Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour juin, 2024

Arizona Junior (Raising Arizona) – de Joel et Ethan Coen – 1987

Posté : 30 juin, 2024 @ 8:00 dans 1980-1989, COEN Ethan, COEN Joel | Pas de commentaires »

Arizona Junior

Les crétins ont une place à part chez les frères Coen. Et dans cette espèce de grande famille décérébrée et hyper-réjouissante qui se construit tout au long de leur filmographie, le Hi interprété par Nicolas Cage dans Arizona Junior fait figure de patriarche, bien épaulé c’est vrai par son épouse Ed, Holly Hunter.

C’est le deuxième film des frangins après Blood Simple, et on peut déjà dire que l’essentiel de leur cinéma est déjà là, condensé dans ces deux films fondateurs. Bien sûr, c’est réducteur, et c’est oublier un peu vite les richesses de Barton Fink ou Inside Llewyn Davis, mais quand même : dès ces premières années, ce qui fera la singularité de tout leur cinéma est bien là.

Et Arizona Junior préfigure merveilleusement les idiots magnifiques qu’incarneront George Clooney (O’Brother) ou Brad Pitt (Burn after reading). Pour incarner ces idiots magnifiques et désespérément humains, on peut dire que les Coen ont du flair…

Ici, c’est Nicolas Cage, donc, tout jeune et déjà hallucinant, incarnation idéale du plus cartoonesque des Coen. Il n’a pas encore été Sailor pour l’éternité, mais il a déjà été mémorable au côté de Peggy Sue. Ici, il est hallucinant, débordant d’humanité tout en affichant une débilité très prononcée. Un type bien, d’une pureté presque angélique, mais aussi un braqueur très récidiviste, doublé d’un voleur de bébé.

Mais c’est pour la bonne cause : un sens de la justice qui lui est très personnel, le bonheur de celle qu’il aime, merveilleuse Holly Hunter, ex-flic devenue hors-la-loi par besoin de maternité… Leur logique se tiendrait presque (j’ai dit presque) : puisqu’elle ne peut pas avoir d’enfant et qu’un riche couple vient d’avoir des quintuplés, n’est-ce pas rétablir un semblant de justice que de prendre l’un des cinq bébés ?

L’épopée de ces deux-là est romantique et grotesque. En même temps. Et tous ceux qu’ils croisent sont taillés dans le même bois, comme des personnages de dessin animé, tendance Tex Avery : trop méchants, trop bêtes, trop naïfs… Mention à John Goodman bien sûr, magnifique évadé transformant la vulgarité en poésie.

Il a un second rôle, mais le film lui ressemble : trop expressif, trop exagéré, trop démonstratif, trop tout… Mais bizarrement poétique, fou et doux à la fois, comme le regard de Nicolas Cage, profondément réjouissant, et furieusement à fleur de peau.

Le Goût de la Cerise (Ta’m e guilass) – d’Abbas Kiarostami – 1997

Posté : 29 juin, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, KIAROSTAMI Abbas, Palmes d'Or | Pas de commentaires »

Le Goût de la cerise

Un homme veut mourir. Il n’a besoin de personne pour ça. En revanche, il recherche quelqu’un pour recouvrir son corps… Ça se passe en Iran, sur les routes poussiéreuses qui entourent Téhéran, et même dans ce pays marqué par la guerre et par la mort, cette quête n’a rien de simple…

Palme d’Or en 1997 (ex-æquo avec L’Anguille d’Immamura), Le Goût de la Cerise frappe d’emblée par sa simplicité et son dépouillement. L’histoire elle-même ne dépasse pas ce cadre-là. Et pendant une grande partie du film, Kiarostami filme son anti-héros en gros plans fixes (ou est-ce une série de travellings ?), avec une caméra embarquée dans une voiture, qui capte le profil du conducteur, et son regard guettant celui qui l’accompagnera dans son suicide.

C’est simple, épuré, et fascinant. Ce voyage, dont on ne connaît pas les motivations, au cours duquel jamais l’homme ne se livre par des morts, est pourtant un voyage vers ce qu’il a de plus intime, de plus humain. En fait, plus il se tait, plus cet homme se révèle, et devient humain.

Il se révèle au fil de ses rencontres : ces hommes de tous horizons (un soldat, un séminariste, un taxidermiste…) qu’il embarque dans sa voiture, pour tenter de les convaincre. D’abord inquiétant, dérangeant, puis de plus en plus démuni, cédant de plus en plus la parole. Cette parole que chacun lance systématiquement face caméra, laissant planer le doute sur leur portée, et pourtant si pleine d’effets sur le spectateur pris à témoin.

Kiarostami filme au plus près des visages. Pourtant, les paysages sont omniprésents, vastes, désertiques, poussiéreux, mais fascinants. Parce que la lumière est belle. Parce qu’un arbre, au milieu des gravas, vient apporter une touche de beauté et de poésie. Parce qu’un virage harmonieux donne un charme inattendu à une piste poussiéreuse.

Dans le drame que filme Kiarostami, la vie éclate par petites touches, comme des éclats d’optimisme qui refusent de se soumettre. Et c’est beau. C’est même très beau, étrangement solaire malgré le sujet franchement désespéré.

Quant à la fin, inattendue et troublante, j’avoue qu’elle me laisse dubitatif. Non pas que l’idée de briser le quatrième mur me paraisse aberrant : son utilisation par Nuri Bilge Ceylan dans Les Herbes Sèches sera une trouvaille assez géniale. Mais là, Kiarostami donne simplement le sentiment de ne pas vouloir conclure et trancher, laissant au spectateur le soin de compléter le récit. Atténuant aussi in fine la puissance de son récit. C’est un peu dommage.

Le Gros Lot (Christmas in July) – de Preston Sturges – 1940

Posté : 28 juin, 2024 @ 8:00 dans 1940-1949, STURGES Preston | Pas de commentaires »

Christmas in July

Un canular, un malentendu, et il n’en faut pas plus à Preston Sturges pour réussir l’une de ses comédies irrésistibles et folles, et en même temps très ancrées socialement. Du grand Sturges, donc, dont c’est pourtant le deuxième film derrière la caméra seulement, mais qui confirme déjà qu’il est une sorte de chaînon manquant entre Howard Hawks et Frank Capra…

Le canular, c’est le faux télégramme que font parvenir trois de ses collègues (dont Rod Cameron, loin de ses futurs personnages de heavy) à l’excellent Dick Powell, brave employé de bureau qui rêve de gagner les 25 000 dollars d’un concours de slogan publicitaire. Et c’est justement ce que lui annonce ce faux télégramme, blague un peu douteuse on en conviendra.

La suite, on la devine : le gars et sa fiancée (Ellen Drew, incarnation de la douceur) s’emballent, dépensent comme des dingues (mais pour faire plaisir aux autres), rêvent de la nouvelle vie qu’ils pourront mener, avant le brusque retour à la réalité. Simple, classique, et pas sans surprise.

En à peine plus d’une heure, Sturges adopte un rythme fou (digne des comédies de Hawks, le cynisme en moins), tout en se donnant le luxe de prendre son temps, notamment dans une très jolie scène d’ouverture sur le toit d’un immeuble, dans un quartier populaire (vision sociale signe de Capra, un certain réalisme en plus).

Belle manière d’ancrer le récit dans une réalité forte, celle encore présente de la Grande Dépression (le film est adapté d’une pièce écrite par Sturges lui-même en 1931), avec ses travailleurs pauvres confrontés au capitalisme le plus débridé.

Il sait prendre son temps pour faire durer les échanges entre ses personnages, et pourtant le rythme est dingue, grâce à des dialogues brillants et enlevés, et des acteurs qui parlent juste ce qu’il faut trop fort, affichant une bonté authentique qui dit beaucoup du regard de Preston Sturges.

Surges a décidément une place bien à lui dans la comédie américaine. Et elle se situe tout en haut, avec les plus grands, avec un style et un ton qui n’appartiennent qu’à lui. Et qui redonnent foi en l’humanité.

Ferrari (id.) – de Michael Mann – 2023

Posté : 27 juin, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, MANN Michael | Pas de commentaires »

Ferrari

N’ayant aucune appétence pour les voitures puissantes, et encore moins pour les courses automobiles, il fallait bien un cinéaste comme Michael Mann pour me donner envie de me plonger dans ce pan de vie d’Enzo Ferrari. Pas un biopic traditionnel, thanks god (j’ai déjà dit à quel point la mode des biopics m’ennuyait?). Quelques mois seulement, en 1957, à une période charnière sur tous les plans pour le constructeur italien.

En résumé : son entreprise risque de disparaître si ses voitures ne gagnent pas très vite une course, l’un de ses pilotes s’est tué en tentant vainement de battre un record et a dû être remplacé au pied levé, et il doit faire un choix entre sa femme légitime, avec qui il a eu un fils mort l’année précédente, et celle avec qui il mène une double vie depuis la guerre, et avec qui il a eu un autre fils.

Bref : on imagine bien les tourbillons qui se déchaînent derrière le visage fermé d’Adam Driver, immense dans ce rôle complexe, où tout se joue dans les minuscules failles. Ce sont ces failles qui sont le cœur et la raison d’être du film, ce sont elles que cherche à capter Mann dans une mise en scène puissance et élégante, presque classique.

Son style est bien là, nous plaçant au cœur même du mouvement, littéralement à l’intérieur des courses qui ponctuent le film. Mais jusqu’au grand morceau de bravoure, cette hallucinante (et tragique, ce que j’ignorais… glaçante, même) course des Mille Miglia, les séquences automobiles sont aussi percutantes que brèves, presque anecdotiques en fait.

Sans doute Mann est-il fasciné par Ferrari, mais on sent bien que c’est le personnage qui l’intéresse surtout : cette armure que l’homme s’est forgé, et les dégâts qu’il provoque autour de lui, en particulier chez sa femme Laura, dont Penelope Cruz fait un personnage de tragédie très fort, et immensément douloureux.

Ce sont les douleurs ravalées de ses personnages qui font la puissance de ce Ferrari, qui porte la marque Michael Mann tout en étant un peu à part dans sa filmographie. Le film est plein de fulgurances, mais aussi étonnamment classique dans la forme, comme si la brutalité des moteurs était tempérée par les beaux paysages italiens baignés de soleil (ou de pluie). Qui exercent chez Mann et chez le spectateur une fascination très différente des décors urbains nocturnes du Los Angeles de Collateral ou Heat, mais bien réelle.

L’Enfance d’Ivan (Ivanovo detstvo) – d’Andreï Tarkovski – 1962

Posté : 26 juin, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, TARKOVSKI Andreï | Pas de commentaires »

L'Enfance d'Ivan

Premier long métrage de Tarkovski… et première claque, immense, qui valut à son auteur un Lion d’Or bien mérité. Après plusieurs courts et moyens métrages, le réalisateur voulait savoir s’il était capable de tenir la distance sur un long, acceptant pour cela un film de commande. Tellement de commande que le tournage avait été commencé par un autre cinéaste, avant que ce dernier soit remercié.

Tarkovski a repris le projet au débotté, reprenant tout depuis le début, et apportant ses propres idées, y compris au niveau du scénario. C’est lui, notamment, qui a choisi de donner une telle importance aux rêves du jeune Ivan dans cette histoire d’une extrême simplicité, qui se déroule durant les combats entre les Soviétiques et les Nazis : Ivan, 12 ans, a perdu sa mère, tuée par les Allemands. Des soldats de l’armée rouge l’ont pris sous leur aile, lui insistant pour leur servir d’éclaireur…

Pas de flash-backs à proprement parler, mais des rêves, qui invoquent douloureusement une innocence détruite dans la violence… Ces scènes de rêve, et ce n’est pas si commun, sont absolument magnifiques. Elles ouvrent le film, et le referment avec un plan de grande liberté qui confirme ce que l’on ressent tout au long du film : Tarkovski, influencé par Bergman, l’est tout autant par le Truffaut des 400 coups

Comme ce dernier, Tarkovski réinvente réellement et profondément la représentation de l’enfance au cinéma. Son Ivan, que l’on découvre couvert de boue et de sueur, le regard dur et décidé, se comportant comme un adulte revenu de tout, n’a a priori rien d’attachant. Seuls ses rêves nous permettent de passer la façade de cette dureté, derrière laquelle est enfouie la douleur d’une enfance ravagée par la guerre.

La guerre, que Tarkovski cantonne essentiellement à six personnages : une femme disparue, une autre presque abstraite, trois hommes et autant de pères potentiels pour un enfant. Un enfant qui ne l’est que dans le regard des hommes qui l’entourent, et du spectateur, bouleversé par cette violence aveugle dont on ne voit que les effets, absurdes et désastreux…

L’Enfance d’Ivan est un film d’une force émotionnelle immense, et visuellement magnifique. Une splendeur, dont chaque plan est d’une richesse, d’une inventivité et d’une puissance inégalables. C’est lyrique, intime, intense, rempli de gros plans bouleversants et de travellings hallucinants comme celui, vertical, qui ouvre le film le long d’un tronc d’arbre qui semble ne jamais devoir finir.

Comme ces troncs innombrables qui barrent l’horizon dans les marais, où le petit groupe s’enfonce sous un ciel étoilé qui semble lui être inaccessible. Tarkovski voulait savoir s’il était capable de réaliser un film ? Il prouve qu’il est déjà un très grand maître, et le meilleur cinéaste soviétique de sa génération.

La Voix de la Terreur / Sherlock Holmes et la voix de la terreur (Sherlock Holmes and the voice of terror) – de John Rawlins – 1942

Posté : 25 juin, 2024 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, RAWLINS John, Sherlock Holmes | Pas de commentaires »

La Voix de la Terreur

En 1942, tout le monde participe à l’effort de guerre, y compris Sherlock Hommes et son comparse Watson. Après deux premiers films fidèles dans l’esprit et dans l’époque, voilà donc Basil Rathbone et Nigel Bruce appelés à revêtir leurs frusques conan-doyliennes dans une étonnante réinvention contemporaine.

Ces deux figures de l’ère victorienne se retrouvent donc confrontés… aux dangers du nazisme, qui menace de l’intérieur une Angleterre en guerre. Un changement de cap étonnant, justifié par un carton inaugural simple et bien pratique, et sur lequel le film ne joue que le temps d’une très courte scène, lorsque Holmes fait mine de renfiler son vieux couvre-chef à oreilles. « Non Holmes, vous avez promis ! » l’arrête Watson.

Le film joue à fond la carte du patriotisme de rigueur, n’évitant pas les grandes envolées lyriques de défenseur du monde libre, parfois grandiloquent, souvent maladroitement. Il y aurait à redire aussi sur les rebondissements attendus, sur la naïveté confondante des méchants (Thomas Gomez notamment, en nazi infiltré), et sur le simplisme du scénario.

Mais cette série B d’à peine plus d’une heure, taillée pour les double-programmes, est constamment tirée vers le haut par une image très travaillée du chef-op’ Woody Bredell (qui travaillera avec Siodmak sur Les Mains qui tuent et Les Tueurs) et par les cadres dynamiques de John Rawlins (qui lui restera cantonné à la série B).

Pas transcendant sur le fond, ce troisième Holmes de la série est formellement une vraie réussite, particulièrement dans les scènes se déroulant dans les bas-quartiers et les bouges mal famés, où les ombres profondes et le beau contraste des images transforment cette petite production en un film racé qui a de la gueule.

Devine qui vient dîner ? (Guess who’s coming to diner) – de Stanley Kramer – 1967

Posté : 24 juin, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, KRAMER Stanley | Pas de commentaires »

Devine qui vient dîner

Stanley Kramer est un cinéaste sincère, et très engagé. Un libéral, comme on dit aux Etats-Unis, dont les films sont des armes pour faire avancer le monde dans le bon sens. Bref, Stanley Kramer devait être un mec bien. Mais pas le réalisateur le plus enthousiasmant du monde, même s’il avait/a ses fans.

Son cinéma peut par moments être lourdement didactique. Il est dans Devine qui vient dîner ?, dénonciation très célébrée du racisme quotidien, un peu maladroit. Parce qu’à force de vouloir démontrer avec force les tares de ses contemporains, il ne réalise pas qu’il passe un peu à côté de sa cible.

Dans ce film, tourné à une époque où le mariage interracial est encore interdit dans plusieurs états américains, Kramer multiplie les effets pour souligner le trouble que provoque la découverte du ou de la fiancé(e), et de sa couleur de peau : les parents du personnage joué par Sidney Poitier ou ceux de Katharine Houghton (Katharine Hepburn et Spencer Tracy, quand même) ont à peu près la même réflexion atterrée…

Tous sont pourtant de braves gens, bien installés et ouvertement de gauche. La jeune fiancée, d’ailleurs, n’a pas même l’ombre d’un doute quant à l’accueil que ses parents si ouverts réserveront au brillant médecin à la réputation internationale dont elle est tombée amoureuse. Ah oui, parce qu’il est ça : un brillant médecin à la réputation internationale, et que ce détail qui devrait être sans importance, voire pas même mentionné, finit par obscurcir totalement le message.

Dans le cheminement mental de ce bon Spencer Tracy, patron de presse de gauche tellement bien qu’il est ami avec un prêtre alors qu’il n’est même pas croyant, la condition sociale du futur gendre a son importance. Facile d’être ouvert et d’affirmer dans un speech lénifiant que la couleur de peau n’est pas un sujet quand on a passé plus d’une heure à relativiser sa gêne en soulignant la réussite sociale dudit…

Autre petit problème, qui pèse assez lourdement aujourd’hui : la décision finale revient définitivement à l’homme, le seul chef de famille. Katharine Hepburn a beau être convaincue en quelques minutes par l’histoire d’amour (après un accueil qui en aurait refroidi plus d’un, quand même), elle se contente d’attendre avec anxiété la réaction de son mari, en bonne épouse qui ne s’est jamais rebellée. Avec ce film, l’antiracisme fait un minuscule pas. Pour le féminisme, il faudra attendre…

Cela étant dit, en flirtant avec la comédie, et en adoptant un rythme plein de vivacité, dans un décor de studio plein de charme (et cette vue improbable sur le Golden Gate, qui confirme qu’il est question du racisme dans un milieu très, très favorisé), Kramer fait les bons choix, et signe un film attachant et assez passionnant. Qui passe à côté de sa cible.

Duo à trois (Bull Durham) – de Ron Shelton – 1988

Posté : 23 juin, 2024 @ 8:00 dans 1980-1989, COSTNER Kevin, SHELTON Ron | Pas de commentaires »

Duo à trois

A quoi ça tient, parfois, l’envie de revoir un film, même un film qui m’avait laissé de marbre quand je l’avais vu il y a une vingtaine d’années : une image, furtive, en revoyant le très beau Un monde parfait que tournerait Costner cinq ans (et un statut de mégastar) plus tard. Dans le film d’Eastwood, la caméra passe rapidement sur une affiche placardée sur un mur. Les mots « Bull Durham » s’y lisent clairement : le nom d’une équipe de base-ball, et le titre d’un film porté par Costner, que les Américains adorent paraît-il.

Et voilà comment l’envie de ressortir le DVD est venue. Et de revoir ce film, totalement culte aux Etats-Unis, totalement oublié chez nous. Ce qui n’est pas étonnant : Bull Durham est un film exclusivement à la gloire de ce sport national et inexportable qu’est le base-ball. Une véritable religion pour le personnage-clé du film : une jeune fan (Susan Sarandon), mascotte hyper-sexuée qui, chaque saison, jette son dévolu sur l’un des joueurs de l’équipe.

Cette saison-là, ils sont deux : le jeune talent en devenir, Tim Robbins, irrésistible en gentil demeuré ; et Kevin Costner, d’un charisme dingue en vieux briscard (déjà : il a 33 ans) chargé de dégrossir le jeune chien fou.

Tout ça n’est pas d’une délicatesse folle. Et les nuances du base-ball échappent dans les grandes largeurs à la perspicacité d’un Français de base (moi, par exemple). Mais on prend un petit plaisir indéniable devant cette chose sans grande envergure, menée avec savoir faire et sans génie par un spécialiste du film de sports (que Costner retrouvera pour Tin Cup, autour… du golf).

Surtout, Kevin Costner commence à imposer son personnage : une sorte d’incarnation idéale et absolue de l’Amérique comme elle n’existe plus guère en dehors de lui. Un personnage qu’il n’a cessé d’approfondir depuis (et dès son deuxième film autour du base-ball, le magnifique Field of Dreams), et qui fait de lui un acteur hors du temps et, oui, précieux.

Une leçon d’amour (En lektion i kärlek) – d’Ingmar Bergman – 1954

Posté : 22 juin, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

Une leçon d'amour

Il me semble bien que c’est la première fois que Bergman se laisse à ce point entraîner du côté de la comédie pure. Il avait déjà adopté une certaine légèreté, avec des pointes d’humour, dans plusieurs films, en particulier L’Attente des femmes. Mais jamais ainsi.

Une leçon d’amour permet d’ailleurs de retrouver le plus enthousiasmant des couples de L’Attente…, Eva Dahlbeck et Gunnar Björnstrand, à la fois explosif, tendre et sensuel. Et l’alchimie détonante qui avait déjà marqué un segment du précédent film prend ici une toute autre dimension, parce qu’elle est au cœur de cette Leçon….

Leçon construite autour d’un jeu de faux semblants, et toute une série de flash-back. On les découvre se rencontrant comme des étrangers à bord d’un train, un peu comme le couple des Amoureux sont seuls au monde. Mais à aucun moment on n’est dupe : non seulement ces deux-là ont une longue histoire, mais ils sont faits l’un pour l’autre.

Les flash-back successifs confirment cette évidence, ou la remettent en cause au fil des souvenirs qu’ils ravivent. Il y a de la vie dans ces flash-back. Des fragments, en tout cas, comme des bribes de souvenirs qui vous hantent, et disent beaucoup des aspects les plus importants de la vie, à travers des moments presque anecdotiques.

Bergman capte ainsi le temps qui passe, les doutes qui s’immiscent, les certitudes confrontées aux réalités de la vie, la difficulté de vieillir ensemble, de conserver cette flamme si fragile… C’est tellement loin de l’image caricaturale de Bergman, telle que même un fidèle admirateur comme Woody Allen l’a véhiculée. C’est léger, tourbillonnant, et pourtant grave et profond. C’est du Bergman, et c’est beau.

La Nuit des forains (Gycklarnas afton) – d’Ingmar Bergman – 1953

Posté : 21 juin, 2024 @ 8:00 dans 1950-1959, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

La Nuit des forains

Il n’a l’air de rien, ce Bergman, fait de petites choses et qui se termine comme il a commencé. Et pourtant, il est d’une richesse assez exceptionnelle, à la fois peinture pleine de vie du quotidien d’un petit cirque ambulant, histoire d’amour improbable, et réflexion douce amère sur la peur du lendemain et les doutes concernant sa propre condition.

Le directeur de cirque Alberti (Åke Grönberg) est un homme fatigué et rempli de doutes. Il n’est plus un jeune homme, son embonpoint prononcé rend ses gestes lourds et difficiles, et la présence de sa toute jeune compagne à ses côtés n’y fait rien : la vie de cirque lui pèse. L’escale prévue dans la petite ville où vivent la femme et les enfants qu’il a abandonnés trois ans plus tôt éveille en lui des rêves d’une vie bourgeoise…

Sa toute jeune compagne, c’est Harriet Andersson, que Bergman retrouve juste après Monika. Elle aussi, derrière sa sensualité et son regard plein de vie, cache mal une sorte de malaise et des interrogations sur son avenir. Jusqu’à se jeter dans les bras d’un comédien pompeux et arrogant

Le couple, dans ce film (comme souvent chez Bergman), n’est pas exactement un havre de paix. Ces deux-là semblent vivre une histoire d’amour sans nuage. Mais le doute s’immisce bientôt, lorsqu’un pote du directeur lui raconte une histoire survenue sept ans plus tôt, concernant un autre couple de la troupe. Le film est à peine commencé, l’histoire pas encore en place, et Bergman s’offre alors un flash-back assez fascinant dans un style quasi-expressionniste, avec noir et blanc saturé et sans parole ou presque.

Après cette entrée en matière formellement spectaculaire, Bergman se fait d’avantage peintre du quotidien, et de l’humain, filmant les retrouvailles du directeur et de sa femme, et son désir de tout quitter pour vivre cette vie bourgeoise qu’elle a choisie, de partager son bonheur. Mais ce bonheur simple et serein, peut-être le doit-elle moins à sa réussite sociale qu’au fait d’avoir échappé à ce couple qui l’empêchait d’être une femme épanouie et libre. Autre thème fort de Bergman.

Entre le folklore du monde du cirque, et les affres de ceux qui le font, Bergman trouve un équilibre idéal, filmant les groupes et les visages avec la même intensité, dissimulant derrière le rythme d’une comédie un film beau et profond, et profondément humain.

123
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr