Des filles disparaissent (Lured) – de Douglas Sirk – 1947
Une danseuse devient suppléante de la police pour tenter de démasquer le tueur en série qui s’en prend à des jeunes femmes comme elle depuis des semaines… Mais… Mais… Ne serait-ce pas l’histoire de Pièges, le film français de Robert Siodmak, que l’on retrouve dans ce polar signé Douglas Sirk. Mais si, mais si : Lured est bel et bien un remake, qui reprend les grandes lignes de l’intrigue pour la transposer à Londres.
Et le résultat est tout aussi passionnant que le film de Siodmak. Après un film anti-nazi (Hitler’s Madman), un drame sur les Russes blancs (L’Aveu) et une comédie policière en costumes (Scandale à Paris), le néo-américain Douglas Sirk prouve que, avant de devenir le grand spécialiste du mélodrame en technicolor, il était un touche-à-tout déjà très doué.
Un film d’atmosphère, pourrait-on dire, qui vaut à la fois pour l’intrigue elle-même, un whodunit diablement efficace, que pour sa galerie de personnages. La jeune danseuse notamment, interprétée par une Lucille Ball très à l’aise pour passer d’un registre sombre à une folie débridée, à l’image de la relation qu’elle forme avec son « ange gardien », un George Zucco patibulaire et paternaliste à la fois. Ces deux là offrent quelques-uns des moments les plus réjouissants du film.
Et puis Charles Coburn, toujours attachant. Et puis Joseph Calleia, dont on se méfie toujours. Et puis George Sanders, dans sa veine la plus charmante. Et puis Cedric Hardwicke, toujours entre dignité et rigidité. Et puis Boris Karloff, qui débarque avec l’aura horrifique de sa déjà longue carrière, et à qui revient le moment le plus étonnant et le plus flippant : un défilé de haute couture devant un « public » totalement figé (z’avez qu’à voir le film).
Plus qu’une simple curiosité dans le parcours de Sirk, Lured prouve que le cinéaste est aussi un grand réalisateur de films noirs. Il n’aura pas souvent l’occasion de le rappeler, mais il le confirmera avec l’excellent Jenny, femme marquée deux ans plus tard.