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Archive pour la catégorie 'PAWLIKOWSKI Pawel'

Cold War (Zimna wojna) – de Paweł Pawlikowski – 2018

Posté : 10 décembre, 2018 @ 8:00 dans 2010-2019, PAWLIKOWSKI Pawel | Pas de commentaires »

Cold War

Ce n’est pas tant le noir et blanc qui frappe la rétine au premier coup d’œil : après tout, le précédent film de Pawlikowski, Ida, était également en noir et blanc. C’est plutôt le format de l’image, tellement carrée qu’elle semble écrasée, étouffée. Ce choix extrême surprend, mais il ne doit rien au hasard : ce sentiment d’écrasement et d’étouffement sera constant dans ce très beau film, romanesque, cruel et déchirant.

Séduisant, aussi. Avec son précédent film, déjà très beau, le réalisateur polonais avait adopté une certaine austérité qui collait à la personnalité de son héroïne. Ici, ce sont deux êtres en quête désespérée de liberté, qui ne rêvent que de pouvoir vivre librement leur histoire d’amour. Pawlikowski est un vrai, et un grand, cinéaste : chez lui, la forme est constamment au service du récit. Du coup, son film est à l’image de son couple : romantique, intense, indécis aussi par moments.

Cold War commence dans la Pologne de l’après-guerre, dans un pays qui lui aussi cherche à retrouver une certaine liberté. Une liberté qui ne peut s’exprimer que par l’art : par la création d’une troupe de chanteurs et danseurs en l’occurrence, dont le credo est de ne mettre en valeur que les vieilles traditions rurales du pays. Ce qui donne, pour ouvrir le film, une série de plans envoûtants sur des gueules chantant des airs traditionnels. Superbe ouverture.

Glisserait-on vers l’optimisme béat ? Ben non, bien sûr : les réalités de l’époque s’imposent bientôt, par l’intermédiaire d’un directeur aux ordres qui impose à la troupe d’intégrer des messages staliniens à sa revue, et qui incite son chef d’orchestre à prendre la tangente, laissant derrière lui la belle chanteuse vedette, qui n’a pas pu se résoudre à passer à l’Ouest, et à laisser un quotidien morne mais assuré, pour un avenir incertain.

Et puis… et puis il y a une série d’ellipses magnifiques et douloureuses qui font passer les deux personnages (magnifique Joanna Kulig et Tomasz Kot), le temps d’un fondu au noir, d’une année à une autre, d’un lieu à un autre, de la Pologne de la fin des années 40 au Paris des années 50. Superbe film où l’évolution du monde, et des personnages, ne s’illustre jamais aussi bien que par la musique, et par les non-dits, et les non-filmés.

Avec Cold War, Pawlikowski signe une œuvre magnifique sur la passion amoureuse contrariée, sur le libre-arbitre, sur l’exil aussi… une œuvre universelle en quelque sorte, sur la lame de fond que peut constituer l’Histoire en marche. Avec ses mouvements de caméra élégants et envoûtants, avec ses images épurées, et en limitant systématiquement la durée des scènes, Pawlikowski souligne constamment la force des émotions, l’intensité de la vie, et la fragilité du bonheur.

Le film a valu au cinéaste le Prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. Le palmarès est, par nature, très discutable. Mais ce prix-ci semble une évidence absolue. Quand on arrive à mettre en image avec une telle force et une telle simplicité apparente la beauté d’une histoire d’amour et la cruauté aveugle de l’histoire, c’est tout simplement magnifique.

Ida (id.) – de Pawel Pawlikowski – 2013

Posté : 10 avril, 2014 @ 1:28 dans 2010-2019, PAWLIKOWSKI Pawel | Pas de commentaires »

Ida

Découvert par un large public (et par moi-même) avec le sublime La Femme du Vème, un film de commande adaptaté d’un roman du populaire Douglas Kennedy dont il a tiré une œuvre profondément personnelle, le Polonais Pawel Pawlikowski n’avait encore jamais tourné dans son pays d’origine. C’est chose faite avec ce Ida, mais les retrouvailles n’ont rien de chaleureuses : avec ce très beau film tourné dans un noir et blanc dépouillé, le cinéaste plonge dans les tréfonds du traumatisme polonais de la deuxième guerre mondiale.

Au début des années 60, une apprentie nonne sur le point de prononcer ses vœux part sur les traces de son mystérieux passé : comment ses parents sont-ils morts durant la guerre ? où leurs corps sont-ils enterrés ? pourquoi sa tante, magistrate alcoolique, ne lui a-t-elle jamais rendu visite ? C’est avec elle, dernier membre vivant de sa famille, que la jeune Ida part sur les routes, découvrant pour la première fois la vie extérieure.

Ida la pieuse et sa tante la débauchée n’ont apparemment rien en commun. Elles sont pourtant le fruit d’un traumatisme abyssal auquel la société polonaise de ces années-là semble refuser de faire face, privées toutes deux de leur âme. La jeune femme, enfermée dans un couvent catholique depuis son plus jeune âge, découvre qu’elle est née juive, et que ses parents ont été tués par des paysans qui les ont cachés des Nazis jusqu’à ce qu’ils représentent un risque trop grand pour leur propre survie.

Ce que cette quête met en valeur, ce sont les horreurs que, quinze ans plus tard, ces Polonais portent en eux comme un fardeau inépuisable. D’une beauté éthérée, comme le visage de la jeune Agata Trzebuchowska. Mais aussi d’une beauté troublante dissimulant mal une profonde douleur, comme celui de Agata Kulesza.

Le film de Pawlikowski ne condamne jamais ces habitants lambda qui, pour survivre, se sont transformés en monstre. Mais il amène tous ses personnages à ouvrir les yeux sur le monde, et sur ce qu’ils sont, à tomber le voile qui faisait mine de les protéger. Certains n’y survivront pas. D’autres pourront affronter la vie, conscients de leur fardeau. Le dernier plan, sublime (qui renvoie étrangement à l’hypnotique première image du Cheval de Turin) illustre parfaitement cette ambiguïté d’un personnage condamné, mais libéré.

La Femme du Vème (The Woman in the Fifth) – de Pawel Pawlikowski – 2011

Posté : 23 janvier, 2012 @ 12:23 dans 2010-2019, PAWLIKOWSKI Pawel | Pas de commentaires »

La Femme du Vème

Un choc ! En adaptant le roman de Douglas Kennedy, Pawel Pawlikowski fait son entrée, d’emblée, dans la cour des grands cinéastes à suivre. De ces réalisateurs qui peuvent se permettre de laisser des tas de questions en suspens, tout en conduisant le spectateur exactement là où il le voulait. En l’occurrence, dans le cœur à vif et l’esprit foutraque de Ethan Hawke, Américain à Paris qui trimballe une douleur et des démons insondables.

Que s’est-il passé exactement dans la vie de cet homme à qui tout devrait sourire ? Auteur d’un unique roman salué unanimement, professeur d’université qui menait visiblement une vie très confortable, il débarque à Paris « pour rejoindre sa femme et sa fille», comme il l’annonce d’entrée à un douanier soupçonneux. Sauf que cette femme n’attendait pas ce mari, dont elle s’est séparée à la suite d’un épisode apparemment douloureux, qui a conduit à une décision d’éloignement de la part de la justice. Et que leur fille le croit en prison.

Quel est son problème ? Est-il schizophrène ? Sort-il réellement de prison, ou d’une maison de santé ? On n’aura jamais de réponse claire à ces questions. Une seule chose compte : Ethan Hawke va très mal, il lutte contre ses démons, et ne vit que dans l’espoir, que l’on sait chimérique, de retrouver ce qu’il a perdu : sa famille.

Mais à Paris, il est constamment ballotté entre le fantasme et la réalité, entre un Paris de carte postale (cette terrasse à la vue incroyable d’où on peut quasiment toucher le pied de la Tour Eiffel, symbole absolu d’un Paris de rêve aux yeux des Américains), et un Paris bien plus tangible : ce quartier populaire inquiétant dans lequel il se retrouve sans argent, sans papiers, sans vêtements, et où il s’installe dans le premier hôtel miteux.

Dans le premier Paris, il rencontre une femme, belle et étrange, dont l’élégance et le port paraissent d’un autre temps. C’est Kristin Scott-Thomas, apparition presque irréelle qui guide Ethan Hawke vers un semblant d’espoir de retrouver sa vie perdue.

Dans le second, notre écrivain côtoie une faune interpole qui le tire vers le bas. C’est le personnage le plus charnel du film qui résume le mieux le film, en racontant un rêve : « j’ai rêvé de vous, vous étiez un peintre et vous vous enfonciez de plus en plus profondément dans la boue ». C’est la serveuse du café-hôtel, une immigré incarnée par Joanna Kulig, jeune actrice  polonaise pulpeuse et terriblement émouvante. Elle est LE personnage qui ancre le film dans la réalité, qui résume tout un pan du message de Pawlikowski : la réalité de Paris, quelque part entre l’espoir d’une vie meilleure, liée aux stéréotypes véhiculés notamment par le cinéma américain, et la froide désillusion des quartiers pauvres de la capitale. Ce tiraillement (ce double visage de la capitale) a-t-il déjà été mieux décrit que dans La Femme du Vème ? Pas sûr…

Dans ce film, la notion de réalité est d’ailleurs toujours contrebalancée par un doute. La rencontre avec Kristin Scott-Thomas n’est-elle pas trop belle pour être vraie ? Le « boulot » qu’Ethan Hawke accepte pour payer sa chambre n’est-il pas trop caricatural pour être authentique ? Il en va de même pour tous les ressors dramatiques a priori traditionnels du film : l’attente d’un nouveau roman de l’écrivain, la disparition de sa fille…

Tous les éléments qui semblent rapprocher La Femme du Vème d’un film de genre sont trompeurs. Tout ce qui semble vouloir apporter des réponses ne fait qu’accentuer le mystère. Mais qu’importe : plus les rebondissements deviennent nébuleux, plus le mystère s’épaissit, et plus la réalité du film devient flagrante. C’est le portrait intime (intérieur, même), d’un homme tiraillé entre ses rêves et ses démon ; un homme qui cherche simplement la meilleure manière de se dire que pour lui, le seul espoir est de trouver la paix intérieur, d’accepter la perte de son bonheur…

Pour porter un tel sujet, il fallait un grand acteur. Ethan Hawke est à la hauteur : vingt ans après Le Cercle des poètes disparus, le jeune ado mal dans sa peau semble toujours planer sur sa tête. Son interprétation, sensible et bouleversante, est inoubliable.

 

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