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Archive pour la catégorie 'VIDOR King'

Le Grand Passage (Northwest Passage – Book 1 : Rogers’ Rangers) – de King Vidor – 1940

Posté : 11 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, VIDOR King, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Grand passage

Avec cette première production en Technicolor, la MGM flirte ouvertement du côté de quelques gros succès récents : Les Aventures de Robin des Bois côté Warner, et surtout Sur la piste des Mohawks côté Fox, dont Le Grand passage reprend le contexte (ou pas loin) : l’Amérique du milieu du XVIIIe siècle, dominée par la guerre entre les Anglais et les Français, et contre les Indiens.

Soyons clair : le film n’a ni la parfaite légèreté du chef d’œuvre de Curtis, ni la folle intensité de celui de Ford. Cette grosse production hollywoodienne est passionnante et pleine de moments franchement mémorables, mais elle ressemble souvent avant tout à ça : une grosse production hollywoodienne, dans laquelle on met du temps à entrer, et qui n’évite pas les flottements et les facilités scénaristiques.

De King Vidor, l’auteur de tant de chefs d’œuvre avant ou après 1940 (y compris de grosses productions hollywoodiennes d’ailleurs), on attendait notamment un dénouement plus convaincant que cette déroute qui se transforme en triomphe par un tour de passe-passe bigot, du genre il ne faut jamais perdre la foi, après tout, Moïse est bien resté quarante jours sans rien manger. Si au moins cela symbolisait la grandeur de la solidarité, comme dans le très beau Notre pain quotidien, mais non.

Une autre limite, c’est le Technicolor lui-même, parfois franchement pisseux, souvent mal maîtrisé, qui gâche même les premières scènes du film. Paradoxalement, la couleur apporte aussi une dimension quasi inédite (il y a eu les Mohawks de Ford quand même, avant ça) à l’épopée de ces Rangers qui s’enfoncent dans des paysages somptueux, transformés régulièrement en théâtres sanglants. Et ce contraste si brutal entre le vert du décor et le rouge du sang est sans doute la grande force du film.

Le décor est toujours primordial chez Vidor. Mais le cinéaste ne filme vraiment que les individus qui y évoluent. En cela, Le Grand Passage est un Vidor typique, avant tout basé sur ses personnages, tous très forts et filmés avec beaucoup d’empathie : Spencer Tracy en leader charismatique et clairvoyant, Robert Young en étudiant confronté à la violence des guerres indiennes, Walter Brennan en fidèle compagnon… mais aussi tous les seconds rôles, Vidor offrant chacun un moment de gloire.

Beaucoup d’empathie, notamment, pour les vaincus : les hommes terrassés par la faim, la peur, ou la folie. Et les Indiens aussi, mine de rien. Aucun d’entre eux n’est vraiment filmé en tant qu’individu, certes, ce qui a d’ailleurs valu au film d’être taxé de racisme. Mais leur sauvagerie n’apparaît que dans les témoignages parlés, jamais directement à l’image. Au contraire, les seules scènes de violence que filme Vidor sont de véritables massacres perpétrés… par les héros, et qui laissent un goût franchement très amer.

On ne retrouve pas dans Le Grand Passage le souffle dramatique des grands films muets de Vidor, ou de ses grands westerns à venir (Duel au soleil et L’Homme qui n’a pas d’étoile, deux films immenses). Mais il y a un rythme, une manière de filmer le mouvement, le groupe, la peur. Une manière surtout de mettre en scène la déroute de ces hommes et d’invoquer le souvenir de la civilisation. Malgré ses imperfections, voire ses francs défauts, le film est passionnant.

Une gamine charmante (The Patsy) – de King Vidor – 1928

Posté : 3 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, VIDOR King | Pas de commentaires »

Une gamine charmante

Voilà un Vidor totalement inattendu. Léger, charmant et drôle : des mots que l’on n’associe pas forcément immédiatement à l’œuvre du cinéaste, souvent nettement plus sombre et engagé. Vidor sort d’ailleurs de La Foule, l’un de ses chefs d’œuvre, film social et engagé d’une ampleur rare, où la légèreté n’est pas vraiment de mise. The Patsy, avec lequel il enchaîne la même année, a donc tout d’une simple récréation.

C’est un peu rapide : cette « récréation » dévoile surtout le talent insoupçonné de Vidor pour la comédie, qu’il filme avec la même intensité, la même science du rythme et de la dramaturgie que ses grands drames. L’histoire, pourtant, semble réduite à la plus grande simplicité, débarrassée de tout artifice dramaturgique trop facile. C’est donc d’une simplicité confondante.

Une toute jeune femme, amoureuse du fiancée de sa sœur. Sœur pas sympa d’ailleurs, qui prend un malin plaisir, tout comme leur mère, à harceler et martyriser la pauvrette, défendue timidement par un papa gentiment soumis. Et le fiancé ? Il n’a d’yeux, comme tous les hommes, que pour la méchante sœur, la trop douce héroïne passant presque inaperçue.

Elle est pourtant charmante, cette jeune femme, incarnée par Marion Davies, la pauvre starlette réduite à jamais dans l’histoire du cinéma à la maîtresse de William Randolph Hearst. The Patsy prouve qu’elle est bien plus que ça : une vraie actrice, une star en puissance même, craquante et pleine de malice, frêle silhouette qui dévore l’écran face à la sœur interprétée par Jane Winton, et tout le reste du casting.

Il y a aussi Marie Dressler, l’imposante, le dragon, gargantuesque comme toujours en mère castratrice et odieuse. Une relecture tout à fait crédible de la marâtre de Cendrillon… A ceci près que le prince charmant est à baffer, et que Vidor est un humaniste que rien n’intéresse tant que les sursauts de bonté des plus affreux de ses personnages.

The Patsy est donc un film vraiment léger, triangle amoureux plein de drôlerie, véritable tourbillon superbement réalisé par un Vidor qui ne renonce en rien à ses ambitions esthétiques avec cette bluette. Un travelling savant dans un club, le parallèle très évocateur de deux couples en formation à bord d’un yacht pour l’un et d’un canot à rames pour l’autre, des imitations saisissantes de quelques stars de cinéma (dont Lilian Gish, pour qui Vidor avait une passion)… Léger et presque anodin sur le fond, The Patsy est une merveille, digne des grands classiques du cinéaste.

Notre pain quotidien (Our daily bread) – de King Vidor – 1934

Posté : 13 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

Notre pain quotidien

Grand, grand film sur la Grande Dépression. Cinq ans avant Les Raisins de la colère, King Vidor signe déjà une grande ode à la solidarité, et un superbe chant d’amour à ses individus oubliés par la société. Mais Vidor n’est pas Ford. Sa vision à lui converge constamment vers l’idée de foule, comme dans son chef d’œuvre de 1928, et toujours en ancrage dans le contexte qu’il filme.

Il y a aussi parfois un peu de naïveté dans le cinéma de Vidor, en particulier dans cette décennie 1930. Mais cette naïveté est d’une pureté qui emporte tout : la beauté de celui qui ne peut s’empêcher de croire en l’être humain, tout en ayant conscience de ses limites et de ses faiblesses.

Le héros de Notre pain quotidien, car il y en a un quand même, est un chômeur pauvre mais bien marié, qui hérite d’une ferme abandonnée. Les deux amoureux n’y connaissent pas grand-chose à la terre, mais ils ont du cœur. Et ils ne tardent pas à ouvrir la porte à un fermier (John Qualen, qui sera aussi des Raisins…) chassé de ses terres avec sa famille, puis à d’autres laissés pour compte, jusqu’à créer une sorte de communauté idéale.

Vidor est sans doute un plus grand utopiste que Ford. C’est ainsi qu’il filme la foule : non pas comme une masse inhumaine et déshumanisante, mais comme une utopie, une accumulation de personnalités, qui trouve son apogée dans la séquence finale, magnifique et dramatique, et cette eau qui surgit du haut d’une colline pour irriguer le champ et le cœur des personnages.

Tout converge vers ce geste sublime et ultime, presque comme un programme social, politique et humain : la volonté de renverser l’ordre établi qui exclut tant de personnes, et qui a tant tendance à titiller les pires instincts de chacun. Mais l’humanité est la plus forte. Notre pain quotidien, film profondément américain par un certain évangélisme, est aussi et surtout une grande œuvre universelle qui continue à faire rêver d’un monde meilleur.

L’oiseau de paradis (The Bird of Paradise) – de King Vidor – 1932

Posté : 12 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

L'Oiseau de Paradis

King Vidor derrière la caméra, Dolores Del Rio et Joel McCrea devant… Franchement, il ne m’en faut pas plus pour faire mon bonheur, a priori. Et il fallait bien le talent du premier et le charisme des deux autres pour rendre attirante cette histoire qui semble franchement naïve et caricaturale : un marin en escale sur une île paumée dans le Pacifique tombe amoureux d’une jeune indigène destinée à être sacrifiée au fieu volcan… Voilà le genre d’histoires qu’on n’oserait plus filmer aujourd’hui.

Naïve et caricaturale sur le papier, cette histoire donne naissance à une imagerie naïve et caricaturale : un paradis où les indigènes vivraient de vin et de fêtes, à moitié nus en harmonie parfaite avec la nature. Mais cette imagerie cache une vérité plus complexe. Derrière ses aspects de conte exotique de carte postale, le film est finalement très amer.

King Vidor, grand formaliste et grand cinéaste social, fait partie de ces réalisateurs tournés vers les autres, vers ceux qui ne sont pas dans la norme hollywoodienne. Il n’est sans doute pas le grand cinéaste ethnologue que fut Julien Duvivier, ou que sera d’une certaine manière (et par intermittence) John Huston. Mais quand même… Un autre que lui se serait sans doute contenté de cette imagerie de roman photo qu’on image très en vogue à l’époque, où l’exotisme et le grand spectacle faisaient bon ménage (King Kong, c’est l’année suivante).

Vidor est un homme de studio : il fait ce qu’on attend de lui en filmant Dolores Del Rio (superbe et le maquillage impeccable) et Joel McCrea (athlétique et bronzé comme tout bon Californien de cinéma). Mais leurs personnages ont du poids, et leur histoire d’amour porte en elle le choc des mondes, cette barrière infranchissable de la langue et de la culture sur laquelle la romance est basée. Avec cette vérité, Vidor ne triche pas. Et son film, tout en flirtant constamment avec les clichés les plus éculés, impose un ton sombre et désabusé, assez précieux.

Le Rebelle (The Fountainhead) – de King Vidor – 1949

Posté : 11 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, COOPER Gary, VIDOR King | Pas de commentaires »

Le Rebelle

Du roman d’Ayn Rand, énorme succès lors de sa sortie six ans plus tôt, King Vidor tire un grand film aussi simple en apparence qu’ambitieux sur le fond. Une allégorie, en fait, dont la construction ne doit rien au réalisme, et tout à la signification. Tout un symbole, Gary Cooper, créateur qui semble d’une froideur à toute épreuve : un pur, incorruptible, imperméable à toutes les pressions, toutes les concessions, tout ce qui n’est pas son art et sa vision propre de l’art. Un individu absolu.

The Fountainhead est un beau film sur la création, sur l’art, sur la conviction et sur l’honnêteté intellectuelle. C’est aussi, et surtout, un film sur l’individu face à la foule, un thème que connaît bien Vidor, le réalisateur de l’immense La Foule bien des années plus tôt. Tout dans ce film converge vers ce thème. Les facilités de l’intrigue, ces rencontres impromptues si improbables à travers New York et les Etats-Unis qui ponctuent la relation si complexe entre Cooper et Patricia Neal tournent ouvertement le dos à la vraisemblance. Comme la détermination jusqu’au-boutiste du héros, cette manière qu’il a d’aller au procès sans une goutte de sueur, ou de se dresser au sommet du gratte-ciel, tel qu’il doit être, tout simplement.

Le film est remarquablement construit, ce qui est le moins quand il est question d’architectes. Il est direct, passionnant, riche en rebondissements, et simple. Mais d’une richesse qui ne cesse de surprendre par la justesse et la profondeur qui s’en dégage. En faisant fi de la vraisemblance, Vidor n’hésite pas à forcer le trait, faisant de la « foule » une bête sans visage et sans volonté propre, une force qui terrasse tout, sans sentiment.

Il flirte dangereusement avec l’anticommunisme primaire, fait craindre le pire dans cette direction. Mais non. En confrontant l’architecte Cooper à ses détracteurs, à ceux qui lui reprochent son droit d’être unique, et qui s’interrogent sur l’utilité d’un homme qui ne répond pas aux attentes de la foule, le film dézingue tout système niant l’individu, ici ou là, sans notion géopolitique. Une allégorie, une fable presque, d’une beauté radicale.

La Citadelle (The Citadel) – de King Vidor – 1938

Posté : 10 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

La Citadelle

King Vidor pose sa pierre pour les Dossiers de l’écran avec cette ode assez didactique à la grandeur du serment d’Hippocrate, adaptation d’un roman d’A.J. Cronin, spécialiste du mélo médical, très en vogue pendant quelques décennies au milieu du siècle dernier. C’est parfois très beau, parce que Vidor est quand même un cinéaste immense. C’est aussi, parfois, un peu difficile à avaler.

Le récit est ambitieux : destin d’un jeune médecin novice venu d’Ecosse, qui découvre le métier de la manière la plus radicale qui soit, exploité par le médecin titulaire d’un village de mineur au Pays de Galles, avant d’essuyer quelques déconvenues, puis de gravir les échelons en ravalant ses ambitions humanistes. Récit ambitieux, qui aurait mérité un scénario plus maîtrisé que cette succession de tranches de vie qui manche d’un liant.

Indépendamment l’une de l’autre, chacune de ces tranches de vie est passionnante. La première partie du film surtout, superbe peinture d’un microcosme de mineurs, à laquelle Vidor apporte son talent pictural et sa capacité à donner corps à des atmosphères. La première image du jeune médecin débarquant dans cette gare balayée par la pluie rappelle par ailleurs que Vidor fut l’un des très grands cinéastes du muet.

La suite est à l’avenant dans cette cité ouvrière de studio d’où émerge une vérité tellement marquante, qui annonce avec quelques petites années d’avance le How green was my valley de Ford. On retrouve le même mélange de gravité (l’accident au fond de la mine) et de candeur (la demande en mariage, l’une des plus innocentes et touchantes qui soit).

Ce monde de la mine n’est pourtant pas le cœur du film. Hélas. The Citadel raconte un pan de l’histoire de la médecine moderne, dénonçant au passage les pratiques de praticiens qui sont davantage des notables jouisseurs que des médecins au service de leurs patients. Pas sûr que Vidor soit l’homme idéal pour un tel thème, qu’il aborde avec un peu de grandiloquence, et de maladresse.

On l’a aussi connu plus inspiré dans la direction d’acteur. Robert Donat en fait beaucoup, Rosaling Russel n’a pas l’occasion d’en faire assez… Quelques très beaux moments, quand même, tirent le film vers le haut. Un joyeux « attentat » contre un égout putride, toutes les scènes dans le restaurant italien, la découverte du microscope… Là, Vidor laisse éclater son génie, et l’émotion jaillit de petits riens. Mineur, tout de même, dans sa filmographie.

La Garce (Beyond the forest) – de King Vidor – 1949

Posté : 3 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, VIDOR King | Pas de commentaires »

La Garce

Un rôle taillé pour Bette Davis : une superbe salope, une femme aigrie, manipulatrice, calculatrice… et pourtant si humaine. La Garce, film méconnu du grand King Vidor, doit beaucoup à l’interprétation de l’actrice, qui sait plus que toutes ses consœurs ne pas se mettre en valeur, donner à son visage une dureté, une méchanceté même qui la rendent par moments ouvertement laide.

Elle est pourtant sexy, étonnamment plantureuse même, dans ce rôle de provinciale qui étouffe à trop rêver d’ailleurs : de la grande ville, de la fortune, d’une vie facile. Décolletés plongeant sur une peau mate et moite, longs cheveux d’un noir profond, elle renouvelle une fois encore son emploi de garce, dont on découvre la duplicité dès les premières minutes.

Une femme mesquine qui étouffe dans une ville trop provinciale pour elle. On se dit qu’on a déjà vu ça cent fois. Mais Vidor est aux manettes, et il nous surprend dès les premières images, succession de plans nous dévoilant le décor, une ville sans charme et totalement déserte, dominée par les hauts fourneaux d’une scierie dont les bruits en arrière-plan semblent renforcer la chaleur accablante.

Une voix off présente les lieux, le personnage principal, Rosa, que l’on découvre… sur le banc des accusés d’un procès pour meurtre, auquel toute la ville assiste. Puis un long flash-back, et plusieurs hommes (dont le mari, impeccable Joseph Cotten), dont on se demande lequel sera la victime. Dans la construction du récit comme dans l’atmosphère de cette petite ville industrielle, le film surprend et séduit. Mais c’est bien le personnage de Bette Davis qui lui donne son poids.

Détestable, odieuse… et pourtant touchante, tant elle est pathétique quand, enfin, elle se rend en ville, et s’en trouve cruellement rejetée : par l’homme qu’elle croit être sa porte de sortie, par ses secrétaires, les gens qu’elle croise, et même ce bar dans lequel elle cherche un abri. Interdit aux femmes non accompagnées… La manière dont Bette Davis sort de ce bar, les épaules basses, est bouleversante.

Rien ne la rachète, pourtant. Mais King Vidor n’accable pas. Le scénario s’en charge. Lui préfère filmer sa chute inexorable, ce rêve qui explose en vol. Bette Davis est superbe dans le rôle de cette femme dont la jeunesse s’effrite (l’actrice a dépassé la quarantaine, et paraît dix ans de plus dans certaines scènes) et qui se noie dans cette vie d’attente frustrée. Grand numéro d’actrice, dans un film à redécouvrir.

Le Champion (The Champ) – de King Vidor – 1931

Posté : 25 février, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

Le Champion Vidor

Grand cinéaste du muet (immense, même), Vidor fait partie de ces rares réalisateurs dont le passage au parlant n’a absolument pas remis en cause ni l’excellence, ni l’ambition formelle. Ce Champion est certes plus convenu que son premier talkie Hallelujah, dans les thèmes abordés comme dans l’ampleur de la mise en scène, mais Vidor fait de ce drame bien dans la veine de Frances Marion un beau moment de cinéma, où le geste dépasse de loin le propos.

C’est flagrant dès la première scène, toute simple. Wallace Beery, ex-champion de boxe qui reprend l’entraînement, que l’on découvre faisant un footing derrière une voiture fatiguée, accompagné par son fils, Jacky Cooper. Rien de plus, pas d’enjeu dramatique fort. Mais cette simple scène dit déjà tout des rapports père/fils au cœur du film, et de l’approche du réalisateur, qui associe mouvement et sentiment dans un superbe travelling, pas si courant dans ces premières années du cinéma parlant.

Non, The Champ n’est pas un très grand Vidor. L’émotion a beau être grande, on sent la production taillée pour Wallace Beery, acteur sympathique et touchant (qui obtient l’Oscar pour ce rôle), mais au registre bien calibré. Et Frances Marion est une scénariste qui n’hésite jamais à rajouter des violons bien grinçants. L’histoire de ce garçon tiraillé entre son père et sa mère, le premier vivant pauvrement mais intensément, la seconde menant une vie de grande bourgeoise, n’est pas la plus délicate du monde. Mais on marche.

Comme on fond devant les larmes de Jacky Cooper, devant la culpabilité de Wallace Beery qui ne cesse de perdre au jeu le cheval de son fils, et devant l’aspect éphémère flagrant de ce paradis de l’enfance, dénué des règles habituelles de la société. Un Vidor mineur, mais diablement attachant.

Scène de la rue (Street Scene) – de King Vidor – 1931

Posté : 24 février, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, SIDNEY Sylvia, VIDOR King | Pas de commentaires »

Scène de la rue

Un quartier populaire de New York, un été caniculaire… La caméra de King Vidor ne quitte jamais le perron d’un immeuble modeste, où les locataires se croisent, papotent, cancanent, ou se déchirent, dans cette adaptation d’une pièce à succès d’Elmer Price, Prix Pulitzer en 1929.

Street Scene n’échappe d’ailleurs pas à l’aspect théâtral de l’entreprise, avec sa stricte unité de lieu et de temps : trois scènes clairement définies, entrecoupées par des ellipses fortes en tension dramatique ; l’une laissant en suspens le destin d’une femme sur le point d’accoucher ; l’autre celui d’une autre femme gravement blessée.

King Vidor, grand cinéaste du mouvement et de la foule, relève un vrai défi avec ce dispositif théâtral qui se concentre sur un décor de quelques mètres carrés seulement, avec beaucoup d’enjeux hors champs. Il s’en tire avec les honneurs, même si on le sent contraint par ce parti-pris.

Mais il donne de la vie à cette petite communauté, bien servi par de beaux acteurs : Sylvia Sidney en jeune femme femme tragique et forte, Beulah Bondi en commère affreuse, John Qualen en brave concierge… Surtout, c’est dans les détails qu’on retrouve le talent du cinéaste : dans cette série de plans inauguraux qui rendent palpables la chaleur accablante, ou dans celle du premier « entracte » qui suggère la nuit qui passe, préfigurant les images de voisins dans Fenêtre sur cour, bien plus tard.

Mais c’est dans les deux scènes de foule que le réalisateur du bien nommé La Foule rappelle vraiment le grand cinéaste qu’il est : deux séquences où le drame attire les curieux, libère les passions morbides… et dont Vidor fait le cadre idéal pour isoler ses héros, comme prisonniers d’un environnement étouffant et mesquin.

Pas le chef d’œuvre de Vidor, non, mais un film intense et sensible, et ancré dans une réalisé sans concession, et sans illusion.

Hallelujah (id.) – de King Vidor – 1929

Posté : 20 février, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, VIDOR King | Pas de commentaires »

Hallelujah

Le chemin de la rédemption peut être long, l’histoire de Zeke le prouve (j’y reviens dans quelques lignes). Celui du cinéma parlant est en revanche immédiat pour King Vidor, grand cinéaste du muet qui s’approprie totalement les techniques du son dès 1929. Et il ne cherche pas la facilité, avec un drame ample et musical, tourné exclusivement (semble-t-il) en décors naturels, et avec des tas de comédiens et figurants.

OK, il triche : Hallelujah est considéré comme le tout premier film de l’histoire entièrement postsynchronisé. Mais qu’importe, puisque la démarche porte ses fruits : jamais cette postsynchronisation ne remet en cause le naturel et la fluidité de la mise en scène.

Hallelujah flirte constamment avec le mauvais goût. Ses acteurs (tous afro-américains, c’est une quasi-première pour un film hollywoodien) sont pour certains particulièrement emphatiques, visiblement amateurs ou marqués par le langage muet ou théâtral. Comme le titre l’annonce, la notion religieuse et rédemptrice est très présente. On découvre cette famille de noirs dans leur champ de coton, heureux de travailler sous le soleil… Bref, tout ça sent la caricature datée à plein nez.

Pourtant, King Vidor signe un film passionnant, certes pas entièrement tenu, mais riche, généreux, enthousiasmant, et plein de moments extraordinaires.

Zeke, donc, l’aîné d’une famille de noirs du Sud profond, bon gars, toujours la chanson aux lèvres, mais qui dilapide les cent dollars que sa famille a mis six mois de travail à réunir à cause d’une jeune femme belle et vénéneuse. Quand il comprend qu’il s’est fait avoir par la belle et son mac, il perd la tête, sort son arme, tire un peu à l’aveugle, et tue son propre frère… Ravagé, il devient prêcheur. La belle le suit, semble se racheter, mais le chemin de la rédemption est VRAIMENT très long.

Dans les mains d’un tâcheron, le film aurait viré au prêchi-prêcha musical écœurant. Vidor a ce talent pour tirer du gigantisme (il y a là un nombre incroyable de figurants, dans quasiment toutes les scènes) une humanité et une intimité folles.

Prenons la grande scène de prêche, tournant du film. Tout le génie de Vidor est là. Dans sa manière de filmer Zeke, psalmodiant son prêche qui se transforme en chant (ça m’a fait penser à la narration du Chant de la fidèle Chun-Yang). Dans sa manière de créer une sorte de cocon par le mouvement de la foule elle-même. Dans sa manière enfin d’isoler les acteurs du drame par une série de plans de coupes isolés dans la foule.

L’image de Daniel L. Haynes (l’interprète de Zeke), visage hagard traversant la foule des fidèles bras levés pour suivre Nina Mae McKinney (Chick), l’incarnation de la tentation, est d’une force incroyable. Comme cette course poursuite dans les marécages, d’une puissance visuelle qui reste impressionnante. Le chemin de la rédemption est long, fort, et beau.

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