Face à face (The Killing Season) – de Mark Steven Johnson – 2013
Dans les immenses forêts des Appalaches, un ancien soldat vivant en reclus voit arriver un chasseur bosniaque venu du bout du monde. Les deux hommes se lient d’amitié, mais lorsqu’ils partent chasser tous les deux, le vétéran réalise que leur rencontre ne doit rien au hasard, et que le chasseur est là pour lui…
Le titre français, la bande annonce, l’affiche et la situation de départ laissent penser qu’il s’agit d’un enième film de chasse à l’homme, sur le thème mille fois repris de La Chasse du Comte Zaroff. The Killing Season est autrement plus ambitieux et intéressant que ça : avec ce face-à-face entre deux anciens soldats, l’un américain et l’autre bosniaque, le film explore les effets de la guerre sur les êtres humains. Rien de moins.
Le sujet est un peu trop ambitieux pour Mark Steven Johnson, qui ne réussit son film qu’à moitié. Ce qui, tout de même, n’est pas si mal. Plutôt réussi : le parti-pris esthétique ouvertement inspiré par la photographie, qui recouvre la belle nature sauvage des Appalaches d’une sorte de filtre cendré, donnant au film un aspect mortifère qui colle parfaitement avec le sujet.
Quasiment seuls à l’écran (le film aurait d’ailleurs gagné à se passer des quelques seconds rôles), les deux personnages principaux affrontent, dans cette nature superbe, les morts qui les hantent et la violence que la guerre a instillé en eux, plus qu’ils ne s’affrontent l’un l’autre. Très bons l’un et l’autre, John Travolta (malgré un look improbable et un accent un rien too much) et Robert DeNiro (sobre et touchant) n’en font jamais trop.
C’est d’ailleurs dans leurs échanges que le film est le plus juste. Parce que la frontière entre ces deux-là est plutôt fine, et que leur conscience est aussi ravagée chez l’un que chez l’autre. Ce retour à la nature de deux hommes dévastés par la guerre… c’est un peu un double inversé du début de Voyage au bout de l’enfer. Une filiation que le réalisateur assume pleinement, en filmant un DeNiro qui retient son tir lorsqu’il a un cerf en ligne de mire.
Hélas, le film n’est qu’en parti réussi, parce qu’il est parsemé d’excès qui ruinent l’esprit même du film et des personnages. Des gros plans numériques particulièrement laids et maladroits, et surtout une multiplication d’effets gores totalement hors de propos, filmés avec une complaisance impardonnable, et dignes d’un mauvais film d’horreur.
Comme si Mark Steven Johnson n’avais pas eu suffisamment confiance en la force de son sujet, et en la capacité de ces acteurs d’incarner ce qu’il y a de plus inhumain dans la guerre. Il a eu tort.
• Blue ray chez Metropolitan, avec peu de bonus : un court making-of promotionnel, et quelques bandes annonces.