Tokyo Joe (id.) – de Stuart Heisler – 1949
Bogart qui descend d’un avion vêtu de son fameux trench-coat. Bogart (ex) patron d’un « joint » dans une ville étrangère sous occupation. Bogart décorant des yeux un ancien amour vêtu d’un smoking éclatant (noir en l’occurrence). Bogart mercenaire cynique qui révèle sa grandeur d’âme…
Oui, Tokyo Joe est, comme le sera Sirocco deux ans plus tard avec la ville de Damas, un film produit pour surfer sur la recette magique de Casablanca. la magie, ici, n’opère pas vraiment. À trop jouer sur la filiation entre les deux films, Stuart Heisler se retrouve confronté à l’inévitable jeu des comparaisons. Et perd sur tous les niveaux.
Tokyo Joe, cela dit, n’est pas un ratage total. Il y a même de vrais bons moments : l’arrivée dans le « Tokyo Joe » bar, la confrontation kafkaïenne à l’administration de l’occupant, ou le sauvetage de la fillette, particulièrement tendue dans une cave plongée dans l’obscurité.
Et puis, il n’y a pas tant de films américains que ça à montrer le Tokyo occupé de l’après-guerre. Le résultat est certes moins immersif que pour le Berlin de Berlin Express ou la Vienne du Troisième Homme. Mais le décor et la nostalgie qu’il véhicule sont parmi les bonnes idées du film.
Bogart est parfait, n’atténuant en rien les défauts d’un personnage qu’il ose rendre pathétique. Alexander Knox est formidable en mari sympathique et complexe, loin des stéréotypes du mari cocu. Le reste de la distribution n’est, hélas, pas à la hauteur. Sessue Hayakawa se contente de jouer sur sa propre image, et Florence Marly est totalement fade.
Le film, quand même, vaut pour le regard américain porté sur ce Japon de l’immédiat après-guerre, un peu paternaliste. Il semble cela dit que les plans tournés effectivement au Japon l’aient été par la deuxième équipe, sans les acteurs principaux. C’est sans doute ce qui explique l’effet en demi-teinte, et la différence flagrante avec des réussites comme La Scandaleuse de Berlin par exemple.