World War Z (id.) – de Marc Forster – 2013
Enorme succès de cet été (un peu surprise, la production du film ayant été cahotique), World War Z est, devinez quoi : un film apocalyptique. Pas bien étonnant dans le climat hollywoodien actuel où, quand on ne décline pas son manuel du super-héros à toutes les sauces, on détruit le monde. La recette est éprouvée, et donne encore lieu à de belles surprises : il y a quelques mois seulement, Tom Cruise était ainsi le héros d’un Oblivion très réjouissant.
Adaptation d’un roman graphique à succès, World War Z s’inscrit dans une autre mouvance : celle du film de destruction massive, dont le fleuron reste un autre film avec Tom Cruise, l’extraordinaire La Guerre des Mondes. Tout ça pour dire que le principal reproche qu’on peut faire au film repose sur l’inévitable comparaison avec le chef d’œuvre absolu de Spielberg.
La première partie, surtout, est rigoureusement identique. Brad Pitt (dont c’est le plus gros succès à ce jour) est un père de famille qui assiste au déclenchement de l’apocalypse, et ne pense qu’à la survie des siens. Cette fois, pas de tripodes, ni d’invasion extraterrestre, de rayons mortels ; mais un virus qui se répand d’homme à homme comme l’éclair, transformant les victimes en morts vivants. En quelques jours, le monde entier est touché, la plupart des grandes villes sont mortes, et les survivants, de plus en plus rares, se regroupent dans des camps de réfugiés très vulnérables. Seuls les plus indispensables d’entre eux trouvent une place sur les navires de guerre qui deviennent le nouveau centre du monde libre…
C’est peut-être le plus réussi dans ce film : la manière dont il met en scène le cynisme de ce monde libre, et de montrer comment les talents deviennent des pions entre les mains des dirigeants. Le personnage de Brad Pitt est de ceux-là. Contrairement à Tom Cruise dans La Guerre des mondes, il n’est pas qu’un simple père ballotté par les événements, mais un ancien baroudeur de l’ONU que l’on force à reprendre du service.
Marc Forster (le réalisateur du James Bond le plus mal aimé de ces dernières années, Quantum of Solace) a multiplié les conflits avec les producteurs durant le tournage (il ne sera d’ailleurs pas aux manettes des deux suites déjà annoncées). Il réussit en tout cas quelques grands moments de cinéma où suspense et émotions sont étroitement liés : une course nocturne et effrénée sur un tarmac d’aéroport ; Brad Pitt marchant tranquillement au milieu d’une horde de zombies ; un avion en vol qui semble être un éphémère havre de paix, mais où les zombies apparaissent soudainement…
Mais à côté de ça, il massacre à peu près toutes les grandes scènes démesurées. Et c’est là que la comparaison avec le film de Spielberg est la plus cruelle : jamais Forster ne parvient à faire ressentir la cruauté de cette irruption de la violence et de la mort dans le quotidien. Quant aux morts-vivants en marche, ils évoquent d’avantage les armées maléfiques du Retour du Roi que des corps humains dévorés par la rage.
World War Z est à certains moments un film fort et réussi, et à d’autres un gros machin boursouflé. Mais ce premier volet de ce qu’on annonce déjà comme une trilogie pose des bases pleines de promesses. A condition que le successeur de Marc Forster ait une autre envergure.
• Le DVD du film vient de sortir chez Paramount.