Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour janvier, 2022

La Couleur Pourpre (The Color Purple) – de Steven Spielberg – 1985

Posté : 31 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

La Couleur Pourpre

Il faut avoir un cœur rudement dur pour ne pas verser au moins un litre de larmes devant La Couleur pourpre. Un film important dans la carrière de Steven Spielberg : celui où, pour la première fois, il assume pleinement ses velléités à être autre chose qu’un (génial) cinéaste de divertissement. On a bien le droit, d’ailleurs, de préférer Les Dents de la Mer, Les Aventuriers de l’Arche perdue à ce drame terrible. On a bien le droit aussi de trouver que sa manière de créer l’émotion dans E.T. est plus nuancée, plus élégante.

Mais il y a quelque chose de très beau dans l’application de Spielberg à ne pas édulcorer son histoire, frôlant pour cela le trop-plein. Mais le résultat est, franchement bouleversant. Beau et généreux. Parfois un peu grandiloquent. Parfois un peu maladroit. On retrouve en fait les (grandes) qualités et les (troublants) défauts qui marqueront La Liste de Schindler, quelques années plus tard, en particulier cette propension de Spielberg à glisser du suspense là où ce n’est pas nécessaire : la scène du rasage, comme celle de la douche dans son classique de 1993.

Finalement, c’est dans les détails que l’émotion se fait la plus forte. Dans un geste de la main de Celia, dans une leçon de sourire qui se fige en torrent d’émotion. Et puis le film révèle le talent de la toute jeune Whoopy Goldberg, absolument magnifique dans le rôle de cette jeune fille noire confrontée à la cruauté de ce Sud de l’Amérique encore marqué par le poids du ségrégationnisme (Oprah Winfreh est également très bien en femme forte, puis femme brisée, étonnante). L’histoire est d’autant plus forte qu’elle ne met en scène, quasiment, que des noirs, évitant ainsi tout manichéisme trop facile.

Celia, donc, gamine enceinte de son propre père, que ce dernier refile à un type violent (Danny Glover, glaçant et curieusement touchant en fils brisé devenu adulte castrateur) qui aurait préféré la grande sœur, mais bon. Forcément, on lui retire ses bébés, on la sépare de sa sœur et les années passent, implacables, plombantes, dépourvues d’espoir. Il est question de domination, d’aliénation, de femmes sacrifiées, et de la figure du père, omniprésente et terrifiante. Spielberg a fait des films plus nuancés, plus maîtrisés. Mais comment échapper à l’émotion que suscite le film. Émotion attendue, c’est vrai, mais ça marche. Les larmes jaillissent, et on met deux plombes à se relever de son fauteuil…

La Blonde ou la rousse (Pal Joey) – de George Sidney – 1957

Posté : 22 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, COMEDIES MUSICALES, SIDNEY George | Pas de commentaires »

La Blonde ou la rousse

La blonde et la rousse du titre, c’est Kim Novak et Rita Hayworth. Plutôt classe, même si la blonde Novak a une tendance à faire potiche, et la rousse Hayworth une propension un peu appuyée à sourire à tout bout de champs.

Entre les deux, Frank Sinatra, en chanteur de cabaret sans le sou. Entre les deux, et entre toutes les femmes du casting d’ailleurs : Joey, le personnage joué par Sinatra, n’a qu’à apparaître pour que toutes se pâment de désir. Toutes, sans nuance et sans modération.

La nuance n’est pas tout à fait le fort de cette adaptation d’une comédie musicale, créée sur scène par Gene Kelly. Sinatra y est superbe jusque dans la vulgarité. Les femmes sont des proies potentielles totalement passives, irrésistiblement séduites. Pas très féministe, tout ça…

Le film est d’ailleurs conçu comme un vrai festival Sinatra. Ses deux co-stars ont bien quelques jolis moments (une interprétation superbe de My funny Valentine pour Kim Novak, surtout). Mais la plupart des chansons sont du fait de Frankie. On ne s’en plaint pas d’ailleurs : sa voix et son groove assurent à eux seuls une grande partie du plaisir que l’on prend au film.

Pas ou peu de chorégraphie ici, mais beaucoup d’occasions de chanter, la plupart du temps sur scène. Aux manettes : George Sidney, spécialiste de la comédie musicale, qui donne une ampleur rare au genre en le faisant sortir de son esthétisme de studio. La plupart des séquences ont bien été tournées en studio, c’est vrai, mais Sidney y ajoute des plans, voire des séquences entières tournées dans les rues de San Francisco.

Dès la séquence d’ouverture, cette volonté d’élargir l’horizon du genre séduit. Et quand c’est Kim Novak qui erre dans les rues si cinégéniques de San Francisco, la magie opère pour de bon. Peut-être parce que ces images annoncent avec quelques mois d’avance celles d’un certain Vertigo, que la même blonde tournera dans la même ville. Et ça pour le coup, ce sera vraiment, vraiment très classe.

Cette nuit et toujours (Tonight and every night) – de Victor Saville – 1945

Posté : 21 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1940-1949, COMEDIES MUSICALES, SAVILLE Victor | Pas de commentaires »

Cette nuit et toujours

Que voilà une heureuse surprise. De ce film musical, je n’attendais pas grand-chose d’autre qu’une poignée de numéros chantés et dansés, ce qui aurait déjà pu suffire à mon bonheur, étant assez fan de Rita Hayworth, et conscient que la belle était sur le point d’enchaîner (ou presque) ses deux plus grands films dans un tout autre genre : Gilda et La Dame de Shanghai.

Elle est, bien sûr, somptueuse, Rita Hayworth, à rendre n’importe quel personnage complètement dingue. Elle en séduit bien un ou deux dans ce film, hommage appuyé à un cabaret londonien n’ayant jamais fermé ses portes durant la guerre, pas même aux pires moments des bombardements.

Beau sujet, dont on pouvait craindre quand même qu’il se limite à une succession de numéros, avec un vague fil conducteur. C’est d’ailleurs ce que le début du film semble annoncer, avec la présence d’un photographe du magazine Life qui fait un reportage-prétexte dans les coulisses du théâtre. Le film est beaucoup plus que ça. Les numéros sont nombreux, et ils sont filmés dans leur intégralité, avec leur existence propre. Mais ils s’inscrivent dans un beau mouvement général, avec de vrais enjeux dramatiques.

Le film est séduisant, porté par les superbes couleurs du chef op Rudolph Maté, chaudes et cosy, comme l’appartement très londonien de l’amoureux joué par Lee Bowman. Il n’est pas parfait, non plus. On y trouve de jolis morceaux musicaux qui auraient mérité d’être filmées avec plus de vie, des seconds rôles à peine survolés, et quelques excitantes mais bizarrement à peine ébauchées.

Parmi les beaux moments, on retiendra la demande en mariage, et la manière dont la copine commence « I’ll be… » sans oser finir sa phrase en réalisant qu’elle parle à un prêtre… Un moment curieux, aussi, où le film musical se transforme brièvement en comédie musicale, où les personnages se mettent à chanter en coulisses, dans leur quotidien. C’est le moment où la frontière se lève entre la scène et la vie, où les comédiens décident de dormir sur place pour ne pas voir leurs nuits constamment écourtées par les alarmes.

Le plus grand cirque du monde (Circus World) – de Henry Hathaway – 1964

Posté : 20 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, HATHAWAY Henry, WAYNE John | Pas de commentaires »

Le Plus grand cirque du monde

Douze ans après Cecil B. De Mille et son Sous le plus grand chapiteau du monde, le film d’Hathaway relève de la même ambition. Et la réussite est à peu près aussi éclatante. Il y a le savoir-faire d’Hathaway d’abord, imparable aussi bien dans les passages intimes (il y en a beaucoup) que dans les morceaux de bravoure (il y en a tout autant).

Il y a aussi la présence de John Wayne, dont on ne dira jamais à quel point elle peut suffire à donner du liant à un film, à sauver un nanar. Et ce n’est pas un nanar, ici. Il y a encore le duo mère-fille le plus séduisant de l’histoire des duos mères-filles. Jugez plutôt : Rita Hayworth, toujours splendide, et Claudia Cardinale, déjà splendide.

Il y a enfin le scénario, riche et généreux, pour lequel on retrouve les noms de Ben Hecht, James Edward Grand, Philip Yordan et même Nicholas Ray… Du beau monde, pour une histoire qui respecte à la lettre les codes de ce qui est une sorte de sous-genre, le film de cirque, tout en visant plus haut. Résultat : un film de pur divertissement qui utilise très intelligemment ses gros moyens, mais aussi le portrait d’une époque.

Le « plus grand cirque du monde », que dirige le personnage de John Wayne, est une institution aux Etats-Unis, où existe une vraie tradition circassienne. Mais l’homme rêve d’autre chose, d’ailleurs, d’Europe : cette Europe tournée vers des divertissements moins « ambiance Far West ». C’est un peu le choc des cultures, la conquête d’un vieux monde. Et c’est passionnant, notamment parce que ce vieux monde prend les allures d’un vieil amour, et qu’il y a dans le film une belle volonté de dresser des ponts, de réparer ce qui est cassé…

Hathaway ne fait pas pour autant dans l’introspection. Tout est exacerbé dans son film : les joies, les peurs, les enthousiasmes, les catastrophes aussi. L’épopée européenne du grand cirque sera ainsi confrontée à un naufrage aussi spectaculaire que grotesque, et à un gigantesque incendie qui donne lieu à des images assez incroyables à vingt mètres du sol…

Tourné en 1964, Le plus grand cirque du monde a déjà des allures de dinosaure dans la production hollywoodienne de l’époque. Mais la tradition a encore, et toujours, du bon. Hathaway signe un sommet du genre, aussi enthousiasmant qu’un spectacle de cirque vu par les yeux d’un enfant.

Boîte noire – de Yann Gozlan – 2021

Posté : 18 janvier, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, GOZLAN Yann | Pas de commentaires »

Boîte noire

Me voilà séduit, et même franchement bluffé par ce Boîte noire flippant, passionnant, et d’une belle ambition. Un thriller paranoïaque français autour du crash d’un avion de ligne est déjà bien intriguant, et franchement original, mais le film va plus loin, en jouant constamment sur le son et la perception, comme ressors dramatique et narratif principal.

Le personnage principal, joué par un Pierre Niney décidément naturel et intense dans tous les registres, est un enquêteur du BEA, le bureau d’enquête et d’analyse qui intervient après les catastrophes aériennes. Lui est spécialiste de l’analyse des données sonores récupérées dans les boîtes noires. Autant dire que visuellement, le réalisateur et coscénariste Yann Gozlan ne choisit pas le chemin de la facilité.

Les premières minutes, d’ailleurs, semblent nous préparer à un thriller tendu et diablement efficace, mais plutôt classique. Le film ayant ce titre, on sait bien que l’avion à bord duquel s’ouvre le film ne va pas arriver à bon port. La caméra filme les pilotes dans le cockpit, puis se balade dans les travées des passagers, avec une tension qui ne cesse de grandir. Va-t-on participer au crash, comme dans tant d’autres films avant ? Non : au bon moment, sans esbroufe, avec une remarquable économie de moyen, Gozlan nous sort de l’avion pour nous glisser dans les oreilles de son héros.

Et il n’en sortira plus guère. Malgré quelques facilités de scénario, et quelques raccourcis, l’essentiel du film repose sur ce qu’entend le personnage de Niney, ou ce qu’il croît entendre. La mise en scène, assez brillante, joue avec les perceptions, dirige l’attention du spectateur vers le son dominant, ou au contraire l’anomalie vaguement parasite. C’est fait avec une vraie inventivité, avec un sens du décalage entre le son et l’image, qui finit par créer une ambiance paranoïaque implacable.

A l’image de Pierre Niney, on finit par soupçonner tout le monde, et par remettre en question tout ce qu’on voit. Côté ambiance, Gozlan flirte du côté des grands classiques paranoïaques, à commencer par Les Trois jours du Condor bien sûr. Il y a du Blow Out aussi, dans la manière de disséquer le son (même si De Palma passait souvent du son à l’image). Mais s’il faut retenir une référence, c’est plutôt du côté de The Ghost Writer qu’il faut chercher.

Gozlan s’inscrit clairement dans la lignée du chef d’œuvre de Polanski, mêlant paranoïa, technologie et mensonges dans un cocktail imparable, et glissant des références plus ou moins visibles, comme cette utilisation mystérieuse et inattendue du GPS. Assez brillant, franchement flippant, et totalement passionnant.

Le Père Noël est une ordure – de Jean-Marie Poiré – 1982

Posté : 17 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1980-1989, POIRE Jean-Marie | Pas de commentaires »

Le Père Noël est une ordure

Le soir de Noël, une poignée de tarés défile dans la permanence de SOS Détresse Amitié. Voilà voilà, comme dirait Pierre, alias Thierry Lhermitte. L’histoire, comme dans Les Bronzés et sa suite, n’est qu’un prétexte pour mettre en scène des personnages odieux ou grotesques, et pour enchaîner les dialogues souvent drôles et souvent méchants.

De ce point de vue, Le Père Noël est une ordure est indémodable, gorgé jusqu’à la gueule de scènes mémorables qui, toutes, reposent sur le plaisir communicatif que prennent les membres du Splendid à camper des personnages improbables. Jugnot en Père Noël vulgaire et violent, Chazel en Zézette enceinte jusqu’au cou, Clavier en travesti insupportable… Mention au couple Anémone-Lhermitte, irrésistible en bénévoles coincés.

On le connaît par cœur, bien sûr, on s’amuse d’avance à réciter les dialogues (« Ah mais bien sûr c’est un gilet, il y a des trous plus grands pour les bras »), tous les dialogues (« Evidemment, on vous demande de répondre par oui ou par non, alors ça dépend ça dépasse »), et ça devient une sorte de film karaoké, un peu comme un concert de Patrick Bruel. Autant dire que ce n’est pas comme un film normal qu’on peut évoquer Le Père Noël….

Parce que côté rythme et vision de cinéaste, on repassera. Entre les dialogues et moments cultes, le film n’évite pas les passages à vide. Et malgré quelques plans fugaces inattendus (une caméra subjective qui nous met on ne sait pas trop pourquoi à la place d’un lapin, un bref travelling vers la pièce où Félix découpe le cadavre), il n’y a vraiment que les acteurs et leurs dialogues pour relancer l’intérêt. Et pour justifier le statut de comédie culte que le film a gagné.

Compartiment n°6 (Hytti Nro 6) – de Juho Kuosmanen – 2021

Posté : 16 janvier, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, KUOSMANEN Juho | Pas de commentaires »

Compartiment n°6

Il ne faut pas se fier aux premières impressions, elles sont souvent bien trompeuses. Le type avec lequel cette jeune étudiante finlandaise en voyage en Russie partage le compartiment de son train a tout de la brute épaisse totalement décérébrée, dont la seule présence à l’écran suffit bientôt pour instaurer un sentiment de menace et d’étouffement. Le film, lui, affiche une austérité revendiquée par le refus du réalisateur d’enjoliver ses acteurs comme ses décors…

Voilà en gros où on en est après une dizaine de minutes de projection. Et puis quelque chose se passe. Oh ! Rien de spectaculaire. Rien, même, de vraiment tangible. Un regard, un rayon de soleil sur un visage, la rencontre avec une vieille dame pas même digne… Des petites choses comme ça qui, au fil d’un voyage dénué de tout spectaculaire, font peu à peu basculer les impressions, décalant le centre d’équilibre comme se décale l’univers de la jeune femme, Laura.

Laura, jeune Finlandaise qui vient de passer quelques mois à Moscou où elle a vécu une vie de fantasme, côtoyant la bonne société intellectuelle et vivant dans un appartement bourgeois partagé avec une enseignante devenue sa maîtresse. Son amour, croit-elle alors qu’elle entame un long voyage vers Mourmansk, au Nord, où elle veut voir les Petroglyphes, dessins gravés sur la pierre il y a dix mille ans, « parce qu’il faut connaître son passé pour mieux comprendre son présent ».

Dans ce train, elle croise donc la route de Ljoha, un sale type vulgaire et abrupt, qui finira pourtant par dévoiler une fragilité toute enfantine, en même temps qu’une sensibilité à fleur de peau. Qu’importe le but, bien sûr, qui sera forcément absurdement décevant. C’est le voyage qui compte, la manière dont ces deux solitudes si obstinément différentes se croisent et se trouvent. C’est filmé avec une grande simplicité, et c’est d’une vérité magnifique.

Seidi Haarla et Youri Borissov sont formidables, dans ce duo d’êtres mal assortis. Juho Kuosmanen les filme dans toute la complexité de leur relation, avec une justesse de chaque instant, passant du dégoût à la curiosité, puis à la tendresse, puis… Au cœur du film, une scène charnière, toute en regards évités, où la jeune femme réalise qu’elle n’a qu’une envie, retrouver la complicité qui vient de disparaître.

Quant à l’austérité initiale, elle n’était qu’un leurre. Il y a au contraire dans cette rencontre improbable une légèreté et une chaleur qui contrastent avec la rudesse des paysages et le froid palpable de cet hiver du Grand Nord. Compartiment n°6 s’inscrit dans cette longue tradition des solitudes inconciliables qui se trouvent pourtant qui, des Misfits à Lost in Translation, a donné tant de beaux films.

Les Révoltés du Bounty (Mutiny on the Bounty) – de Frank Lloyd – 1935

Posté : 15 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, LLOYD Frank | Pas de commentaires »

Les Révoltés du Bounty

Vingt-sept ans avant la version de Lewis Milestone, quarante-neuf ans avant celle de Roger Donaldson, Les Révoltés du Bounty version Frank Lloyd n’est pas le premier film qui évoque l’authentique mutinerie ayant éclaté à bord d’un bateau de la Royal Navy : le mérite en revient au méconnu In the wake of the Bounty, tourné trois ans plus tôt, qui reste surtout dans l’histoire pour être le tout premier film dans lequel apparaît Errol Flynn, dans le rôle de Fletcher Christian.

Ici, c’est Clark Gable qui s’y colle, et il devait gravement convoiter le rôle, puisqu’il y sacrifie ses incontournables moustaches… Face à lui, le grand Charles Laughton dans le rôle du tyrannique capitaine Bligh… Et dans le rôle central du jeune sous-officier à travers le regard duquel le film est raconté, Franchot Tone, toujours impeccable. Avec un casting comme ça, le plaisir est assuré. Il est effectivement immense.

Derrière la caméra : le vétéran Frank Lloyd, pas un nouveau venu dans l’univers maritime, puisqu’il a déjà à son actif une adaptation de L’Aigle des mers (dix ans avant celle portée par Errol Flynn, toujours lui). Et dire que le gars sait filmer les grandes voiles, les mats et les marins est un euphémisme. Avec certes de gros moyens financiers, mais la technique de 1935, Lloyd fait mieux que ses successeurs, signant un authentique chef d’œuvre du genre, qui reste totalement bluffant plus de huit décennies plus tard.

Lloyd se révèle aussi à l’aise dans le drame humain que dans le spectaculaire, réussissant aussi bien les face-à-face entre ses personnages que les scènes de tempête. Le film est immersif, tendu et passionnant. Ça sent l’iode, la sueur et le sang, la sensation d’isolement est étouffante, le sentiment d’injustice est révoltant. On a envie de se mutiner avec Clark Gable, on partage la peur et le dégoût de Franchot Tone, la douleur et la colère de Donald Crisp, et puis on ressent l’humanité douloureuse de douloureuse de Charles Laughton…

C’est immersif et impressionnant. C’est le souffle de l’aventure. C’est du grand cinéma, qui en remontrerait à l’immense majorité des grosses productions récentes. Hissez la grande voile, sans hésitation et avec délectation…

 

Fight Club (id.) – de David Fincher – 1999

Posté : 14 janvier, 2022 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, FINCHER David | Pas de commentaires »

Fight Club

Il a plutôt pas si mal vieilli ce film étendard d’une génération, qui a toujours divisé les admirateurs de David Fincher. D’un côté, ceux qui ne jurent que par cette critique acide et très punk du consumérisme. De l’autre, ceux qui estiment que le cinéaste s’est pour une fois laissé débordé par l’esthétique clipesque qui a fait sa réputation avant qu’il ne se mette à faire (avec le talent qu’on lui connaît) du cinéma.

La vérité est sans doute entre les deux. On a bien droit de préférer le versant « grand cinéaste classique » de Fincher, qui a donné ce que j’estime être ses grands chefs d’œuvre, de Zodiac à Mank. Et de trouver que ce Fight Club flirte par moments avec un maniérisme appuyé. Mais tout de même, malgré ses défauts, malgré le tape-à-l’œil que Fincher n’évite pas toujours, il faut bien reconnaître que tout ça est assez brillamment mené, avec un sens du rythme impeccable, et une maîtrise impressionnante du langage cinématographique.

Saluons aussi l’enthousiasme salutaire avec lequel Fincher plonge dans le politiquement incorrect. Bien sûr, on est avant 2001, et le monde n’est pas tout à fait celui qu’il sera après les attentats du 11 septembre. Mais quand même : c’est dans l’esprit d’un type qui devient un gourou terroriste qu’il nous plonge, sans autre filtre que celui de l’écran, et sans rien faire pour le rendre antipathique. Un trip sous acide dont on finit par réaliser qu’il ne nous sort jamais de l’esprit malade du « héros ».

Edward Norton trouve là l’un de ses très grands rôles, celui d’un Américain bien sous tous rapports : employé modèle d’une grande société d’assurance, et consommateur modèle qui remplit son appartement modèle de meubles design dont il n’a évidemment pas l’usage. Un homme au bord de la rupture surtout, incapable de trouver le sommeil, qui finit par trouver la « drogue » dont il a besoin : participer à des thérapies de groupes en se faisant passer pour un grand malade.

Le voir câliner un grand gaillard souffrant d’un cancer des testicules et pleurant sur son épaule nous tire des sourires qui, par la même occasion, nous plongent dans un malaise qui ne fera que se renforcer. Sa rencontre explosive avec un alter ego féminin (Helena Bonham Carter), avec laquelle il se partage les maladies, enfonce le clou. Et quand apparaît Tyler Durden, on comprend qu’il n’y a plus de demi-tour possible. Tyler Durden : représentant en savon… et bien plus qu’un alter ego en l’occurrence, rôle cultissime pour Brad Pitt, déjà grand.

Voir Fight Club pour la première fois est une expérience assez forte. Le revoir est pas mal non plus, et permet de détecter les nombreux signes que glisse Fincher pour annoncer dès les premières minutes la grande révélation finale, signes parfois à peine visibles. L’effet de surprise est bien un peu émoussé, et Fincher a fait tellement mieux depuis. Mais quand même, revoir Fight Club plus de vingt ans après confirme que le gars a décidément un talent fou.

Le Diable n’existe pas (Sheytân vodjoud nadârad) – de Mohammad Rasoulof – 2020

Posté : 13 janvier, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, RASOULOF Mohammad | Pas de commentaires »

Le Diable n'existe pas

Comme son compatriote Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof fait partie de ces réalisateurs iraniens régulièrement condamnés par le pouvoir en place. Leurs films seraient de la propagande, et une menace pour la sécurité nationale. Si, si. Bonne nouvelle : au-delà de l’aspect forcément politique du Diable n’existe pas (malgré les condamnations, malgré les interdictions, Mohammad Rasoulof a choisi de le tourner en Iran), c’est surtout une immense réussite, un film qui vous hante longtemps, très longtemps après la projection. Un Ours d’or bien mérité au festival de Berlin.

En un peu plus de deux heures trente, le film conte en fait quatre histoires : quatre moyens-métrages indépendants les uns des autres, mais complémentaires. Bien mieux qu’une simple succession de sketchs, Le Diable n’existe pas frappe d’abord pour l’intelligence de sa construction. Chaque segment enrichit les précédents avec son propre rythme, sa propre logique, mais avec un même fil rouge, la peine de mort, thème central dont on ne prend conscience qu’à la dernière minute de la première histoire, comme une immense gifle que l’on ne voyait pas venir, et dont l’effet ne se dissipera plus.

Le film s’ouvre sur de longs plans suivant un homme entre deux âges, bonne tête mais taciturne. On le voit passer un contrôle, sortir un lourd sac de son coffre… D’emblée, une sorte d’inquiétude s’installe. Qu’y a-t-il dans ce sac ? Quelque chose d’inavouable ? Le corps d’un homme peut-être ? Mais non : du riz, la portion normale à laquelle sa famille a droit. L’homme est un bon mari, un bon père de famille, un bon fils, un bon voisin, un type bien en fait, bien intégré dans la société, dont on suit le quotidien sans éclat mais bien rempli. On le suit aussi le soir, lorsqu’il prend sa voiture et qu’il traverse la ville à la nuit tombée, le regard comme perdu, happé par ces feux qui passent au rouge, au vert, et dont on comprendra brutalement ce qu’ils évoquent pour lui…

Après ce premier segment, qui montre ce que peuvent avoir de déshumanisant les exigences de la société iranienne, la suite fait un peu figure de retour aux sources : à cet âge où le choix n’est pas encore fait. Après le quotidien d’un homme installé, dans ce qu’il a de plus banal, c’est un huis clos étouffant et sous tension qui nous attend. Six jeunes conscrits sont enfermés dans leur chambrée minuscule. L’un d’eux est en sueur, pâle comme un cadavre. Cette nuit, il sait qu’il doit pour la première fois « retirer le tabouret » d’un condamné à mort, comme doivent souvent le faire les jeunes hommes durant leur service militaire. Il cherche à y échapper, attendant l’appel de sa petite amie dont il compte sur les relations. Lui refuse de tuer son semblable, ses camarades tentent de le raisonner, lui expliquant que c’est un passage obligé pour faire partir de la société… C’est extrêmement tendu, admirablement mis en scène dans les décors exigus de cette caserne-prison. Et là encore, la réalité est bien loin de ce qu’on croyait percevoir.

Dans le troisième segment, un nouveau changement de perspective s’opère. Changement de décor aussi : on découvre un jeune conscrit profitant de trois jours de permission dans les vastes paysages de la campagne verdoyante iranienne. Le jeune homme profite de ce temps libre pour retrouver sa petite amie dans sa maison familiale, loin de la ville. Il y découvre une famille en deuil, après la mort d’un homme que lui-même ne connaissait pas, un « activiste » dont il apprend en même temps l’existence et la mort, exécuté la veille dans la prison où il était incarcéré. En découvrant la photo de cet ami qu’on lui cachait, le jeune conscrit comprend que c’est l’homme à qui il a lui-même « retiré le tabouret » pour avoir droit à ces trois jours de permission…

Nouveau changement de perspective dans le quatrième et dernier segment. Et nouveau changement de décor : cette fois, les montagnes arides et désertiques, où vit un homme qui, lui, a refusé de se plier, sacrifiant ainsi tout son avenir et tout ce à quoi il pouvait prétendre. On dirait volontiers que c’est le plus beau des quatre, mais ce serait injuste. Il est le plus fort, le plus bouleversant, parce qu’il est éclairé par les trois précédents, parce qu’il boucle une sorte d’étude à hauteur d’hommes sur ce que la peine de mort et cette société iranienne exigent. Le film est politique, oui, bien sûr. Mais s’il est si beau, et finalement si universel, c’est parce qu’il ne filme que des individus, dans leur complexité, leurs doutes et leurs certitudes. Tout simplement magnifique.

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