La 25e heure / 24 heures avant la nuit (25th hour) – de Spike Lee – 2002
C’est le premier film important tourné à New York après les attentats du 11 septembre 2001, et ça n’a rien d’anodin. Spike Lee, grand cinéaste new-yorkais au même titre que Scorsese ou Woody Allen, capte les mutations de cette ville qu’il a si souvent filmée, l’ambiance si particulière, et ce Ground Zero que les engins continuent à déblayer jour et nuit, sous les fenêtres de l’appartement luxueux de l’un des personnages.
Il n’est jamais directement question des attentats dans La 25e heure (rebaptisé 24 heures avant la nuit pour des problèmes de droits). Pourtant, leur souvenir plane constamment sur ce beau film, qui s’ouvre d’ailleurs sur la fameuse skyline, deux colonnes de lumière remplaçant les tours jumelles dans une image qui prend aux tripes, et qui installe une atmosphère lourde et déchirante.
Rien à voir avec l’histoire, donc, si ce n’est qu’il est question d’un monde qui s’effondre : celui de Monty (Edward Norton, magnifique), petit dealer à qui il reste 24 heures de liberté avant d’aller purger la peine de sept ans de prison à laquelle il a été condamné. Sept ans, toute une vie… Et ce n’est pas le moindre mérite de Spike Lee que de mettre du poids derrière cette durée : sept ans de prison, c’est long.
Et 24 heures, c’est court, pour mettre ses affaires en ordre, et quitter comme il faut les personnes qui comptent vraiment : sa petite amie dont il se demande si ce n’est pas elle qui l’a dénoncé, son père avec qui il a du mal à échanger, et ses deux amis d’enfance dont il s’est pourtant éloigné en choisissant sa vie de trafic. 24 heures pour les retrouver tous, et mieux pouvoir leur dire au-revoir.
La 25e heure est une merveille, dont j’ai toujours pensé (alors et depuis) que c’était le chef d’œuvre de Spike Lee. Son Carlito’s Way à lui, une sorte de miracle de cinéma, dont le mouvement et le ton s’épousent parfaitement pour donner corps au désespoir, aux regrets et à la soif de vie du personnage principal, et de ses proches, dans des virées nocturnes et diurnes déchirantes.
Au passage, Spike Lee confirme qu’il est, outre un cinéaste au style très affirmé et immédiatement identifiable, un grand directeur d’acteur. Rosario Dawson a rarement été aussi bien que dans le rôle de la petite amie qui prend les soupçons contre elle comme une double peine. Barry Pepper est d’une intensité folle en trader carnassier qui cache sa douleur derrière une façade d’arrogance.
Philip Seymour Hoffman impressionne en prof frustré qui se laisse déborder par une élève trop jeune et trop femme à la fois. Et Brian Cox est bouleversant dans le rôle de ce père maladroit qui ne sait comment retenir son fils. Les scènes qu’ils partagent sont peut-être les plus belles de ce film qui porte en lui tous les regrets du monde, un grand cri étouffé face à l’ampleur du gâchis.