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Archive pour la catégorie 'RENOIR Jean'

LIVRE : Pierre-Auguste Renoir, mon père – de Jean Renoir – 1962

Posté : 17 novembre, 2023 @ 8:00 dans LIVRES, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

LIVRE Pierre-Auguste Renoir mon père

C’est la première fois qu’un livre consacré à un peintre a droit à une chronique sur ce blog entièrement dédié au cinéma. Et il y a une bonne raison à cela : cette biographie de Renoir est signée par son fils Jean, l’un de nos plus grands cinéastes, et aussi un écrivain à la plume personnelle et enthousiasmante.

Ses mémoires personnelles (Ma vie et mes films), lues il y a bien des années, m’avaient déjà laissé un fort souvenir. Ce livre qu’il consacré à son père, plus de quarante ans après sa mort, témoigne des mêmes qualités : acuité, précision, sens du détail… et de la digression. Parce que Jean Renoir est un homme chez qui on devine un esprit foisonnant.

Son livre est ainsi fait d’allers et retours constants. Une idée en entraîne une autre, sans la chasser. Ce récit d’une vie de peinture n’est au fond que digressions passionnantes, comme lente promenade qui laisserait constamment la place au hasard des découvertes, à la curiosité, et au temps long.

Jean Renoir fait aussi partie de ces cinéastes qui ont une voix. Au sens propre, comme d’autres passionnés comme Bertrand Tavernier. Comme lui, lire Renoir éveille instantanément le souvenir de sa voix et de son phrasé si particulier, de cet accent populaire dont il ne s’est jamais défait, et qui colle merveilleusement avec le portrait qu’il dresse de son père.

Au-delà du peintre, immense, Pierre-Auguste se révèle comme un homme droit, attaché à la simplicité et à la vérité des êtres et des choses. On le découvre avec le regard chargé d’amour d’un fils qui témoigne de ses propres souvenirs, et de ceux qu’il a récoltés directement auprès de l’intéressé, alors que lui était démobilisé suite à une blessure sur le front de la Grande Guerre, et que son père était diminué par la maladie.

Si ce livre a droit à une chronique sur ce blog dédié au 7e Art, ce n’est pas seulement parce qu’il écrit par un cinéaste, mais aussi parce que, au fond, il dit presque autant de Jean que de Pierre-Auguste. On y apprend beaucoup de détails passionnantes sur la vie de ce dernier, ses rencontres (avec Gounod notamment), ses amitiés (avec Monet surtout)… On y découvre aussi en creux les années fondatrices du premier, qui ne deviendra réalisateur qu’après la mort de son père.

C’est beau, et c’est plein de vie.

Toni – de Jean Renoir – 1935

Posté : 8 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Toni

A l’origine de Toni, il y a un faits divers qui s’est déroulé dans le Sud de la France, dont un commissaire de la région souhaitait faire l’objet d’un roman. De ses recherches, Jean Renoir a fait un film, produit par Marcel Pagnol, dans la région et avec l’équipe de ce dernier. Pourtant, c’est bel et bien un film qui porte la marque de Renoir.

Fidèle à sa fibre humaniste, Renoir met en scène des immigrés qui rêvent d’une vie meilleure, des modestes qui se heurtent à la tyrannie de petits baronnets locaux. La séquence d’ouverture est particulièrement parlante. Un immigré présent en France depuis plusieurs années y apostrophe un néo-immigré, lui assénant les règles à respecter dans « son » pays. Tout Renoir est là, dans ce dialogue plutôt léger : sa vision d’un monde dont les frontières sont psychologiques avant tout.

Cela dit, Toni est aussi une espèce de matrice à la fois du film noir américain et du néo-réalisme italien. Ce qui n’est pas rien. L’histoire, inspirée d’un fait divers, est donc tragique, ce que l’on sent dès les premières minutes. Surtout, le décor (une colline du Sud, avec sa mine et ses garrigues) évoque à la fois Le Dernier Tournant (première adaptation du Facteur sonne toujours deux fois) et Lumière d’été, soit deux grands films français des années suivantes. Mais avec une fibre sociale, et le tournage en décors naturels qui annonce un cinéma du réel qui deviendra un genre en soi deux décennies plus tard.

Toni est donc un film précurseur à plus d’un titre. Et même sous le patronage de Pagnol, c’est aussi et surtout un vrai film (et un grand film) de Renoir, qui signe un drame marqué par le poids de la société comme sa filmographie en est remplie. Comme souvent à cette période, la technique est hésitante (on rêverait de voir Toni dirigé par Renoir avec des moyens techniques plus conséquents) : la qualité du son est très discutable, et rend la compréhension de l’accent marseillais assez compliqué, et les raccords sont parfois approximatifs.

Mais il y a la beauté des images, la manière dont Renoir capte l’atmosphère, et la profondeur des personnages qui, en quelques grands traits qui semblent à peine esquissés, dégagent une vérité folle et déchirante. Toni, grande réussite de Renoir, est aussi l’un de ses grands films picturaux, qui recèlent tout l’héritage familial du cinéaste. Ce n’est pas rien.

Le Testament du docteur Cordellier – de Jean Renoir – 1959

Posté : 30 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1950-1959, FANTASTIQUE/SF, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Le Testament du docteur Cordellier

Avec Le Testament du docteur Cordellier, Jean Renoir est l’un des premiers à gommer la frontière entre la télévision et le cinéma. Très en avance sur son temps donc. Trop, sans doute. Le film est en tout cas tourné pour le cinéma, mais dans des studios et avec des dispositifs habituellement utilisés par la télévision. Plusieurs caméras sont notamment utilisés simultanément pour un tournage plus rapide où les dialogues sont filmés sans coupure, les caméras captant les réactions des uns et des autres.

Cette particularité explique l’étonnante ouverture du film, où l’on voit Jean Renoir lui-même (incarnant Jean Renoir lui-même) arrivant dans un studio télé pour y introduire face caméra l’histoire extraordinaire de Cordellier. On peut aussi préférer y voir une sorte d’hommage au dispositif littéraire cher aux romans horrifiques de la fin du XIXe siècle : le journal intime, qui place le narrateur au cœur de l’intrigue.

Ce n’est pas tout à fait le cas ici, bien sûr : Renoir se contente d’apparaître dans l’introduction. Mais la manière d’introduire plusieurs flash-backs au cours du film participent de ce procédé narratif associé à un pan de la littérature duquel Cordellier se réclame.

Parce qu’il s’agit bien d’une adaptation libre de Docteur Jekyll et Mister Hyde que signe Renoir. Une nouvelle variation sur ce thème en tout cas, qui n’apporte pas grand-chose au mythe, si ce n’est une interprétation brillante de Jean-Louis Barrault, sobre en Cordellier et réjouissant (et méconnaissable) en Opale, le double maléfique.

Il faut dire que son interprétation tranche radicalement avec celle des autres acteurs, qui semblent totalement livrés à eux-mêmes, surjouant avec beaucoup de grands gestes et de bruits des dialogues sentencieux et lourdement symboliques qui sonnent constamment faux. D’autant plus faux que le procédé technique utilisé par Renoir semble lui interdire de maîtriser le rythme de son film.

Quelques passages sont assez réussis : la plupart des scènes extérieures, tournées dans les rues de Paris, les errances nocturnes d’Opale, quoi que frôlant la parodie, sont joliment intenses. Mais tout ça sonne la plupart du temps franchement faux. Pas convaincu, pour le moins, par cette tentative dont on peut au moins reconnaître l’audace.

Madame Bovary – de Jean Renoir – 1933

Posté : 6 juin, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Madame Bovary Renoir

Emma a les rêves romantiques d’une jeune femme pleine d’illusions. Mais ces illusions vont se heurter aux conventions d’une petite ville de province, au quotidien d’un mariage sans amour, et à la médiocrité d’un mari qui n’est pas même un bon médecin…

Renoir qui s’attaque au roman de Flaubert, voilà qui est plutôt excitant. C’est donc plein d’illusions que je découvre cette adaptation qui présente toutes les caractéristiques d’un classique. Eh bien comme Emma, mes illusions n’ont pas tardé à s’envoler. Joliment filmé, joliment interprété, mené sans fausse note. Un film propre. Et froid.

Bien sûr, on pourrait rétorquer que c’est la vie de madame Bovary qui manque de passion, quoi de plus normal donc que le film soit si froid. On pourrait ajouter que le film est à l’image de ce rôle de représentation qu’elle est constamment obligée de jouer… Mais : et la fièvre intérieure d’Emma dans tout ça ? Et cette envie si désespérée de vraiment vivre, qui la pousse à l’adultère ?

Renoir semble n’avoir retenu que l’image qu’Emma veut bien laisser apparaître en société, passant du coup à côté la richesse du personnage. Ou peut-être est-ce simplement là l’effet des coupes « von-stroheimiennes » qu’il a dû se résoudre à faire, réduisant son long métrage initial de trois heures trente à une version plus facilement exploitable d’une heure quarante.

Quoi qu’il en soit, cette adaptation d’une des grands romans classiques français par l’un des plus grands cinéastes français est un rendez-vous raté. Et c’est bien triste.

La Petite Marchande d’allumettes – de Jean Renoir – 1927

Posté : 4 juin, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

La Petite Marchande d'allumettes

Voilà sans doute le tout premier chef d’œuvre de Renoir. Jusqu’à présent, son œuvre muette m’avait toujours laissé au mieux dubitatif (Sur un air de charleston), au pire franchement déçu (Nana). Mais revoir cette adaptation du célèbre conte d’Andersen est un véritable émerveillement.

De l’histoire simple et tragique de cette pauvre jeune femme qui se laisse mourir de froid parce qu’elle est incapable de vendre ne serait-ce qu’une boîte d’allumettes, le jeune Renoir tire une sorte de leçon de cinéma, déchirante et impressionnante.

Impressionnant, de voir comment le jeune cinéaste, qui peut afficher une certaine nonchalance vis à vis de la pure technique, utilise ici toutes les possibilités qu’offre le langage cinématographique, dans un grand mouvement d’une beauté folle.

Dans la grande séquence d’hallucination, bien sûr, où la jeune femme qui se laisse glisser vers la mort s’imagine trouver sa place dans le monde féerique des jouets qu’un policier lui a montré à travers une vitrine. Typiquement le genre de séquences promises à un vieillissement prématuré, mais non… Ces pantins qui prennent vie, ce gros ours en peluche qui boit un thé chaud, et surtout cette extraordinaire chevauchée céleste… Tout ça est d’une beauté et d’une force incroyables.

Dans les séquences « réelles » aussi, Renoir utilise merveilleusement les artifices du cinéma : la maquette qui ouvre le film, les décors minimalistes de studio (juste un fond blanc, parfois), les transparences… Renoir utilise tous les « trucs » possibles, sans jamais jouer la carte du réalisme, mais en en tirant une vérité déchirante. Et en offrant au passage à sa muse Catherine Hessling (souvent agaçante dans d’autres films) ce qui est probablement son plus beau rôle.

On purge bébé – de Jean Renoir – 1931

Posté : 8 mai, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

On purge bébé

Premier film parlant de Renoir, qui laisse aller son amour du théâtre, cet amour que l’on retrouvera régulièrement, de French Cancan à son testamentaire Petit Théâtre…. Ici, c’est une adaptation très simple et très linéaire de la célèbre comédie de Feydeau, comédie pleine de rythme qui permet de voir très vite la limite de l’exercice, pour Renoir. Car le rythme, ici, est parfois très approximatif. Dans la première partie, surtout, où les dialogues semblent toujours avoir une ou deux secondes de retard.

Ça s’arrange par la suite, et on prend même un plaisir grandissant à voir ces deux époux hystériques s’engueuler devant leur invité pour savoir qui des deux va se taper la corvée de purger leur fils, sale gosse qui, ce matin, « n’y est pas allé ». Manière étonnante d’éluder le mot chier, caca ou toilettes, dans un film qui, au fond, ne parle que de ça, ne faire rire qu’autour de ça.

Jacques Louvigny nous amuse avec ses grands gestes excédés et ses certitudes constamment mises à mal (le peau de chambre incassable… qui se casse et son réjouissant « Et voilà »). Marguerite Pierry est très bien en insupportable mère de famille dénuée de toute pudeur, qui se balade en robe de chambre un seau d’eaux de toilettes à la main. Fernandel apparaît deux minutes dans le rôle inattendu d’un amant. Et surtout, il y a Michel Simon dans le rôle de l’invité malencontreux, et c’est une nouvelle occasion de constater l’ampleur de son talent.

Qu’il cabotine ou qu’il reste en retrait, observant le « drame familial », il est d’une justesse confondante. Il est aussi le premier intérêt d’On purge bébé, sympathique petite chose qui semble quand même bien mineure par rapport aux grands films qui vont suivre, notamment La Chienne et Boudu sauvé des eaux, pour lesquels il donnera à Michel Simon des rôles autrement plus riches.

Sur un air de Charleston – de Jean Renoir – 1927

Posté : 6 mai, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, COURTS MÉTRAGES, FANTASTIQUE/SF, FILMS MUETS, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Sur un air de Charleston

Comme le titre ne le souligne pas, Sur un air de Charleston est un film muet. Et comme le titre ne le souligne pas non plus, c’est un film de science-fiction. Enfin à peu près. Sur le principe en tout cas : on est en 2028, « quelques années après la prochaine guerre » annonce un intertitre pas très visionnaire. Le film, c’est vrai, est bien moins pertinent dans sa représentation du futur que dans ce qu’il dit de l’époque où il est tourné.

C’est toujours intéressant de découvrir un film de jeunesse d’un grand cinéaste. Celui-ci est signé Jean Renoir, alors on s’y engage avec un certain enthousiasme, qui se heurte vite à une interrogation : qui donc a imaginé ça ? Le délire qui se dégage de ce film m’a en tout cas laissé franchement sur le bord de la route. Ce n’est pas encore ici que l’œuvre muette de Renoir va être réévaluée sur ce blog.

Nous sommes donc dans un futur où l’Europe est en partie recouverte par la glace, et où la civilisation la plus avancée se trouve en Afrique. Un explorateur (noir, donc, mais joué par un blanc maquillé très outrancièrement en noir, comme c’était de bon ton à l’époque) s’envole dans une sphère (pas très aérodynamique, au passage) et atterrit dans un Paris retourné à l’état sauvage. Pas de grands effets ici : on se contente d’un plan sur une tour Eiffel pliée en deux et du décor unique d’une rue abandonnée où se passe toute l’action.

Là, l’explorateur tombe sur une jeune femme très dévêtue (Catherine Hessling, la muse de Renoir fils comme elle a été celle de Renoir père), qui tue le temps en jouant avec un grand singe (un acteur recouvert d’un costume très approximatif) et en dansant le charleston. Que l’explorateur, qui craint d’être mangé par l’autochtone, découvre avec passion et décide d’importer dans son Afrique.

Vous saisissez l’inversion des valeurs ? L’Europe devient une terre de curiosité pour la très civilisée Afrique… Mouais. Curieux projet que ce film de jeunesse, qui dure à peine vingt-cinq minutes dont la moitié consacrée à un court de danse charleston. Oui, dans un film muet. Toute la gageure repose alors sur la capacité qu’a Renoir d’accrocher l’attention en filmant deux personnes se déhanchant. Il s’y essaye en multipliant les ralentis sur sa muse, dont le charme insolent a mal passé l’épreuve du temps.

Content de l’avoir vu, dirons-nous…

La Marseillaise – de Jean Renoir – 1938

Posté : 9 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

La Marseillaise

C’est peut-être le plus inattendu des projets de Renoir, au moins sur le papier : le cinéaste des Bas-Fonds et de La Grande Illusion (ses deux précédents films) qui signe une fresque en costumes sur la Révolution française. Etrange. La Marseillaise fait effectivement un peu l’effet d’intrus dans une série exceptionnelle de chefs d’œuvre (La Bête humaine et La Règle du Jeu suivront), mais le résultat est bel et bien une œuvre très personnelle.

Loin de la fresque en costumes telle qu’on se l’imagine, en fait. La construction, succession de moments plus ou moins clés de la Révolution, paraît classique, mais Renoir est, définitivement, l’anti-Eisenstein par excellence. Son film (son récit plutôt, comme il l’annonce dans les cartons qui ouvrent et ferment le film) suit certes le souffle de l’époque, mais il ne s’intéresse au fond qu’aux individus.

La prise de la Bastille, qui ouvre le film, est un bon exemple : avec de tels moyens, n’importe quel cinéaste aurait reconstitué l’événement. Lui n’en montre rien, si ce n’est la faible réaction d’un Louis XVI (joué par son frère Pierre Renoir) trop occupé à calmer une fringale d’après partie de chasse. Jusqu’aux Tuileries, deux heures ou quelques années plus tard, Renoir ne se départira jamais de ce credo : filmer les hommes et les femmes. C’est par leurs regards, leurs réactions, leurs sentiments, que se raconte et que se fabrique l’Histoire.

Ce choix de rester au plus près de l’humain, Renoir l’assume pleinement, évitant consciencieusement d’adopter un ton grandiloquent, ou trop spectaculaire. Souvent, l’action se passe à l’arrière plan, telles ces volutes de fumée que voient au loin quelques-uns des personnages principaux reclus dans leur montagne, dans les hauteurs de Marseille. Eisenstein filmait la foule, Renoir, lui, filme des êtres humains, dont chacun à sa propre humanité.

Film personnel, dans lequel on retrouve la vision des rapports humains chère à l’auteur de La Grande Illusion. Cette camaraderie qui dépasse la couleur de l’uniforme, les hasards de la naissance, le poids des traditions… Le film est tourné quelques mois après le Front Populaire, et il n’est évidemment question que de ça dans La Marseillaise, que Renoir reconnaissait avoir tourné parce que c’était la période qui se rapprochait le plus de ce que les Français venaient de vivre.

Il livre un regard enthousiaste, plein d’espoirs mais pas dupes : une sorte de rêve d’universalité et d’émancipation qui se heurte à la violence du monde et des hommes, et aux dérives des rêveurs. Son film flirte par moments avec la naïveté, et on se demande même s’il ne va pas allégrement tordre la vérité historique pour mieux parler de 1936. Jusqu’à la conclusion des Tuileries et l’apparition du personnage de Louis Jouvet qui, avec amertume et gravité, annonce les heures sombres de la Terreur.

Les Bas-fonds – de Jean Renoir – 1936

Posté : 25 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, GABIN Jean, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Les Bas-Fonds

Jean Renoir adapte la pièce de Maxime Gorki, une plongée dans les bas-fonds de la ville où se croisent plusieurs personnages vivant dans la misère la plus crasseuse, en marginaux. Mais c’est du côté de Chaplin que Renoir trouve visiblement son inspiration. Chaplin, autre cinéaste humaniste, dont il vise l’aspect universel. S’il n’y avait la consonance russe des noms et l’utilisation des roubles, l’histoire pourrait se passer n’importe où dans le monde. Gabin, si français, est ici un laissé pour compte plein de vie qui pourrait être né ici ou ailleurs…

Renoir revendique cette familiarité avec l’univers de Chaplin, ce refus du patriotisme ou du sectarisme. La preuve : la toute dernière image du film cite ouvertement Les Temps Modernes, sorti quelques mois plus tôt. Entre les deux films, il y a une vraie familiarité, une manière d’esquisser les grands troubles de l’époque à travers les destins de deux êtres à qui la vie ne fait pas de cadeau, sans rien aseptiser des rudesses de la vie, mais en gardant un appétit de vivre, et un vrai optimisme.

Autre point commun : ce sont deux chefs d’œuvre. Renoir évite le piège du théâtre filmé et plonge dans son décor crasseux par de grands mouvements de caméra, amples et intimes, qui nous donnent le sentiment de nous enfoncer dans ces caves poussiéreuses, ces chambres minables, et de côtoyer des femmes et des hommes dignes (cet aristocrate déchu interprété par Louis Jouvet), pathétiques (Robert Le Vigan en comédien alcoolique), mesquins (Suzy Prim en propriétaire manipulatrice), odieux (Vladimir Sokoloff en vieux receleur) ou purs (Junie Astor et Jean Gabin en couple tragique)…

Le film est beau, et puissant. C’est aussi l’unique rencontre de Louis Jouvet et Jean Gabin, peut-être les deux plus grands acteurs du cinéma français. Deux acteurs aux styles très différents : Jouvet le grand Stradivarius de composition, Gabin et son jeu naturel d’une modernité sidérante… Leur rencontre si improbable fait des étincelles : il s’en dégage une alchimie, et une énergie, rares.

Vivre libre (This land is mine) – de Jean Renoir – 1943

Posté : 22 avril, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, O'HARA Maureen, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Vivre libre

De sa décennie américaine (six longs métrages, au bas mot intéressants), Vivre libre représente sa participation à l’effort de guerre, pour Jean Renoir : un film tourné pour soutenir le moral des pays occupés, et valoriser les actes de résistance que l’occupant présente comme des actes de terrorisme.

C’est un genre en soi, ces années-là à Hollywood, et forcément pas le plus personnel des films pour Renoir, dont le nom n’a sans doute jamais été aussi discret au générique, ce qui n’est sans doute pas anodin. Renoir est, pour le coup, un réalisateur au service du studio, et du message.

Pas que le film soit inintéressant, d’ailleurs. Renoir y glisse même sa vision humaniste : celle de La Grande Illusion par moments, ce refus de verser dans un manichéisme trop facile. Renoir ne croit pas en cet héroïsme va-t-en-guerre. Le film met en scène des personnages qui s’accomplissent dans le fait d’être simplement honnêtes vis à vis de ce qu’ils sont vraiment.

Pour un film de propagande, Vivre Libre se révèle d’ailleurs franchement plombant, tant il évite cette note d’héroïsme magnifique qui peuple le cinéma hollywoodien. Choisir Charles Laughton pour jouer le rôle principal veut dire quelque chose : vieux garçon dominé par une mère castratrice, trop conscient d’être un lâche, pas même capable d’avouer son amour à Maureen O’Hara (d’autres que lui hésiteraient, c’est vrai)…

L’histoire se passe dans l’Europe occupée, sans que le pays soit clairement identifié. Et sans que le film en rajoute sur les exactions et les actes de terreur, il est question de liberté, de libre arbitre, de la difficulté d’être en accord avec soi-même, de survivants rongés par la culpabilités ou de condamnés moralement libérés…

Renoir, pour son deuxième film américain, se plie plutôt bien au style d’Hollywood, signant quelques belles scènes très américaines dans leur manière de filmer l’Europe : une poursuite sur les toits notamment, ou une scène tragique et haletante dans un dépôt de trains… Pas le Renoir le plus personnel, c’est sûr, mais un Renoir passionnant, tout de même.

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