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Archive pour la catégorie 'CHABROL Claude'

La Fleur du mal – de Claude Chabrol – 2003

Posté : 7 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

La Fleur du mal

Sorti il y a tout juste vingt ans, La Fleur du Mal est sans doute le dernier film purement chabrolien, en ce qu’il contient tous les thèmes et motifs qui habitent son cinéma le plus incarné, le plus immédiatement reconnaissable : une bourgeoisie de province (ici, le Bordelais), des secrets de famille, l’art de ne rien laisser transparaître, la nécessité d’afficher une apparence de bonheur et d’équilibre, et le sentiment d’étouffer, qu’un verre de whisky permet de contenir…

Côté secrets de famille, on est plutôt gâté avec celle-ci, ou plutôt celles-ci, avec un s : deux familles qui ne cessent de s’aimer, de se tromper, et de répéter les mêmes drames génération après génération. Avec un trait d’union entre elles : la si bonne tante Line, qui a la douceur de Suzanne Flon, mais qui garde en elle soixante ans de douleur contenue. On le sait vite : ses souvenirs reviennent par bribes, par l’intermédiaire de voix off.

Comme on sait vite que tout ça va se terminer en drame. C’est même le plan qui ouvre le film : fascinant travelling qui nous conduit à l’étage de la maison de famille, où on entend des conversations au rez-de-chaussée, loin du cadavre qui gît quelques mètres au-dessus. Ce premier plan hante évidemment tout le film, planant comme une ombre implacable, pesant sur l’histoire d’amour qui se noue entre le demi-frère et la demi-sœur, joués par Benoît Magimel et Mélanie Doutey.

Chabrol n’est pas du genre à nous asséner un jugement moral : sa critique de la bourgeoisie est nettement plus fine, et forte, qu’un simple constat selon lequel des demi-frères ne devraient pas coucher ensemble. Son point de vue, et le nôtre, est celui de cette famille qui a fait de l’hypocrisie un mode de vie. Et dont certains membres n’en sont pas moins éminemment sympathiques.

Il nous place constamment au niveau de ces personnages, dévoilant par petites touches les travers du père (Bernard Lecoq), et la fauxculterie de la mère (Nathalie Baye), en campagne pour devenir maire. La politique, comme métaphore de l’hypocrisie bourgeoise. Ce pourrait être lourd et convenu, mais non : c’est même particulièrement édifiant devant la caméra de Chabrol, très inspirée.

Dans La Fleur du Mal, tout est affaire de répétition, de mensonges, du poids de l’héritage dans cet entre-soit attirant et effrayant à la fois. Le film est d’une extrême précision, avec ce sentiment d’inéluctable que partagent tous les grands films de Chabrol.

Juste avant la nuit – de Claude Chabrol – 1971

Posté : 6 mars, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Juste avant la nuit

Et si la première image de Juste avant la nuit, après un travelling sur la ville menant à la fenêtre d’un immeuble, clin d’œil pas innocent au premier plan de Psychose, était ce qu’il y avait de plus fort, et de plus évocateur, dans tout le cinéma de Claude Chabrol ? Un gros plan sur le profil baissé de Michel Bouquet, son incarnation la plus cynique de la bourgeoisie, le regard fixe sur une culpabilité dont on ne sait encore rien, et sur un arrière plan totalement noir. Et puis la lumière revient, laissant apparaître l’objet du malaise : une jeune femme nue et alanguie, pas encore assassinée mais c’est tout comme.

Juste avant la nuit n’est pas le film le plus célèbre et célébré de Chabrol. Il l’est moins en tout cas que Le Boucher, Que la bête meure ou La Femme infidèle, tourné peu avant. C’est pourtant l’un de ses chefs d’œuvre, et peut-être le plus hitchcockien dans sa facture et dans ses thèmes : cette manière de filmer la culpabilité et l’hypocrisie, les effets du crime plutôt que le crime lui-même, que Chabrol semble décortiquer dans les moindres détails alors qu’il ne nous en montre rien d’autre que les prémices et les conséquences. Pas l’acte lui-même.

Il semble en terrain totalement familier, Chabrol, filmant une famille bourgeoise se raccrochant à ce qu’elle a de plus vital : cette apparence de bonheur et de fidélité que chacun de ses membres ne cesse de revendiquer avec éclat. Les enfants rieurs, la femme faussement candide, la grand-mère exubérante, et même la bonne abonnée aux fous-rires… Tout sonne trop parfaitement pour être profondément sincère.

« Je te demande pardon… » commence le mari lorsqu’il confesse son crime à sa femme. Avant de continuer, sans ciller : « … Je n’ai pas eu le courage de continuer à me taire. » Avec cette phrase lancée par Michel Bouquet, et avec le visage fermé de son épouse jouée par Stéphane Audran, c’est un peu comme si le couple de La Femme infidèle poussait à l’extrême la logique bourgeoise chabrolienne : s’il s’excuse, ce n’est pas pour le crime qu’il a commis, mais pour le désordre que cela entraîne dans cette petite vie si parfaite.

Surtout ne rien laisser transparaître, surtout ne rien faire qui pourrait troubler la surface de ce bonheur apparent. La scène où Bouquet se livre au mari de sa victime, qui est aussi son meilleur ami et qu’interprète François Périer, est extraordinaire. Périer, au premier plan le visage impassible. Bouquet un peu en arrière, plongé dans l’ombre, de plus en plus opaque au fur et à mesure que son ami encaisse sans éclat, refusant de renoncer à cette amitié inséparable de son équilibre bourgeois…

Le crime est un prétexte, un « mcguffin » pour reprendre le terme d’Hitchcock, la raison qui enferme le personnage de Michel Bouquet dans une prison interne que la mise en scène de Chabrol ne cesse de souligner par des jeux de rideaux, par des grilles posées en premier plan… Autour de lui, dès ce formidable plan d’ouverture sur fond noir, le décor ne fait que renforcer le sentiment d’isolement et de pression, jusqu’à la nuit. La nuit qui estompe les aspérités. La quintessence du cinéma de Chabrol.

Les Fantômes du chapelier – de Claude Chabrol – 1982

Posté : 16 octobre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, CHABROL Claude, d'après Simenon | Pas de commentaires »

Les Fantômes du Chapelier

Simenon et Chabrol : l’association de ces deux noms est tellement évidente qu’on aurait tendance à imaginer, tout naturellement, que la filmographie du second est remplie d’adaptations des romans du premier… Mais non : il y a eu Betty, en 1992, et ces Fantômes du chapelier dix ans plus tôt. L’ombre du créateur de Maigret plane sur la filmographie du cinéaste, mais comme une inspiration diffuse, une sorte de figure tutélaire qui trouvera son apogée avec l’ultime film de Chabrol, Bellamy, hommage de l’un au personnage le plus célèbre de l’autre.

Les Fantômes du chapelier est en tout cas là pour confirmer que Chabrol était fait pour filmer du Simenon. Le film est à la fois une excellente adaptation, et un pur Chabrol. L’atmosphère, si chère à l’écrivain, ce microcosme si précis bousculé par un événement extérieur, les petits secrets et les grandes mesquineries… La réussite du film tient peut-être avant tout du fait que tous ces éléments doivent autant de l’un que de l’autre. Totalement Simenon, et totalement Chabrol.

Chabrol qui s’amuse aussi à citer son autre référence majeure, Hitchcock, reprenant des plans de Psychose avec une précision étonnante : un grand angle plongeant sur la chambre de Serrault et sa « femme », et bien sûr ces ombres chinoises laissant deviner le couple en pleine discussion derrière les rideaux de la chambre… C’est presque avec ces images que le film s’ouvre. Mais Chabrol ne cherche pas pour autant à refaire le coup de Norma Bates : tout dans ces citations visuelles appelle le spectateur à comprendre la situation avant même qu’il la mette réellement en image.

On a donc une petite ville terrorisée par des meurtres de femmes, un petit cercle de bourgeois qui se retrouvent chaque jour sans vraiment se passionner pour le fait divers, et le criminel qui se trouve être l’un d’eux. Rien de vraiment spectaculaire, mais un malaise qui s’installe pour ne plus s’évanouir, avec cet étrange lien qui unit le chapelier Michel Serrault et son voisin tailleur, Charles Aznavour.

Le premier, aisé et respecté, est accueilli au café comme un habitué qu’on appelle par son prénom. Le second, immigrant effacé et malingre, est un petit homme qui semble n’exister aux yeux de personne. Le tailleur, pourtant, se met à suivre le chapelier où qu’il aille, ce dernier se délectant de cette ombre dont il ne cherche jamais à se détacher. Si le film est si réussi, c’est aussi parce que les rapports entre ces deux là ne sont jamais simples, toujours troublants…

Kachoudas, le tailleur joué par Aznavour, sait que Labbé, le chapelier joué par Serrault, est le tueur qui fait trembler la ville. Il le sait, mais il ne dit rien, laissant même une victime mourir devant ses yeux. Pourquoi se tait-il ? Simplement parce qu’il veut simplement vivre tranquille ? Et pourquoi Labbé le laisse-t-il le suivre ? Les doutes constants qui naissent de ces interrogations nourrissent le malaise qui ne cesse de croître au fur et à mesure que la folie du chapelier semble prendre le dessus.

Michel Serrault est formidable dans ce rôle, à la limite du grotesque, notable grandiloquent et pathétique que personne ne penserait même à soupçonner. Face à lui, Aznavour est touchant en Arménien dont la vie semble n’avoir été qu’une fuite en avant silencieuse. Dérangeant et inconfortable, Les Fantômes du chapelier fait partie des très bonnes adaptations de Simenon, et des très bons Chabrol.

Poulet au vinaigre – de Claude Chabrol – 1985

Posté : 31 janvier, 2019 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Poulet au vinaigre

« Ecoute ta mère : touche pas à ça, c’est une lève-tard ! » Stéphane Audran, en invalide victime des bourgeois d’une ville de province, ne serait-elle pas plus odieuse encore que lesdits bourgeois, dans cette nouvelle charge très chabralienne, qui valut à son cinéaste l’un de ses plus grands succès populaires ?

A vrai dire, il n’y a pas grand-monde à sauver, dans cette bourgade de Seine-Maritime où les petits secrets bien pourris ne sont l’exclusivité de personne. En vrac : un notaire hautain (Michel Bouquet, qui d’autre…), un médecin malsain et un garagiste au sang chaud associés pour virer à tout prix l’invalide en question de chez elle ; le fils de ladite, postier qui épie les premiers et ouvre leurs lettres (Lucas Belvaux) ; sa collègue un rien nymphomane, qui pique dans la caisse (Bernadette Laffonf) ; et bien sûr le flic le plus célèbre du cinéma de Chabrol, l’inspecteur Lavardin, arrogant et violent, pas à un dérapage près.

Dans le rôle, Jean Poiret fait preuve d’une antipathie gourmande, dans une interprétation réjouissante qui fait beaucoup pour le charme du film. Surtout que la présence de ce personnage très fort est loin d’étouffer le reste : il n’apparaît que très tardivement, et ne revient que de loin en loin, comme le sparadrap de Dupont dont ce microcosme à l’équilibre vacillant n’arriverait pas à se débarrasser.

Tellement peu présent que Chabrol (et ses producteurs) en ressentira une sorte de frustration, enchaînant l’année suivante avec un Inspecteur Lavardin qui annoncera d’emblée l’ambition, et avec une éphémère série éponyme.
C’est d’ailleurs une nouveauté dans le cinéma de Chabrol : l’intérêt du film repose avant tout sur ce flic intarissable sur les œufs au plat du matin, et sur les petites gens, eux-mêmes victimes de la férocité du cinéaste. Des personnages atypiques que l’on retrouve dans un univers, lui, bien familier. Du Chabrol dans le texte, où les bourgeois sont très exactement comme on les attend.

Masques – de Claude Chabrol – 1987

Posté : 30 novembre, 2018 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Masques

Un jeune auteur qui prépare la biographie d’un présentateur vedette de la télé retrouve ce dernier dans sa maison de campagne pour y passer quelques jours. La rencontre a priori anodine se transforme bientôt en un face à face sous tension sous des apparences de cordialité, où les apparences sont trompeuses…

Chabrol flirte clairement du côté du Mankiewicz du Limier, et la comparaison est cruelle pour le Français, en particulier dans la première scène du film, où la mise en scène même de Chabrol et le montage paraissent étonnamment maladroits, voire approximatifs. S’en dégage aussitôt une impression de dilettantisme qui tranche avec la perfection méticuleuse de Mankiewicz.

Pourtant, ça marche. Allez savoir par quel miracle, mais dans ces vieux murs bourgeois avec ces portes qui grincent et ce plancher qui craque, dont on pensait tout connaître depuis des années avec Chabrol, le cinéaste réussit à nous emmener là où il veut, et à instaurer une atmosphère oppressante et dérangeante.

En différant la révélation de l’intrigue et en se concentrant sur cette atmosphère d’angoisse, Chabrol fait mouche malgré tout. Et la simplicité extrême de sa mise en scène se révèle parfaitement efficace. OK il ne fait pas dans la nuance, et lâche clairement la bride à Noiret comme à Renucci, qui en font des tonnes dans les œillades et les faux-semblants. Mais là aussi, ça marche.

Le suspense est bel et bien oppressant, comme les vieilles boiseries omniprésentes de cette maison de campagne. Le décor est de plus en plus pesant, la tension monte, la vérité éclate, et tout ça finit par une scène réjouissante, pied de nez amusé et gentiment méchant au monde de la télévision. Ni mineur, ni majeur, ce Chabrol là se déguste sans grande surprise, mais avec plaisir.

Violette Nozière – de Claude Chabrol – 1978

Posté : 22 août, 2018 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Violette Nozière

C’est assez fascinant de voir à quel point Isabelle Huppert vampirise ses personnages, quels qu’ils soient. Ou plutôt comment sa présence mystérieuse irrigue tous les films dont elle est la vedette. C’est le cas de ce très beau Violette Nozière, l’une des grandes réussites de Chabrol.

L’histoire, vraie, de Violette Nozière est importante, bien sûr. Mais Chabrol en fait un sujet bien plus vaste. C’est toute une France, toute une société, qu’il dépeint. Une époque : celle qui prépare les horreurs de la seconde guerre mondiale. Et celle de Français moyens aux vies exiguës et étouffantes, et que Chabrol n’épargne pas plus que les bourgeois, sa cible éternelle.

Ce n’est pas si courant dans son cinéma : ce Chabrol-là évite toute linéarité, privilégiant une habile construction en flash-backs qui contribuent à renforcer le mystère et le malaise autour du personnage d’Huppert.

Dans les rôles des parents de Violette, Jean Carmet et Stéphane Audran sont parfaits. Ils incarnent parfaitement cette éducation castratrice, d’autant plus étouffante et angoissante qu’ils échappent à toute caricature. Plutôt attachants, même, finalement.

Quant à Isabelle Huppert, elle est inoubliable, visage insondable derrière lequel on ne sait jamais vraiment si c’est une lueur d’innocence ou une froideur sans nom qui se dégage. Elle incarne si bien le cinéma de Chabrol qu’il est surprenant que ces deux-là aient attendu dix ans pour se retrouver après cette première collaboration. Ce sera pour Une affaire de femmes, une sorte de film-jumeau de Violette Nozière. Après ça, ils ne se quitteront plus.

Inspecteur Lavardin – de Claude Chabrol – 1986

Posté : 7 décembre, 2015 @ 2:08 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Inspecteur Lavardin

Une suite dans la filmo de Chabrol ? Le fait est quasiment unique (il avait réalisé deux épisodes du Tigre dans les années 60 : Le Tigre aime la chair fraîche et Le Tigre se parfume à la dynamite), et on pourrait se dire que le cinéaste se plie aux lois du marché pour le coup… Mais Inspecteur Lavardin, semble plutôt répondre à une pure gourmandise, et au besoin de renouer avec les racines du cinéaste.

Tourné dans la foulée de Poulet au vinaigre, le film permet de retrouver ce flic faussement débonnaire incarné avec délectation par un Jean Poiret aussi séducteur qu’inquiétant. Un personnage qui a tellement plus à Chabrol (et au public) qu’il en tirera même une mini-série télé de quatre épisodes, toujours interprétée par Poiret sur le même ton.

C’est donc un retour aux sources pour le cinéaste, qui retrouve, à travers ce personnage tellement libre qu’il en devient cynique, son mordant vis-à-vis de la fameuse bourgeoisie de province, de ses codes et de son hypocrisie. Et la charge est sévère. Au point de paraître bien maladroite, quasi caricaturale, dans la première partie du film. Mais Chabrol finit par installer une atmosphère très… chabrolienne, dans ce microcosme rongé par les secrets et les mensonges.

Lavardin serait-il un alter ego de Chabrol ? On sent bien que le réalisateur se reconnaît dans ce personnage dont l’apparrente légèreté dissimule à peine la détestation de ce monde de mensonge et d’hypocrisie. Jusqu’à un face-à-face réjouissant et tendu avec un Jean-Luc Bidau parfait en faux-cul au bras long.

C’est aussi un retour aux sources parce que Chabrol retrouve deux acteurs qui ont marqué ses débuts, à l’éclosion de la Nouvelle Vague : Jean-Claude Brialy et Bernadette Lafont, en troublante émanation du passé. On retrouve aussi son goût (et celui de Lavardin) pour la bonne chair, et sa propension à aborder les sujets légers avec gravité, et les sujets sérieux avec dérision. A moins que ce ne soit le contraire…

Bellamy – de Claude Chabrol – 2009

Posté : 29 juin, 2013 @ 8:13 dans * Polars/noirs France, 2000-2009, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Bellamy – de Claude Chabrol – 2009 dans * Polars/noirs France bellamy

Ces deux-là auraient dû faire toute une carrière ensemble. Pourtant, Chabrol a attendu son ultime film pour diriger Depardieu. La rencontre de ces deux ogres, fous de cinéma et de bouffe, avait tout d’une évidence. C’est aussi un retour aux sources pour Chabrol, qui retrouve une veine très « simenonienne ». Même si le film n’est pas une adaptation de Simenon, l’ombre du père de Maigret plane continuellement (la dédicace « aux deux George » – l’autre étant Brassens, lui aussi omniprésent).

Ce commissaire Bellamy a tout du personnage fétiche de l’écrivain. Même aspect débonnaire, même force brute, même volonté de sentir l’atmosphère… Après tout, Depardieu était également fait pour incarner Maigret, ce qu’il n’a jamais fait. Bellamy répare aussi ce rendez-vous manqué.

La présence du jeune frère du commissaire (Cornillac, excellent) fausse la donne, donnant au gros Gégé une facette plus sombre et mystérieuse, une personnification de sa mauvaise conscience.

Comme dans le roman de Simenon, l’intrigue policière n’est qu’un prétexte pour explorer les consciences, et les rapports entre les personnages, à commencer par ceux entre ce commissaire à qui la chance ne cesse de sourire, et ce jeune frère qui rate tout depuis toujours, et qui s’aiment et se détestent en même temps, passant de l’un à l’autre dans le même mouvement…

Chabrol referme aussi sa filmographie sur ce qui restera comme l’un des plus beaux personnages féminins de sa carrière : l’épouse de Bellamy, personnage qui a tout du faire-valoir, mais qui est peut-être le plus profond, le plus beau et le plus complexe du film. Surtout que Marie Bunel est absolument formidable dans ce rôle tout en demi-teinte.

Il y a bien quelques dialogues un peu lourdingues, et deux ou trois scènes trop longues (la première scène du Bricomarché est de trop), mais Bellamy permet à Chabrol de sortir par la grande porte, comme tous les grands : c’est son plus beau film depuis des années.

La Femme infidèle – de Claude Chabrol – 1968

Posté : 19 août, 2010 @ 4:43 dans 1960-1969, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

La Femme infidèle - de Claude Chabrol - 1968 dans 1960-1969 la-femme-infidele

Etrange… Ce bon vieux Chabrol m’avait laissé le souvenir d’une atmosphère un peu langoureuse, voire sulfureuse. Il n’en est rien. Stéphane Audran est belle à damner (comme toujours devant la caméra de son compagnon d’alors, qui la filme comme s’il la caressait), mais elle est bien le seul élément de séduction de ce film ostensiblement froid et austère. De cette époque-là, celle de ses grands classiques (il enchaîne avec Que la bête meure et Le Boucher), La Femme infidèle est sans doute le film qui rappelle le plus que Chabrol fut l’un des pères-fondateurs de la Nouvelle Vague. Il filme ses personnages avec beaucoup de distance et une absence totale de passion, ce qui peut paraître un peu déroutant pour une histoire qui tourne autour d’un crime passionnel.

Mais c’est cette austérité qui rend le film si troublant, et la critique de cette fameuse bourgeoisie de province (la grande obsession du cinéaste, avec la bouffe, de A double tour à La Fille coupée en deux) si puissante. En évitant consciencieusement tous les effets cinématographiques qui auraient pu rendre sa critique trop évidente, Chabrol nous montre une famille parfaite, qui mène une vie parfaite et sans histoire, dans une maison de campagne baignée de soleil et agréablement ombragée. Une famille modèle, quoi, mais qui fait froid dans le dos, comme font froid dans le dos les relations du père avec son fils, ou les déclarations d’amour de Michel Bouquet à Stéphane Audran. Rarement on aura entendu un « Je t’aime » déclamé avec une aussi flagrante absence de passion.

Parce qu’il est rapidement évident que ce qu’aime le personnage de Bouquet, c’est l’image qu’ils donnent du bonheur, plutôt que le bonheur lui-même. Incapable de passion, il voit dans le personnage de Maurice Ronet une menace qui pèse sur l’équilibre si parfait de sa vie, plutôt qu’un rival dans le cœur de sa belle épouse. La longue séquence du meurtre, et surtout de l’après-meurtre, montre bien le sang-froid naturel de cet homme incapable d’éprouver le moindre  sentiment, ou le moindre remords.

Bouquet est formidable. Mais Stéphane Audran l’est tout autant. Contrairement à son mari dans le film, elle laisse transparaître quelques bribes d’émotion tout au long du film. De pulsions de femme, aussi. Les larmes qu’elle se laisse aller à verser après avoir appris la mort de son amant relèvent d’ailleurs sans doute plus de la frustration de voir sa « soupape » disparaître, plutôt que de la douleur de perdre son amour. Au fond, son personnage tient tout autant à cette vie d’apparence que le couple a sans doute mis des années à construire. Lorsqu’elle comprend que son mari a tué son amant (mais ne l’a-t-elle pas su tout de suite ?), sa décision est naturellement prise : pas question de le dénoncer à la police. Cette histoire ancienne qu’elle a déjà oubliée n’a aucun poids face au vernis qui recouvre sa vie, et qui s’apprête pourtant à craquer.

Chabrol fera encore mieux (notamment avec Juste avant la Nuit, qui reformera trois ans plus tard le même couple Stéphane Audran-Michel Bouquet), mais en signant un film totalement dépassionné, il plonge le spectateur dans l’état d’esprit de ses personnages, et signe avec La Femme infidèle l’un de ses films les plus dérangeants.

 

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