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Cutter’s way / La Blessure (Cutter’s way) – de Ivan Passer – 1981

Posté : 1 avril, 2015 @ 4:07 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, PASSER Ivan | Pas de commentaires »

Cutter's way

Le DVD a cette fonction indispensable : permettre de redécouvrir des films tombés dans l’oubli, un rôle qu’il remplit pleinement avec Cutter’s way. Tourné au tout début des années 80, sorte de transition entre des années 70 qui ont bouleversé le cinéma américain et une décennie où tout semble possible (cette production United Artists est lancée avant la sortie de La Porte du Paradis), ce faux film noir évoque une enquête dont on ne verra quasiment rien directement, simple fil rouge auquel se raccrochent une poignée de personnages abîmés chacun à leur manière.

Avec Cutter’s way, Ivan Passer, réalisateur tchèque lui aussi complètement oublié, fait comme beaucoup de cinéastes exilés dans l’histoire d’Hollywood : sous le couvert du film de genre, il dresse le portrait sans concession d’une Amérique malade, hantée par ses échecs et ses fantômes. Le VietNam en l’occurrence, dont Cutter est un vétéran éclopé, borgne, manchot et unijambiste, moitié d’homme qui se jette aveuglement dans une improbable croisade (la recherche d’un tueur) parce qu’il n’arrive pas à affronter le quotidien, en la personne de sa femme qui, elle, se réfugie dans l’alcool plutôt que d’affronter la réalité…

A leur côté, Bone, l’ami indéfectible, séducteur qui semble étouffer sous les conquêtes la culpabilité qui le ronge de ne pas avoir été au feu comme son inséparable ami. Dans le rôle titre, John Heard est intense et dégage une rage et une douleur inoubliables. Mais dans celui de Bone, Jeff Bridges est peut-être plus impressionnant encore. Moins spectaculaire, plus retenue, sa prestation est d’une justesse absolue, et d’une sobriété remarquable.

C’est le destin de ce trio ravagé par une guerre dont on ne verra aucune réminiscence qui intéresse Ivan Passer, cinéaste tchèque qui n’aura pas la carrière de son compatriote Milos Forman, condamné à un oubli injuste mais presque total. Du film de genre, il ne conserve qu’une vague trame à laquelle se rattachent ces personnages sans autre but que d’enchaîner les journées en oubliant leurs fantômes.

Visuellement, pourtant, le film doit beaucoup aux films noirs américains, avec ses ruelles obscures, la confrontation des puissants et des « héros », et même l’irruption d’un semblant de femme fatale. Un hommage sincère au genre, mais dont Ivan Passer se sert pour dresser le portrait d’une Amérique post-VietNam rongée par ses pertes et sa culpabilité.

* Un film qui mérite d’être redécouvert, ce que permet l’édition du DVD chez Sidonis, agrémenté de passionnantes évocations du film par Bertrand Tavernier (qui le considère comme l’un des plus grands films américains des années 80), et par Ivan Passer lui-même.

 

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