Arizona Junior (Raising Arizona) – de Joel et Ethan Coen – 1987
Les crétins ont une place à part chez les frères Coen. Et dans cette espèce de grande famille décérébrée et hyper-réjouissante qui se construit tout au long de leur filmographie, le Hi interprété par Nicolas Cage dans Arizona Junior fait figure de patriarche, bien épaulé c’est vrai par son épouse Ed, Holly Hunter.
C’est le deuxième film des frangins après Blood Simple, et on peut déjà dire que l’essentiel de leur cinéma est déjà là, condensé dans ces deux films fondateurs. Bien sûr, c’est réducteur, et c’est oublier un peu vite les richesses de Barton Fink ou Inside Llewyn Davis, mais quand même : dès ces premières années, ce qui fera la singularité de tout leur cinéma est bien là.
Et Arizona Junior préfigure merveilleusement les idiots magnifiques qu’incarneront George Clooney (O’Brother) ou Brad Pitt (Burn after reading). Pour incarner ces idiots magnifiques et désespérément humains, on peut dire que les Coen ont du flair…
Ici, c’est Nicolas Cage, donc, tout jeune et déjà hallucinant, incarnation idéale du plus cartoonesque des Coen. Il n’a pas encore été Sailor pour l’éternité, mais il a déjà été mémorable au côté de Peggy Sue. Ici, il est hallucinant, débordant d’humanité tout en affichant une débilité très prononcée. Un type bien, d’une pureté presque angélique, mais aussi un braqueur très récidiviste, doublé d’un voleur de bébé.
Mais c’est pour la bonne cause : un sens de la justice qui lui est très personnel, le bonheur de celle qu’il aime, merveilleuse Holly Hunter, ex-flic devenue hors-la-loi par besoin de maternité… Leur logique se tiendrait presque (j’ai dit presque) : puisqu’elle ne peut pas avoir d’enfant et qu’un riche couple vient d’avoir des quintuplés, n’est-ce pas rétablir un semblant de justice que de prendre l’un des cinq bébés ?
L’épopée de ces deux-là est romantique et grotesque. En même temps. Et tous ceux qu’ils croisent sont taillés dans le même bois, comme des personnages de dessin animé, tendance Tex Avery : trop méchants, trop bêtes, trop naïfs… Mention à John Goodman bien sûr, magnifique évadé transformant la vulgarité en poésie.
Il a un second rôle, mais le film lui ressemble : trop expressif, trop exagéré, trop démonstratif, trop tout… Mais bizarrement poétique, fou et doux à la fois, comme le regard de Nicolas Cage, profondément réjouissant, et furieusement à fleur de peau.