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Archive pour la catégorie '1990-1999'

The Shadow (id.) – de Russell Mulcahy – 1994

Posté : 17 mars, 2025 @ 10:08 dans 1990-1999, FANTASTIQUE/SF, MULCAHY Russell | Pas de commentaires »

The Shadow

Quand on a eu 14 ans en 1990, on a sans doute d’autres références en matière de super-héros que l’interminable MCU ou l’insupportable DC Extented Universe. Bref : plus il y a d’Avengers et de League of Justice, et plus les Batman de Tim Burton me semblent être de grands films. Bricolés, humains, et garantis sans fond vert. Séquence vieux con pleinement assumée : les super-héros à la chaîne actuels me désintéressent à peu près autant que l’émergence du genre m’a enthousiasmé il y a trente-cinq ans.

Cette introduction pour souligner que The Shadow, adaptation bancale d’un comics oublié, par un réalisateur qui profitait alors des derniers feux d’une gloire acquise avec Razorback et surtout Highlander, me paraît autrement plus enthousiasmant qu’un imbuvable Batman vs Superman par exemple. Les moyens déployés n’ont rien à voir : avant la surenchère d’effets spéciaux dont seront adeptes Zack Snyder et consorts, il y avait le côté série B à l’ancienne d’un Russell Mulcahy.

Bien sûr, Mulcahy n’est pas le plus grand des auteurs. Il n’est pas Tim Burton, donc. Mais il est un habile faiseur (en tout cas à cette époque), avec un sens de l’image qui correspond bien à son époque, celle des clips MTV. Son film n’a pas eu bonne presse à l’époque. Assez logiquement d’ailleurs : très influencé par l’univers créé par Burton avec son Gotham City, il ne pouvait pas échapper à la comparaison, forcément cruelle.

Aujourd’hui, c’est plutôt avec la production actuelle qu’on a tendance à le comparer. Et là, l’aspect bricolo et série B revendiquée de The Shadow marque des points. Il y a même un charme fou qui repose sur une ambition qui semble oubliée depuis : en adaptant un comics, Mulcahy cherche à en retrouver l’imagerie, l’esprit, l’atmosphère. Et sur ce point au point, le film est assez enthousiasmant. A la fois sombre et cartoonesque, il allie la fantaisie esthétique et la sécheresse d’une série B hard-boiled des années 40.

Il y a bien quelques effets spéciaux qui paraissent bien vieillots, et un scénario sans grand intérêt. Mais tout ça n’a pas d’importance : The Shadow est une série B à l’ancienne pleine de charme et généreuse. Et portée par deux acteurs qui, eux aussi, ont un côté rétro qui fait mouche : Alec Baldwin et Penelope Ann Miller. Deux noms qui ne peuvent pas laisser l’ado cinéphile de l’époque indifférent…

Lost Highway (id.) – de David Lynch – 1997

Posté : 24 janvier, 2025 @ 10:10 dans 1990-1999, LYNCH David, POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Lost Highway

Décidément, je ne me remets pas de la mort de David Lynch. Après m’être replongé dans les méandres de Twin Peaks et de Mulholland Drive, il était temps d’ajouter une entrée supplémentaire à ce blog, en revoyant ce Lost Highway qui reste l’une des expériences les plus absolues, les plus marquantes, de ma vie de cinéphile. A vrai dire, il m’a fallu attendre… le retour de Twin Peaks pour ressentir quelque chose de semblable.

C’est dire l’importance que revêt David Lynch, et le vide sidéral que sa mort laisse, dans un cinéma américain au-delà de moribond. Penser qu’on ne verra jamais de onzième long métrage de Lynch, alors qu’on n’est pas à l’abri d’un seizième (j’ai compté) film de Michael Bay a quelque chose de profondément déprimant. C’est bien simple : c’est déprimé que je m’installe et lance le blu ray de Lost Highway.

Et là, la magie opère. Il ne faut pas longtemps pour retrouver les sensations éprouvées au cinéma il y a vingt-huit ans. La fascination exercée par les lignes jaunes de la route qui défilent dans la nuit au son de David Bowie. De tous les trips cinématographiques, celui-ci est peut-être le plus radical. La plongée est en tout cas profonde, brutale, et traumatisante.

On a souvent dit de Lost Highway qu’il était une sorte de brouillon pour Mulholland Drive, qui lui serait supérieur en tous points. Comme Les Affranchis par rapport à Casino, disons. Mais chez Lynch comme chez Scorsese, le brouillon a un caractère brut et une urgence que je place au-dessus de tout. Et Lost Highway est un chef d’œuvre, finalement moins opaque qu’exceptionnellement conscient. Je m’explique…

A-t-on suffisamment dit que Lost Highway était (je m’avance) le plus grand film du monde sur les violences faites aux femmes ? Deux décennies avant me-too, et alors que l’expression « crime passionnel » était encore en vigueur, David Lynch nous plonge avec ce film dans l’esprit d’un homme qui a tué sa femme. Et qui, dans le couloir de la mort, se projette dans une version fantasmée de ce qu’il a vécu, de son point de vue malade : la femme est le danger.

Et ce danger, Lynch le filme avec fièvre et avec une gravité stupéfiante, dans une première partie qui flirte avec le film d’horreur, sans jamais s’éloigner de son vrai sujet : la terreur qui s’installe dans un couple, avec des scènes « conjugales » parmi les plus effrayantes qu’on n’ait pu voir. Cette première partie est parfaitement linéaire et compréhensible, jusqu’au basculement, radical, comme Lynch en a le secret.

Là, c’est une hallucinante plongée dans l’esprit de cet homme qui se poste en victime que filme Lynch, nous emmenant très loin dans ce cauchemar éveillé, multipliant les images inoubliables. Au cœur de ce trip traumatisant, Patricia Arquette trouve le rôle de sa vie, troublante et bouleversante dans le double-rôle de la femme martyr et d’une vamp fantasmée. A l’inverse, il faut deux acteurs pour projeter l’homme et son double : Bill Pullman (qui sortait d’Independance day, c’est dire le chemin) et Balthazar Getty.

La distribution est incroyable (de Richard Pryor à Marylin Manson en passant par Robert Blake, Gay Busey, Robert Loggia ou le fidèle Jack Nance), la musique est carrément dingue, et le film est un chef d’œuvre, l’un des sommets (le sommet?) de David Lynch, cinéaste immense pour l’éternité.

Men at work (id.) – d’Emilio Estevez – 1990

Posté : 19 décembre, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, ESTEVEZ Emilio | Pas de commentaires »

Men at work

Tout cinéphile a-t-il une année fondatrice de sa cinéphilie ? Pour moi, c’est 1990. 14 ans, une passion qui prend son essor, l’envie de tout voir, tout découvrir, les heures plongé dans les magazines de cinéma… Et depuis, un lien presque intime avec tout film de cette période, y compris ceux que je n’ai fait que fantasmer alors, et depuis lors.

C’est le cas de Men at work, jamais vu jusqu’à présent, mais qui fait pourtant partie de mon univers cinéphilique depuis plus de trente ans. Parce qu’il date de 1990, et que les photos dans les magazines, la bande annonce et tout ce que j’ai pu en lire ou en voir restent imprégnés dans la partie socle cinéphilique de mon cerveau.

Longue intro, oui, et toujours pas un mot sur le film lui-même. Mais il y a une raison à ça : j’ai bien plus à dire sur les raisons qui me donnaient envie de le voir que sur le film à proprement parler, dont le vague intérêt repose sur cette particularité : les deux héros, joués par les frangins Charlie Sheen et Emilio Estevez, sont des éboueurs. Ce qui, dans le cinéma américain (ou de n’importe quel pays d’ailleurs), est rare.

Pour le reste… Emilio Estevez, acteur sympathique mais un peu fade des années 80, est un scénariste et un réalisateur au talent discutable, qui semble totalement en roue libre avec ce film, faux polar qui commence comme un thriller vaguement politique (un élu est assassiné parce qu’il voulait dénoncer un scandale environnemental) qui tourne vite à la comédie, et même à la grande farce cartoonesque.

Dans cette histoire totalement idiote, les deux frangins trouvent un cadavre dans un baril, le gardent avec eux plutôt que de prévenir la police, font équipe avec un vétéran du Vietnam complètement ravagé, prennent en otage un livreur de pizzas, réalisent des pièges lance-merde, affrontent des méchants flegmatiques et des policiers hystériques…

Bref : du grand n’importe quoi, jamais excitant, jamais vraiment drôle, et baignant dans une musique électro-pourrie très 80s. Mais bon, c’est 1990. Et ça fait bien plaisir d’ajouter ça à ce blog. C’est bizarre, un cinéphile.

Thomas Crown (The Thomas Crown Affair) – de John McTiernan – 1999

Posté : 21 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, McTIERNAN John | Pas de commentaires »

Thomas Crown

John McTiernan est un grand réalisateur qui manque cruellement au cinéma de genre américain. C’est dit. On lui doit quelques classiques du cinéma d’action (dont Predator et Die Hard, deux chefs d’œuvre), mais aussi, et c’est plus surprenant, deux remakes de films de Norman Jewison. Disons-le franchement : ce n’est pas ce qu’il a fait de mieux…

Avant son très faiblard Rollerball, c’est à un autre classique qu’il s’est attaqué : L’Affaire Thomas Crown. Son remake est efficace et plaisant, mais aussi totalement et radicalement inutile, se contentant grosso modo de troquer la coolitude de Steve McQueen contre l’élégance de Pierce Brosnan.

Le rôle est évidemment taillé pour celui qui était encore James Bond. Sans surprise, c’est lui qui est à l’origine du projet, et qui est allé chercher McTiernan, avec qui il avait déjà tourné le méconnu Nomads dans une autre vie (quinze ans plus tôt, quand l’acteur et le réalisateur avaient encore tout à construire).

Pierce Brosnan est donc un interprète évident pour ce milliardaire qui organise des cambriolages spectaculaires pour la beauté de l’art et pour tromper son ennui. Confier le rôle de l’enquêtrice des assurances à Rene Russo est nettement plus inattendu. Elle est d’ailleurs très bien, mais les scènes « torrides » de leurs ébats sexuels n’ont pas, mais vraiment pas, l’effet escompté.

Et c’est sans doute le choix de confier le projet à McTiernan qui pêche. Grand cinéaste d’action, l’homme n’est pas franchement inspiré par la sensualité. Filmés dans la longueur, mais sans chaleur, le torse velu de Brosnan et le corps dénudé de Rene Russo n’éveillent pas le moindre frisson.

Le monde de l’art dans lequel se déroule une grande partie de l’histoire n’inspire guère plus McTiernan, qui filme ces « barbouillages pour riches crétins » avec une absence impardonnable d’intérêt manifeste.

Le talent du réalisateur se réveille dans la manière de filmer les cambriolages. Là, la fluidité de son style est bien présente, et procure ce plaisir qu’on n’attendait plus. C’est un peu court hélas, et les clins d’œil maladroits au film original (Faye Dunaway dans une apparition rappelant lourdement la partie d’échecs face à McQueen, quelques notes de Windmills of your mind qui résonnent, rompant brièvement avec la musique assez laide) ne suffisent vraiment pas à répondre à cette question : à quoi bon ?

Grosse fatigue – de Michel Blanc – 1994

Posté : 16 octobre, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, BLANC Michel | Pas de commentaires »

Grosse Fatigue

Petit hommage à Michel Blanc, dont on peut affirmer qu’il faisait partie des figures attachantes incontournables du cinéma populaire français de ces dernières décennies, comme tous ses copains du Splendid. Pourtant, si attachant soit-il, je dois bien admettre qu’il a joué un rôle très très anecdotique dans ma cinéphilie. Quelques seconds rôles mis à part (dans Prêt-à-porter ou dans Les Grands Ducs), un seul de ses films m’a poussé à acheter un ticket de cinéma en trente-cinq ans de salles obscures.

C’était pour Grosse Fatigue, il y a donc tout juste trente ans. A l’époque, le film avait révélé un nouveau Michel Blanc, auteur ambitieux et original qui sortait de sa zone de confort avec une comédie nettement plus cynique et dérangeante que ses premiers succès. L’influence de Bertrand Blier sans doute, avec qui Blanc avait tourné Tenue de Soirée, et qui est crédité comme l’auteur de l’idée originale, pour un scénario coécrit par Blanc avec Josiane Balasko et Jacques Audiard.

Le revoir aujourd’hui confirme en partie les bonnes impressions laissées par le film lors de sa sortie en salles : le scénario tient la route, Michel Blanc se met en scène dans un double rôle (Michel Blanc lui-même, et son sosie) sans s’épargner, et Carole Bouquet est une Carole Bouquet réjouissante dans sa manière de jouer avec sa propre image. On peut raisonnablement être moins convaincu par la mise en scène, flottante et manquant de cohérence. Blanc n’est pas un grand formaliste, soit.

Grosse Fatigue, pourtant, tient la route, et reste percutant dans sa manière de représenter le vedettariat et ses revers, à travers l’enfer kafkaïen dans lequel sombre l’acteur Michel Blanc confronté à un sosie parfait qui, peu à peu, va prendre sa place et le mettre au ban de cette société qui l’adulait il y a peu. Derrière la comédie, acide et très cynique, Blanc dévoile une lucidité inattendue sur son propre statut. Avec le recul et à bien des égards, Grosse Fatigue représente le sommet de sa carrière.

La Cérémonie – de Claude Chabrol – 1995

Posté : 15 octobre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

La Cérémonie

Chabrol, c’est un peu le John Huston français. Non pas que leurs cinémas soient tellement comparables, non. Mais il y a chez l’un comme chez l’autre une propension intermittente à la paresse qui revient de temps en temps tout au long de leurs filmographies respectives, et qui leur a valu à l’un comme à l’autre une mauvaise réputation. Mais tout au long de leur carrière, du tout début jusqu’à la toute fin, tous deux ont aussi signé d’authentiques chefs d’œuvre, qui viennent régulièrement contredire cette propension susmentionnée.

La Cérémonie fait assurément partie des plus grandes réussites de Chabrol, grand dézingueur de la bourgeoisie de province qui prouve ici qu’il peut porter le même regard cynique (mais non dénué d’une certaine tendresse, si si) sur toutes les couches de la société, les plus hautes comme les plus basses. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois (Poulet au vinaigre, dix ans plus tôt, était déjà bien gratiné). Mais sa vision si noire et si personnelle prend ici une ampleur inédite.

Vingt-cinq ans après ses premiers chefs d’œuvre noirs (Le Boucher, Juste avant la nuit…), Chabrol nous plonge dans l’intimité de la fabrique du crime, avec une clairvoyance et une précision évidemment glaçantes. Comment deux jeunes femmes (Sandrine Bonnaire et Isabelle Huppert, immenses toutes les deux, cette dernière dans un registre totalement inattendu) en viennent à abattre froidement et sans cligner un œil toute une famille de grands bourgeois…

Bien sûr, il y a leurs passés à toutes les deux. Mais il y a surtout ce mur infranchissable qui sépare ces deux filles de rien, et cette famille si installée. Ce sont pourtant des gens bien, ces bourgeois : des parents progressistes (Jean-Pierre Cassel et Jacqueline Bisset), des enfants particulièrement bienveillants (dont Virginie Ledoyen, toute jeune). Bref, rien de monstrueux chez eux, mais une incapacité à appréhender ce mur, et l’effet surplombant qu’il peut avoir.

Au-delà de la fabrique de monstres, c’est le dialogue impossible entre les êtres que filme Chabrol, avec un mélange d’élégance et de précision clinique qui bouscule parce qu’il fascine. Grand Chabrol, grand film glaçant, très grand film, tout simplement.

Dracula (Bram’s Stoker Dracula) – de Francis Ford Coppola – 1992

Posté : 28 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Dracula 1992

Quitte à choquer les puristes, le Dracula de Coppola me semble toujours bien être la meilleure adaptation du roman de Bram Stocker. Oui, meilleure que le Nosferatu de Murnau, c’est dire. Comme ce dernier, que Coppola cite régulièrement tout au long du film, ce Dracula version 1992 est extrêmement fidèle au récit original, et à sa construction épistolaire.

L’histoire se déroule d’ailleurs en 1897, l’année même où le roman est publié. L’occasion pour Coppola d’ajouter à cette grande histoire d’horreur baroque une déclaration d’amour au cinéma. Le comte Dracula, arrivé à Londres, assiste en effet à une projection de film. La manière dont Coppola filme les éléments fantastiques est aussi une manière de s’inscrire dans ce cinéma des origines.

Pas d’effets numériques, en effet, dans ce film visuellement éblouissant : tous les effets spéciaux sont réalisés directement sur le plateau, avec des trucages dont certains auraient pu être utilisés par Murnau lui-même. Et c’est, ne serait-ce que sur ce plan technique, une immense réussite, qui inscrit Dracula dans la lignée des grands films « expérimentaux » de Coppola, de Apocalypse Now à Coup de Cœur.

Dracula est un film de commande, qui lui a été proposé par Winona Ryder. Mais Coppola en fait un grand film personnel, et un grand film tout court, comme Le Parrain 3 qu’il a tourné juste avant, et qui lui a permis de renouer avec le succès. Et peut-être d’avoir ce casting assez incroyable : Winona Ryder donc, mais aussi Keanu Reeves, Anthony Hopkins et Gary Oldman, glaçant et bouleversant en compte Dracul (dit avec l’accent transylvanien).

De cette histoire horrifique, Coppola retient surtout l’aspect extraordinairement romantique, celui-là même qui a séduit la si romanesque Winona Ryder (qui a failli jouer dans Le Parrain 3, et se rattrape merveilleusement bien ici). Il signe un film génialement bricolo, et merveilleusement grandiloquent, jonché d’images d’une puissance picturale et émotionnelle assez radicale. Un film dont on (re)tombe amoureux à chaque vision. C’est beau.

Pulp Fiction (id.) – de Quentin Tarantino – 1994

Posté : 27 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, Palmes d'Or, TARANTINO Quentin | Pas de commentaires »

Pulp Fiction

Je me souviens d’un critique, à la sortie du film (il y a trente ans, dis donc), qui estimait que Pulp Fiction était une succession de séquences brillantes que Tarantino ne savait pas comment enchaîner, terminant systématiquement ses scènes par un fondu au noir. Marrant comment une sentence peut à ce point rester en mémoire, et influer depuis sur mes re-visions du film.

Le revoir une énième fois, mais pour la première fois depuis bien longtemps (la preuve, il n’était pas encore sur ce blog qui va vers ses 15 ans) permet en tout cas de se rappeler pourquoi le deuxième film de Tarantino avait été une Palme d’Or enthousiasmante. Et un cri d’amour revigorant à la littérature « pulp » dont le jeune Tarantino s’abreuvait visiblement, et à toute la culture « bis » qui tourne autour.

Donc, oui : c’est un fait, Tarantino conclut toutes ses séquences par un fondu au noir. Mais en conclure qu’il ne sait pas faire autrement est évidemment à côté de la plaque, même sans tenir compte des films qu’il allait faire ensuite. Parce que le film est effectivement construit, non pas comme un roman dont on feuilletterait les chapitres les uns après les autres, mais comme un recueil de nouvelles plus ou moins indépendantes, dans lesquelles on retrouverait plus ou moins les mêmes personnages.

Ce qui justifie pleinement ces fameux fondus au noir, qui referme un épisode pour en ouvrir un autre. Ce qui justifie aussi la construction dans le désordre du film, qui participe au plaisir intense et à la surprise constante qu’il procure, même après quatre, cinq ou six visions. Parce que découvrir Samuel L. Jackson et John Travolta (qui redevenait alors une incarnation assez géniale de la coolitude) en sous-vêtements mal assortis, ça fait quand même son petit effet.

Pulp Fiction est, c’est vrai, une succession de grands moments de cinéma, dont l’intrigue générale n’a finalement pas beaucoup d’importance : qui s’intéresse vraiment à cette mallette qui semble tout droit sortir d’En quatrième vitesse d’Aldrich ? Un pur maggufin, qui n’existe que pour faire avancer l’action, pour justifier les séquences qui s’enchaînent, toutes mémorables.

Tarantino n’est pas le premier à assumer à ce point son envie de filmer des grands moments de cinéma, quitte à se détourner du fil conducteur. Hawks, notamment, en avait fait l’un de ses chefs d’œuvre, Le Grand Sommeil, un film dont on est à peu près incapable de se détourner une fois qu’on y a mis un œil, même si on est largué par l’intrigue. C’est à peu près le même sentiment qui règne avec Pulp Fiction.

Alors on se laisse emballer par tous les moments cultes… à peu près toutes les scènes, en fait. La discussion interminable autour de l’innocence d’un massage des pieds. Le dur à cuire Bruce Willis tout câlin avec Maria De Medeiros. Uma Thurman et Travolta se lançant sur la piste de danse. L’anecdote de la montre racontée par Christopher Walken. Ou l’emballante scène d’introduction avec Amanda Plummer et Tim Roth…

Il y a dans Pulp Fiction plus de grand cinéma que dans 90 % de tous les autres films américains sortis cette année-là. Ce qu’on pourrait dire de la plupart des films de Tarantino d’ailleurs, y compris ceux où sa logique semble tourner en rond. Ce qui n’est pas le cas ici : avec ce deuxième film, il atteint les sommets. Du pur plaisir de cinéma.

Rien ne va plus – de Claude Chabrol – 1997

Posté : 24 septembre, 2024 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1990-1999, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Rien ne va plus

De la longue collaboration, entre Claude Chabrol et Isabelle Huppert, ce Rien ne va plus n’est clairement pas le plus ambitieux de la liste. Pas le plus convaincant non plus. Mais pas pour autant le moins attachant.

Il y a même quelque chose de profondément touchant (suranné, mais touchant) dans la relation qui unit Huppert à son aîné Serrault, que l’on devine alter ego du cinéaste. Comme si, au fond, ce film bancal ne parlait que des liens entre l’actrice et son réalisateur fétiche.

Comment, sinon, expliquer l’existence même de ce film faussement nonchalant, qui ne fait même pas mine de tenir un vrai rythme. Plein de creux, de pauses, de faux départs (ou faux retours), il ne va au fond nulle part, se contentant de profiter des plaisirs qu’offre la complicité trouble de ces deux-là.

Huppert et Serrault, donc, drôle de couple dont la nature des liens reste évasive, mais qui mène une vie en marge, enchaînant les arnaques pas bien méchantes et pas bien ambitieuses, pour le plaisir d’être là et de pouvoir attendre le prochain coup. De là à faire un parallèle avec le cinéma d’alors de Chabrol, qui tend à ronronner tout en apportant sa dose de vrai plaisir…

On pardonne de bon cœur le manque manifeste de direction d’acteurs, sans conséquence pour les deux acteurs principaux, plus problématique pour des seconds rôles moins convaincants. Si Cluzet s’en tire avec les honneurs, Jean-François Balmer et Jean Benguigui cabotinent maladroitement. Et mal.

Il faut dire que leurs personnages sombrent dans la caricature la plus éhontée, et que leurs apparitions plombent un peu le film. Parce que Chabrol s’y laisse aller à une violence et une noirceur qui ne convainquent guère dans cette petite chose qui penche par ailleurs nettement du côté, si ce n’est de la comédie, en tout cas de la légèreté.

Fisher King : le roi pêcheur (The Fisher King) – de Terry Gilliam – 1991

Posté : 13 septembre, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, GILLIAM Terry | Pas de commentaires »

Fisher King

Terry Gilliam est un type un peu barré. Et cette folie qui est au cœur de tous ses films n’a peut-être jamais aussi été pertinente et émouvante que dans Fisher King. Oui, je sais, il y a Brazil, son chef d’œuvre unanimement reconnu. Mais ce film ci est pour moi le Graal gilliamien, ne serait-ce que parce qu’il y est question de la quête du Graal.

Fisher King est un film aérien, poétique, plein de vie et d’optimisme. Et pourtant, l’histoire est d’une tristesse abyssale. Une ex-star de la radio vivote en noyant sa déprime dans l’alcool, depuis qu’un de ses auditeurs a tué sept personnes dans un bar en suivant au pied de la lettre les conseils outranciers et provocateurs de l’animateur. Par hasard, il rencontre un clochard illuminé, dont il découvre qu’il un ancien enseignant, dont la femme fait partie des victimes de la tuerie.

Cynisme et rédemption, ou comment trouver un chemin vers la vie, malgré tout, dans une ville (New York) où tout n’est que cynisme… Dans le rôle de l’animateur, Jeff Bridges est d’une intensité folle. Dans celui de l’illuminé, Robin Williams est tout à la fois drôle, fou, bouleversant.

Le style de Gilliam est là ; des plafonds bas pour renforcer le malaise, son goût pour les abîmés de la vie, l’irruption d’éléments fantastiques pour donner corps aux tourments des personnages… Mais c’est comme le style et les obsessions du cinéaste tendaient depuis toujours vers ce film, comme une évidence.

Une scène résume toute l’ampleur du film : le rencard entre Parry (Robin Williams) et la gauche Lydia (Amanda Plummer), longue scène où, dans un même mouvement, le rire le plus franc laisse la place aux larmes de joie, puis à la douleur pure. La poésie de Gilliam au service de l’émotion… C’est magnifique.

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