Pirates – de Roman Polanski – 1986
Des réminiscences du cinéma de son enfance sans doute, des envies de renouer avec les souvenirs de L’Aigle des Mers ou de Capitaine Blood… Trente-cinq ans après, la volonté de Roman Polanski de tourner son film de pirates s’explique quand même difficilement. Et paraît qu’il y tenait vraiment à ce film, qu’il portait en lui depuis plus de dix ans. Un vrai plaisir régressif pour le coup, plein de gourmandises, mais aussi totalement à part dans une filmographie tout de même autrement plus ambitieuse par ailleurs.
Ce n’est pas que Pirates soit dénué d’ambition, mais cette ambition semble entièrement tournée vers les décors, réellement spectaculaires. Ceux qui ont l’âge de s’en souvenir ne peuvent pas avoir oublié ce galion longtemps « exposé » à Cannes, qui avait été reconstitué à grands frais pour les besoins du film. Fort joli ce galion d’ailleurs, comme l’est l’île où se réfugient les pirates, ou même le radeau de fortune sur lequel s’ouvre le film…
Le problème, c’est plutôt que Polanski donne l’impression d’enfiler des perles, avec application et enthousiasme, mais sans rien faire d’autre que recycler des images tout droit sorties d’un livre d’aventures pour enfants. Lorsqu’il s’est attaqué à des genres aussi marquants que le film noir (Chinatown), le film d’horreur (Le Bal des Vampires), ou le film paranoïaque (Ghost Writer), Polanski a toujours joué avec les codes pour mieux les bousculer, et signer des films personnels et passionnants. Là, il donne le sentiment de visiter un musée, ou un parc d’attraction.
C’est parfois réjouissant : Walter Matthau est parfait dans le rôle de ce capitaine légendaire, à la guibole forcément en bois, prêt à bouffer le matelot coincé avec lui sur le radeau (Chris Campion, dynamique et à l’aise, à qui manquerait tout de même une pointe de charisme). Pirates aurait pu être formidable, si Polanski avait lâché la bride, s’il avait donné à Matthau toute la liberté que sa truculence réclamait. Ce n’est pas le cas. Pirates est donc au choix un agréable divertissement, une revisite sans envergure de l’imagerie des flibustiers, ou une aberration dans l’œuvre du cinéaste.