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Archive pour la catégorie 'JARMUSCH Jim'

Night on Earth (id.) – de Jim Jarmusch – 1991

Posté : 10 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1990-1999, JARMUSCH Jim | Pas de commentaires »

Night on earth

Los Angeles, New York, Paris, Rome, Helsinki : cinq villes, une nuit, cinq histoires de rencontres dans des taxis. Jarmusch reprend à son compte le principe immuable du film à sketchs, qui consiste à décliner un vague thème en plusieurs historiettes, si possible en variant les décors et avec un casting de luxe.

Côté casting, on est servi : Winona Ryder et Gena Rowlands, Giancarlo Esposito et Armin Muhler-Stahl, Béatrice Dalle et Issak de Bankolé… Une affiche très chic, que vient magnifier la musique de l’indispensable Tom Waits, dont la voix rauque et chaude ouvre et ferme le film, sorte de signature sonore incontournable pour Jarmusch.

Est-ce que ça suffit ? Par moments oui, franchement, lorsque le cinéaste se montre sensible et délicat. Un peu moins quand il s’essaye à la farce plus décomplexée. La section romaine, portée par un Roberto Benigno en roue libre, est assez largement la plus faible. La section parisienne est elle plus inégale, tantôt lourdingue dans le dialogue entre le taxi et sa passagère aveugle, tantôt touchant lorsque la caméra se concentre sur le visage profond d’Isaac de Bankolé.

Dans le segment new-yorkais aussi, Jarmusch oscille entre légèreté et gravité. Entre le chauffeur, immigré, qui ne sait pas conduire, et le fort en gueule qui cherche à retourner à Brooklyn, il y a de la fantaisie : des insultes qui volent, un nez rouge qui apparaît… la rencontre de deux univers, et une authentique tendresse qui finit par toucher après avoir désarçonné.

Mais les meilleurs segments sont sans doute le premier et le dernier. Le film s’ouvre à Los Angeles, sur la rencontre entre une responsable de casting un peu chic et une jeune conductrice brute de décoffrage. Deux stéréotypes, presque, mais interprétées par Winona Ryder (craquante et touchante, même si elle en fait beaucoup) et Gena Rowlands, et cette rencontre-là est magnifique, deux tempéraments, deux grandes actrices.

Le film se termine à Helsinki, avec le segment le plus simple dans la forme. Mais aussi le plus fort dans l’émotion qu’il dégage, rencontre entre un chauffeur taiseux et trois potes très alcoolisés qui tentent de noyer dans la boisson les malheurs de l’un d’eux. Jusqu’à ce que le taxi sorte de son silence pour raconter son propre malheur. Simple, triste, et raconté avec tellement d’émotion ravalée.

Inégal mais séduisant, Jarmusch s’en tire avec les honneurs, et nous laisse une nouvelle fois avec la voix de Tom Waits dans la tête. C’est déjà beaucoup. Mais il fera mieux, beaucoup mieux, avec son film suivant, Dead Man. Son chef d’œuvre.

Dead Man (id.) – de Jim Jarmusch – 1995

Posté : 1 février, 2017 @ 8:00 dans 1990-1999, JARMUSCH Jim, MITCHUM Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

Dead Man

Jarmusch est un cinéaste qui a son rythme bien à lui, lent et envoûtant, qui relève souvent plus du trip hallucinogène que de la simple recherche d’efficacité. Avec Dead Man, ce ton singulier trouve peut-être son aboutissement : cette lente déambulation hallucinée atteint des sommets avec cette histoire d’un homme mort sur le chemin d’un étrange ailleurs.

On peut essayer d’analyser cet étrange western dont le héros se fait descendre dès la première partie, et qui passe le reste du film à errer dans des paysages déserts où les seuls êtres qu’il croise sont des morts en sursis. On peut imaginer qu’il s’agit d’une réflexion sur la vie, la mort, et ce long cheminement interne qui consiste à passer de l’un à l’autre.

Et puis on peut aussi choisir de se laisser emporter par cette étrange poésie, se laisser envoûter par ce rythme lancinant que personnifie si bien Johnny Depp (jamais aussi fascinant que quand il se place ainsi, entre vie et trépas, comme dans Sweeney Todd ou d’une certaine manière Edward aux mains d’argent), et que soulignent les quelques accords et riffs de guitare de Neil Young, qui signe une partition minimaliste qui participe à l’envoûtement.

Du western, Jarmusch tire l’esprit le plus pur, et les figures les plus symboliques, qui donnent d’ailleurs lieu à quelques grands numéros d’acteurs, de Michael Wincott à John Hurt en passant par le grand Bob Mitchum, dont c’est la dernière apparition sur grand écran (on fait plus pourri, comme adieux), ou le hiératique Lance Henricksen.

Jarmush n’évite pas quelques notes de mauvais goût (un gros plan sur un crâne écrasé… beurk et bof). Mais son film, fascinant dès la première image, est l’un des westerns les plus originaux qui soit, et l’un des plus beaux de l’après-Impitoyable.

 

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