une belle histoire d’amour adultère. Sans doute aussi parce qu’il lui rappelle la femme simple qu’elle fut.

Lui est allée au bout de ses rêves, parce qu’il est resté un homme simple : un écrivain qui vit la bohême. Ce qui est beau avec le métier d’écrivain, c’est qu’on peut écrire n’importe où : à New York, à Londres, à Paris… Je n’invente toujours pas : c’est ce qu’il dit, dans son appartement parisien mansardé à faire pâlir d’envie les plus grands hommes d’affaire. Bref, la notion d’argent n’a pas cours chez Woody Allen.

Ce n’est pas tout à fait nouveau, ni un cas unique dans le cinéma, mais cela créer tout de même une distance un peu gênante avec le spectateur lambda, si cinéphile soit-il, et si admirateur du cinéma d’Allen soit-il. Quand apparaît le personnage joué par Valérie Lemercier (la mère de l’héroïne), vaguement snob et très attachée à un certain standing, on se dit qu’il y a là le début d’une vision critique de cette débauche de luxe. Mais non.

Bien sûr, le personnage de Melvil Poupaud est odieux (et très caricatural), dans sa manière d’étaler non pas sa fortune, mais sa réussite (la femme-trophée, toujours). Mais la critique sociale cède vite la place à un thriller franchement déroutant, avec un rebondissement choc qui plonge le film dans quelque chose d’inattendu, mais qu’Allen filme avec un détachement, voire une légèreté pour le moins troublants.

A partir de là, c’est avec un regard dubitatif et distant qu’on suit la fin du film, convaincu que cette fois, Woody avait bien perdu son mojo. Peut-être à cause de cette petite musique liée à la langue que l’on ne retrouve pas en français. Peut-être à cause de la bande son, jazzy, qui semble collée sur les images au hasard. Peut-être aussi à cause d’un scénario peut-être écrit à la va-vite. Allez savoir…

Et puis le lendemain, et puis le surlendemain, et puis les jours suivants (j’écris cette chronique une dizaine de jours après avoir vu le film), cette histoire trotte dans la tête, au lieu de disparaître comme on le pensait à la sortie de la salle. Déroutant, mais finalement un peu marquant. Coup de manche mériterait une séance de rattrapage.

To Rome with love (id.) – de Woody Allen – 2012

Posté : 15 juillet, 2020 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

To Rome with love

Londres, Paris, Barcelone… Il ne manquait que Rome pour que Woody boucle son tour d’Europe de carte postale, avant de retourner requinqué aux Etats-Unis pour une série de chef-d’œuvre (qui commencera par Blue Jasmine).

Ce To Rome with love a par moments des allures de passage obligé, comme s’il se devait à l’Italie sans avoir grand-chose à y faire, finalement. Il opte donc pour une sorte de film chorale, où s’entrecroisent quatre intrigues indépendantes les unes des autres. D’où le mouvement général un peu branlant du film (plutôt inhabituel chez Woody), et surtout très inégal.

Lorsqu’il se met lui-même en scène, en metteur en scène à la retraite (forcément névrosé) qui décide de mettre à profit la voix du futur beau-père de sa fille, c’est du Woody plaisant, plein de bons mots. Un segment qui repose sur deux aspects. D’abord son propre personnage, dont on ne se lasse pas. Puis une idée qui est amusante deux secondes : le beau-papa en question ne sait vraiment chanter que quand il est sous la douche. Et non, Woody ne fait pas de miracle avec cette idée vaguement amusante.

Amusant aussi, le quiproquo qui anime un autre segment : un jeune homme fraîchement marié et franchement coincé doit faire passer une belle prostituée (Penelope Cruz) pour sa femme, tandis que cette dernière, toute innocente, découvre le frisson avec un célèbre acteur. Pas désagréable, mais une sérieuse impression de déjà-vu.

Quant à Roberto Benigni, son segment est carrément gênant, pauvre réflexion digne d’un enfant de 10 ans autour de la célébrité. Que ces scènes soient absurdes et pathétiques n’est pas si problématique que ça. Qu’elles soient si paresseuses et si bancales l’est davantage.

Heureusement, il y a l’histoire de cet architecte américain quinquagénaire, qui se balade sur les lieux où il a vécu trente ans plus tôt, et qui revit avec son double juvénile l’histoire d’amour qui l’a tellement marqué. Alec Baldwin est formidable face à son double Jesse Eisenberg, dialogue brillant et doux-amer d’où filtre une émotion intense, entre tendresse et nostalgie.

Ce segment-là est du niveau des meilleurs films de Woody Allen. Dommage qu’il n’en est pas fait le cœur unique de ce To Rome with love.

Un jour de pluie à New York (A rainy day in New York) – de Woody Allen – 2018/2019

Posté : 19 octobre, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Un jour de pluie à New York

Il y a plusieurs choses dans ce Woody Allen cuvée 2018-2019. D’abord, comme souvent (voire toujours) cette capacité à se renouveler film après film, tout en déclinant à l’envi les mêmes thèmes. Et on est bel et bien en terrain connu dans cet opus new-yorkais mettant en scène un nouvel avatar du cinéaste lui-même, bourgeois cinéphile en décalage avec les attentes de sa « classe ».

Dans le rôle, le jeune Timothée Chalamet s’en tire bien, réussissant l’essentiel : garder son style, sa personnalité, pour un personnage qui est, comme tant d’autres depuis que Woody se fait rare devant la caméra, une version rajeunie du réalisateur. Et il n’y a pas que les dialogues, forcément drôles et brillants, pour le rappeler : une intonation, un mouvement de la main… quelques détails comme ça évoquent furieusement le maître, mais le regard las de Chalamet fait des merveilles, apportant un décalage étrangement mélancolique au film.

Tant qu’on est dans les interprétations, saluons tout de suite celle d’Elle Fanning, merveilleuse en gamine émerveillée, un rien nunuche et pas si naïve, carrément géniale lorsqu’elle perd soudain tous ses moyens face à une star très entreprenante (Diego Luna, très bien itou). Sa fraîcheur fait des merveilles face à d’aussi bons acteurs que Liev Schreiber (toujours formidable, dans le rôle d’un cinéaste en pleine crise de confiance) ou Jude Law (en scénariste en pleine crise conjugale).

Après le sombre et amer Wonder Wheel, Woody Allen signe un film étonnamment juvénile, grâce à ses deux interprètes principaux bien sûr, mais aussi par sa manière de mettre en scène la découverte de la « magie new-yorkaise », comme un hommage constant aux grands classiques américains, Elle et lui en tête.

Woody n’a rien perdu de sa maîtrise, de sa fluidité légendaire, ni de son sens unique du dialogue et de la situation. Mais ce film-là surprend par son optimisme, sa légèreté et son désir de rendre la vie aussi belle que le cinéma. Même si tout ça est teinté d’une conscience du temps qui passe, et d’une touchante tendresse pour les « accidentés de la vie ». Le face-à-face entre le jeune Gatsby et sa mère est ainsi l’une des plus belles que Woody nous ait offert ces dernières années.

Nuits de Chine (Don’t drink the water) – de Woody Allen – 1994

Posté : 4 avril, 2019 @ 8:00 dans 1990-1999, ALLEN Woody, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Don't drink the water

« Yes it’s a crise, but so far it is our own private crise. »

Entre Coups de feu sur Broadway et Maudite Aphrodite, Woody Allen s’offre une sorte de récréation, un petit extra qui vient s’ajouter à sa production annuelle : ce téléfilm adapté de l’une de ses pièces à succès, qui avait d’ailleurs déjà été portée à l’écran en 1969, avec Jackie Gleason dans le rôle principal. Comme si, vingt-cinq ans plus tard, il avait voulu se réapproprier son œuvre.

« I wasn’t undecided, I just couldn’t make a decision. »

Bon, il le fait quand même sans trop se fouler. Ce téléfilm plein de folie est certes souvent très drôle et mené à un rythme d’enfer, mais il n’a pas l’élégance des productions habituelles d’Allen. Une réalisation un peu plan plan qui cantonne ce Don’t drink the water à son statut de sympathique curiosité.

« My daughter Susan… She was a cesarian. »

Woody Allen y interprète lui-même le rôle d’un touriste américain obligé de se réfugier avec sa famille dans l’ambassade à Moscou, les services secrets russes le prenant pour un espion après qu’il a photographié des monuments de la capitale. C’est que l’action se déroule dans les années 60, en pleine guerre froide (étonnant d’ailleurs que Crisis in six scenes, l’autre incursion de Woody Allen sur le petit écran, se déroule à la même époque).

« How could he be not romantic ? He’s a skin doctor. »

On ne sort qu’à de très rares occasions de cette ambassade, héritage théâtral oblige. Et les personnages y défilent, tous plus dingues les uns que les autres. Parmi eux : un apprenti magicien (Dom De Luise, en roue libre et un peu fatiguant) coincé là depuis six ans. En l’absence de son père, c’est le fils de l’ambassadeur qui tente maladroitement de canaliser toute cette énergie. Il est interprété par un Michael J. Fox très à son aise dans cet univers allenien.

« Why do you have to pick up strange objects ? – That’s how we met. »

Comme toujours chez Woody Allen, les répliques fusent, et font souvent mouches. C’est un peu vain sans doute, c’est très mineur pour sûr, mais ça se voit avec un vrai plaisir, comme un petit bonus dans la filmographie du grand Woody.

« I’m married, I’m not an escaper. »

Crisis in six scenes (id.) – de Woody Allen – 2016

Posté : 29 mars, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Crisis in six scenes

C’était l’époque où tout allait bien entre Woody Allen et Amazon. Une époque lointaine : 2016, alors que tout souriait au jeune octogénaire, qui enchaînait les réussites (artistiques et commerciales) à son rythme immuable d’un film par an. Cette année-là, le cinéaste entame une collaboration qui s’annonce fructueuse avec la plateforme, qui distribue son Café Society et le convainc de réaliser pour elle sa première série télé.

Un projet forcément excitant, pour lequel Woody Allen a toute liberté de faire ce qu’il veut. Le résultat est du pur Woody Allen, mais laisse quelque peu dubitatif. A vrai dire, Crisis in six scenes a tout du rendez-vous manqué, ou de la fausse bonne idée. Une série ? Ce projet en a vaguement la forme : six épisodes (d’une bonne vingtaine de minutes chacun), avec à chaque fois une dernière image ou une dernière réplique qui fait timidement office de cliffhanger…

Visiblement pas passionné par ce nouveau langage que représente pour lui la série télé, avec toutes les opportunités que cela peut lui offrir, Woody Allen fait ce qu’il fait depuis des décennies, et comme il l’aurait fait pour le cinéma, si ce n’est qu’il s’agit d’une œuvre de commande… et du plus long de ses longs métrages, avec ses quelques 2h15 pas si bien remplies que ça, et surtout pas si originales que ça.

On l’attendait en liberté, on l’espérait en mode expérimental, et voilà qu’on le trouve en terrain connu et archi-balisé. Woody Allen lui-même, donc, en écrivain raté, casanier et hypocondriaque, dont la vie bien ordonnée va être bouleversée par l’arrivée d’une jeune révolutionnaire recherchée par la police (Miley Cyrus): la jeune femme va révéler les personnalités cachées de son épouse (Elaine May, très bien), sexologue pour couples en crises avec une tendance fort prononcée pour le vin blanc, et leur protégé, fils de bonne famille destiné à une carrière dans la finance.

Un détail qui n’en est pas un : l’histoire se déroule durant les années 60, une époque de grande turbulence aux Etats-Unis. Confronter le personnage si familier et si immuable de Woody Allen à ces bouleversements qui affectent directement sa routine (jusqu’à une dernière séquence bordélique et réjouissante) est la meilleure idée du film. Pardon, de la série.

C’est un Woody Allen sans grande surprise, donc, qui rappelle par bien des aspects ses films les plus paresseux des années 90. Mais même en mode mineur, on retrouve l’élégance de sa mise en scène et son sens du dialogue tout de même génial : « We can build on guacamole », lance ainsi Elaine May à un couple que rien ou presque ne rapproche… Et puis Woody n’avait plus tenu le rôle principal d’un de ses films depuis près de quinze ans (Hollywood Ending). Et vu ses problèmes actuels, ce pourrait bien être son dernier rôle…

Minuit à Paris (Midnight in Paris) – de Woody Allen – 2011

Posté : 20 décembre, 2018 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Minuit à Paris

La tournée européenne de Woody Allen se poursuit à Paris, avec une nouvelle fournée d’images de cartes postales qui devraient être insupportables, et qui se révèlent tout simplement magiques. Qui d’autre que lui aurait pu rendre si belles de telles images fantasmées d’un Paris romantique à l’excès ? Il faut dire que, que ce soit à Londres, Barcelone ou Paris, Woody Allen n’a jamais prétendu être autre chose que ce qu’il est : un Américain fortuné et privilégié, qui découvre une ville étrangère avec les yeux d’un Américain fortuné et privilégié.

Ce parti-pris est particulièrement beau dans ce film, dont le personnage principal fantasme une certaine vision figée dans le passé d’une ville dont il ne connaît finalement que les grandes figures mythiques. Ce personnage, nouvel alter ego de Woody (l’un des meilleurs), c’est Owen Wilson : un apprenti romancier (forcément) dont le rêve se réalise lorsque, chaque soir après minuit, une voiture avec chauffeur l’emmène au cœur du Paris des années 20.

Là, dans ce Paris fantasmé, tous ceux qu’il croise sont des mythes de son panthéon personnel : Scott Fitzgerald et sa femme Zelda, Ernest Hemingway, Pablo Picasso, Salvador Dali et tant d’autres qui semblent constituer toute la population de ce Paris-là. Rien d’étonnant : ce voyage dans le temps est une mise en image de sa vision de Paris, tellement plus belle et romantique que le Paris qu’il fréquente vraiment, peuplé d’une fiancée belle mais odieuse (Rachel McAdams) et d’Américains mesquins ou pédants.

Woody Allen utilise le fantastique pour mieux témoigner des beautés changeantes et pourtant immuables de la ville. Bien sûr, on est aux antipodes du Paris de Frantic par exemple, nettement plus ancré dans la réalité. Mais Woody Allen, plus que jamais, se moque des contraintes de la réalité. Ce sont les sentiments qui le motivent, et le plaisir, gourmand, de confronter ses propres fantasmes, ses propres rêves, à que l’on accepte malgré tout.

Minuit à Paris est une déclaration d’amour à Paris ? C’est aussi un magnifique conte philosophique qui invite à réaliser ses rêves. Un film initiatique, presque, et une merveilleuse virée romantique et pleine de surprises, menée par un casting assez impressionnant, de Marion Cotillard à Adrien Brody en passant par Kathy Bates, Léa Seydoux et, même, Gad Elmaleh et Carla Bruni. Du grand Woody, léger, bienveillant et euphorisant.

Wonder Wheel (id.) – de Woody Allen – 2017

Posté : 8 avril, 2018 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Wonder Wheel

C’est tout Woody, ça, ce talent pour nous embarquer dans son univers en nous faisant oublier l’impression de déjà-vu, voire même de facilité, qui nous éfleure dans les premières minutes. Le décor (Coney Island), l’époque (les années 50), le narrateur (Woody lui-même autrefois, Justin Timberlake aujourd’hui, mais c’est tout comme), l’éternel chassé-croisé amoureux… Oui, on est en terrain connu. Mais qu’importe, ou plutôt tant mieux d’ailleurs : ce qu’on aime avant tout chez lui, c’est cette petite musique à la fois familière (et confortable, d’une certaine manière) et bousculante.

Et c’est particulièrement vrai avec ce Wonder Wheel, film ambitieux (la reconstitution est belle, les figurants inhabituellement nombreux) et sans doute très personnel. On peut d’ailleurs souligner qu’il a le sens du timing, lui qui nous sort son film qui évoque plus qu’aucun autre sa propre situation amoureuse (rappelons qu’il a épousé la fille adoptive de son ex-compagne, Mia Farrow) alors qu’il se retrouve accusé d’abus sexuels sur sa propre fille adoptive.

Forcément, ce contexte porte une lumière sur ce film. Parce qu’il est question d’un homme qui a une aventure avec une quadragénaire, avant de tomber amoureux de la belle-fille de cette dernière. Mais rien de sulfureux pour autant, les contempteurs de Woody Allen peuvent y aller les yeux fermés.

Ce qui serait d’ailleurs une ânerie, surtout que ce film-ci est, visuellement, l’un des plus beaux de son auteur. La photographie de Vittorio Storaro (directeur de la photo de Bertolucci, mais aussi du Coppola d’Apocalypse Now) est somptueuse, alternance de lumières chaudes et de teintes grises qui épousent parfaitement, parfois à l’intérieur d’une même scène, les états d’âmes des personnages, particulièrement de Kate Winslet.

Et ils sont changeants, ses états d’âmes, elle qui trouve un rôle superbe ici, dans la lignée de la Cate Blanchett de Blue Jasmine. Wonder Wheel est clairement dans cette lignée : le portrait d’une femme hantée par son passé et par ses échecs, et qui se raccroche avec l’énergie du désespoir à son dernier espoir de rédemption, qui prend les allures d’un beau sauveteur et apprenti écrivain (Justin Timberlake, excellent).

Ajoutez à ça un mari beauf et parfois violent mais aussi extraordinairement humain (James Belushi, exceptionnel dans ce qui est sans doute son meilleur rôle), et sa fille faussement ingénue (Juno Temple, parfaite itou), et vous avez le quatuor maudit d’une tragédie déchirante et fascinante, à laquelle la petite musique de Woody, si familière, donne une dimension intime absolument bouleversante.

Quant à Kate Winslet, eh bien elle est tout simplement prodigieuse, femme détruite qui semble gagner ou perdre 10 ans selon la scène, dont le regard oscille constamment entre la détresse et l’attente, avec ce grain de folie que l’on sent prêt à grandir et à tout recouvrir.

Après la légèreté de Café Society, Woody Allen revient à sa veine la plus sombre avec Wonder Wheel. Et ça lui va tout aussi bien.

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (You will meet a tall dark stranger) – de Woody Allen – 2010

Posté : 19 janvier, 2018 @ 8:00 dans 2010-2019, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

C’est la marque des grands, ça : on voit ce film en se disant que c’est un Woody Allen « dans la norme », presque banal finalement. Et pourtant, on se laisse entraîner d’emblée par le charme de cette petite chose sans prétention, et c’est tellement supérieur à à peu près tout ce qui se fait par ailleurs. La musique, la voix off, le montage fait de flash-backs et d’allers-retours d’un personnage à l’autre… On est en terrain connu, mais tout ça est formidablement maîtrisé, et donne au film un rythme absolument irrésistible.

Et puis il a beau paraître tout léger, ce Woody Allen-là, le destin de ces deux couples de générations différentes qui se séparent en pensant trouver le bonheur ailleurs est teinté d’une amertume inhabituelle. Avec un vrai pessimisme, aussi : des quatre protagonistes principaux, ce n’est pas celui/celle que l’on attend qui saura trouver un vrai nouveau départ.

Entre tristesse (Naomi Watts, qui se rêve un amour qui n’existe pas), cynisme (Josh Brolin qui se perd dans un terrible mensonge), pathétique (Anthony Hopkins qui fait rire jaune avec sa fiancée achetée pas si bon marché), et frappadingue (Gemma Jones qui prend toutes ses décisions en s’appuyant sur sa diseuse d’avenir), c’est une belle brochette de paumés que filme Woody.

Finalement, derrière la comédie, enlevée et souvent très drôle, c’est un immense gâchis qu’il montre : le chant des sirènes peut être très cruel…

Whatever works (id.) – de Woody Allen – 2009

Posté : 3 mai, 2017 @ 8:00 dans 2000-2009, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Whatever works

Le plus New-Yorkais des cinéastes américains a tourné tous ses films en Europe entre 2004 et 2012, à une exception près : ce Whatever works, qui marque ses retrouvailles avec « sa » ville, et avec un ton qui rappelle ses grands classiques d’hier, ces films dont il tenait immanquablement le premier rôle avec cet éternel personnage d’angoissé insatisfait aux aphorismes irrésistibles.

Les premières minutes de Whatever works sont d’ailleurs un peu déstabilisantes. Parce que ce personnage de génie vieillissant et trop lucide ressemble furieusement à celui qu’il a incarné si souvent. Et que pour une fois, ce n’est pas lui qui est à l’écran, mais Larry David, homme de télévision très célèbre en Amérique, moins chez nous. Généralement, Woody Allen ne filmait des alter-egos que lorsqu’il était touché par la limite d’âge (comme Kenneth Branagh dans Celebrity). Ce n’est pas le cas ici, et l’envie d’entendre Woody débiter lui-même ces répliques sarcastiques est forte…

Et puis Larry David, qui paraissait d’abord singeait Woody, finit par s’imposer. Et son personnage par révéler sa singularité. Oui, il y a des similarités avec le traditionnel personnage allenien. Mais Boris Yellinikoff a sa propre singularité, une manière toute personnelle d’affronter les pires aspects de la vie, de se préparer constamment pour son issue tragique, et grosso-modo de mépriser le monde entier, y compris de jeunes enfants à qui il enseigne les échecs avec un mépris pas même dissimulé… et du coup à mourir de rire.

Boris est un homme volontiers méchant, mais dont le refus de se plier aux conventions sociales finit par éveiller ceux qui l’entourent à eux-mêmes. Et c’est tout le sujet de ce film faussement cynique, et profondément optimiste d’une manière inattendue : la manière dont chacun trouve sa place, la nécessité de tirer un trait sur ce que l’on croit être la vérité pour découvrir sa propre vérité.

Ce qui est beau dans Whatever works, c’est la manière dont Woody Allen amène l’émotion dans des moments de pure comédie où le cynisme semble dominer. Derrière le rictus trop détaché de Larry David, il y a une fêlure, une solitude, et un besoin de l’autre qui ne sont jamais clairement reconnus.

Et derrière ces couples (ou trios) qui se font ou se défont, aussi improbables qu’ils puissent être (un sexagénaire et une jeune femme qui pourrait être sa petite-fille, un catho réac qui découvre son homosexualité, une quinqua coincée qui se lance dans un ménage à trois), Woody fait montre d’une foi en l’être humain et d’un optimisme qu’on ne lui avait plus vus depuis longtemps, avec une propension au bonheur assez inattendue chez lui.

Vicky Cristina Barcelona (id.) – de Woody Allen – 2008

Posté : 7 juillet, 2016 @ 8:00 dans 2000-2009, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Vicky Cristina Barcelona

Woody continue son tour d’Europe avec cette nouvelle carte postale, envoyée cette fois de Catalogne. Point de meurtrier à l’horizon, cette fois : si l’Angleterre poussait le réalisateur au crime, l’Espagne réveille plutôt son âme romantique, teintée de libertinage. Mais la manière de filmer le pays reste, comme pour ceux tournés à Londres ou à Paris, clairement celle d’un Américain.

On a donc droit à une visite en règle de la capitale catalane, avec dialogue au pied de la fameuse Salamandre du parc Gaudi. Caricatural ? Un peu, sans doute, mais cette vision touristique tient aussi à la nature des personnages : deux touristes américaines (riches et artistes, bien sûr) qui viennent passer un été en Espagne. Une sorte de luxueux film de vacances, donc.

C’est, paradoxalement, la force du film : Woody filme une parenthèse. Inoubliable, certes, mais sans grande conséquence pour ces deux jeunes femmes qui repartiront à la fin de l’été et retrouveront leurs vies dans le même état qu’elles les avaient laissées en partant. Elles-mêmes, quand même, auront appris au passage quelques petites choses sur la vie et sur elles. Un été comme tant d’autres, finalement.

Pas plus d’originalité du côté des personnages. Les deux amies américaines sont aussi belles que différentes (la blonde et libre Scarlett Johansson, la brune et plus coincée Rebecca Hall), l’Espagnol qui les fait chavirer est un artiste à la sexualité éclatante (Javier Bardem, animal), et son ancienne femme est une hystérique exubérante (Penelope Cruz). De purs stéréotypes.

Mais alors, d’où vient de charme immense du film ? Des acteurs, justement ; mais aussi des décors trop beaux pour être vrais, de la lumière chaude, de ce sentiment de liberté omniprésent, et surtout de ces petits riens qui dérangent les certitudes de tous ces personnages qui se croisent, s’aiment, s’enrichissent et se bousculent. Vicky Cristina Barcelona est une petite chose sans conséquence ? C’est justement ce qui fait son charme.

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