Espion(s) – de Nicolas Saada – 2008
Espion(s) évoque Möbius, que tournera Eric Rochant quelques années plus tard : un espion (malgré lui, ici) utilise une femme dont il finit par tomber amoureux, sur le modèle du chef d’œuvre d’Hitchcock Les Enchaînés. Mais les choix de Nicolas Saada sont radicalement différents de ceux de Rochant : à l’hyper complexité et aux intrigues à tiroirs infinis qui soulignent la paranoïa du monde de l’espionnage, le film de Saada préfère une approche plus frontale et simple.
L’intrigue et les rebondissements, d’ailleurs, peuvent paraître simplistes. Petit bagagiste vaguement malhonnête, le personnage de Guillaume Canet est recruté par la DST en cinq minutes montre en main, et sa plongée dans l’univers du terrorisme se fait sans le moindre faux pas. Tout en se basant sur des événements bien réels (les attentats de Londres, dont Saada donne une version épurée absolument glaçante), Espion(s) est un pur film de genre. Un vrai film d’espionnage où le contexte géopolitique compte moins que le suspense et l’émotion.
On ne s’en plaindra pas : sans être aveugle au monde, le film est avant tout basé sur ses personnages, plongé dans un monde qu’ils ne maîtrisent pas et qui les dévore. Canet, en jeune frondeur sans attache et sans guère de morale, est parfait, au côté notamment des « maîtres espions Hippolyte Girardot et Stephen Rea. Mais c’est surtout Géraldine Pailhas qui marque le film de sa présence.
Belle et gracile, l’actrice est ici d’une fragilité bouleversante, femme brisée que l’on sent à deux doigts de se perdre définitivement. La manière dont elle s’abandonne dans les bras de ce jeune homme qui lui redonne goût à la vie est d’une émotion incroyable. Celle avec laquelle, pressentant le cataclysme que Canet est sur le point de lui révéler, elle lui murmure « ménage moi » le regard implorant, est absolument déchirant.