Atlantique, latitude 41° (A Night to remember) – de Roy Ward Baker – 1958
Le film de référence sur le naufrage du Titanic, quarante ans avant celui de Cameron, qui s’en inspirera d’ailleurs beaucoup, jusqu’à reprendre une poignée de séquences comme la soirée de danses improvisées dans les dortoirs des troisièmes classes, ou ce vieux couple qui décide de mourir ensemble. Cameron citera même Atlantique, latitude 41° en copiant au moins un plan à l’identique : ce petit travelling vers les deux vigies qui voient l’iceberg se rapprocher, trop tard pour réagir…
Le film de Roy Ward Baker impressionne à la fois par une précision presque clinique dans sa narration, et par le flegme absolu de ses personnages, véritable ode énamourée à la fameuse dignité british. Contrairement au triomphe futur de Cameron, le film est ainsi remarquablement dénué de surdramatisation, à de très rares exceptions près autour de l’instant ultime du naufrage, comme si le réalisateur et son scénariste n’avaient alors plus suffisamment foi en la seule force des images.
Le film tire sa force de ce flegme à toute épreuve, de cette approche qui mine de rien place tous les personnages sur un même plan. Braves ou couards, dignes ou pathétiques, tous sont des victimes sur lesquelles, quelles que soient leurs actions, la caméra de Baker ne porte jamais le moindre jugement. Cameron n’aura pas la même empathie absolue.
L’empathie n’empêche d’ailleurs pas la conscience : celle de l’inégalité de cette vieille Angleterre qui sauve ses puissants avec élégance tout en parquant les troisièmes classes dans le ventre du bateau sur le point d’être englouti par les flots. Un thème bien présent, même si jamais surinterprété, toujours en filigrane.
Le film n’a pas cette construction si typique de film catastrophe (que Cameron adoptera, lui), avec cette longue première partie qui permet de mieux connaître les personnages et de renforcer les drames personnels. Pas de ça ici : c’est dans le drame que les personnages révèlent leurs personnalités. Le drame n’en est pas moins fort. Et même si la grandiloquence du discours final vient un peu plomber cette émotion, le film reste une référence, pour sa précision et sa construction, remarquable.