Play it again, Sam

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Archive pour la catégorie '1990-1999'

Un flic à la maternelle (Kindergarten Cop) – d’Ivan Reitman – 1990

Posté : 26 juillet, 2025 @ 8:00 dans 1990-1999, ACTION US (1980-…), REITMAN Ivan | Pas de commentaires »

Un flic à la maternelle

Nouvelle (petite) madeleine de cette année 1990 si fondatrice pour ma cinéphilie. Cette année-là, il y a eu Danse Avec Les Loups, Le Parrain 3, Les Affranchis, A la poursuite d’Octobre Rouge, et beaucoup d’autres plus ou moins mémorables. Alors pourquoi pas Un flic à la maternelle, deuxième incartade d’un Schwarzenegger au sommet (il allait enchaîner avec Terminator 2) dans la comédie, avec son réalisateur attitré du genre, Ivan Reitman (les deux hommes ont déjà tourné ensemble Jumeaux, et se retrouveront pour Junior).

Reitman n’est pas le plus emballant des réalisateurs, mais c’est un malin qui sait dénicher les concepts forts. Dans les trois films qu’ils ont fait ensemble, il utilise le physique hors normes de Schwarzie pour faire naître l’humour. Dans Un flic à la maternelle, tout est dans le titre, et il n’y a effectivement rien d’autre à chercher : tout repose sur le contraste entre les petits monstres de 6 ans et celui que le (trop long) prologue a permis de cataloguer comme un super flic aux méthodes très brutales.

Qui se transformera très, très vite en un enseignant très clean, fantasme immédiat de toutes les mères célibataires de l’école. Le pourquoi de cette transformation importe peu, mais en quelques mots : pour démasquer l’ex-compagne d’un criminel, le flic doit infiltrer l’école dans laquelle il sait que leur fils est scolarisé. Hautement improbable, mais qu’importe : le film n’est pas très à cheval sur la plausibilité, et ce n’est pas le sujet.

On pourrait tiquer aussi sur la morale ébauchée par la métamorphose que l’on devine durable du héros : une vague apologie de la discipline et de l’effort physique, qui magnifie la violence libératrice et s’amuse de remarques un rien homophobes. Tiquer aussi devant les regards énamourés at first sight de Penelope Ann Miller, actrice qui a eu des rôles nettement plus gratifiants (L’Impasse de De Palma)…

Ou on peut prendre ça au troisième degré et tenter de retrouver son âme de tout jeune ado, et s’amuser de voir Schwarzenegger malmené comme rarement par une classe de maternelle. Et se dire que c’est une petite chose plutôt sympathique, qui garde un certain charme, trente-cinq ans après. Au moins en tant que madeleine.

La Manière forte (The Hard Way) – de John Badham – 1991

Posté : 13 juillet, 2025 @ 8:00 dans 1990-1999, ACTION US (1980-…), BADHAM John | Pas de commentaires »

La Manière forte

On ne dira pas que ce blog n’est pas éclectique : passer de Yasujiro Ozu à John Badham, quand même… Eh bien, passer de l’un à l’autre, ou plutôt de l’autre l’un, c’est faire un bon de 35 ans dans le parcours cinéphilique de votre serviteur. Avant de considérer le réalisateur des Sœurs Munakata comme le plus grand cinéaste de tous les temps, il fut un temps, justement, où Badham était l’un des noms les plus stimulants pour moi.

Quelques décennies plus tard, lui semble être resté coincé dans cette période de la fin des années 80 et du début des années 90, durant laquelle il a signé quelques-uns de ses films les plus marquants (du Prix de l’Exploit à Meurtre en suspens en passant par Comme un oiseau sur la branche et quelques autres), période que sa postérité n’a pas vraiment dépassé : que reste-t-il de lui aujourd’hui, si ce n’est son nom à l’affiche de La Fièvre du samedi soir ?

C’est un peu injuste, parce que Badham, qui m’impressionnait alors par la générosité et l’inventivité de sa mise en scène, n’est certes pas un auteur majeur, mais il est effectivement un artisan très efficace, dont le cinéma est généreux, souvent bien au-delà de ce qu’on attend d’un réalisateur de sa stature. Il y a du rythme dans ses films, mais aussi un petit grain de folie, des cadrages hyper dynamiques, et mine de rien un vrai style toujours au service de l’efficacité.

La Manière forte est un exemple aussi bon qu’un autre. Michael J. Fox, tout juste sorti de Retour vers le Futur, incarne une star hollywoodienne qui s’incruste dans le quotidien d’un flic dur à cuire joué par James Woods, pour s’imprégner de sa personnalité dans l’espoir de décrocher le rôle qui va changer son image trop lisse…

Ou comment, quelques années avant Last Action Hero, s’emparer des codes du buddy movie traditionnel pour les détourner, s’en amuser… tout en les respectant. Apposer un genre à un film est souvent très réducteur. La Manière forte est, très clairement, une comédie policière. Une comédie, et un film policier, donc. Vrai flic (Woods joue heavy très premier degré), vraie enquête, vrai tueur en série (Stephen Lang, futur méchant d’Avatar), vrai suspense.

Et au milieu de ce film tourné comme un polar noir : la star, Michael J. Fox, comme sorti d’un autre film, dont la seule présence sert de contrepoint jubilatoire au côté sombre de l’histoire et de l’enquêteur. Comédie, et polar, ou ni vraiment l’un, ni vraiment l’autre. En tout cas, un pur Badham dans le ton, qui repose peut-être sur cette capacité à garder une ligne claire et une certaine légèreté, dans un environnement sombre.

Ce qui n’est pas une analyse en profondeur de l’œuvre de Badham : plutôt une vision rétrospective de ce qui m’a tant plu chez ce réalisateur oublié. Il n’est ni Ozu, ni même McTiernan, mais un réalisateur populaire de second plan qui gagnerait à être redécouvert, qui mérite mieux en tout cas que l’oubli dans lequel il est très vite tombé, et que d’autres réalisateurs de la même trempe mais moins méritants (Richard Donner par exemple) n’ont pas subi.

Face à face (Knight moves) – de Carl Schenkel – 1992

Posté : 12 mai, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, SCHENKEL Carl | Pas de commentaires »

Face à face

Le tueur en série qui répond à une logique très personnelle, et originale… Il y en a eu un paquet dans le cinéma américain depuis le début des années 90 (en gros depuis le succès du Silence des Agneaux). Parfois pour le meilleur (les pêchés capitaux de Seven), parfois pour le pire (Hangman et… son jeu du pendu). Face à face, avec sa partie d’échecs macabre, se situe, disons, dans une moyenne acceptable.

Il m’avait même assez emballé à sa sortie. Mais j’étais jeune, pas exigeant, et fan de Christophe Lambert, alors… Depuis, je suis devenu moins jeune, sans doute plus exigeant, et j’ai découvert avec effroi que Christophe Lambert était un acteur désastreux. Charismatique et cool quand il est bien utilisé, mais mauvais quand il s’agit de jouer quoi que ce soit.

Et là, il faut bien admettre qu’il est le principal défaut de ce thriller plutôt malin et efficace, dont certains passages clés sont gâchés par son incapacité absolue à passer d’une émotion à l’autre. Et puis son éternel regard de myope ne peut pas tout. Difficile de voir en lui le grand champion d’échecs qu’il est censé incarner. Oui, c’est dur, mais on est toujours plus dur avec ses idoles d’hier…

Bon. Une fois passée cette prise de conscience, le duo-couple qu’il forme avec Diane Lane, sa compagne d’alors (autrement plus convaincante) fonctionne plutôt bien. Et il y a l’impeccable Tom Skerritt, dont l’autorité naturelle fait des merveilles (et compense la présence très bovine de Daniel Baldwin, pas le plus enthousiasmant des frangins).

Et puis Carl Schenkel fait le job. Avec les effets grandiloquents en vogue à l’époque, et sans génie. Mais avec une vraie efficacité, qui suffit à maintenir la tension, et à se souvenir que, oui, à sa sortie, ce thriller m’avait emballé.

Summer Of Sam (id.) – de Spike Lee – 1999

Posté : 19 avril, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, LEE Spike | Pas de commentaires »

Summer of Sam

L’été 1977, un tueur en série a sévi dans le Bronx, abattant des jeunes femmes dans la rue. Longtemps, l’enquête de la police a piétiné, laissant la porte ouverte à toutes les spéculations tandis que les crimes continuaient. Spike Lee aurait-il signé un Zodiac avant l’heure ? Il y a des points communs bien sûr, jusque dans la manière dont Fincher filmera les meurtres dans son film, quelques années plus tard. Mais ce fait divers (authentique) n’est au fond que le fil conducteur du film de Lee.

Le tueur se faisait appeler Son Of Sam. Mais c’est Summer Of Sam que Spike Lee choisit pour titre. Parce que le vrai sujet de son film, c’est cet été caniculaire, et la violence qui l’a secoué, au-delà même de la vague de meurtres. Lee filme la communauté italo-américaine du Bronx comme il a surtout filmé la communauté afro-américaine de Brooklyn notamment, jusque là, en nous y plongeant viscéralement, filmant la fièvre de ses nuits et de ses journées surchauffées.

Un film sur la chaleur et ses effets : voilà ce qu’est Summer Of Sam, à travers les parcours croisés d’une poignée de personnages dont les destinées sont troublées par ce mystérieux tueur dont la présence invisible fait office de catalyseur. Une poignée de jeunes gens, à moitié paumés, à moitié délinquants, dont on sent que leur semblant d’équilibre ne sortira pas indemne de cet été brûlant et irréel.

Dans le rôle central de Vinnie, John Leguizamo trouve l’un de ses meilleurs rôles, queutard impénitent incapable de rester fidèle à sa femme (Mira Survino, elle aussi formidable), qu’il aime pourtant profondément, et qui l’aime en retour, prête pour lui à entrer dans ses zones d’ombre. Et il y a Adrien Brody, tout jeune et d’une justesse parfaite, dans le rôle de Richie, le punk borderline dont le look et le mode de vie font un suspect idéal dans cette communauté qui semble sortie de Goodfellas.

Spike Lee s’offre le petit rôle très ironique d’un journaliste télé à qui une habitante de Brooklyn lance qu’elle pensait de lui qu’il n’aimait pas les noirs. Il signe surtout une mise en scène particulièrement inspirée et immersive, avec ces pas de côté formels dont il a le secret. Un film fascinant dont New York est, encore et toujours, le personnage principal. Cette ville qu’on aime et qu’on déteste avec la même puissance, comme le souligne celui qui introduit et qui referme cette histoire parmi tant d’autres.

L’Anglais (The Limey) – de Steven Soderbergh – 1999

Posté : 14 avril, 2025 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, SODERBERGH Steven | Pas de commentaires »

L'Anglais

Quand Soderbergh s’attaque au film de genre, il y a toujours ce petit truc qui fait du film quelque chose d’un peu différent. Souvent de manière imperceptible. Qu’il s’attaque à un géant du roman noir (Elmore Leonard pour Hors d’atteinte), ou à un classique du film noir (son remake de Criss Cross), le projet repose toujours sur une vision de la narration.

Dans The Limey, cette vision frappe en quelques secondes : un étonnant montage qui fait se succéder les plans de différentes temporalités. Passé, présent, futur, souvenirs, prescience ou fantasmes… Soderbergh fait se superposer des images qui se répondent, s’annoncent, se révèlent. Il découle de ce parti-pris esthétique une ambiance étonnante, à la fois implacable et désabusée. Comme si tout était déjà joué.

C’est d’ailleurs un peu le cas. L’Anglais du titre, c’est Terence Stamp, ressuscité à la fin de cette décennie 90s, qui incarne un père tout juste sorti de prison en Angleterre, qui débarque à Los Angeles pour venger la mort de sa fille, dont il ne sait même pas si sa mort est criminelle.

Ce rôle de père aurait pu être interprété par Michael Caine dans un film anglais des années 60. Ou pas Lee Marvin aux Etats-Unis. Ici, c’est Stamp, dont Soderbergh utilise des images de jeunesse tirées du film Poor Cow, de Ken Loach.

Parce que mine de rien, les 60s sont omniprésentes dans ce film contemporain. A travers le personnage de Stamp, décalé et comme sorti d’une autre époque. Et celui de Peter Fonda, le « méchant » du film, filmé avec son aura post-Easy Rider par un Soderbergh qui ne l’a pas choisi par hasard.

Il y a beaucoup de 60s, par ce qu’elles trimballent d’un paradis perdu : l’innocence d’une jeunesse volatilisée, happée par une usine à rêve qui dévore tout. Dans ce décor là, la marche morbide d’un Stamp vengeur semble absurde, coupée du monde. Et curieusement, c’est très beau.

Une histoire vraie (The Straight Story) – de David Lynch – 1999

Posté : 27 mars, 2025 @ 8:00 dans 1990-1999, LYNCH David | Pas de commentaires »

Une histoire vraie

Entre deux chefs d’œuvre labyrinthiques et cauchemardesques (Lost Highway et Mulholland Drive), Lynch signe son film le plus simple, le plus direct, le plus solaire, et pas le moins surprenant.

Inspiré d’une histoire vraie, The Straight Story raconte l’histoire d’Alvin Straight, un vieil homme malade et mal en point, qui décide de traverser tout un Etat sur un tracteur-tondeuse, pour aller voir son frère, avec lequel il est en froid depuis dix ans, et qui vient de faire une attaque…

Au début de son périple, un plan fixe sur la bande jaune au milieu de la route qui défile au rythme de l’avancée d’Alvin… au pas donc, ou presque. Un plan, comme un clin d’œil évident et ironique au précédent film de Lynch, Lost Highway. Même image, rythme radicalement différent. Comme si Lynch souriait lui-même de l’aventure dans laquelle il se lance.

C’est aussi une plongée inhabituelle dans une Amérique profonde et rurale, qu’incarne merveilleusement Richard Farnsworth, ancien cascadeur, shérif remarqué de Misery. Au naturel, filmé souvent en gros plan et sans fard, le regard brillant et la moustache qui vivre, il est touchant, bouleversant même, souvent, au fil de ses rencontres et de ses souvenirs de vieil homme qui sait vivre sa dernière aventure.

Le cinéma de Lynch est souvent un voyage mental dans la psyché de ses personnages. The Straight Story ne fait pas exception. Rythmé par les rencontres successives d’Alvin, tantôt émouvantes, tantôt amusantes, ou burlesques, ce voyage est aussi un voyage intérieur pour le vieil homme, confronté à ses souvenirs, à ses fantômes, et à ses angoisses : celle de la mot, celle de revoir ce frère perdu de vue qu’incarne Harry Dean Stanton, dans une séquence aussi brève que magnifique.

The Shadow (id.) – de Russell Mulcahy – 1994

Posté : 17 mars, 2025 @ 10:08 dans 1990-1999, FANTASTIQUE/SF, MULCAHY Russell | Pas de commentaires »

The Shadow

Quand on a eu 14 ans en 1990, on a sans doute d’autres références en matière de super-héros que l’interminable MCU ou l’insupportable DC Extented Universe. Bref : plus il y a d’Avengers et de League of Justice, et plus les Batman de Tim Burton me semblent être de grands films. Bricolés, humains, et garantis sans fond vert. Séquence vieux con pleinement assumée : les super-héros à la chaîne actuels me désintéressent à peu près autant que l’émergence du genre m’a enthousiasmé il y a trente-cinq ans.

Cette introduction pour souligner que The Shadow, adaptation bancale d’un comics oublié, par un réalisateur qui profitait alors des derniers feux d’une gloire acquise avec Razorback et surtout Highlander, me paraît autrement plus enthousiasmant qu’un imbuvable Batman vs Superman par exemple. Les moyens déployés n’ont rien à voir : avant la surenchère d’effets spéciaux dont seront adeptes Zack Snyder et consorts, il y avait le côté série B à l’ancienne d’un Russell Mulcahy.

Bien sûr, Mulcahy n’est pas le plus grand des auteurs. Il n’est pas Tim Burton, donc. Mais il est un habile faiseur (en tout cas à cette époque), avec un sens de l’image qui correspond bien à son époque, celle des clips MTV. Son film n’a pas eu bonne presse à l’époque. Assez logiquement d’ailleurs : très influencé par l’univers créé par Burton avec son Gotham City, il ne pouvait pas échapper à la comparaison, forcément cruelle.

Aujourd’hui, c’est plutôt avec la production actuelle qu’on a tendance à le comparer. Et là, l’aspect bricolo et série B revendiquée de The Shadow marque des points. Il y a même un charme fou qui repose sur une ambition qui semble oubliée depuis : en adaptant un comics, Mulcahy cherche à en retrouver l’imagerie, l’esprit, l’atmosphère. Et sur ce point au point, le film est assez enthousiasmant. A la fois sombre et cartoonesque, il allie la fantaisie esthétique et la sécheresse d’une série B hard-boiled des années 40.

Il y a bien quelques effets spéciaux qui paraissent bien vieillots, et un scénario sans grand intérêt. Mais tout ça n’a pas d’importance : The Shadow est une série B à l’ancienne pleine de charme et généreuse. Et portée par deux acteurs qui, eux aussi, ont un côté rétro qui fait mouche : Alec Baldwin et Penelope Ann Miller. Deux noms qui ne peuvent pas laisser l’ado cinéphile de l’époque indifférent…

Lost Highway (id.) – de David Lynch – 1997

Posté : 24 janvier, 2025 @ 10:10 dans 1990-1999, LYNCH David, POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Lost Highway

Décidément, je ne me remets pas de la mort de David Lynch. Après m’être replongé dans les méandres de Twin Peaks et de Mulholland Drive, il était temps d’ajouter une entrée supplémentaire à ce blog, en revoyant ce Lost Highway qui reste l’une des expériences les plus absolues, les plus marquantes, de ma vie de cinéphile. A vrai dire, il m’a fallu attendre… le retour de Twin Peaks pour ressentir quelque chose de semblable.

C’est dire l’importance que revêt David Lynch, et le vide sidéral que sa mort laisse, dans un cinéma américain au-delà de moribond. Penser qu’on ne verra jamais de onzième long métrage de Lynch, alors qu’on n’est pas à l’abri d’un seizième (j’ai compté) film de Michael Bay a quelque chose de profondément déprimant. C’est bien simple : c’est déprimé que je m’installe et lance le blu ray de Lost Highway.

Et là, la magie opère. Il ne faut pas longtemps pour retrouver les sensations éprouvées au cinéma il y a vingt-huit ans. La fascination exercée par les lignes jaunes de la route qui défilent dans la nuit au son de David Bowie. De tous les trips cinématographiques, celui-ci est peut-être le plus radical. La plongée est en tout cas profonde, brutale, et traumatisante.

On a souvent dit de Lost Highway qu’il était une sorte de brouillon pour Mulholland Drive, qui lui serait supérieur en tous points. Comme Les Affranchis par rapport à Casino, disons. Mais chez Lynch comme chez Scorsese, le brouillon a un caractère brut et une urgence que je place au-dessus de tout. Et Lost Highway est un chef d’œuvre, finalement moins opaque qu’exceptionnellement conscient. Je m’explique…

A-t-on suffisamment dit que Lost Highway était (je m’avance) le plus grand film du monde sur les violences faites aux femmes ? Deux décennies avant me-too, et alors que l’expression « crime passionnel » était encore en vigueur, David Lynch nous plonge avec ce film dans l’esprit d’un homme qui a tué sa femme. Et qui, dans le couloir de la mort, se projette dans une version fantasmée de ce qu’il a vécu, de son point de vue malade : la femme est le danger.

Et ce danger, Lynch le filme avec fièvre et avec une gravité stupéfiante, dans une première partie qui flirte avec le film d’horreur, sans jamais s’éloigner de son vrai sujet : la terreur qui s’installe dans un couple, avec des scènes « conjugales » parmi les plus effrayantes qu’on n’ait pu voir. Cette première partie est parfaitement linéaire et compréhensible, jusqu’au basculement, radical, comme Lynch en a le secret.

Là, c’est une hallucinante plongée dans l’esprit de cet homme qui se poste en victime que filme Lynch, nous emmenant très loin dans ce cauchemar éveillé, multipliant les images inoubliables. Au cœur de ce trip traumatisant, Patricia Arquette trouve le rôle de sa vie, troublante et bouleversante dans le double-rôle de la femme martyr et d’une vamp fantasmée. A l’inverse, il faut deux acteurs pour projeter l’homme et son double : Bill Pullman (qui sortait d’Independance day, c’est dire le chemin) et Balthazar Getty.

La distribution est incroyable (de Richard Pryor à Marylin Manson en passant par Robert Blake, Gay Busey, Robert Loggia ou le fidèle Jack Nance), la musique est carrément dingue, et le film est un chef d’œuvre, l’un des sommets (le sommet?) de David Lynch, cinéaste immense pour l’éternité.

Men at work (id.) – d’Emilio Estevez – 1990

Posté : 19 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, ESTEVEZ Emilio | Pas de commentaires »

Men at work

Tout cinéphile a-t-il une année fondatrice de sa cinéphilie ? Pour moi, c’est 1990. 14 ans, une passion qui prend son essor, l’envie de tout voir, tout découvrir, les heures plongé dans les magazines de cinéma… Et depuis, un lien presque intime avec tout film de cette période, y compris ceux que je n’ai fait que fantasmer alors, et depuis lors.

C’est le cas de Men at work, jamais vu jusqu’à présent, mais qui fait pourtant partie de mon univers cinéphilique depuis plus de trente ans. Parce qu’il date de 1990, et que les photos dans les magazines, la bande annonce et tout ce que j’ai pu en lire ou en voir restent imprégnés dans la partie socle cinéphilique de mon cerveau.

Longue intro, oui, et toujours pas un mot sur le film lui-même. Mais il y a une raison à ça : j’ai bien plus à dire sur les raisons qui me donnaient envie de le voir que sur le film à proprement parler, dont le vague intérêt repose sur cette particularité : les deux héros, joués par les frangins Charlie Sheen et Emilio Estevez, sont des éboueurs. Ce qui, dans le cinéma américain (ou de n’importe quel pays d’ailleurs), est rare.

Pour le reste… Emilio Estevez, acteur sympathique mais un peu fade des années 80, est un scénariste et un réalisateur au talent discutable, qui semble totalement en roue libre avec ce film, faux polar qui commence comme un thriller vaguement politique (un élu est assassiné parce qu’il voulait dénoncer un scandale environnemental) qui tourne vite à la comédie, et même à la grande farce cartoonesque.

Dans cette histoire totalement idiote, les deux frangins trouvent un cadavre dans un baril, le gardent avec eux plutôt que de prévenir la police, font équipe avec un vétéran du Vietnam complètement ravagé, prennent en otage un livreur de pizzas, réalisent des pièges lance-merde, affrontent des méchants flegmatiques et des policiers hystériques…

Bref : du grand n’importe quoi, jamais excitant, jamais vraiment drôle, et baignant dans une musique électro-pourrie très 80s. Mais bon, c’est 1990. Et ça fait bien plaisir d’ajouter ça à ce blog. C’est bizarre, un cinéphile.

Thomas Crown (The Thomas Crown Affair) – de John McTiernan – 1999

Posté : 21 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, McTIERNAN John | Pas de commentaires »

Thomas Crown

John McTiernan est un grand réalisateur qui manque cruellement au cinéma de genre américain. C’est dit. On lui doit quelques classiques du cinéma d’action (dont Predator et Die Hard, deux chefs d’œuvre), mais aussi, et c’est plus surprenant, deux remakes de films de Norman Jewison. Disons-le franchement : ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux…

Avant son très faiblard Rollerball, c’est à un autre classique qu’il s’est attaqué : L’Affaire Thomas Crown. Son remake est efficace et plaisant, mais aussi totalement et radicalement inutile, se contentant grosso modo de troquer la coolitude de Steve McQueen contre l’élégance de Pierce Brosnan.

Le rôle est évidemment taillé pour celui qui était encore James Bond. Sans surprise, c’est lui qui est à l’origine du projet, et qui est allé chercher McTiernan, avec qui il avait déjà tourné le méconnu Nomads dans une autre vie (quinze ans plus tôt, quand l’acteur et le réalisateur avaient encore tout à construire).

Pierce Brosnan est donc un interprète évident pour ce milliardaire qui organise des cambriolages spectaculaires pour la beauté de l’art et pour tromper son ennui. Confier le rôle de l’enquêtrice des assurances à Rene Russo est nettement plus inattendu. Elle est d’ailleurs très bien, mais les scènes « torrides » de leurs ébats sexuels n’ont pas, mais vraiment pas, l’effet escompté.

Et c’est sans doute le choix de confier le projet à McTiernan qui pêche. Grand cinéaste d’action, l’homme n’est pas franchement inspiré par la sensualité. Filmés dans la longueur, mais sans chaleur, le torse velu de Brosnan et le corps dénudé de Rene Russo n’éveillent pas le moindre frisson.

Le monde de l’art dans lequel se déroule une grande partie de l’histoire n’inspire guère plus McTiernan, qui filme ces « barbouillages pour riches crétins » avec une absence impardonnable d’intérêt manifeste.

Le talent du réalisateur se réveille dans la manière de filmer les cambriolages. Là, la fluidité de son style est bien présente, et procure ce plaisir qu’on n’attendait plus. C’est un peu court hélas, et les clins d’œil maladroits au film original (Faye Dunaway dans une apparition rappelant lourdement la partie d’échecs face à McQueen, quelques notes de Windmills of your mind qui résonnent, rompant brièvement avec la musique assez laide) ne suffisent vraiment pas à répondre à cette question : à quoi bon ?

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