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Archive pour la catégorie 'TÉCHINÉ André'

Les Gens d’à-côté – d’André Téchiné – 2024

Posté : 12 août, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, TÉCHINÉ André | Pas de commentaires »

Les Gens d'à côté

Il y a un signe qui ne trompe pas : si, après avoir vu un film en salles, on éprouve le besoin irrépressible d’en prolonger l’atmosphère en retrouvant l’esprit de sa bande son, c’est qu’il s’est passé quelque chose de fort dans cette salle de cinéma. Or, c’est l’envie pressante de musique africaine qui continue à m’habiter quelques heures après avoir découvert le nouveau Téchiné. Oui, il s’est passé quelque chose de fort.

Comme dans tous les grands films de Téchiné (qui est loin de me convaincre à chaque fois), celui-ci donne d’abord le sentiment de n’être pas grand-chose : une chronique un peu douce-amère, sans rien de spectaculaire, sans même de vraies aspérités. L’histoire toute simple d’une femme en deuil qui se prend d’amitié pour ses nouveaux voisins, plus jeunes, socialement très loin d’elle.

Elle est flic, et à l’âge où elle pourrait prendre sa retraite. Mais la police est sa vie. C’est là que sont ses amis, c’est de là que vient son reste de famille, celle du frère de son conjoint suicidé un an plus tôt. Mais cette famille est d’origine africaine, et ça a du sens : celui d’une certaine ouverture, et d’une culture qui n’est pas celle de la France et qui baigne tout le film, par petites touches musicales, et par ce je ne sais quoi de magique que peut offrir le cinéma.

Eux sont des trentenaires à peine sortis des classes les plus populaires de la société. Lui, d’ailleurs, est un révolté. Un artiste, doué et sensible, mais un révolté, un blackblock qui ne cache pas sa haine des flics. Alors forcément, elle tait son métier. On voit le clash arriver ? On a tort. Le film est bien plus fin que ça, à moins qu’il ne soit naïf.

Ce qu’on peut lui reprocher, à coup sûr : avec ce film de pas vraiment banlieue, Téchiné livre une vision personnelle de ce que pourraient être les liens sociaux, de ce fil qui doit, forcément, exister entre une policière et la famille d’un blackblock. Naïf, oui, mais à la manière d’un Chaplin ou d’un Renoir. Bref : à moins de dénier à Téchiné le droit à cette naïveté, louons-là et saluons-là, cette naïveté. Et appelons-là humanité…

D’ailleurs, il y a une telle simplicité dans le propos du film que c’est bien l’humanité qui s’en dégage. Derrière le regard faussement froid d’une Isabelle Huppert décidément très très grande, ou derrière celui plus révolté d’une Hafsia Herzi décidément d’une justesse et d’une intensité immenses.

Le film est renversant de sincérité et d’émotion contenu. Ces deux actrices forment un duo totalement improbable, mais magnifique. Bonne nouvelle : elles enchaîneront avec un autre film commun très excitant : La Prisonnière de Bordeaux. Vivement.

Le Lieu du crime – d’André Téchiné – 1986

Posté : 16 avril, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, TÉCHINÉ André | Pas de commentaires »

Le Lieu du crime

Téchiné aime les paumés. Et il y en a un paquet dans Le Lieu du crime, superbe film qui, sous des faux airs de polars, dresse le portrait de quelques personnages bien gratinés. Ta famille : tu l’aimes ou tu la quittes ? Oui, mais comment faire quand on n’est capable de faire ni l’un ni l’autre ? C’est en quelque sorte la question qui taraude tous les personnages principaux.

Il y a d’abord ce gamin, mal aimable, menteur, voleur, agressif, qui en veut à son père Victor Lanoux d’avoir été quitté par sa mère, Catherine Deneuve. Deneuve, sublime en femme coincée entre un fils qu’elle n’arrive pas à bien aimer, et une mère (Danielle Darrieux) qu’elle n’arrive pas à quitter. Et ce grand-père, taiseux et grognon, qui résume en une scène déchirante toutes les difficultés de cette famille : comme il ne peut pas faire à sa famille la même chose qu’il fait à une mouche quand elle l’emmerde, alors il la ferme, lance-t-il froidement en s’éloignant… avant de revenir discrètement et de lancer un petit mot anodin et si tendre à sa femme.

Dans cette famille déphasée survient un jeune homme évadé de prison, qui va sans le vouloir bousculer cet équilibre ravageur, et précipiter au choix le drame ou la délivrance. Ou les deux à la fois. Wadeck Stanczak apporte à ce mauvais garçon une étrange innocence toute juvénile, assez fascinant. Il y a d’ailleurs dans ce film un point de vue un peu naïf, celui d’une enfance mal digérée, dont on n’arriverait pas vraiment à se détacher. Presque une atmosphère à la Mark Twain que renforce les grands et beaux décors de la Garonne, dont la quiétude semble anesthésier les sentiments à fleur de peau.

Tout le meilleur d’André Téchiné semble condenser dans ce film magnifique, dont le calme apparent dissimule à grand-peine une immense envie de hurler. Étouffant et plein de vie, Le Lieu du crime est une merveille.

Impardonnables – d’André Téchiné – 2011

Posté : 6 septembre, 2011 @ 2:40 dans 2010-2019, TÉCHINÉ André | Pas de commentaires »

Impardonnables

Téchiné a souvent eu la tentation de se débarrasser du fardeau de la narration, n’en gardant par exemple qu’une vague trame dans Les Temps qui changent, un pur chef d’œuvre. Avec Impardonnables, il va au bout de sa démarche. Ou presque. Et c’est ce « presque » qui gâche le plaisir incontestable qu’on prend devant le film, et qui laisse au final l’impression désagréable de nous être fait voler le film…

Pendant la majeure partie du film, disons jusqu’à une petite demi-heure de la fin, on s’attend à ce qu’éclate enfin « le sujet » du film : ce petit quelque chose qui va modifier la perception qu’on en a eu depuis les premières minutes. Pas à cause de la bande annonce, certes totalement à côté de la plaque, mais parce que le réalisateur nous laisse imaginer qu’il y a autre chose que cette chronique vénitienne. Un regard appuyé et la bouche soudain crispée de Carole Bouquet, un silence prolongé d’André Dussolier, la disparition soudaine et inexpliquée de Mélanie Thierry… Par petites touches discrètes mais bien présentes, Téchiné fait planer une sourde menace sur ses personnages, préparant le spectateur au rebondissement, et à la révélation, qui n’arrivent jamais.

C’est dommage, parce que les personnages sont passionnants, et n’avaient aucun besoin de tels faux-semblants. Il y a surtout celui de Dussolier, écrivain en mal d’inspiration qui vient s’isoler à Venise pour écrire, et qui propose à son agent immobilier (Bouquet) de s’installer avec lui dans une grande maison isolée, dans un décor plutôt laid à des années-lumière des stérétotypes vénitiens. Créateur rongé par la solitude ou monstre d’égoïsme qui abîme ceux qui l’entourent ? Téchniné ne tranche pas vraiment et filme ce personnage dans toute sa complexité. Homme amoureux, jaloux et manipulateur ; père inquiet qui ne détourne pas les yeux en voyant une sex-tape de sa fille, enregistrée spécialement pour lui… Le meilleur rôle depuis des lustres pour Dussolier.

Autre personnage passionnant : celui joué par Adriana Asti, détective privée décatie, rongée par la cigarette, par son litre de vodka quotidien, par sa relation difficile avec un fils qui sort de prison, et par sa rupture avec Carole Bouquet, avec qui elle a vécu une grande histoire d’amour des années plus tôt. Un personnage à l’italienne (Asti a d’ailleurs été dirigée par les plus grands cinéastes italiens, de Visconti à Bertolucci en passant par Pasolini), tragique et passionné, qui tranche particulièrement avec la froideur du couple Bouquet-Dussolier.

Il y a des choses magnifiques, dans Impardonnables : une vision inédite de Venise, très loin de ce qu’on en voit d’habitude. Il y a aussi des personnages abimés par la vie. Des êtres qui se perdent parce qu’ils ne savent pas communiquer. Il y a le poids du temps qui passe, la difficulté de vivre ensemble, le cauchemar de la paternité, les affres de la création, la volupté de se perdre dans une civilisation qui n’est pas la nôtre… Mais il y a aussi cette impression désagréable d’être passé à côté du principal, à cause de ressors dramatiques hors-sujets. Dommage.

Les Temps qui changent – de André Téchiné – 2004

Posté : 25 avril, 2011 @ 1:28 dans 2000-2009, TÉCHINÉ André | Pas de commentaires »

Les Temps qui changent

Le portrait que Téchiné fait de Tanger dans ce film sublime est fascinant, entre le béton omniprésent et la nature encore intacte, entre la terre et la mer, entre les nuits profondes et les journées baignées de soleil. Ce pourrait être le sujet du film, mais le cinéaste aurait sans doute pu choisir une autre ville hors de l’Europe : Téchiné filme le portrait croisé de déracinés tiraillés entre les conventions de leur culture et leur vraie personnalité.

Il y a Cécile (Catherine Deneuve), vedette de la radio qui sacrifie sa carrière et son bonheur personnel pour un mari qu’elle n’aime pas. Il y a le mari (Gilbert Melki, formidable comme toujours), ambitieux et hédoniste qui cache (mal) derrière une apparente ouverte d’esprit son égoïsme et son sectarisme. Il y a leur fils (Malik Zidi, César mérité du meilleur jeune espoir), qui parvient de moins en moins à refouler son homosexualité consommée. Il y a la compagne de ce dernier (Lubna Azabal, magnifique), jeune femme paumée dont on sent qu’elle ne trouve sa place nulle part, depuis qu’elle s’est éloignée de sa sœur jumelle qui, elle, vit profondément (et douloureusement) sa religion.

Cette famille en apparence idéale, qui vit au soleil dans une villa impressionnante, pourrait servir de sujet d’étude infini à une armée de psys… L’arrivée d’Antoine va faire évoluer ce petit monde. Antoine, c’est Gérard Depardieu, immense et tellement enfantin et entier qu’il en devient bouleversant. Antoine a obtenu un poste de superviseur d’un grand chantier à Tanger parce qu’il rêve depuis trente ans de retrouver Cécile, avec qui il a vécu une folle passion lorsqu’ils étaient jeunes, et qu’il n’a jamais oubliée. Depuis toutes ces années, il n’a fait que chercher à la retrouver, et arrive pour la séduire de nouveau, et finir sa vie avec elle.

La scène où, enfin, il la croise par hasard est d’une banalité presque absurde, loin de toute lyrisme : dans une galerie marchande comme tant d’autres, il l’aperçoit à la caisse du supermarché, avec son mari. Comme un enfant perdu, il se cache derrière un pot de fleur, puis se dérobe, tellement troublé qu’il se fracasse son immense pif sur une porte automatique… C’est tellement grotesque qu’on pourrait en rire, mais on en aurait presque les larmes aux yeux.

Antoine, lui, n’est pas tiraillé comme les autres personnages du film. Il est totalement tourné vers un seul but, qui lui apparaît comme une évidence, qu’il partage d’ailleurs sans détour avec Cécile, puis son mari. Cécile, elle, n’est plus la même, et se comporte comme une mère le ferait avec son fils immature. Mais derrière cette barrière infranchissable, la passion couve toujours, et Téchiné sait magnifiquement saisir ces instants fugitifs qui font toute la beauté de ces retrouvailles au-delà du temps.

Et puis il y a le passé des deux stars, bien sûr, qui plane sur le film. Depuis Le Dernier Métro, le couple Deneuve-Depardieu fait partie des grands mythes du cinéma français. Téchiné leur fait largement honneur. Mieux, avec ce chef d’œuvre bouleversant, il signe leur meilleur film à tous deux depuis des années.

 

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