Pour l’amour du jeu (For love of the game) – de Sam Raimi – 1999
Passons rapidement sur le titre, qui a pour seul mérite de résumer le cahier des charges (on a donc de l’amour et du sport). Passons aussi sur la réputation peu flatteuse de ce film qui n’a d’ailleurs connu qu’un succès d’estime. Passons encore sur les films suivants de Sam Raimi, qui assoiront définitivement sa réputation (parfois un peu usurpée) et son compte en banque… Passons, parce que résumer le film comme une histoire d’amour sur fond de base-ball par le réalisateur de Spiderman risquerait d’en faire fuir plus d’un. Et moi le premier.
Sauf que dans le rôle principal, on retrouve la star la plus malmenée de ces vingt dernières années, et aussi la plus passionnante qui soit : Kevin Costner en personne, qui boucle une espèce de triptyque sur le base ball, inaugurée plus de dix ans plus tôt avec Duo à trois (film culte aux States, plutôt sympathique), et poursuivie avec Jusqu’au bout du rêve (magnifique fable à la Capra).
Et Costner est bien plus que l’acteur principal du film : il en est l’âme. Il est sans doute le plus Américain des acteurs actuels, mais « Américain » dans un sens que n’aurait pas renié John Ford. Costner le clame depuis longtemps (y compris dans ses films) : il aime le western, la country, les grands espaces… et le base ball. Quoi de plus Américain… Loin de nous exclure, nous autre Français, cette identité bien marquée, cet amour pour une culture qui n’est pourtant pas la nôtre, font de Costner un homme de cinéma profondément attachant. Une espèce de garant de valeurs qui n’existent plus guère sur grand écran.
Alors Pour l’amour du jeu n’est pas un film moderne, non. Cette histoire d’amour a déjà été filmée mille fois : c’est l’histoire du champion qui doit choisir entre la femme de sa vie et la passion de sa vie, en l’occurrence le base-ball, dont il est une véritable star. C’est un film bourré de bons sentiments aussi, mais il n’y a vraiment rien de péjoratif, dans cette expression : ce sont ces mêmes bons sentiments que Capra, Curtiz, et même Walsh et Ford plaçaient au cœur de leurs films, et qui continuent à réjouir les cinéphiles du monde entier. Il y a dans ce film un côté rétro et « en dehors du coup » que je trouve réjouissant, comme dans tous les meilleurs films de Costner.
Pour l’amour du jeu est cela dit très original dans sa forme : le film raconte, presque en temps réel, une rencontre de base-ball qui pourrait être à la fois le match de sa vie et son ultime défi sportif pour Billy Chapel, joueur en fin de carrière. Le défi, pour Sam Raimi, était de taille : nous faire partager les sentiments du joueur au cœur du stade : ses interrogations, ses doutes, ses ambitions, l’excitation qui manque, sa manière de faire abstraction de l’ambiance dans les tribunes… et ses souvenirs qui se bousculent, alors qu’il joue ce qui pourrait bien être son dernier match, souvenirs de celle qu’il n’a pas su retenir…
L’histoire d’amour entre Costner et la très belle Kelly Preston (dans le rôle de sa vie) est ainsi raconté en une longue série de flash-backs qui viennent ponctuer le match. Cette construction pourrait sembler batarde, voire casse-gueule. Il n’en est rien : on se passionne autant pour l’histoire d’amour, pourtant bourrée de poncifs, que pour le match lui-même, et même si on ne comprend pas toutes les subtilités du base-ball…