Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie '* Pre-code'

L’Emprise (Of human bondage) – de John Cromwell – 1934

Posté : 6 mars, 2024 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CROMWELL John | Pas de commentaires »

L'Emprise

Une peste et un couillon… et un couple impossible au cœur de cette première adaptation du roman de W. Somerset Maugham (deux autres suivront), l’histoire d’un jeune homme souffrant d’un handicap (un pied-bot), qui tombe amoureux de la fille qu’il ne faut pas : une profiteuse, froide, cruelle et inconstante.

Il ne faut pas longtemps pour comprendre qu’elle n’est pas faite pour lui. D’ailleurs, elle n’est faite pour personne. Mais voilà : il en est dingue, et cette passion n’a rien de rationnelle. Alors il sombre, embourbé dans une relation toxique comme le cinéma américain n’en montrerait plus avant un bon moment.

Parce que le film est tourné en 1934, juste avant l’entrée en fonction du code Hayes, et qu’il serait désormais impossible de mettre en scène un tel personnage, aussi amoral, passant d’un homme à un autre, couchant hors mariage. Coup de bol pour Bette Davis, qui avait déjà une vingtaine de films à son actif, mais qui devient une vraie star grâce à ce rôle taillé pour la performance.

Et c’est vrai qu’elle a ici une occasion parfaite de dévoiler l’étendue de son talent. Le film suit le parcours du brave Philip (Leslie Howard), qui noue lui aussi des relations avec plusieurs femmes (le genre de détails que le code Hayes bannira). Un parcours surtout marqué par ses rencontres successives avec Mildred, le personnage que joue Bette Davis.

Et chacune de ces rencontres met en valeur un degré supérieur de la déchéance de la jeune femme, jusqu’à très, très bas. Elle est effectivement assez impressionnante, même si son jeu paraît par moments un peu daté. Pas aidé, c’est vrai, par un montage qui manque cruellement de rythme et une mise en scène qui paraît souvent un peu sage.

Quelques fulgurances, quand même : le gros plan sur les pieds de Leslie Howard qui sort du café sous la pluie de Londres ; ou ce couple qui traverse une rue bondée en se regardant dans les yeux, comme coupés du monde, sous un concert de klaxons…

Une heure près de toi (One hour with you) – d’Ernst Lubitsch (et George Cukor) – 1932

Posté : 10 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CUKOR George, LUBITSCH Ernst | Pas de commentaires »

Une heure près de toi

Mineur et réjouissant : un Lubitsch parfait pour terminer une longue journée un peu difficile. Il y a dans ce film, loin tout de même des grands chefs d’œuvre à venir, ce petit quelque chose qu’on doit appeler la Lubitsch touch, une manière si joyeuse d’être léger et gentiment amoral.

A ce propos, il y a fort à parier que le film serait passé sous les fourches caudines du Code Hays, un an plus tard : il y est question des joies du mariage, mais surtout de celles du marivaudage, de l’adultère, et de ce désir sexuel qui, à l’écran, s’illustre par des images aussi hot qu’un nœud papillon qu’on défait…

One hour with you est le remake d’un petit bijou (muet) de Lubitsch : Comédiennes. Pourtant, ce n’est pas lui qui devait le réaliser mais Cukor. Ce dernier en a semble-t-il filmé une grande partie, avant d’être remplacé par son producteur (Lubitsch, donc), qui a retourné une grande partie du métrage.

C’est donc bien un Lubitsch, sans doute pas son plus personnel, et pas le plus enthousiasmant (il l’est moins que Comédiennes). Mais un Lubitsch tout de même, plein de vivacité et d’une liberté de ton qui fait mouche. Et qu’importe l’accent français surjoué de Maurice Chevalier, qui semble s’appliquer à chaque réplique pour ne pas adopter le moindre accent américain : le film est joyeux, tout simplement.

L’action se passe à Paris, mais on y parle anglais. On y parle aussi en rimes, voire en chansons : comme dans une opérette, les comédiens poussent régulièrement la chansonnette, pour des airs qui ne révolutionnent pas le genre mais qui tirent quelques sourires bienveillants. Chevalier y parle aussi au spectateur, face caméra, renforçant le côté opérette très appuyé.

Tout ça n’est pas très sérieux. Maurice Chevalier joue de son image de séducteur pour incarner cet homme « victime » de la cour répétée de la meilleure amie de sa femme, et de sa propre faiblesse. Son épouse (Jeanette MacDonald), constamment à côté de la plaque, pousse sans le savoir son mari dans les bras de son amie. Charles Ruggles, en meilleur ami de Chevalier amoureux de sa femme, est irrésistible…

C’est léger, mineur et même assez vain. Mais c’est aussi un Lubitsch qui donne la pêche, et qu’on regarde avec un sourire qui ne s’efface jamais. Décidément, parfait pour terminer une journée un peu difficile…

Stingaree (id.) – de William A. Wellman – 1934

Posté : 15 février, 2021 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Stingaree

Voilà le genre d’histoires qu’on n’imaginerait plus portée à l’écran aujourd’hui. Naïve, romanesque, pleine de grands sentiments… Un film qui donne la banane, quoi, sorte de joyeux divertissement pour un Wellman très prolifique (quatre à cinq films par an, rien à jeter) qui s’était fait une spécialité des films noirs sociaux depuis le début des années 30.

On en est loin avec Stingaree, sorte de western australien dont l’action se déroule vers 1875, et qui met en scène un célèbre bandit qui sacrifie sa liberté pour un jeune et belle orpheline rêvant de devenir chanteuse, une variante de Cendrillon étouffée par une marâtre obnubilée par sa propre voix (insupportable).

La jeune femme, c’est Irene Dunne, très bien, jamais minaudeuse, toujours digne. Le bandit, c’est Richard Dix, déjà vétéran (il fut un grand cowboy du muet) et parfait en hors-la-loi de charme. Il l’enlève, se laisse emprisonner pour lui offrir la chance de devenir célèbre… Mais le ton est léger, et on sait bien que tout ça ne peut que bien finir, peu importe le réalisme.

Stingaree est une petite chose, brève et sans prétention. Mais Wellman en fait quelque chose de très beau par la place qu’il accorde à la musique. Tous les moments clés du film, tous les morceaux de bravoure, de suspense, tournent autour d’airs fredonnés ou joués au piano, d’une chanson entendue dans un bar et narrant les exploits du bandit, ou des récitals que finit par donner Irene Dunne, jusqu’à une dernière dramatique où la frontière entre la scène et les coulisses est abolie.

Romance, action, suspense, humour (avec d’incontournables seconds rôles : Andy Devine en sidekick maladroit et attachant, Una O’Connor en femme de chambre à la voix stridente)… Wellman signe une petite récréation franchement réjouissante.

Friends and lovers / Le Sphinx a parlé (Friends and lovers) – de Victor Schertzinger – 1931

Posté : 16 juillet, 2020 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, SCHERTZINGER Victor | Pas de commentaires »

Friends and lovers

Deux amis officiers se retrouvent affectés dans le même poste reculé en Inde. Là, ils découvrent qu’ils sont amoureux de la même femme, restée à Londres… avec son mari tyrannique.

Une femme qui se partage entre trois hommes, et qui plus est en consommant ces trois relations… C’est du cinéma pre-code bien sûr : le genre d’histoires que la censure ne laissera plus passer dans les décennies qui suivent, en tout cas pas de manière si explicite.

C’est aussi les premières années du parlant, et la technique reste balbutiante. Le rythme du film en pâtit souvent, malgré sa courte durée (à peine 1 h 10). Chaque plan semble ainsi durer juste un poil trop longtemps, et les acteurs ne sont pas toujours très dirigés.

Heureusement, ils sont bons, ces acteurs. En tout cas les trois amants. Lily Damita a un petit côté Greta Garbo de seconde zone, mais elle est entourée de Erich Von Stroheim (plutôt bien salaud rigolard et cynique), Adolphe Menjou et Laurence Olivier, tout jeune et plein de fougue.

Victor Schertzinger, qui signe aussi la musique avec Max Steiner, réussit surtout les scènes les plus tendues. Celle du départ des soldats notamment, où le trouble et la colère de l’officier prennent la forme de spectaculaires ombres portées. Ou, dans un tout autre registre, le suspense autour du triangle amoureux dans le couloir du manoir. Sympathique rareté.

La Courtisane (Susan Lenox (her fall and rise)) – de Robert Z. Leonard – 1931

Posté : 4 mai, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, LEONARD Robert Z. | Pas de commentaires »

La Courtisane

Greta Garbo et Clark Gable, deux immenses stars, deux monstres sacrés symboles de deux âges d’or d’Hollywood, que la MGM réunit pour l’unique fois de leur carrière. Sur le papier, ça fait rêver. A l’écran, ça ne fait pas vraiment des étincelles. Comme les deux personnages qui passent une grande partie du film à passer l’un à côté de l’autre, les deux stars, si glamours soient-elles, échouent à former l’un de ces couples mythiques qui font la grandeur d’Hollywood.

A quoi est-ce dû ? A l’incompatibilité de jeu entre ces deux monuments, représentant chacun une époque bien différente de l’autre ? Ou plutôt à la mise en scène tantôt très inspirée tantôt un peu lâche, pas aidée par un montage trop serré qui ne rend pas hommage à l’ampleur de la destinée humaine qui se joue. Comment résumer en moins d’une heure vingt des mois, voire des années de drame ? A l’impossible, nul n’est tenu, en tout cas par Leonard, cinéaste inégal.

Inégal, il l’est ici aussi, avec une seconde moitié trop relâchée pour être vraiment émouvante, et une premier parsemée de moments absolument magnifiques. Les premières minutes notamment, font partie de ce que Robert Z. Leonard a fait de plus beau, de plus audacieux, et de plus fort : la naissance et la jeunesse du personnage de Garbo, résumé par un enchaînement d’ombres portées sur un grand mur vide. Du grand art, pour une séance superbe qui se termine par l’ombre du profil très reconnaissable de la Divine.

Promise à un mariage dont elle ne veut pas (avec Alan Hale), la jeune s’enfuit et se réfugie chez Clark Gable, qui la prend sous son aile avant de tomber amoureux. Mais le destin s’en mêle, et sépare les deux amants, qui s’enfoncent l’un et l’autre très profondément dans une spirale d’incompréhension et de rancœurs. Un peu trop d’ailleurs : Garbo passe son temps à tenter de reconquérir ce crétin de Gable trop fier, trop aveugle, trop con pour faire simple, pour simplement essayer de l’écouter.

Garbo est superbe dans ce film, tourné la même année que Mata-Hari ou le très beau L’Inspiratrice. Parfaite, et toute en nuances, face à un Clark Gable très charismatique mais qui pour le coup, en manque singulièrement (de nuances).

After tomorrow (id.) – de Frank Borzage – 1932

Posté : 7 mars, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, BORZAGE Frank, FARRELL Charles | Pas de commentaires »

After tomorrow

Frank Borzage et Charles Farrell n’ont tourné ensemble que durant six ans, pour autant de films. Mais cette courte collaboration a donné naissance à quelques-uns des plus beaux films du monde, de Seventh Hour à Lucky Star. Alors forcément, cet ultime film commun ne peut pas être anodin.

A côté des immenses chefs d’œuvre de la fin du muet, ce After tomorrow peut certes paraître bien anodin. Mais comme le précédent film de Borzage, Bad Girl, dont il prolonge en quelque sorte le thème central, celui-ci est une merveille de finesse, de mise en scène et d’émotion.

Comme dans le précédent, Borzage raconte les débuts d’un jeune couple. Fiancés depuis trois ans, Sidney (Marian Nixon) et Peter (Farrel) doivent sans cesse repousser leur mariage, notamment à cause de l’égoïsme de leurs mères respectives. Celle de Peter qui voit dans ce futur mariage une menace sur son propre bonheur : une mère étouffante effrayée à l’idée de se retrouver seule. Celle de Sidney qui ne pense qu’à son bien-être, et à la chance qui lui est donnée de tout recommencer avec son amant, au grand dam du brave papa…

C’est un thème récurrent chez Borzage à cette époque : les jeunes couples qui assistent inquiets aux malheurs conjugaux de leurs aînés, souvent mal mariés et comme prisonniers les uns des autres. Mais point l’ombre d’un début de cynisme dans son cinéma, qui affiche une foi inébranlable et pleine d’optimisme en l’amour. Ces deux-là s’aiment, point. A l’image du bienveillant Willie (William Collier, Sr), on sait que leur amour survivra à toutes les épreuves.

What on earth was that ?
That’s my wife
Oh I’m sorry, my mistake…
No… Mine.

Ce mal-être des « vieux » couples est traité sur tous les tons. Plutôt comique d’abord, avec ce dialogue irrésistible entre Peter et un petit gars qui suit une affreuse mégère… sa femme, donc. Puis plus amer avec le personnage de Willie, trop doux et trop amoureux. Franchement cruel enfin, avec une tirade d’une rare violence verbale lancée par la gentille maman (Minna Gomba, la bonne copine de Bad Girl) à Sidney à la veille de son mariage : non je ne t’aime pas, non je ne te désirai pas, et oui à cause de toi je suis coincée avec ton père que je n’ai jamais aimé. Glaçant.

Mais Borzage place l’amour au-dessus de tout. L’amertume, la douleur, la tristesse, rien n’a plus vraiment d’importance quand on s’aime comme Sidney et Peter. La dernière image, iconique, fixe définitivement Charles Farrell comme le symbole absolu d’un certain romantisme hollywoodien, celui de Borzage, le plus beau.

La Chanson de mon cœur (Song o’ my heart) – de Frank Borzage – 1930

Posté : 5 mars, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, BORZAGE Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

La Chanson de mon cœur

En ce tout début du parlant, Frank Borzage est décidément l’homme de la situation, à la Fox, de toutes les situations. Il est le mieux placé pour diriger la star Will Rogers dans son premier film parlant (They had to see Paris, sa précédente réalisation), et le mieux placé pour signer ce qui est avant tout un écrin pour le ténor irlandais John McCormack, véritable star de la scène autour duquel le film est entièrement construit.

Il existe deux versions du film : une version parlante sortie sur les écrans américains, et une version muette pour le marché international, version qui reprend toutefois toutes les parties chantées. Et elles sont nombreuses. Quelle version privilégier ? Je me lance, je me mouille et je tranche : les deux ! Il y a un charme certain qui se dégage de la version muette, qui met en valeur les performances vocales de la vedette. La version parlante vaut surtout pour les chamailleries continuelles de J. Farrel MacDonald et J.M. Kerrigan, deux acteurs irremplaçables pour tout film se déroulant en Irlande à cette époque.

John Ford n’aurait pas renié le décor du film, ce petit village irlandais où il fait bon vivre, aux chaumières charmantes entourées de grands décors bucoliques (quelques scènes ont été tournées en Irlande, mais la plus grande partie a été filmée en studio), et où MacDonald et Kerrigan, qu’il a lui-même dirigés à plusieurs reprises, passent leur temps à se titiller, tout en servant de fil conducteur à l’histoire.

On imagine cependant assez mal Ford signer un film contenant autant de passages chantés : chaque incident de la vie pousse le personnage de Sean, chanteur retiré de la scène depuis un chagrin d’amour, à s’exprimer en musique. C’est parfois un peu longuet (en particulier le retour sur scène, qui donne lieu à un long passage de plusieurs chansons), parfois très beau aussi. J’ai ainsi un petit faible pour l’histoire de la princesse que Sean chante à un groupe d’enfants réunis autour de lui dans un cadre très bucolique. Et surtout pour cette chanson d’amour qui ravive les souvenirs de Mary, son ancien amour.

Mary… Sans doute le plus beau personnage du film : une femme que sa tante avait forcée à épouser un riche parti plutôt que Sean, l’homme qu’elle aimait vraiment, et qui se retrouve des années plus tard mise à la porte avec ses enfants. C’est l’ultime rôle d’Alice Joyce, vedette des premiers temps du cinéma (très populaire dès le tout début des années 1910), et dont la beauté de quadragénaire trouble toujours. Notons que sa fille est interprétée par Maureen O’Sullivan, dans l’un de ses tout premiers rôles, deux ans avant la Jane de Tarzan, l’homme singe.

Il y a quelques beaux très beaux dans ce film, basés surtout sur cette ancienne histoire d’amour qui pèse sur l’histoire et distille une mélancolie tenace, et un vrai sentiment de gâchis. Mais on sent Borzage contraint par la nécessité de placer une bonne dizaine de chansons dans son récit, des chansons pleines de petits moments très émouvants, mais qui interdisent cette grande vague d’émotion à laquelle on s’attend dans tout film de Borzage…

Bad Girl (id.) – de Frank Borzage – 1931

Posté : 4 mars, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Bad Girl

Il peut sembler mineur, ce Borzage. Mais c’est le genre d’œuvres mineurs dont je me contenterais bien jusqu’à la fin des temps… Très joli film, qui raconte les débuts dans la vie d’un tout jeune couple très mignon, mais qui n’arrive pas à se parler avec sincérité, tant l’un comme l’autre ont peur de mal faire : touchant James Dunn, incapable de dire « je t’aime » à sa femme ; craquante Sally Eilers, incapable de faire confiance à son homme…

Ça commence déjà de la plus belle des manières. Lasse des hommes qui, tous autant qu’ils sont, ne pensent qu’à la draguer, la jolie Sally est intriguée par ce drôle de bonhomme, ronchon, qui ne la regarde même pas. Tellement intriguée qu’elle se met en tête d’attirer son regard. Drôle de coup de foudre, qui conduit les deux jeunes gens, bien décidés à rester célibataire, dans la cage d’escalier de la demoiselle, où ils croisent une mère célibataire, une femme qui vient d’enterrer sa mère, un homme que sa femme attend systématiquement avec de grands cris… Autant de raisons de ne pas s’engager dans une histoire d’amour…

Bien sûr, les voilà mariés. Et la jeune épouse se retrouve bientôt enceinte, sans oser l’avouer à son mari, dont elle est persuadée qu’il ne veut pas d’enfants, lui-même ayant la certitude que sa femme n’aime pas les bébés. Quiproquos, mésentente… Ces deux couillons passent l’un à côté de l’autre durant toute la grossesse. Lui, totalement dévoué au bonheur de sa femme. Elle, qu’on bafferait bien si elle n’était pas si mignonne, tant elle se montre injuste avec son grand couillon qui se dévoue corps et âme pour elle sans qu’elle s’en rende compte.

Mais ils sont beaux, ces deux là, pleins d’attentions l’un pour l’autre. Et Borzage sait mieux que quiconque filmer les petits gestes de tendresse, les moments de bonheur comme les petites crises qui couvent. Cette bienveillance extrême qui irrigue tout son cinéma donne d’improbables moments absolument irrésistibles, à l’image de ce match de boxe dans lequel s’engage le pauvre mari pour gagner quelques dollars.

Littéralement massacré sur le ring, il finit par souffler à l’oreille de son adversaire que sa femme est enceinte et qu’il a besoin de rester debout jusqu’à la fin du match. Les deux adversaires commencent alors à s’étreindre en se frappant mollement pour donner le change, se racontant à l’oreille leurs états d’âmes de père ou de futur père. Totalement irrésistible.

Secrets (id.) – de Frank Borzage – 1933

Posté : 23 février, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, BORZAGE Frank, PICKFORD Mary, WESTERNS | Pas de commentaires »

Secrets 1933

Et me voilà euphorique et au bord des larmes… Pas parce que Secrets est le dernier film de Mary Pickford : j’ai eu 86 ans pour m’en remettre. Mais parce que la fiancée de l’Amérique a terminé sa carrière sur l’un de ses plus beaux films, sans aucun doute le plus riche et le plus dense.

1h20, 50 ans d’une vie bien remplie, et l’occasion pour son réalisateur Frank Borzage (terminer sur un Borzage, quand même…) de passer de la comédie de mœurs victorienne au western, de la comédie débridée au drame le plus noir. Une sorte de condensée de cinéma, en quelque sorte, l’œuvre d’un cinéaste aussi à l’aise avec les techniques héritées du cinéma muet qu’avec le son.

Ça commence dans une grande famille de la Nouvelle Angleterre : un important armateur (C. Aubrey Smith) qui a décidé de marier sa fille à un beau parti, chiant comme la lune. Mais la belle (Mary Pickford) est tombée sous le charme du comptable de la famille (Leslie Howard), jeune homme droit et un rien excentrique, qui s’enfuit bientôt avec celle qu’il aime. Direction la Californie, voyage plein de charmes et de dangers que Borzage résume à une succession de plans aussi courts que percutants, montage ébouriffant à la puissance dramatique immense.

Secrets est plein de ces formidables ellipses qui balayent en quelques secondes une nuit, une année, une décennie, voire plus. Avec quelques fulgurances particulièrement marquantes : un simple plan très sombre sur les bottes d’hommes se balançant à un arbre, une série de berceaux d’enfants, un pommier replanté qui fleurit, la flamme d’une bougie qu’on éteint… Des plans magnifiques et évocateurs qui en disent tellement sur le poids du temps qui passe.

Ces ellipses sont comme des accélérations soudaines dans un récit qui sait aussi prendre son temps, quel que soit le ton : léger et drôle dans la première partie, celle de la rencontre et de la fuite des deux amoureux ; noir et intense lors de l’attaque des bandits, d’une violence particulièrement percutante et marquante.

Chacune de ces étapes de vie s’imprègnent durablement dans l’esprit du spectateur, comme autant de secrets partagés par les deux héros, que l’on suit jusqu’au soir de leur vie, désireux de se retourner vers ces cinquante ans si plein de moments forts, comme nous de replonger déjà dans ce film si beau, si complet, et si plein de vie.

En signant le remake de son propre film, tourné en 1924, Borzage choisit le camp de l’optimisme, et de la vie. L’amour plus fort que tout… Borzage, quoi…

Ils voulaient voir Paris (They had to see Paris) – de Frank Borzage – 1929

Posté : 21 février, 2019 @ 8:00 dans * Pre-code, 1920-1929, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

Ils voulaient voir Paris

Déjà une star, Will Rogers a remporté un véritable triomphe avec cette comédie, son premier film parlant. Et le fait que Will Rogers soit l’interprète principal du film, et qu’il découvre la technique du parlant, ne sont pas des faits anecdotiques, tant ils dictent littéralement le rythme et le ton du film.

Certes, Rogers a choisi Borzage pour ses adieux au muet, ce qui en dit aussi beaucoup sur l’aura qu’avait alors le réalisateur de Seventh Hour. Mais They had to see Paris est avant tout un film de Will Rogers. C’est lui qui décide du rythme, avec de longs silences et des temps morts censés mettre en valeur ses mimiques, ses répliques, et sa nature d’homme rural.

Son personnage de plouc venu d’Oklahoma ressemble à s’y méprendre à tous ceux qu’il tournera jusqu’à la fin (précipitée par un tragique accident d’avion) de sa carrière, notamment ses rôles les plus connus chez John Ford (Judge Priest, Doctor Bull et Steamboat round the bend). Ce rôle-là, le garagiste simple et honnête Pike Peters, il le retrouvera d’ailleurs en 1932 dans Down to Earth, suite signée David Butler. Film d’autant plus personnel pour Rogers que la ville dont vient la famille Peters n’est autre que Claremore, la ville où l’acteur vivait.

Dans They had to see Paris, la femme de Pike Peters, grisée par la nouvelle fortune familiale, décide d’emmener ses enfants et son mari à Paris, pour qu’ils s’élèvent dans la société et profitent d’une vie culturelle riche. En fait de culture, la petite famille va passer beaucoup de temps dans les clubs de Pigalle, les enfants vont fréquenter un gigolo chasseur de dot pour l’une, une « danseuse » pour l’un, la maman va se la péter avec des gens du monde aux grandes manières, et le bon papa va voir sa jolie famille partir en quenouille…

« I’ve become pretty useless since I’ve been rich », résumera-t-il dans une séquence assez réjouissante où il découvre qu’il dispose désormais d’un valet pour l’aider à s’habiller. Sa manière de tenter de prononcer le prénom de ce valet, Frann… ssouah, est elle aussi assez drôle, tout comme ses tentatives discutables d’échanger quelques mots en français.

C’est à un festival Will Rogers qu’on assiste dans cette déambulation pleine de clichés sur les Français, d’autant plus rigolos que les Américains, et Rogers lui-même, ne sont pas épargnés. Fort sympathique, donc, mais aussi fort mineur dans la filmo de Borzage. Surtout que cette bluette arrive immédiatement après quelques-uns des plus beaux films de l’histoire.

123
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr